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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16248 | 11 septembre 2025
Partis politiques et démocratie
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Projet de
résolution 
(open)1. La démocratie en Europe est
en danger. Partout sur le continent, le recul de la démocratie se
poursuit, marqué par l'érosion des freins et contrepoids institutionnels,
les restrictions à la liberté des médias, la désinformation et les
ingérences étrangères. Il se manifeste par une baisse de la participation
politique, un affaiblissement de la confiance du public et une polarisation
croissante, qui, ensemble, érodent la résilience des systèmes démocratiques.
Les partis politiques sont au cœur de cette crise. Des partis forts,
réactifs et inclusifs sont non seulement essentiels à une représentation
politique saine, mais aussi indispensables pour faire face à ces
menaces et préserver la démocratie.
2. L'Assemblée parlementaire estime que les partis politiques
sont la pierre angulaire de la démocratie représentative. Ils sont
l'élément clé de la compétition électorale, expriment et regroupent
les préférences des citoyen·nes, canalisent les demandes vers les
institutions politiques, facilitent la formation d'un gouvernement démocratique
et permettent une alternance pacifique du pouvoir. Sans partis politiques,
le pluralisme ne peut être représenté de manière significative et
les parlements ne peuvent fonctionner efficacement.
3. L'Assemblée considère que les partis politiques, lorsqu'ils
respectent les normes démocratiques, favorisent une concurrence
ouverte et agissent de manière transparente, sont non seulement
les garants de la représentation, mais aussi les agents les plus
efficaces du renouveau démocratique en Europe.
4. Les partis politiques jouent un rôle fondamental au-delà des
processus électoraux. Ils servent d'institutions permanentes d'éducation
démocratique, de socialisation et de négociation. En recrutant des dirigeants
politiques, en favorisant les compétences civiques et en transmettant
les valeurs démocratiques d'une génération à l'autre, ils établissent
et maintiennent la confiance et la légitimité dont dépendent les démocraties
résilientes. Ils sont particulièrement bien placés pour offrir des
plateformes structurées de dialogue et de délibération, pour servir
de médiateurs entre divers groupes sociaux et pour transformer des intérêts
concurrents en un programme cohérent pour le gouvernement.
5. L'Assemblée observe toutefois que les partis politiques de
nombreux États membres du Conseil de l'Europe sont confrontés à
des défis de taille. Le déclin à long terme du nombre d'adhérents
et de la participation active, combiné à une volatilité électorale
accrue, indiquent un affaiblissement des formes traditionnelles
d'attachement politique. Les sondages d'opinion montrent systématiquement
que les partis politiques font partie des institutions auxquelles
on fait le moins confiance, de nombreux citoyen·nes les associant
à l'élitisme, à l'intérêt personnel ou à la corruption.
6. L'érosion de la confiance a de graves conséquences. Elle alimente
l'apathie politique, le sentiment anti-partis et la montée des mouvements
anti-establishment. La polarisation et l'impasse politique résultent
souvent de l'incapacité ou du refus des partis à établir un consensus.
Lorsque les partis ne parviennent pas à jouer leur rôle de ponts
de confiance au sein de la société, ou sont perçus comme insensibles
aux préoccupations et aux besoins des citoyen·nes, la démocratie
risque de devenir dysfonctionnelle.
7. Ces défis s'inscrivent dans un contexte plus large de recul
de la démocratie en Europe, de pressions géopolitiques et de tentatives
persistantes d'ingérence étrangère visant à déstabiliser les démocraties.
À une époque où la confiance du public dans les institutions est
fragile, les partis politiques ont une responsabilité particulière
dans la sauvegarde de la cohésion et de la stabilité démocratiques.
Leur engagement le plus fondamental doit être de défendre les principes
fondamentaux de la démocratie, notamment des élections libres et
équitables, le respect du pluralisme et la protection des libertés
fondamentales.
8. Dans l'exercice de son mandat politique, l'Assemblée a toujours
accordé une attention particulière à l'état de la démocratie et
aux institutions qui la soutiennent. Elle se félicite de l'appel
lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en faveur
d'un Nouveau Pacte Démocratique pour l'Europe et souligne que les partis
politiques sont un moteur essentiel du renouveau démocratique.
9. Le Conseil de l'Europe, en particulier par l'intermédiaire
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), a fourni des orientations détaillées sur la réglementation
et le fonctionnement des partis politiques. Dans son «Code de bonne
conduite en matière de partis politiques» et dans de nombreux avis,
la Commission de Venise a souligné les principes fondamentaux de
transparence, d'équité, de pluralisme et de démocratie interne.
Ces normes affirment que les partis politiques doivent pouvoir fonctionner
librement et de manière indépendante, tout en restant responsables
et respectueux des normes démocratiques.
10. L'Assemblée considère que ces principes restent indispensables
pour restaurer la confiance des citoyen·nes dans les partis politiques
à travers l'Europe, et c'est dans ce cadre qu'elle cherche à encourager la
poursuite de la modernisation, de l'innovation et de l'engagement
des citoyen·nes dans la vie des partis.
11. En renforçant l'adhésion inclusive, la prise de décision participative
et la communication politique éthique, les partis politiques peuvent
reconnecter les citoyen·nes aux institutions politiques et restaurer
la confiance dans la démocratie représentative. Loin d'être obsolètes,
les partis peuvent être les acteurs centraux pour lutter contre
le recul de la démocratie, rétablir la confiance et favoriser une
culture démocratique adaptée aux défis contemporains.
12. À la lumière de ces considérations, l'Assemblée souligne que
la confiance doit être un principe directeur de toute réforme des
partis et invite les partis politiques des États membres du Conseil
de l'Europe à démontrer activement leur intégrité, leur responsabilité
et leur réactivité face aux attentes des citoyen·nes afin de renforcer
leur rôle de piliers à la fois des démocraties résilientes et de
la sécurité démocratique en Europe.
13. L’Assemblée invite les partis politiques à renouer le contact
avec les citoyen·nes afin de répondre à leurs attente, en plaçant
la justice sociale et l'égalité au cœur de leurs programmes, en
veillant à ce que les politiques apportent des améliorations mesurables
en matière de niveau de vie, d'accès à des soins de santé de qualité, d'éducation,
de logement et d'emploi décent
14. En ce qui concerne le renforcement du lien de représentation
avec les citoyen·nes, l'Assemblée encourage les partis politiques
à élargir et à approfondir les possibilités de participation politique:
14.1. en développant des voies d'engagement
accessibles et flexibles;
14.2. en adoptant des mécanismes transparents et participatifs
pour la sélection des dirigeant·es et des candidat·es;
14.3. en renforçant les structures intermédiaires, notamment
les sections locales, les organisations affiliées, les syndicats
et les plateformes de la société civile, afin de garantir que les
points de vue des citoyen·nes puissent éclairer et façonner l'orientation
des partis;
14.4. en renforçant et maintenant les forums internes de délibération
afin de favoriser le dialogue, la réflexion et la recherche de consensus
entre les membres et les sympathisant·es.
15. Afin de lutter contre les problèmes de sous-représentation,
l'Assemblée exhorte les partis politiques à adopter des stratégies
concrètes en faveur de l'inclusion:
15.1. en intégrant l'égalité de genre, la participation des
jeunes et la diversité dans les statuts, la vision et les plans
stratégiques des partis;
15.2. en établissant des objectifs mesurables, des cibles et
des mécanismes de responsabilisation afin d'améliorer les progrès
en matière d'équilibre entre les femmes et les hommes, de participation
des jeunes et de représentation des minorités et des groupes défavorisés;
15.3. en explorant l'application de procédures inclusives pour
la sélection des candidat·es et le recrutement des dirigeant·es,
telles que des mesures de parité, des quotas transparents ou d'autres mesures
visant à élargir la participation;
15.4. en garantissant la diversité dans les listes électorales
et les postes de direction grâce à des processus de sélection équitables
et transparents.
16. L'Assemblée invite en outre les partis politiques à promouvoir
la diversité et l'inclusion dans leur fonctionnement interne:
16.1. en développant des initiatives
de soutien et de renforcement des capacités pour les groupes sous-représentés;
16.2. en approuvant la Charte révisée des partis politiques
européens pour une société non raciste et inclusive;
16.3. en mettant en place des mécanismes visant à prévenir et
à sanctionner les discours de haine, l'incitation à la haine et
la discrimination de la part de leurs membres.
17. En ce qui concerne la sauvegarde de l'intégrité, l'Assemblée
invite les États membres du Conseil de l'Europe:
17.1. à mettre pleinement en œuvre
les recommandations du Groupe d'États contre la corruption (GRECO)
relatives au financement des partis politiques et des campagnes
électorales;
17.2. à réviser et renforcer les cadres nationaux régissant
les contributions financières aux partis politiques, à la publicité
et aux campagnes électorales afin d'atténuer le risque d'ingérence
financière étrangère inappropriée ou illicite;
17.3. à assurer un contrôle efficace et introduire des sanctions
claires contre les financements étrangers illicites.
18. L'Assemblée invite les partis politiques à renforcer leur
responsabilité interne:
18.1. en
adoptant des codes de conduite et des règles en matière de conflits
d'intérêts pour les responsables des partis;
18.2. en mettant en place des procédures disciplinaires transparentes
pour traiter les cas de comportement abusif;
18.3. en introduisant des règles claires en matière de lobbying
et de relations avec les donateurs afin de protéger les partis contre
toute influence indue.
19. En soulignant le rôle des partis politiques dans le maintien
de la culture démocratique, l'Assemblée:
19.1. invite les partis politiques à recentrer leur rôle en
tant que plateformes de dialogue entre les différentes couches sociales,
en favorisant le compromis et la cohésion;
19.2. encourage les partis politiques à offrir des espaces pour
l'éducation démocratique, le débat et l'engagement civique;
19.3. conformément à sa Résolution
2552 (2024) «Renforcer la démocratie par des processus participatifs
et délibératifs», invite les partis politiques à favoriser un engagement
civique plus solide grâce à des technologies délibératives et des
processus participatifs.
20. L'Assemblée recommande aux partis politiques d'exploiter les
outils et les innovations numériques de manière responsable:
20.1. en recourant à des consultations
en ligne, à des forums délibératifs et à des primaires numériques
transparentes afin d'élargir la participation citoyenne;
20.2. en s'engageant à mener des campagnes en ligne éthiques,
en évitant le microciblage manipulateur et en garantissant la divulgation
des publicités numériques;
20.3. en soutenant les initiatives en matière de culture numérique
afin d'aider les citoyen·nes à naviguer dans l'environnement informationnel.
21. En ce qui concerne ses propres travaux, l'Assemblée, notamment
par l'intermédiaire de son rapporteur général sur la démocratie,
décide:
21.1. de poursuivre ses actions
visant à renforcer la démocratie, à lutter contre son recul et à promouvoir
des pratiques innovantes afin de renforcer la confiance des citoyen·nes
dans les institutions démocratiques et leur participation à la prise
de décision politique;
21.2. de continuer à examiner, en coopération avec la Commission
de Venise, le Code de bonne conduite en matière de partis politiques
et les questions qui y sont soulevées, en vue de le développer davantage
si nécessaire.
B. Exposé des motifs par Mme Ingjerd Schie Schou, rapporteure
(open)1. Introduction
1. Partout en Europe, les partis
politiques sont confrontés à des défis croissants dans l'exercice
de leurs fonctions démocratiques. Le nombre de leurs adhérents a
diminué, le sentiment anti-partis est largement répandu et de nombreux
citoyens estiment que les partis n'ont pas réussi à apporter des
solutions convaincantes aux problèmes sociaux et économiques urgents.
En conséquence, le soutien à la démocratie représentative a diminué
et les critiques à l'égard de son fonctionnement se sont intensifiées
.

2. Cet affaiblissement du rôle d'ancrage des partis politiques
en tant que vecteurs de participation et de représentation démocratiques
s'est traduit par une baisse de la participation électorale dans
toute l'Europe, une volatilité électorale, une faible confiance
du public dans les partis, et une désillusion croissante chez les jeunes.
Un fossé s'est creusé avec le désengagement des citoyens ordinaires
de la vie politique traditionnelle, créant un climat propice à la
mobilisation anti-establishment, et aux forces qui cherchent à affaiblir
les institutions démocratiques.
3. Malgré ces difficultés, les partis politiques restent essentiels
au fonctionnement de la démocratie. Ils continuent de fournir le
cadre organisationnel du débat politique, sont le principal vecteur
de la compétition électorale et offrent aux citoyens un moyen de
voir leurs préférences et leurs intérêts mis en œuvre par le gouvernement
.
Dans le meilleur des cas, les partis contribuent à façonner l'opinion
publique, offrent un espace de négociation des divergences politiques
et canalisent les aspirations des citoyens vers une action collective.
En ce sens, les partis politiques restent l'institution centrale
qui relie les citoyens à l'État et garantit la légitimité de la
gouvernance démocratique.

4. Cette érosion de la fonction représentative des partis politiques
s'est produite dans le contexte d'une tendance générale au recul
de la démocratie, tant en Europe que dans le monde, qui se manifeste
par l'affaiblissement de l'indépendance judiciaire, les restrictions
à la liberté des médias, les remises en cause des freins et contrepoids
institutionnels, la multiplication des irrégularités électorales
et la montée d'un discours politique polarisant qui sape la cohésion
sociale. Ces signes avant-coureurs devraient nous rappeler que la démocratie
n'est pas garantie et qu'elle est visiblement en danger dans certains
États membres du Conseil de l'Europe. Ces défis ont été exacerbés
par des thèmes mondiaux tels que les conflits, l'impact perturbateur
des nouvelles technologies, les inégalités socio-économiques généralisées
et la propagation transnationale de la désinformation.
5. Le Conseil de l'Europe a réagi à ces évolutions par toute
une série d'instruments et d'initiatives. Il s'agit notamment de
travaux visant à renforcer les processus électoraux, à promouvoir
la transparence du financement politique, à développer et à tester
des outils participatifs pour la gouvernance locale, ainsi qu'à soutenir
les processus inclusifs et la société civile.
6. Toutefois, l'ampleur de la menace qui pesait sur les valeurs
démocratiques rendait nécessaire la poursuite des efforts. Le Secrétaire
Général du Conseil de l'Europe a appelé à la revitalisation des
démocraties et à un Nouveau Pacte Démocratique pour l'Europe afin
de lutter contre l'érosion des valeurs que le Conseil de l'Europe
promeut et protège
.

7. Bien que les partis politiques aient une influence décisive
sur la forme d'une démocratie et constituent un canal essentiel
par lequel les préférences des citoyens se traduisent en actions
législatives et gouvernementales, on a accordé relativement peu
d'attention au rôle et à la contribution potentiels des partis politiques
eux-mêmes dans la lutte contre le recul démocratique
et dans le renforcement
de la participation démocratique.

8. Le présent rapport s'appuie sur la Résolution 2552 (2024) de l'Assemblée intitulée «Renforcer la démocratie par
des processus participatifs et délibératifs», la Résolution 2615 (2025) «Promouvoir la participation inclusive dans la vie
parlementaire: égalité de genre, accessibilité et politiques inclusives»,
et la Résolution 2610
(2025) «Mobilisation sociale, troubles sociaux et réaction
de la police dans les États membres du Conseil de l’Europe: un nouveau
contrat social est-il nécessaire?» en cherchant à explorer comment
des partis politiques forts et solides peuvent agir comme des remparts
contre le recul démocratique, préserver le pluralisme institutionnel
et s'adapter aux défis contemporains tout en restant ouverts et
réactifs aux citoyens.
2. Portée du rapport
9. Le rapport s'appuie sur des
exemples provenant des États membres du Conseil de l'Europe, avec
pour objectif principal d'identifier les meilleures pratiques susceptibles
de renforcer la gouvernance démocratique. Sur cette base, il élabore
des recommandations pratiques pour la modernisation et l'amélioration
de l'engagement citoyen, tout en fournissant une base pour des mesures
visant à renforcer la réactivité et la responsabilité des partis
et la confiance du public à leur égard.
10. À cette fin, le rapport examine les structures internes, les
fonctions et les rôles sociétaux plus larges des partis politiques
afin d'évaluer leur efficacité dans le soutien à la gouvernance
démocratique. L'évaluation s'articule autour de thèmes clés, en
mettant l'accent sur la représentation, la réactivité, l'intégration,
l'intégrité, la transformation numérique et la communication.
11. Dans le cadre de la préparation du rapport, la commission
des questions politiques et de la démocratie tient à remercier le
professeur Thomas Poguntke pour sa participation à une audition
tenue en 2025 et pour ses précieuses observations sur l'évolution
du rôle des partis politiques dans les démocraties contemporaines, les
défis structurels auxquels ils sont confrontés et les possibilités
de renouveau grâce à la réforme institutionnelle et à l'engagement
citoyen.
12. Le Conseil de l'Europe fournit depuis longtemps des orientations
sur les cadres juridiques et institutionnels dans lesquels opèrent
les partis politiques, notamment par le biais des travaux de la
Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise). Les orientations et les avis de la Commission de Venise
ont joué un rôle déterminant dans l'établissement de normes visant
à garantir le pluralisme, la transparence et l'équité, qui permettent
aux partis politiques d'exister et de fonctionner sans ingérence
indue de l'État. Ces normes mettent l'accent sur le respect de l'État
de droit et la protection des droits d'association et de participation
politique.
13. Pour compléter ces normes, la Commission de Venise a élaboré,
à la demande de l'Assemblée, un «Code de bonnes pratiques en matière
de partis politiques» en 2008
.
Ce rapport prend comme point de départ l'acquis du Conseil de l'Europe.
Il se concentre sur la manière dont les partis politiques, en tant qu'institutions
centrales de la vie démocratique, peuvent eux-mêmes contribuer au
renouveau démocratique en Europe.

14. Si les partis politiques peuvent être des lieux de renouveau
démocratique, ils peuvent également être des vecteurs de recul démocratique.
La Commission de Venise note qu'en tant qu'acteurs majeurs d'une société
démocratique, les partis politiques bénéficient des garanties de
l'État en matière de prééminence du droit, de démocratie et de droits
humains et doivent, par conséquent, respecter et promouvoir ces
mêmes principes
.
Les recommandations de ce rapport visent à renforcer ces engagements
communs.

3. Le rôle et les fonctions des partis politiques
15. Un parti politique est une
«association libre d'individus, dont l'un des objectifs est d'exprimer
la volonté politique du peuple en cherchant à participer à la vie
publique d'un pays et à l’influencer, notamment par la présentation
de candidats aux élections»
.

16. Historiquement, le développement des partis politiques est
allé de pair avec l'évolution de la démocratie en Europe. Apparus
d'abord sous la forme de petites factions parlementaires, les partis
se sont progressivement transformés en organisations de masse, puis
en machines électorales professionnelles
. À chaque
étape, ils se sont adaptés aux changements sociaux plus larges,
servant de vecteurs de participation politique, de canaux de mobilisation
et de moteurs du débat public. Leur institutionnalisation représente
l'une des étapes clés de la démocratie représentative moderne.

17. Les partis constituent une plateforme collective permettant
l'expression des droits fondamentaux des individus à l'association
et à la liberté d'expression, et le moyen le plus largement utilisé
pour la participation politique et l'exercice des droits connexes.
Ils sont fondamentaux pour une société politique pluraliste et la
Cour européenne des droits de l'homme a souligné dans sa jurisprudence
le rôle primordial joué par les partis politiques dans un régime
démocratique
.

18. Le bon fonctionnement de la démocratie représentative garantit
que les partis politiques peuvent opérer dans un environnement libre
et sûr, assure l'immunité parlementaire et offre les conditions
permettant aux politiciens de s'exprimer et d'exercer leur mandat
politique.
19. Selon la Commission de Venise, les partis politiques contribuent
à l'exercice d'au moins trois fonctions essentielles dans une démocratie
. Premièrement, ils facilitent la coopération
et la coordination entre les individus dans l'exercice de leurs
droits fondamentaux d'association et d'expression. Deuxièmement,
ils favorisent la coopération et la coordination entre les titulaires
de fonctions publiques, tant au sein des parlements qu'entre les
différents niveaux et institutions du gouvernement, facilitant ainsi
la cohérence et l'élaboration et la mise en œuvre efficaces des
politiques. Troisièmement, ils fournissent un moyen de relier les
citoyens et les élus par la formulation de programmes politiques
parmi lesquels les électeurs peuvent choisir, la nomination et le
soutien de candidats aux élections, et en assumant une responsabilité
collective pour le gouvernement d'une manière qui serait impossible
pour les titulaires de fonctions publiques individuellement
.


20. Ces fonctions peuvent être comprises comme les rôles de représentation
et d’intégration des partis, chacun mettant l'accent sur leur mission
essentielle qui consiste à relier les citoyens aux institutions démocratiques
.
Dans leur rôle représentatif, ils traduisent les demandes de la
société en politiques concrètes et en programmes gouvernementaux,
en adaptant leurs programmes et leurs décisions afin de refléter
les priorités publiques et l'évolution des besoins. Ils articulent
et agrègent les intérêts sociaux, agissant au nom des communautés
et des électeurs dans le processus politique. Les fonctions d'intégration
socialisent les citoyens à la vie politique, créant des espaces
d'engagement et d'éducation qui permettent aux citoyens de participer
aux affaires publiques, notamment par le biais de la compétition
électorale, de la sélection des candidats et des programmes politiques.
En remplissant ces rôles, les partis agissent comme une «courroie de
transmission» entre la société et l'État
,
et constituent un forum essentiel pour la délibération démocratique.


21. L'Assemblée a reconnu que, dans l'accomplissement de ces rôles,
les partis politiques jouent un rôle crucial dans la promotion de
l'inclusion sociale et de la culture démocratique. Ils sont bien
placés pour lutter contre le racisme, l'intolérance et les discours
de haine, tout en favorisant la diversité et l'inclusion au sein
des sociétés européennes. Par leur communication et leurs activités,
les partis façonnent le discours politique et peuvent promouvoir
la représentation politique de tous les groupes sociaux. Leur autonomie
interne, équilibrée par la responsabilité démocratique, leur confère
une position unique en tant que gardiens des organes élus et promoteurs
du pluralisme politique
.

22. L'efficacité avec laquelle les partis remplissent ces fonctions
dépend de leur capacité à s'adapter à l'évolution des conditions
sociales, technologiques et politiques. Si leur rôle fondamental
reste constant, l'environnement dans lequel ils opèrent a considérablement
évolué, ce qui leur offre de nouvelles opportunités et leur pose
de nouveaux défis dans le cadre des démocraties contemporaines
.

4. Défis
23. Les partis sont confrontés
à des défis croissants dans l'accomplissement de leurs fonctions
essentielles. Sans partis politiques efficaces et réactifs, la démocratie
risque de se retrouver dans une impasse, marquée par la polarisation,
l'apathie, la méfiance et l'extrémisme. Sans véritable pluralisme
politique, l'efficacité et la durabilité de la démocratie s'érodent
.

24. Comme on peut l'observer dans plusieurs États membres du Conseil
de l'Europe, le déclin du nombre d'adhérents, de la confiance et
de la participation aux partis politiques est une tendance sociétale
à long terme. Dans toutes les démocraties européennes établies,
le nombre moyen de membres des partis politiques a presque diminué
de moitié depuis 1980
. Une enquête mondiale
sur l'attitude du public à l'égard de la démocratie a révélé en
2021 que les partis politiques étaient les institutions les moins
fiables du monde démocratique, avec seulement 27 % de confiance
globale, tandis que plus de quatre personnes sur dix ne se sentent
représentées par aucun parti politique
. Ces résultats se sont
répétés dans tous les pays membres de l'Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), où, en 2024, seulement 24 % des
populations interrogées ont déclaré avoir une confiance élevée ou
modérément élevée dans les partis politiques
. Cette érosion constante de
la confiance menace le rôle intégrateur des partis dans la connexion des
citoyens à la vie démocratique.



25. Parmi les facteurs qui expliquent ce faible niveau de confiance
figure la perception qu'ont les individus de leur capacité à faire
entendre leur voix dans les décisions politiques. Les recherches
de l'OCDE ont montré que les personnes qui estiment avoir leur mot
à dire dans les actions du gouvernement sont, en moyenne, trois fois
plus susceptibles d'exprimer leur confiance que celles qui se sentent
exclues. Cette tendance, liée aux fonctions représentatives, lorsqu'elle
s'applique aux partis politiques, souligne que les efforts visant
à promouvoir l'inclusion et l'engagement politiques peuvent contribuer
à renforcer la confiance
.

26. La baisse du nombre d'adhérents aggrave encore ces tendances
en remodelant la relation entre les partis et les citoyens. Elle
compromet la capacité des partis à renouveler leur direction, à
intégrer les jeunes dans la vie politique et à maintenir des liens
avec les communautés locales par le biais du bénévolat, des débats
politiques et de l'activisme local. La réduction de la présence
locale des partis et de leurs sections jeunesse qui en résulte peut
limiter les possibilités pour les citoyens d'acquérir des compétences démocratiques
et de participer à l'élaboration des politiques
.

27. En outre, avec moins de membres pour apporter un soutien financier
et organisationnel, de nombreux partis sont devenus plus dépendants
des dons privés ou des subventions publiques. Lorsque la dépendance à
l'égard des financements privés est importante, des préoccupations
apparaissent quant à l'équité et à l'indépendance, les principaux
donateurs étant souvent peu représentatifs de l'ensemble de la population,
les entreprises, les particuliers fortunés et les groupes d'intérêt
organisés exerçant une influence disproportionnée
. Dans certains cas, le rôle
des dons étrangers ou d’acteurs affiliés à l'État a soulevé des questions
supplémentaires quant à l'intégrité des processus politiques
.
Les sondages d'opinion montrent systématiquement que la perception
d'une influence indue des donateurs est l'un des principaux facteurs
de méfiance à l'égard des partis politiques.


28. À l'inverse, les systèmes dans lesquels les partis sont principalement
financés par des ressources publiques évitent certaines de ces distorsions,
mais ne sont pas sans poser de problèmes. Le recours au financement
public peut risquer d'accroître la distance perçue entre les partis
et les citoyens, en particulier si les subventions semblent dispenser
les partis de la nécessité de s'engager auprès de leurs partisans
de base ou de s'adapter aux changements sociétaux
. Dans de tels contextes,
les partis peuvent être considérés moins comme des organisations
civiques ancrées dans la société que comme des bureaucraties centrées
sur l'État, ce qui sape leur légitimité représentative. Il est donc
essentiel de trouver un équilibre entre la nécessité d'une viabilité
financière et les garanties de transparence, de responsabilité et
de participation citoyenne afin de préserver la légitimité représentative
et la crédibilité démocratique des partis.

29. L'érosion de la confiance contribue à la poursuite de la tendance
au désengagement politique, dont l'indicateur clé est le taux de
participation aux élections. La baisse de la confiance du public
dans les processus politiques a été soulignée par le Conseil de
l'Europe en 2023, qui a montré qu'à la fin de 2020, 13 États membres
avaient élu leur parlement avec un taux de participation inférieur
à 50 %
. Cette tendance s'inscrit dans
le cadre d'une tendance mondiale à la baisse de la participation
électorale observée depuis le début des années 1990, avec une chute
de près de 10 % de la participation aux élections dans les États
membres de l'Union européenne entre 1991 et 2022
.


30. La désillusion croissante à l'égard de la démocratie est particulièrement
marquée chez les jeunes interrogés à travers l'Europe. Les sondages
indiquent que, si les droits et libertés individuels restent valorisés, une
part croissante des jeunes générations exprime sa frustration face
à l'inefficacité, à la polarisation et au court-termisme perçus
dans la politique électorale. Certains privilégient des formes alternatives
de gouvernance, telles que la technocratie ou le gouvernement par
des experts, tandis qu'une minorité significative se dit ouverte
à des arrangements non démocratiques s'ils sont considérés comme
susceptibles d'apporter la stabilité ou de résoudre des problèmes
urgents
.

31. Ces défis sont aggravés par la transformation de la communication
et de l'organisation politiques. Le rôle des partis politiques en
tant qu'intermédiaires entre les citoyens et les élus a considérablement
évolué depuis l'époque des modèles de partis de masse, en partie
en raison de la professionnalisation des structures des partis,
des changements dans les stratégies de campagne et de l'essor des
médias numériques. Les mécanismes traditionnels d'engagement politique
durable, tels que les sections locales des partis et la mobilisation
de la base, ont été partiellement supplantés par des actions de
sensibilisation ciblées en ligne et des campagnes fondées sur des
données.
32. Si ces évolutions ont permis aux partis d'atteindre un public
plus large, elles ont également suscité des inquiétudes quant à
la centralisation de la prise de décision, à la réduction de la
participation directe des citoyens à l'élaboration de politiques
fondées sur le consensus et à l'influence croissante d'acteurs externes, notamment
les groupes d'intérêt et les entreprises donatrices.
33. Dans le même temps, des recherches comparatives ont montré
que la polarisation s'est accentuée en raison de l'évolution des
habitudes médiatiques, des campagnes ciblées en ligne et des contenus
basés sur des algorithmes qui récompensent les messages clivants
. La polarisation peut
affaiblir la capacité des partis à jouer le rôle de médiateurs entre
les différents intérêts sociétaux, réduisant ainsi les possibilités
de compromis dans le travail parlementaire.

34. L'écosystème de l'information, de plus en plus fragmenté,
s'est révélé vulnérable aux campagnes de désinformation et à l'influence
d'acteurs étrangers. Les ingérences hostiles et malveillantes peuvent
prendre la forme de comportements coordonnés et inauthentiques sur
les réseaux sociaux, d’une amplification des discours polarisants
ou d'un soutien financier et organisationnel dissimulé. Elles visent
à fausser la concurrence électorale et à saper la confiance du public
dans les institutions démocratiques. Les partis politiques sont
donc confrontés à un double défi: adapter leurs stratégies de communication
aux réalités de l'ère numérique, tout en préservant le débat démocratique
contre la manipulation et les influences extérieures.
35. Ces évolutions soulignent la nécessité de réexaminer le fonctionnement
des partis politiques dans les conditions actuelles. Les Principes
de Reykjavik pour la démocratie, approuvés par les chefs d'État
et de gouvernement du Conseil de l’Europe en 2023, soulignent que
le pluralisme politique et la participation citoyenne restent essentiels
à la résilience des démocraties. Les partis politiques peuvent être
des agents actifs de ce renouveau démocratique.
5. Réponses
36. Les défis décrits ci-dessus
soulignent la nécessité pour les partis politiques de s'adapter
de manière à préserver et à renforcer leurs fonctions démocratiques.
Les partis des États membres du Conseil de l'Europe ont introduit
une série d'innovations qui leur permettent à la fois de renouer
le contact avec les citoyens et de renforcer la confiance dans le
système politique dans son ensemble.
5.1. Renforcer la représentation
37. Le rétablissement de la confiance
du public et la garantie d'un fonctionnement démocratique efficace peuvent
être renforcés grâce au lien de représentation avec les citoyens.
Cela passe par l'élargissement de l'adhésion, la réforme de la démocratie
interne et l'amélioration de l'inclusivité, qui constituent des
stratégies centrales pour reconnecter les partis avec leurs électeurs
et garantir que le leadership et les programmes politiques reflètent
les électeurs et leurs préférences.
38. Le principe du pluralisme politique sous-tend toutes les mesures
visant à renforcer la représentation. Il est essentiel pour la santé
des systèmes démocratiques de veiller à ce que les citoyens puissent
choisir parmi un large éventail de visions, de politiques et de
dirigeants concurrents. La présence de partis politiques de tous horizons
peut encourager le débat, favoriser les compromis et renforcer la
légitimité des institutions démocratiques en les rendant plus représentatives
de toute la diversité de la société.
5.1.1. Adhésion
39. Les partis ont cherché à repenser
l'adhésion de différentes manières afin de retrouver et de redéfinir
leur rôle de relais entre l'État et la société
. Les éléments clés pour
renforcer ce rôle consistent notamment à rechercher des moyens d'élargir
la base des adhérents et à trouver des solutions aux problèmes causés
par la sous-représentation de certains groupes, tels que les femmes
et les jeunes.

40. Une approche consiste à encourager la participation par le
biais d'une adhésion à plusieurs niveaux afin de réduire les obstacles
à l’engagement.
41. L'adhésion à plusieurs niveaux est une innovation de plus
en plus répandue dans l'organisation contemporaine des partis. Elle
offre des voies d'engagement différenciées pour répondre aux préférences
et à la capacité d'implication des citoyens. Dans de nombreux cas,
cela implique de faire la distinction entre les membres à part entière
qui paient une cotisation et jouissent d'un droit de vote officiel
au sein des structures internes du parti, et les sympathisants ou
supporters qui peuvent apporter des idées, assister à des événements
ou participer à des activités de campagne sans assumer toutes les
obligations liées à l'adhésion. Cette approche permet aux partis
d'élargir leur base sociale, de réduire les obstacles à l'adhésion
et d'atteindre des citoyens qui peuvent être réticents à s'engager
dans une adhésion traditionnelle, mais qui souhaitent néanmoins
être actifs sur le plan politique.
42. Les recherches menées au cours de la dernière décennie ont
montré que seuls 14 des 109 partis étudiés proposaient des options
d'adhésion à plusieurs niveaux
. On trouve des exemples
de cette adhésion à plusieurs niveaux dans toute l'Europe, comme
chez les libéraux-démocrates au Royaume-Uni, le Partido Popular
en Espagne et le parti Livre au Portugal
. Si les effets à long
terme sur la participation et la confiance restent mitigés, ils
illustrent comment l'innovation organisationnelle peut aider les
partis à renouer le contact avec des citoyens qui, sans cela, resteraient
en dehors des structures traditionnelles.


43. Les partis politiques ont également cherché à élargir l'accès
à l'adhésion en proposant des cotisations différenciées en fonction
de l'âge, du revenu ou de la situation professionnelle. En Norvège,
la plupart des partis, y compris le Parti conservateur, proposent
des tarifs préférentiels à certains groupes.
44. Outre les efforts visant à augmenter le nombre de leurs membres,
les partis politiques ont pris des mesures pour que ceux-ci soient
davantage représentatifs de la société. Lorsque des données sont disponibles,
les données au niveau national montrent que les membres des partis
restent plus âgés et de sexe masculin
, même si les statistiques
complètes et ventilées sur l'adhésion aux partis politiques en Europe restent
rares.

45. La faible proportion de femmes parmi les membres des partis
politiques pose des défis non seulement en matière d'égalité, mais
aussi en termes de qualité et de légitimité de la gouvernance démocratique, l'Assemblée
reconnaissant que la participation égale des femmes et des hommes
à la vie politique est une condition préalable à une démocratie
véritablement pluraliste et représentative.
46. Encourager la participation au niveau des adhésions est un
élément essentiel des réformes relatives à la sélection des candidats
et des dirigeants, car cela contribue à créer une base plus inclusive
et plus représentative. Les organisations de femmes au sein des
partis, telles que celles au sein du SPD (Parti social-démocrate)
allemand, la Frauen Union de la CDU (Union démocrate chrétienne)
ou les sections féminines de l'ÖVP (Parti populaire) et du SPÖ (Parti
socialiste) autrichiens, s'engagent activement dans des actions
de sensibilisation et des campagnes visant à encourager les femmes
à adhérer. Au Royaume-Uni, des initiatives telles que le Women's
Network du Parti travailliste et la Conservative Women's Organisation
combinent le recrutement et le mentorat afin d'élargir le vivier
de femmes actives. Au sein de mon parti, le Parti conservateur norvégien,
notre organisation féminine a largement contribué au niveau élevé
de participation des femmes dans le parti et dans la vie politique
norvégienne.
47. Des organisations telles que le Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH) ont fourni des outils permettant
aux partis politiques de mener leurs propres audits sur l'égalité
des genres. Ces audits peuvent améliorer la compréhension des déséquilibres
actuels, aider à identifier les obstacles à la participation et
créer une base factuelle pour des réformes susceptibles de rendre
les partis plus inclusifs et représentatifs.
48. Au-delà du genre, l'âge est un autre facteur déterminant dans
l'adhésion à un parti politique. Les données provenant de plusieurs
pays européens suggèrent que le membre type est disproportionnellement plus
âgé, les citoyens plus jeunes étant beaucoup moins représentés,
bien qu'ils soient souvent engagés dans des activités politiques
informelles. Ce déséquilibre risque de restreindre les horizons
du débat au sein des partis et de limiter le renouvellement intergénérationnel.
49. Les organisations de jeunesse affiliées aux partis jouent
un rôle important pour contrer cette tendance. Si de nombreux partis
politiques disposent d'une forme ou d'une autre d'organisation de
jeunesse, des recherches antérieures ont montré qu'un parti sur
quatre n'a pas de section jeunesse active
.

50. En offrant des opportunités de leadership, une éducation politique
et des voies d'accès à la prise de décision, les organisations de
jeunesse peuvent donner aux jeunes une voix au sein des structures
des partis. En Allemagne, les Jusos du SPD et la Junge Union de
la CDU/CSU (Union démocrate chrétienne/Union sociale chrétienne)
participent activement aux débats sur le climat, la justice sociale
et la numérisation, veillant à ce que les préoccupations des jeunes
influencent les programmes des partis. En Autriche, la Junge ÖVP
et la Jeunesse socialiste (SJÖ) fonctionnent depuis longtemps comme
des écoles de leadership politique, préparant les futures générations
de représentants nationaux et locaux. Dans les pays nordiques, les
sections jeunesse ne sont pas seulement des terrains d'entraînement,
mais sont officiellement intégrées dans les processus d'élaboration
des politiques des partis, ce qui permet aux jeunes membres de proposer
et de voter sur les priorités du programme. Tous les grands partis
politiques norvégiens ont des sections jeunesse intégrées à leurs
structures. D'après l'expérience de mon parti, les Jeunes Conservateurs
norvégiens contribuent grandement au débat politique et présentent
plusieurs candidats aux élections locales et parlementaires.
51. La représentation nécessite également de prêter attention
à d'autres formes d'exclusion qui peuvent affecter l'adhésion et
la participation aux partis, notamment les barrières socio-économiques,
la diversité ethnique et linguistique et la participation des citoyens
issus de l'immigration.
52. Les partis qui parviennent à mobiliser les groupes sous-représentés
élargissent non seulement leur base électorale, mais aussi la légitimité
des institutions démocratiques. Des initiatives telles que des campagnes
de sensibilisation ciblées, des partenariats avec des organisations
de la société civile et des mécanismes visant à réduire les obstacles
matériels liés aux cotisations ou à la participation peuvent contribuer
à créer une base partisane plus diversifiée sur le plan social.
Les efforts de ce type contribuent à une culture politique pluraliste
et inclusive, garantissant que les partis reflètent plus fidèlement
les sociétés qu'ils aspirent à gouverner.
5.1.2. Démocratie interne
53. Le renforcement de la représentation
nécessite également des réformes de la démocratie interne des partis.
L'Assemblée a déclaré que les processus de démocratie participative
et délibérative peuvent contribuer à revitaliser et à renforcer
la démocratie en augmentant la capacité des citoyens à influencer
directement les décisions qui affectent leur vie
. Les partis politiques sont
particulièrement bien placés pour intégrer ces processus dans leur
fonctionnement.

54. Les efforts visant à introduire des mécanismes ouverts et
participatifs permettant aux membres d'influencer les choix de direction,
la sélection des candidats et la formulation des politiques peuvent
renforcer la confiance, améliorer la légitimité et créer un lien
plus fort entre les citoyens et les institutions politiques. Le fait
d'avoir véritablement son mot à dire sur l'orientation du parti
renforce également les incitations à adhérer à un parti et à rester
actif dans la vie du parti.
55. Parmi les mécanismes permettant d'approfondir la démocratie
interne figure le recours à des primaires ouvertes pour les dirigeants
de parti et les candidats à la présidence. Des exemples en Italie
et en France ont vu l'expérimentation de l'octroi de droits à des
participants qui ne sont pas formellement membres, tandis qu'au Royaume-Uni,
des exemples ont montré que des sympathisants enregistrés sans statut
de membre à part entière pouvaient voter lors des élections à la
direction
.

56. Dans le même temps, pour un renouvellement efficace des partis,
il a été avancé que la démocratie interne aux partis doit aller
au-delà des dispositifs plébiscitaires tels que les primaires pour
la direction ou les votes des membres, car ceux-ci risquent de contourner
les structures intermédiaires. Si ces outils favorisent la participation,
ils peuvent concentrer le pouvoir entre les mains de la direction
en réduisant le choix à un simple oui ou non
.

57. Des idées telles que la démocratie participative au sein des
partis ont été popularisées par des mouvements favorisant la prise
de décision collective et les structures ascendantes, tels que les
partis verts et alternatifs dans les années 1980
, et, au cours de la
dernière décennie, des formations politiques émergentes telles que
le Parti pirate allemand et le Mouvement cinq étoiles italien ont
utilisé la formulation de politiques basées sur la participation
massive via internet comme élément central de leur programme politique
.


58. Les propositions visant à améliorer la démocratisation au
sein des partis ont notamment consisté à introduire des modèles
qui donnent aux membres et aux sections locales une plus grande
influence sur l'orientation du parti. Les membres et les militants
formulent des visions concurrentes, que la direction est ensuite
chargée de représenter et de négocier. Dans ce modèle, la «couche
intermédiaire» des partis (responsables de section, militants et
organisations affiliées) sert de lien entre la base et la direction, transformant
des préférences diffuses en politiques
.

59. En Allemagne, par exemple, les Landesverbände (organisations
régionales) du SPD conservent une influence significative sur les
choix de la direction et l'orientation politique, agissant comme
intermédiaires entre la base et la direction nationale. Au Royaume-Uni,
les liens historiques du Parti travailliste avec les syndicats illustrent
comment les intérêts organisés peuvent servir de canal structuré
entre les membres et les dirigeants. Chaque modèle montre comment
le renforcement des structures intermédiaires peut permettre d'ancrer
plus fermement les partis dans la société, tout en maintenant la
responsabilité des dirigeants.
60. Ces approches peuvent également consister à reconnaître le
rôle des organisations de la société civile en tant que partenaires
dans l'élaboration du débat au sein des partis. Avec l'affaiblissement
des liens historiques avec les syndicats, les organisations religieuses
et les associations civiques, la reconstruction de liens transparents
et responsables avec la société civile peut contribuer à revitaliser
les fonctions d'intermédiaire des partis, en garantissant que les
voix de diverses communautés, professions et mouvements soient prises
en compte dans les délibérations.
61. D'autres approches ont vu la mise en œuvre de processus délibératifs
au sein des partis afin d'élargir la participation et visant à améliorer
la qualité du débat et de la prise de décision en favorisant le
dialogue, la réflexion et la recherche de consensus entre les membres.
On peut citer comme exemple l'utilisation par le parti danois Alternativet
de «laboratoires politiques» où les membres et les citoyens ont
délibéré conjointement sur des idées politiques avant leur intégration
dans le programme du parti. En Belgique, Les Engagés ont organisé
pendant deux ans des réunions délibératives, des assemblées et des
ateliers en ligne afin de rédiger un nouveau manifeste du parti
.

62. L'amélioration de la démocratie intra-partisane permet à divers
groupes sociaux de voir leurs points de vue débattus et négociés
au sein du parti, et elle produit de véritables alternatives entre
lesquelles les citoyens peuvent choisir. En renforçant ces fonctions,
les partis renouvellent non seulement leur propre vitalité, mais renforcent
également le pluralisme dans le système démocratique au sens large.
5.1.3. Inclusivité
63. Dans le cadre du renforcement
de la représentativité, l’inclusivité est déterminante pour avoir
une large base d'adhérents et des forums de délibération solides
dont elle tire également parti. L'Assemblée a souligné l'importance
de garantir l'égalité des genres, l'accessibilité et des politiques
inclusives dans la vie politique afin de favoriser le bon fonctionnement
des démocraties.
64. Si l'on suit les tendances en matière d'adhésion, les femmes,
les jeunes, les minorités et les groupes socio-économiquement défavorisés
sont sous-représentés dans les fonctions de direction et de décision
au sein des partis politiques, ce qui a pour conséquence leur sous-représentation
globale au parlement.
65. Les partis politiques ont donc un rôle important à jouer pour
améliorer l'inclusivité et garantir une représentation équilibrée
au sein des institutions démocratiques. À l'heure actuelle, les
informations disponibles sur les stratégies des partis politiques
en matière de diversité et d'inclusion sont limitées. La publication
systématique de ces stratégies pourrait améliorer la transparence,
permettre de suivre les progrès accomplis et signaler aux citoyens
un engagement sincère à éliminer les obstacles à la participation.
66. La démocratie interne des partis politiques peut avoir un
impact décisif sur l'inclusivité, en déterminant qui a accès au
pouvoir et à la prise de décision. Parmi les mesures pratiques figurent
l'adoption de règles tenant compte de la dimension de genre pour
la sélection des candidats, des quotas transparents pour les postes
de direction et des procédures visant à garantir une participation
significative des groupes sous-représentés
.

67. Comme l'a souligné la Commission de Venise, divers documents
de l'OSCE et du Conseil de l'Europe ont appelé les États à lutter
contre la sous-représentation persistante des femmes dans les structures décisionnelles
en soutenant des programmes visant à améliorer l'équilibre entre
les femmes et les hommes dans les organes concernés et en permettant
ou en adoptant des actions positives ou des mesures spéciales à
cette fin.
Les quotas
volontaires au sein des partis ont été largement adoptés dans les
pays nordiques depuis les années 1980, ce qui a conduit à des niveaux
constamment élevés de représentation des femmes au sein des parlements.

68. Les quotas de jeunes constituent également des exemples d'innovation
inclusive. Des exemples de quotas de jeunes dans les partis politiques
ont été signalés en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, à Chypre, en Allemagne
et en Suède. Ces quotas engagent les partis concernés à inscrire
un certain nombre de candidats jeunes sur leurs listes électorales
ou à les présenter dans des circonscriptions
. Des innovations telles que les
«quotas de nouveaux venus» visant à limiter les avantages liés à
la fonction ont également été testées par des partis en Allemagne
afin d'encourager la participation des jeunes
.


69. Ces mesures, bien que variées dans leur forme, démontrent
comment des réformes structurelles peuvent garantir que les partis
reflètent davantage les sociétés qu'ils cherchent à représenter.
5.2. Préserver l'intégrité et l'indépendance
70. La résilience des systèmes
démocratiques dépend de l'intégrité et de l'indépendance des partis politiques.
Comme le souligne le présent rapport, la baisse de confiance dans
les partis politiques à travers l'Europe est souvent due à des préoccupations
liées à la corruption, à l'influence des donateurs et à la manipulation
externe. Lorsque les partis sont perçus comme étant capturés par
des intérêts privés ou susceptibles d'être influencés par des puissances
étrangères, la confiance des citoyens dans le système démocratique
dans son ensemble s'érode.
71. Le recours excessif aux dons privés à grande échelle soulève
des inquiétudes quant à une influence indue et comporte des risques
de détournement des programmes politiques au profit d'intérêts particuliers. Transparency
International et le Groupe d'États contre la corruption (GRECO)
du Conseil de l'Europe ont mis en évidence des lacunes récurrentes
dans la divulgation des dons, la déclaration des dépenses de campagne et
le contrôle des liens entre l'argent et la prise de décision politique.
Il est essentiel de combler ces lacunes pour renforcer la confiance
dans la politique.
72. Bien qu'il existe des différences importantes entre les règles
de financement politique des États membres, la Commission de Venise
a souligné que les cadres de financement des partis doivent garantir
la transparence et la responsabilité, avec une application effective
par les autorités publiques, comme conditions préalables à la prévention
de la corruption et de l'influence indue
. Plusieurs pays ont mis en place des pratiques
strictes. La France, par exemple, interdit totalement les dons des
entreprises et des syndicats
, tandis que l'Allemagne exige la
divulgation de tous les dons supérieurs à 10 000 euros, avec une
déclaration immédiate pour les sommes supérieures à 35 000 euros
. En Suède, en Finlande
et en Norvège, des subventions publiques importantes, associées
à des obligations de transparence détaillées, visent à réduire les
risques de captation par la richesse privée
. En Norvège, par exemple, tous les
dons sont publiés sur un site internet géré par le gouvernement,
même si le débat reste ouvert quant à la transparence suffisante
du système.




73. L'enquête de l'OCDE sur la confiance a montré que de nombreux
citoyens s'inquiétaient de l'intégrité du processus décisionnel,
estimant que les intérêts privés exerçaient une influence disproportionnée
sur les décisions. La perception selon laquelle les décisions publiques
en matière de politique peuvent être détournées, de façon répétée,
de l'intérêt public au profit d'intérêts particuliers continue d'être
un facteur important de méfiance et d'affaiblissement de la participation
démocratique
.

74. La confiance des citoyens a été encore davantage ébranlée
par les préoccupations liées à l'ingérence étrangère et à la réception
de fonds provenant d'acteurs étrangers dans les institutions démocratiques nationales.
Comme l'a souligné l'Assemblée dans sa Résolution 2593 (2025) «L'ingérence étrangère: une menace pour la sécurité
démocratique en Europe», le recours à des dons secrets et à des
fondations contrôlées par des acteurs étrangers et des campagnes
de désinformation coordonnées et financées par des acteurs hostiles
ont révélé comment des acteurs extérieurs peuvent chercher à fausser
le débat démocratique et la compétition électorale et, en fin de
compte, diminuer l'efficacité et la légitimité des institutions.
75. Les États membres ont pris toute une série de mesures pour
rétablir la confiance dans les démocraties en renforçant les règles
relatives aux dons politiques, notamment par des réformes des cadres
juridiques électoraux, des contrôles préalables sur l'origine des
dons et des contrôles sur les contributions des entreprises afin
de se prémunir contre l'influence étrangère
..

76. Des efforts ont également été déployés au niveau de l'Union
européenne, avec la révision du règlement relatif au statut et au
financement des partis politiques européens et des fondations politiques
européennes visant à renforcer la transparence et à lutter contre
le risque d'ingérence et de manipulation étrangères
.

77. La sauvegarde de l'intégrité nécessite également une forte
responsabilité interne. Les partis peuvent démontrer à leurs membres
et à leurs électeurs comment les fonds sont collectés et dépensés,
en veillant à ce que leurs dirigeants soient soumis à un contrôle
efficace. Cela peut inclure des audits indépendants, des rapports
financiers publics annuels et des règles internes claires en matière
de dépenses.
78. Au-delà de la réglementation financière, la sauvegarde de
l'intégrité exige également que les partis politiques respectent
des normes de conduite publiques claires. La confiance des citoyens
ne dépend pas seulement de la manière dont les partis collectent
et dépensent leurs fonds, mais aussi du comportement de leurs représentants
dans l'exercice de leurs fonctions et dans la vie publique. Des
codes de conduite, des règles en matière de conflits d'intérêts
et des procédures disciplinaires transparentes pour les responsables des
partis peuvent contribuer à garantir la responsabilité et un comportement
éthique. Le GRECO a souligné que les normes éthiques et les mécanismes
d'intégrité sont essentiels pour prévenir la corruption
, tandis que l'Assemblée a insisté sur le
fait que les partis politiques ont une responsabilité particulière
dans la promotion d'une culture d'honnêteté, de responsabilité et
de respect des normes démocratiques
. L'intégration de
ces normes dans les statuts et les pratiques des partis peut renforcer
la crédibilité des institutions politiques et montrer que les partis
placent l'intérêt public au-dessus de leurs avantages partisans.


79. Les partis qui font preuve de transparence dans leur financement,
qui rendent compte de leurs activités et qui sont protégés contre
toute influence indue sont mieux à même de remplir leurs fonctions
démocratiques de représentation, de concurrence et d'élaboration
des politiques. Pour rétablir la confiance du public, il faut que
les citoyens perçoivent les partis comme des acteurs autonomes œuvrant
dans l'intérêt public.
5.3. Promouvoir l'intégration démocratique
80. Les partis politiques ne sont
pas seulement des instruments de la compétition électorale. Ils
sont également des acteurs centraux dans la promotion de la culture
démocratique, contribuant à initier l'ensemble de la population
au système politique démocratique et à l’y intégrer
. En façonnant le débat politique,
en sélectionnant les dirigeants et en structurant la participation,
les partis jouent un rôle essentiel dans la transmission des valeurs
et des pratiques démocratiques aux citoyens. Des recherches ont
montré que l'affiliation à un parti joue un rôle crucial dans le
développement d'un attachement à long terme à la politique et, plus
largement, à la démocratie elle-même
.


81. Ce rôle intégrateur consiste à fournir un espace démocratique
commun où les intérêts, les identités et les perspectives concurrents
peuvent être débattus et médiatisés.
82. En période de polarisation politique accrue, ce rôle devient
encore plus crucial. En promouvant la culture démocratique, en encourageant
le dialogue entre les différentes parties et en évitant les approches
à somme nulle, les partis peuvent contribuer à réduire les tensions,
à favoriser les compromis et à soutenir les démocraties pluralistes.
Lorsque les partis adoptent au contraire un discours clivant ou
exclusif, ils risquent d'aggraver la fragmentation et d'affaiblir
la légitimité des institutions démocratiques.
83. Les partis politiques sont également des moteurs de l'éducation
civique. Grâce à leurs sections jeunesse, leurs écoles de formation
et leurs initiatives de débat public, ils dotent les citoyens de
compétences démocratiques et favorisent les habitudes de participation.
Dans plusieurs États membres, les fondations politiques affiliées
aux partis jouent un rôle important dans le maintien de ce lien.
En Allemagne, les fondations affiliées à des partis telles que la
Friedrich Ebert Stiftung (SPD), la Konrad Adenauer Stiftung (CDU)
et la Heinrich Böll Stiftung (Verts) organisent des formations politiques,
favorisent le dialogue entre les groupes sociaux et offrent des
forums où les citoyens, les universitaires, les ONG et les décideurs
politiques peuvent échanger. En Norvège, bien qu'ils ne soient pas
officiellement affiliés à des partis, les groupes de réflexion politiques
jouent un rôle similaire. Civita, qui défend un programme libéral,
et Agenda, qui sympathise avec la gauche, sont des groupes de réflexion
qui gèrent des écoles de formation pour les jeunes et les jeunes professionnels,
et contribuent activement au débat public.
84. D'autres modèles ont vu les partis créer leurs propres plateformes
civiques. En Autriche, NEOS a créé le «NEOS Lab» afin de relier
les débats du parti à la société dans son ensemble et de fournir
des services tels que l'éducation et la formation politiques
.

85. Les messages que les partis véhiculent dans le débat public
contribuent à façonner le climat démocratique général. L'Assemblée
a souligné la responsabilité des partis dans la lutte contre les
discours de haine, le racisme et l'intolérance, en particulier pendant
les campagnes électorales, lorsque las discours ont la plus grande
portée. Le Conseil de l'Europe a appelé les partis politiques à
mettre en place des politiques spécifiques pour lutter contre les
discours de haine, notamment en adoptant des codes de conduite,
et a demandé aux partis d'éviter les déclarations susceptibles d'alimenter
l'intolérance et de condamner ouvertement les discours de haine
.

86. En Irlande, le groupe de la société civile INAR (Irish Network
Against Racism) a introduit un protocole électoral antiraciste,
élaboré et approuvé par plusieurs partis politiques. Il engage les
signataires à mener, à chaque élection, des campagnes exemptes de
propos racistes, de boucs émissaires fondés sur la peur et de tactiques
de division, démontrant ainsi comment des engagements volontaires
peuvent contribuer à préserver l’esprit civique et à sauvegarder
les normes démocratiques.
87. Les codes de conduite pour le comportement pendant les campagnes
électorales ou les engagements multipartites contre la haine illustrent
comment les partis peuvent activement préserver le discours démocratique
et promouvoir une culture de une attitude civilisée dans les campagnes
électorales.
5.4. Transformation numérique et communication
88. La transformation numérique
de la politique a remodelé la manière dont les partis interagissent
avec les citoyens, s'organisent en interne et se font concurrence
lors des élections. Couvrant les thèmes de la participation, de
la délibération et de l'engagement, les plateformes en ligne ont
bouleversé les formes traditionnelles d'organisation politique,
permettant aux partis politiques de toucher un public plus large
à moindre coût
. Lorsqu'ils sont
utilisés efficacement, les outils numériques peuvent renforcer l'engagement démocratique
en offrant aux citoyens des moyens plus directs de participer à
la prise de décision et à l'élaboration des programmes des partis.

89. Les partis politiques à travers l'Europe ont largement utilisé
les innovations numériques pour élargir la participation, par exemple
en recourant à des primaires ou à des votes en ligne pour leurs
membres, à des consultations en ligne, à des manifestes élaborés
de manière collaborative et à des forums numériques pour débattre
des politiques. Ces approches peuvent renforcer la transparence,
réduire les obstacles à l'engagement et séduire les citoyens habitués
aux formes d'interaction numériques.
90. Les outils numériques ont des conséquences sur le pouvoir
interne, des recherches suggérant que les instances intermédiaires
des partis politiques sont parfois plus fréquemment contournées
dans la gouvernance des partis à l'ère numérique, caractérisée par
une autonomie accrue des dirigeants et des canaux de communication
directs avec les sympathisants
.

91. La numérisation présente toute une série d'autres risques.
Les contenus générés par des algorithmes et les campagnes microciblées
peuvent exacerber la polarisation en amplifiant les messages qui
divisent et en fragmentant l'environnement informationnel. L'ingérence
étrangère via la prolifération de la désinformation menace de fausser
le débat et de réduire la confiance.
92. Les campagnes numériques soulèvent également des questions
d'équité et de responsabilité. L'utilisation de données personnelles
à des fins de microciblage, le financement opaque de la publicité
en ligne et le rôle des grandes plateformes technologiques dans
l'orientation du débat politique risquent tous de nuire à la transparence.
Les préoccupations des citoyens quant au caractère manipulateur
ou irresponsable de la communication politique affaiblissent encore
davantage la confiance dans les partis et les processus démocratiques.
93. Des bonnes pratiques visant à atténuer ces risques apparaissent
dans toute l'Europe, notamment des programmes d'éducation numérique,
et les réformes de la réglementation du financement des campagnes électorales
ont étendu les obligations de divulgation à la publicité en ligne
afin de garantir la transparence des dépenses et de l'origine des
messages.
94. Les partis politiques eux-mêmes ont adopté des codes de conduite
volontaires pour mener des campagnes en ligne éthiques, s'engageant
à éviter les techniques manipulatrices et à respecter la confidentialité
des données des citoyens. Aux Pays-Bas, un code de conduite néerlandais
sur la transparence de la publicité politique en ligne a été signé,
avant les élections législatives de 2021, par 11 partis politiques
et les principales plateformes en ligne mondiales afin de lutter
contre les campagnes manipulatrices et d'accroître la transparence
sur les acheteurs de publicités
. Sur la base de cette
pratique, l'Institut international pour la démocratie et l'assistance
électorale (International IDEA), en collaboration avec les partis
politiques européens et la Commission européenne, a élaboré un code
de conduite pour les élections du Parlement européen de 2024
.


95. À l'ère du numérique, les partis doivent trouver le juste
équilibre dans l'utilisation de la technologie pour favoriser la
participation et l'inclusion, tout en préservant les valeurs démocratiques
et la confiance du public. Des outils numériques éthiques, associés
à une réglementation claire et à des normes publiques, peuvent permettre
aux partis de renforcer l'engagement plutôt que de diluer l'intégrité
démocratique.
6. Conclusion
96. La promotion et la consolidation
de la démocratie pluraliste font partie des principaux objectifs
du Conseil de l'Europe et de son Assemblée. Les partis politiques
jouent un rôle fondamental à cet égard en assurant le lien entre
les institutions démocratiques d'un État et ses citoyens. Ils sont
toutefois confrontés à des pressions croissantes qui menacent leur
efficacité et leur légitimité.
97. La baisse du nombre d'adhérents et de l'engagement reflète
des tendances plus générales de désengagement politique et de faible
confiance, qui affaiblissent la capacité des partis à traduire les
intérêts des citoyens dans l'élaboration des politiques. La centralisation
croissante au sein des partis, l'influence grandissante de l'argent
en politique et l'impact de la désinformation numérique ont mis
à mal leur fonction représentative. L'érosion de la légitimité des
partis favorise non seulement l'apathie des électeurs, mais ouvre également
la voie à des mouvements populistes et extrémistes qui exploitent
le mécontentement à l'égard des structures démocratiques traditionnelles.
98. Renforcer la démocratie interne, améliorer les mécanismes
de responsabilisation et favoriser une participation citoyenne significative
sont essentiels pour inverser ces tendances négatives.
99. Pour renforcer la confiance dans les partis politiques, il
faut déployer des efforts proactifs visant à consolider les structures
des partis, améliorer la transparence du financement politique et
élaborer des stratégies pour lutter contre la polarisation et la
désinformation. Veiller à ce que les partis restent ouverts, participatifs
et adaptables contribuera à revitaliser l'engagement démocratique
et à renforcer leur rôle de médiateurs entre l'électorat et les
institutions gouvernementales.
100. Avant tout, les partis conservent une capacité particulière
à renforcer la cohésion sociale et à promouvoir la culture démocratique.
Ils constituent des espaces où les différences peuvent être débattues,
des compromis forgés et des visions collectives pour l'avenir façonnées.
En investissant dans ces fonctions d’intégration, les partis politiques
peuvent garantir une démocratie résiliente, pluraliste et représentative
en Europe.