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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16246 | 11 septembre 2025
Dialogue postsuivi avec la Bulgarie
Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)
A. Projet de
résolution 
(open)1. La Bulgarie a adhéré au Conseil
de l’Europe en 1992. Elle a fait l’objet d’une procédure de suivi
complète jusqu’en 2000. L’Assemblée parlementaire a décidé, par
la Résolution 1211 (2000), de clore la procédure de suivi et d’engager un dialogue
postsuivi sur un certain nombre de préoccupations en suspens, découlant
du non-respect par la Bulgarie des engagements qu’elle a pris lors
de son adhésion et des obligations incombant à tout État membre
en vertu de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe (STE
n° 1) en matière de démocratie, d’État de droit et de droits
humains. Depuis 2000, l’Assemblée évalue systématiquement les progrès accomplis
pour traiter ces préoccupations en suspens.
2. L’Assemblée rappelle sa résolution la plus récente sur le
dialogue postsuivi avec la Bulgarie, à savoir la Résolution 2296 (2019), dans laquelle elle a reconnu les progrès indéniables
réalisés concernant les réformes cruciales et le cadre législatif
mis en place. Toutefois, elle a décidé de poursuivre le dialogue
postsuivi tant que les problèmes persistants au regard du système
judiciaire, de la lutte contre la corruption à haut niveau, des
médias, des droits humains des minorités, de la lutte contre le
discours de haine et la violence à l’égard des femmes n’auront pas
été traités, dans la perspective de garantir la pérennité et l’irréversibilité
des réformes.
3. Il convient de saluer la Bulgarie pour avoir surmonté la crise
et l’instabilité politiques, comme l’illustre la tenue d’élections
législatives anticipées à sept reprises, le 4 avril 2021, le 11 juillet 2021,
le 14 novembre 2021 (le jour de l’élection présidentielle), le 2 octobre 2022,
le 2 avril 2023, le 9 juin 2024 et le 27 octobre 2024.
4. L’Assemblée apprécie le fait qu’un gouvernement de coalition
ait été constitué en janvier 2025 ainsi que la volonté et l’engagement
politiques soutenus dont il fait preuve pour honorer pleinement
les engagements et obligations figurant dans la Résolution 2296 (2019), comme le confirme la poursuite de la coopération avec
les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment avec la
Commission pour le respect des obligations et engagements des États
membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi) de l’Assemblée
et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise).
5. L’Assemblée rappelle que, le 20 décembre 2023, le parlement
a adopté des amendements constitutionnels, qui répondent à certaines
préoccupations de longue date de la Commission de Venise et de l’Assemblée
concernant le système de gouvernance du pouvoir judiciaire et du
ministère public.
6. L’Assemblée prend note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle
du 26 juillet 2024 (n° 13), qui a déclaré inconstitutionnelle la
grande majorité de ces amendements constitutionnels et a indiqué
que leur adoption nécessitait une Grande Assemblée nationale et
non un parlement ordinaire. En conséquence, la réforme du Conseil
supérieur de la magistrature n’a pas été poursuivie, ce qui est
regrettable.
7. L’Assemblée se félicite de la réforme du Code de procédure
pénale du 26 mai 2023, qui a établi un mécanisme permettant d’engager
la responsabilité pénale du procureur général et de ses substituts
et de leur demander des comptes. Suite à cette réforme, les décisions
des procureurs de ne pas ouvrir d’enquête sur certaines catégories
d’infractions pénales (y compris les infractions liées à la corruption)
peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de la part des
tribunaux administratifs. L’Assemblée note avec satisfaction que
la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de ces
modifications législatives (arrêt n° 14 du 26 juillet 2024). Elle
se félicite également que cette même juridiction ait confirmé la
constitutionnalité des modifications constitutionnelles du 20 décembre
2023 limitant les pouvoirs excessifs du ministère public (arrêt
n° 13 du 26 juillet 2024). Toutes ces évolutions sont conformes
aux recommandations de la Commission de Venise.
8. Si les modifications législatives et constitutionnelles susmentionnées
constituent, dans l’ensemble, une avancée considérable vers le respect
des engagements et des obligations de la Bulgarie, il est regrettable
que les questions relatives au système judiciaire n’aient pas encore
toutes été traitées. En particulier, la période probatoire de cinq
ans, prévue pour les juges, a été conservée. De plus, les vastes
compétences de l’Inspection de la magistrature, définies de manière
ambiguë, et l’absence de garanties contre d’éventuelles ingérences
dans le fond des décisions des tribunaux sont problématiques.
9. L’Assemblée se félicite des mesures prises par les autorités
bulgares pour lutter contre la corruption à haut niveau. Elle salue
l’adoption, le 6 octobre 2023, de la loi anticorruption, qui prévoit
une nouvelle structure et de nouvelles compétences pour la commission
chargée de la lutte contre la corruption et la commission chargée
de la confiscation des avoirs illicites, notamment le fait de pouvoir
enquêter sur des infractions de corruption commises par des personnes
occupant des fonctions publiques. Cette compétence, qui faisait auparavant
défaut, était l’un des principaux points faibles de l’ancienne commission
anticorruption.
10. L’Assemblée note avec satisfaction l’adoption, le 27 janvier
2023, de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte ou des personnes
divulguant publiquement des informations sur des infractions, loi
attendue depuis longtemps et qui prévoit un cadre juridique complet
et simplifié pour les signalements et la protection des lanceurs
d’alerte, conformément aux normes démocratiques. Les amendements
à la loi sur les marchés publics visant à assurer une plus grande
transparence constituent également un progrès notable. Par ailleurs, l’Assemblée
prend note des travaux en cours sur une nouvelle législation relative
au lobbying et à la corruption transnationale.
11. L’Assemblée prend note du deuxième rapport de conformité du
Groupe d’États contre la corruption (GRECO) sur la Bulgarie, de
janvier 2020, qui évalue la mise en œuvre des recommandations du
quatrième cycle d’évaluation sur la prévention de la corruption
des parlementaires, des juges et des procureurs. Le rapport conclut
que la Bulgarie a mis en œuvre 16 des 19 recommandations et que
les trois recommandations restantes ont été partiellement mises
en œuvre.
12. L’Assemblée se réfère au rapport du cinquième cycle d’évaluation
du GRECO sur la Bulgarie concernant la prévention de la corruption
et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes
fonctions de l’exécutif) et des services répressifs, dans lequel
le GRECO a formulé 28 recommandations. En novembre 2024, le GRECO
a conclu que seules sept recommandations avaient été mises en œuvre
de manière satisfaisante (principalement celles qui concernaient
l’intégrité de la police), onze avaient été partiellement mises
en œuvre et dix n’avaient pas été mises en œuvre. L’Assemblée demande instamment
aux autorités bulgares de mettre pleinement et rapidement en œuvre
les recommandations formulées par le GRECO au titre de ses quatrième
et cinquième cycles d’évaluation.
13. Malgré les scandales de corruption à haut niveau qui ont éclaté
dans le pays, la réalisation de progrès significatifs se traduisant
par des condamnations définitives dans les affaires de ce type continue
de faire défaut en Bulgarie à ce jour. En 2023, des personnalités
politiques bulgares ont été sanctionnées dans des pays tiers, dans
des affaires liées à de la corruption à haut niveau, après l’abandon
des procédures judiciaires à leur encontre en Bulgarie. L’Assemblée
espère que les nouvelles mesures de lutte contre la corruption démontreront
leur efficacité par des résultats concrets, notamment par des condamnations
définitives dans des affaires de corruption à haut niveau.
14. Plus de 90 arrêts de principe de la Cour européenne des droits
de l’homme concernant la Bulgarie sont en attente d’exécution, dont
plus de la moitié depuis au moins dix ans. L’Assemblée appelle les
autorités à continuer de coopérer avec le Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe en vue de réaliser des progrès tangibles dans
l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme,
notamment en ce qui concerne les affaires relatives à la réforme
du système judiciaire (S.Z. c. Bulgarie, Kolevi c. Bulgarie et Miroslava Todorova c. Bulgarie),
les expulsions forcées et la démolition des maisons de Roms (Yordanova et autres c. Bulgarie)
et les refus d’enregistrer les associations de personnes d’origine
macédonienne (UMO Ilinden et autres c.
Bulgarie et autres affaires similaires).
15. L’Assemblée note avec satisfaction que la Bulgarie a considérablement
amélioré la situation en matière de liberté d’expression. Il convient
de noter un certain nombre d’évolutions positives, notamment les amendements
au Code pénal adoptés en juillet 2023 qui renforcent la protection
des journalistes dans les affaires de diffamation présumée à l’égard
de fonctionnaires. L’allègement de la responsabilité pénale répond à
une recommandation de longue date du Conseil de l’Europe. Il convient
en outre de reconnaître l’amélioration considérable de la jurisprudence
des tribunaux nationaux concernant les accusations de diffamation
à l’encontre de journalistes, en application de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme.
16. Malheureusement, parmi les problèmes persistants figurent
le degré élevé de concentration des médias et le manque de transparence
de la propriété des médias, de la distribution et des fournisseurs
de médias, ainsi qu’un nombre important de poursuites stratégiques
contre la participation publique (ou poursuites-bâillons) visant
les journalistes. L’Assemblée appelle les autorités bulgares à prendre
des mesures législatives pour régler ces problèmes.
17. L’Assemblée demeure préoccupée par la situation fragile de
la population rom, qui constitue le groupe minoritaire le plus grand
et représente près de 5 % de la population bulgare. Tandis qu’un
certain nombre de programmes, de stratégies et de plans d’action
ont été conçus et mis en œuvre ces dernières années pour améliorer
la situation des Roms, aucun progrès majeur n’a été constaté et
les rapports relatifs à l’emploi, au logement, à la situation matérielle,
à l’éducation et à la santé de la population rom restent alarmants. L’Assemblée
demande instamment aux autorités bulgares de poursuivre leurs efforts
afin de réaliser des progrès tangibles en matière d’intégration
et d’inclusion de la population rom.
18. L’Assemblée note avec satisfaction que de nombreuses mesures
ont été prises pour lutter contre le discours de haine. Les amendements
les plus récents au Code pénal, adoptés en juillet 2023, donnent
une définition plus détaillée du discours et des crimes de haine
et prévoient un durcissement des sanctions pour ce type d’infractions.
Les campagnes et les formations menées à l’échelle nationale ont
fortement contribué à sensibiliser davantage le public et les professionnels
concernés.
19. L’Assemblée constate que des progrès considérables ont été
accomplis en ce qui concerne la lutte contre la violence à l’égard
des femmes. Elle salue notamment l’adoption, en juillet 2023, des
amendements au Code pénal qui permettent aux victimes de violences
domestiques de bénéficier d’une protection à un stade précoce, quel
que soit le statut juridique de leur relation. De plus, les amendements
à la loi sur la protection contre les violences domestiques adoptés
en août 2023 accordent des droits supplémentaires aux victimes. Dans
le même temps, l’Assemblée exhorte les autorités bulgares à augmenter
les ressources budgétaires allouées aux refuges pour les victimes
de violences domestiques.
20. Si les progrès réalisés globalement par la Bulgarie en vue
du respect de ses engagements et obligations sont indéniables, certaines
insuffisances persistent et des mesures doivent être prises pour
y remédier. L’Assemblée appelle les autorités bulgares à reprendre
la réforme de l’organisation de l’État (interrompue à la suite de
l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet 2024 (n° 13)),
par l’adoption d’une législation ordinaire et/ou de nouveaux amendements
constitutionnels par la Grande Assemblée nationale. Elle invite
également les autorités à traiter les autres questions en suspens
en étroite coopération avec le Comité des Ministres, le Service
de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme,
la Commission de Venise et d’autres organes du Conseil de l’Europe.
21. L’Assemblée rappelle que les élections législatives anticipées
qui se sont succédé en 2021-2024 ont toutes été observées par ses
commissions ad hoc pour l’observation
des élections. Le cadre juridique en place était adéquat pour la
conduite d’élections démocratiques et les libertés fondamentales
ont été respectées. Dans l’ensemble, les élections consécutives
ont été jugées compétitives et bien gérées par l’administration électorale.
22. L’Assemblée note que la Commission européenne a mis fin, en
septembre 2023, au mécanisme de coopération et de vérification établi
pour la Bulgarie, compte tenu des progrès satisfaisants accomplis
pour tous les indicateurs et de la mise en œuvre des recommandations
formulées au titre de ce mécanisme concernant le système judiciaire,
la lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Elle
salue également les décisions des institutions compétentes de l’Union
européenne concernant l’adhésion de la Bulgarie à la zone euro à
compter du 1er janvier 2026.
23. Au vu de ces éléments, l’Assemblée décide de clore le dialogue
postsuivi avec la Bulgarie et de suivre l’évolution de la situation
dans le pays en matière d’État de droit, de démocratie pluraliste
et de droits humains dans le cadre de ses examens périodiques.
B. Exposé des motifs de M. Yves Cruchten et de Mme Deborah Bergamini, corapporteurs
(open)1. Introduction
1. La Bulgarie a adhéré au Conseil
de l’Europe en 1992. Elle a fait l’objet d’une procédure de suivi
complète jusqu’en 2000, date à laquelle l’Assemblée parlementaire
a décidé, par la Résolution
1211 (2000), de clore la procédure de suivi complète et d’engager
un dialogue postsuivi «sur les questions figurant au paragraphe 4 [de
la Résolution 1211 (2000)] ou sur toute autre question relevant des obligations
de la Bulgarie en tant qu’État membre du Conseil de l’Europe». Depuis,
la commission pour le respect des obligations et engagements des
États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) a présenté
trois rapports à l’Assemblée, en 2010, 2013 et 2019.
2. En 2014, la procédure de suivi de l’Assemblée a subi quelques
modifications. L’Assemblée a notamment décidé que les rapports relatifs
au dialogue postsuivi comporteront désormais un projet de résolution
qui pourra soit indiquer qu’il convient de mettre un terme au dialogue
postsuivi, soit fixer des délais concrets pour la mise en œuvre
des engagements en suspens. Dans le second cas, si le rapport suivant soumis
à l’Assemblée indique que les délais n’ont pas été respectés, le
pays concerné est à nouveau soumis à une procédure de suivi complète
(article 13 du mandat de la commission de suivi).
3. En d’autres termes, le règlement prévoit qu’à compter de 2014,
la commission de suivi préparera tout au plus deux rapports, dont
le second contiendra un projet de résolution proposant à l’Assemblée
soit de clore le dialogue postsuivi, soit de soumettre à nouveau
le pays à une procédure de suivi complète. Comme indiqué au paragraphe 1,
la commission a déjà publié un rapport depuis l’entrée en vigueur
des nouvelles règles, en 2019. À l’issue d’un débat, l’Assemblée
a adopté la Résolution
2296 (2019) dans laquelle elle a énuméré les six domaines où subsistaient
des préoccupations concernant les droits humains et le fonctionnement
des institutions démocratiques en Bulgarie, et a décidé d’évaluer,
en juin 2020, les progrès réalisés dans ces domaines. Ces domaines
incluaient notamment la corruption à haut niveau, la transparence
de la propriété des médias, les droits humains des minorités, le
discours de haine et la violence à l’égard des femmes.
4. Toutefois, de juillet 2020 jusqu’à récemment, la Bulgarie
a traversé une crise politique majeure qui a entraîné l’organisation
consécutive d’élections législatives anticipées à sept reprises:
le 4 avril 2021, le 11 juillet 2021, le 14 novembre 2021 (le jour
de l’élection présidentielle), le 2 octobre 2022, le 2 avril 2023,
le 9 juin 2024 et le 27 octobre 2024 pour les dernières en date.
Pendant quasiment toute cette période, la Bulgarie a été dirigée
par des gouvernements techniques provisoires. Nous examinerons le
contexte politique du fonctionnement des institutions démocratiques
dans la partie 2 ci-après.
5. Nous avons été nommés rapporteur·es respectivement le 13 septembre 2023
(Mme Deborah Bergamini) et le 4 mars 2025
(M. Yves Cruchten, remplaçant Mme Thórhildur
Sunna Ævarsdóttir, qui a quitté l’Assemblée en janvier 2025).
6. Le présent rapport est une version actualisée de celui que
la commission a adopté le 6 mars 2024 («rapport 2024»)
et qui a été déposé,
mais a ensuite été retiré de l’ordre du jour de la partie de session
d’avril 2024 de l’Assemblée en raison des élections législatives
anticipées du 9 juin 2024. Dans le cadre de la préparation du présent
rapport, nous avons été confrontés à la tâche difficile de déterminer
si les évolutions intervenues depuis juin 2019 dans les six domaines
de préoccupation justifiaient de proposer à l’Assemblée de clore
le dialogue postsuivi ou au contraire de soumettre à nouveau la
Bulgarie à une procédure de suivi complète.

7. Dans le cadre de la préparation du rapport 2024, une visite
d’information a eu lieu à Sofia du 17 au 19 septembre 2023. Le programme
de la visite incluait des entretiens avec les plus hauts représentants
des autorités législatives, exécutives et judiciaires du pays et
notamment le président du Parlement, le Premier ministre et les
ministres de la Justice et de l’Intérieur, les chefs des groupes
politiques parlementaires, le procureur général et le président
de la Cour suprême de cassation
. Étant donné
qu’il était nécessaire de mettre à jour le rapport 2024, une nouvelle
visite d’information à Sofia a eu lieu les 2 et 3 juillet 2025.
Lors de cette visite, nous avons rencontré les ministres des Affaires
étrangères, de la Justice et de l’Intérieur, la présidente du Parlement,
des représentant·es des groupes politiques parlementaires, le procureur
général par intérim, la présidente de la Cour suprême de cassation
et des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Les deux
visites à Sofia ont été une excellente opportunité d’avoir un dialogue
politique avec les représentant·es des autorités. Dans le même temps,
elles ont également permis aux corapporteur·es d’échanger avec des
représentant·es de la société civile dont l’expertise et l’expérience
directe ont grandement contribué à leur compréhension de la situation
sur le terrain. Le 23 juillet 2025, la délégation bulgare auprès
de l’Assemblée a envoyé ses commentaires sur l’avant-projet de rapport
(de juin 2025).

8. Le présent rapport tient compte également des avis juridiques
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) concernant le projet d’amendements à la Constitution
, les projets d’amendements au Code
de procédure pénale et à la Loi sur le système judiciaire
, le projet d’amendements à la Loi
sur le système judiciaire concernant l’Inspectorat du Conseil Supérieur
de la Magistrature
, ainsi qu’un avis intérimaire urgent portant sur le
projet de nouvelle Constitution
.




9. Nous avons également tenu compte des observations et conclusions
des institutions compétentes et des mécanismes de suivi des conventions
du Conseil de l’Europe auxquelles la Bulgarie est partie. Nous nous sommes
notamment appuyés sur le rapport de la Commissaire aux droits de
l’homme relatif à la Bulgarie
, les rapports d’évaluation et de
conformité des quatrième et cinquième cycles d’évaluation établis
par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO)
, le rapport
du cinquième cycle d’évaluation du Comité d’experts sur l’évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme (MONEYVAL)
, le rapport
d’évaluation du troisième cycle d’évaluation du Groupe d’experts
sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA)
, le quatrième
et le cinquième avis sur la Bulgarie adoptés par le Comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(STE no 157)
et les observations du gouvernement
, la Résolution
du Comité des Ministres sur la mise en œuvre par la Bulgarie de
la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
ainsi
que le cinquième rapport soumis par la Bulgarie
. Nous avons également pris connaissance
du rapport du sixième cycle de suivi de la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la Bulgarie et des
observations du gouvernement
ainsi que du rapport du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT)
et des observations du gouvernement
.











10. L’Assemblée a observé les élections présidentielle et législatives
mentionnées au paragraphe 4 et a débattu les rapports des missions
d’observation
préparés par les commissions ad hoc. Le présent rapport se fonde
également sur les conclusions de ces missions d’observation.

11. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme («la
Cour») concernant la Bulgarie sont une autre source d’information
utile sur la situation du pays en matière de démocratie, d’État
de droit et de droits humains. Nous nous sommes également appuyés
sur les documents du Comité des Ministres concernant la surveillance
de l’exécution des arrêts de la Cour
.

12. La Bulgarie est devenue membre de l’Union européenne en 2007.
Lors de son adhésion, la Commission européenne a mis en place un
mécanisme de coopération et de vérification (MCV) pour régler les
problèmes subsistant en particulier dans le domaine de la justice,
de la corruption et de la criminalité organisée. À ce jour, 13 rapports
annuels ont été publiés, le dernier datant d’octobre 2019
. Le présent rapport tient compte
des conclusions des rapports successifs du MCV. En septembre 2023,
l’Union européenne a mis fin au mécanisme de coopération et de vérification
pour la Bulgarie, qui reste soumise aux rapports annuels de la Commission européenne
relatifs à l’État de droit. Avant de parvenir à la conclusion finale
du présent rapport, nous avons effectué une visite, le 12 février 2024,
à la Direction de la Commission européenne chargée du suivi de l’État de
droit dans les États membres de l’Union européenne (DG-Just) et
avons tenu un échange de vues avec les agents responsables de la
Bulgarie. Dans le présent rapport, nous nous référerons également
aux conclusions du Rapport
2025 de la Commission européenne sur l’État de droit et à son chapitre sur la situation en Bulgarie
.


13. En outre, en 2016, cinq procureurs des États membres de l’Union
européenne, aidés par le Service d’appui à la réforme structurelle,
ont préparé une analyse indépendante du modèle structurel et fonctionnel
du parquet et une analyse de son indépendance. Nous avons pris connaissance
des résultats de cette analyse.
14. Nous sommes convaincus que ces diverses sources d’information
nous ont permis d’élaborer un rapport objectif et équilibré évaluant
les progrès réalisés par la Bulgarie du point de vue du fonctionnement
des institutions démocratiques. Nous avons en particulier cherché
à déterminer dans quelle mesure les réformes engagées par les autorités
répondent aux préoccupations exprimées par l’Assemblée dans sa Résolution 2296 (2019), si le processus de réforme est durable et irréversible
et s’il est suffisamment bien ancré dans la politique bulgare.
15. Le présent rapport tient également compte de la proposition
de résolution sur le «Le pluralisme politique et la démocratie mis
à mal en Bulgarie», qui a été déposée le 15 avril 2025 et fait référence
au refus du Parlement bulgare d’organiser un référendum sur l’adhésion
du pays à la zone euro, prévue pour le 1er janvier 2026
.

2. Contexte politique
16. La dernière élection présidentielle
en date s’est tenue en novembre 2021. Le candidat du BSP (Parti socialiste)
Rumen Radev a remporté l’élection avec 66,72% des voix contre 31,80%
pour le candidat du parti au pouvoir (GERB – Citoyens pour le développement
européen de la Bulgarie). La colistière de M. Radev était Mme Iliana Iotova.
Les prochaines élections présidentielles sont prévues à l’automne
2026.
17. La période comprise entre juillet 2020 et avril 2023 a été
marquée par une crise et une instabilité politiques à la suite de
manifestations de masse. Celles-ci ont été déclenchées par de nombreux
scandales de corruption entourant notamment l’attribution de fonds
européens, de projets d’infrastructures et de subventions gouvernementales.
Les élections législatives consécutives n’ont pas abouti à la stabilité
des gouvernements avant avril 2023.
18. Bien que ces facteurs contextuels ne relèvent pas du champ
d’application de l’actuel rapport de suivi, il est évident qu’ils
ont un impact inévitable sur le fonctionnement des institutions
démocratiques et sur le processus de réforme. À cet égard, nous
tenons à souligner les progrès réalisés malgré la situation politique difficile
et les élections répétées et à féliciter les autorités bulgares
pour leurs engagements à accomplir toutes les obligations liées
à leur adhésion au Conseil de l’Europe.
19. À la suite des élections législatives anticipées d’avril 2023,
six partis politiques et coalitions sont entrés au parlement: le
GERB-SDS a remporté 69 sièges sur les 240 (soit 2 de plus qu’en
octobre 2022), talonné par le PP-DB (coalition entre Nous continuons
le changement (PP) fondé en mai 2021 et Bulgarie démocratique) qui
en totalisait 64 (9 de moins que lors de la précédente législature).
Le parti d’extrême droite prorusse Renouveau en a obtenu 37 (10 de
plus), le Mouvement pour les droits et les libertés (MRF (DPS),
représentant les minorités) 36, le BSP (Parti socialiste bulgare)
23 et ITN («Il y a un tel peuple») 11.
20. Le 6 juin 2023, le Parlement bulgare a approuvé une coalition
entre les deux principaux groupes politiques, le GERB et le PP-DB.
Conformément à l’accord de coalition, M. Nikolay Denkov du PP-DB
devait occuper le poste de Premier ministre durant les neuf premiers
mois avant de laisser sa place à Mme Mariya Gabriel
du GERB, qui exerçait jusque-là les fonctions de Vice-Première ministre
et ministre des Affaires étrangères.
21. Le gouvernement de coalition s’est accordé sur une politique
pro-Union européenne ayant pour grandes priorités l’adhésion à l’espace
Schengen et à l’Union monétaire européenne. Il était déterminé à
combattre l’influence de la Fédération de Russie dans le secteur
de la sécurité en Bulgarie, à réformer la justice et à lutter contre
la corruption à haut niveau.
22. Le 5 mars 2024, le Premier ministre Denkov a démissionné conformément
à l’accord de rotation. Cependant, la rotation du gouvernement et
la formation d’une nouvelle administration qui étaient alors prévues ont
échoué et, malgré de nombreux cycles de négociations, aucun gouvernement
viable n’a vu le jour. Le 9 avril 2024, de nouvelles élections ont
été annoncées, pour le 9 juin 2024, à la même date que les élections
au Parlement européen.
23. Les élections législatives anticipées du 9 juin 2024 ont été
marquées par un désengagement politique sans précédent, le taux
de participation ayant atteint un niveau historiquement bas de 34,41 %.
Le GERB-SDS a obtenu 68 sièges, le MRF(DPS) 47, la coalition PP-DB
39, Renouveau 38, le BSP 19, ITN 16 et «Velichie» (parti nationaliste)
13
. Ces résultats
ont conduit à une nouvelle impasse politique qui a accentué la fragmentation
et l’instabilité politiques. Malgré de multiples cycles de négociations,
aucune coalition stable n’a pu être formée et de nouvelles élections
législatives anticipées ont été convoquées pour le 27 octobre 2024.

24. Il s’agissait du septième scrutin législatif en un peu plus
de trois ans, en plus des élections européennes et des deux tours
de l’élection présidentielle. Le taux de participation a été de
38 94%. Huit partis politiques ont atteint le seuil électoral. Sur
les 240 sièges, le GERB-SDS en a obtenu 69 (+1 par rapport aux élections
de juin 2024), le PP 37 (-2), Renouveau 35, le MRF – Nouveau départ
30, le BSP 20, ARF (Alliance pour les droits et les libertés) 19,
ITN 18 et MECh (nouveau parti) 12
.
Les résultats ont confirmé la persistance d’un paysage politique
fragmenté en Bulgarie et il n’y a pas eu de changement majeur dans
la répartition des sièges
. Certains petits
partis ont contesté les résultats des élections, alléguant des fraudes
électorales.


25. Les missions d’observation électorale de l’Assemblée ont salué
la bonne organisation des deux élections législatives, mais ont
fait part de leur inquiétude quant à l’absence continuelle de progrès déterminants
pour sortir de l’impasse politique, comme en témoignent les crises
politiques à répétition. Elles ont fait part également de leur profonde
préoccupation quant aux allégations persistantes d’achat de voix
et de vote contrôlé, en dépit de certaines mesures positives prises
par les autorités, notamment la mise en place d’une permanence téléphonique
par le ministère de l’Intérieur
.

26. À la suite des élections du 27 octobre 2024, après onze tours
de scrutin, Mme Natalia Kiselova (BSP-OL)
a été élue présidente de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2024.
27. En janvier 2025, le GERB-SDS a formé un gouvernement minoritaire
en coalition avec le BSP et ITN, et avec le soutien d’ARF, avec
pour Premier ministre M. Rosen Dimitrov Zhelyazkov (du GERB). Les
trois partis de la coalition totalisent 107 sièges (120 sont nécessaires
pour avoir une majorité) et ARF en compte 19.
28. L’adhésion de la Bulgarie à la zone euro a le soutien de la
majorité des groupes parlementaires qui entourent la coalition au
pouvoir, bien qu’il y ait aussi des groupes et des individus qui
critiquent fortement cette décision et que des manifestations contre
celle-ci aient été organisées à Sofia et dans d’autres grandes villes. En
mai 2025, la proposition du Président Ramev d’organiser un référendum
sur l’adoption de l’euro a été rejetée par la présidente du Parlement,
qui l’a jugée inconstitutionnelle, et une proposition similaire
faite par les député·es de Renouveau a été rejetée par le parlement.
Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, nous avons évoqué
ces questions avec des représentant·es du gouvernement et des membres
du parlement. Les représentant·es de Renouveau se sont plaints que,
le 7 juillet 2025, le Parlement avait rejeté une pétition signée
par plus de 604 000 citoyens appelant à un référendum sur le report
de l’adhésion à la zone euro jusqu’en 2043, bien que la loi impose
l’obligation d’organiser un référendum dans le cas où le nombre
de signatures recueillies dépasse 400 000. Ils ont déclaré que le
pays n’était pas prêt à rejoindre la zone euro et que l’adoption
de l’euro entraînerait une augmentation de la pauvreté au sein de
la population. Les autorités et les représentant·es de la coalition
au pouvoir ont souligné que la Bulgarie s’était engagée à rejoindre
la zone euro le 1er janvier 2026, conformément
à ses obligations internationales, et qu’en juin 2025 la Commission européenne
et la Banque centrale européenne avaient publié leurs rapports de
convergence, qui confirmaient que le pays était prêt à rejoindre
la zone euro. Les 7 et 8 juillet 2025, le Parlement européen et
le Conseil de l’Union européenne ont respectivement donné leur feu
vert au lancement de ce processus.
3. Préoccupations en suspens recensées dans la Résolution 2296 (2019)
3.1. Réforme du pouvoir judiciaire
3.1.1. Tentatives antérieures de réforme du pouvoir judiciaire et amendements constitutionnels de décembre 2023
29. Le système judiciaire bulgare
a fait l’objet d’une réforme majeure adoptée par le gouvernement
en place en 2014, approuvée par le parlement en 2015 et suivie d’un
processus législatif supplémentaire en 2015-2017. Les changements
introduits par cette réforme ont contribué à d’indéniables progrès
dans le domaine judiciaire et ont répondu à diverses préoccupations
exprimées par les acteurs nationaux et la communauté internationale,
notamment l’Assemblée
. Cependant, dans son avis de 2017
sur la Loi sur le système judiciaire
, la Commission de Venise a soulevé
un certain nombre de préoccupations qui n’avaient pas été prises
en compte, notamment en ce qui concerne la composition du Conseil
supérieur de la magistrature (CSM), les pouvoirs excessifs des procureurs,
leur implication dans la gouvernance des juges et l’obligation insuffisante
de rendre compte du procureur général.


30. La réforme de 2015-2017 a créé deux chambres distinctes au
sein du CSM (l’une pour les juges, composée de 14 membres, et l’autre
pour les procureurs/magistrats instructeurs, composée de 11 membres). Bien
que la plénière du CSM se soit vu retirer la plupart de ses pouvoirs
de nomination, de sanction et de révocation des juges et des procureurs
(qui ont été confiés aux deux chambres), elle a gardé le pouvoir
de nomination et de révocation du président de la Cour suprême de
cassation, du président de la Cour administrative suprême et du
procureur général, de même que le pouvoir de révoquer les membres
judiciaires élus, et certains pouvoirs réglementaires.
31. Le procureur général conserve une influence accrue au sein
de la chambre des procureurs du CSM et reste le supérieur hiérarchique
des membres issus du Parquet et des membres non professionnels ayant
une expérience en matière de poursuites. Il était très préoccupant
que les procureurs, et en particulier le procureur général, soient
autant impliqués dans la gouvernance des juges, notamment pour certaines
questions non disciplinaires.
32. Les autorités bulgares ont tenté de remédier à ces lacunes
persistantes dans l’organisation et le fonctionnement du CSM en
préparant des amendements en 2019 et 2020. Il convient de noter
qu’elles ont sollicité l’avis de la Commission de Venise dans les
deux cas, ce qui témoigne de la volonté de coopération des autorités
. Cela étant, du fait de l’instabilité
politique et des élections législatives répétées, ces projets d’amendements
ont été abandonnés.

33. À la suite de sa formation en mai 2023, le gouvernement de
l’époque a lancé une réforme constitutionnelle visant à répondre
aux principales préoccupations soulevées par la Commission de Venise dans
son avis de 2017
et par l’Assemblée
en ce qui concerne le système de gouvernance du pouvoir judiciaire
et du ministère public.

34. Les amendements constitutionnels ont été adoptés à la grande
majorité par l’Assemblée nationale le 20 décembre 2023 (165 votes
pour, 71 votes contre et une abstention).
35. La composition, le mode de nomination et le fonctionnement
du CSM ainsi que le rôle joué par le procureur général dans cette
instance étaient l’axe principal de la récente réforme constitutionnelle
(chapitre VI de la Constitution).
36. Les amendements constitutionnels ont supprimé la plénière
du CSM et créé deux conseils indépendants, l’un pour les juges,
l’autre pour les procureurs et juges d’instruction. La suppression
de la plénière du CSM a répondu à la préoccupation selon laquelle
les procureurs, et le procureur général en particulier, étaient
excessivement impliqués dans la gouvernance des juges. En outre,
la réforme a également limité certains pouvoirs du Président de
la République en ce qui concerne la nomination des gouvernements intérimaires.
37. Les amendements constitutionnels ont constitué, dans l’ensemble,
un pas dans la bonne direction et ont été évalués de manière plutôt
positive par la Commission de Venise
,
car ils ont répondu à de nombreuses préoccupations antérieures concernant
le système judiciaire bulgare (mais pas la totalité d’entre elles). Néanmoins,
la procédure de leur adoption a suscité certaines préoccupations.
Le projet d’amendements a été présenté le 28 juillet 2023 par 166 députés
(sur 240) sur la base d’un accord entre les forces politiques au
sein de l’Assemblée nationale
et
a été rendu public. Le vote en première lecture a eu lieu le 8 décembre 2023,
la deuxième lecture a eu lieu le 19 décembre et la troisième lecture,
le 20 décembre 2023. Il est apparu que l’accord politique en faveur
d’un changement de la Constitution avait surpris non seulement l’opinion
publique mais aussi certaines parties prenantes
et que les recommandations procédurales
de la Commission de Venise n’avaient pas été suivies
. Certains experts
constitutionnels ayant fait valoir que les changements proposés
nécessitaient la convocation de la Grande Assemblée nationale (article 153
de la Constitution)
,
la question a été renvoyée à la Cour constitutionnelle.





38. Dans son arrêt du 26 juillet 2024 (n° 13), la Cour constitutionnelle
a déclaré inconstitutionnels plusieurs des amendements constitutionnels.
Elle a estimé que plusieurs dispositions de la réforme constitutionnelle étaient
essentielles pour l’organisation de l’État et que leur adoption
nécessitait donc une Grande Assemblée nationale et non un parlement
ordinaire. Par conséquent, les dispositions relatives à la division
du CSM en deux conseils distincts, aux modifications du mandat et
des pouvoirs du procureur général, à l’élection des membres des
organes indépendants à la majorité qualifiée des deux tiers et aux
restrictions imposées aux inspecteurs occupant des postes après
l’expiration de leur mandat ont été déclarées inconstitutionnelles. D’autres
dispositions ont été invalidées en raison de leur qualité rédactionnelle,
de leur manque de clarté et d’objectif. Bien que certaines dispositions
aient été déclarées compatibles en elles-mêmes avec la Constitution,
la Cour constitutionnelle les a invalidées du fait de leur présence
dans une réforme plus large déclarée inconstitutionnelle
. La Cour constitutionnelle
a confirmé la constitutionnalité des dispositions qui étendent le
droit de recours à la Cour constitutionnelle, y compris pour le
médiateur et d’autres institutions, et qui limitent le pouvoir du
Président dans la nomination d’un gouvernement intérimaire. Ainsi,
à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, près de 90 %
des nouveaux amendements constitutionnels ont été abrogés. Par conséquent,
le parlement n’a pas poursuivi l’examen du projet de nouvelle loi
sur le système judiciaire de mars 2024, qui devait mettre en œuvre
les amendements constitutionnels, bien que certaines dispositions
ne soient pas affectées par les amendements constitutionnels
.
Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, les autorités nous
ont indiqué que certaines des questions visées dans le projet pouvaient
désormais être traitées par la législation ordinaire. Certains de
nos interlocuteurs ont également souligné que la réforme constitutionnelle n’avait
pas fait l’objet d’une consultation appropriée des professionnel·les
du droit, tels que les juges et les procureurs.


3.1.2. Réforme du Conseil supérieur de la magistrature
39. Selon les amendements constitutionnels
de décembre 2023, le nouveau Conseil supérieur de la magistrature
devait être composé de 15 membres, dont le président de la Cour
suprême de cassation qui en assurerait la présidence, le président
de la Cour administrative suprême, ainsi que 8 juges élus par leurs
pairs et 5 juristes en exercice ayant 15 ans d’expérience, élus
par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers. Cette composition
aurait été conforme à la Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres selon laquelle «[a]u moins la
moitié des membres de ces conseils devraient être des juges choisis
par leurs pairs issus de tous les niveaux du pouvoir judiciaire
et dans le plein respect du pluralisme au sein du système judiciaire».
40. Suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet
2024, les dispositions constitutionnelles pertinentes dans leur
formulation d’avant décembre 2023 sont de nouveau en vigueur, ce
qui semble constituer un recul
.
Ainsi, conformément à la législation en vigueur, le CSM se compose
de onze membres élus par l’Assemblée nationale à la majorité des
deux tiers des représentant·es nationaux, de onze membres élus par les
organes judiciaires et de trois membres d’office (les président·es
de la Cour suprême de cassation et de la Cour administrative suprême
et le procureur général). La chambre judiciaire du CSM est composée
de six juges élus par les juges, de six membres élus par le parlement
et des président·es de la Cour suprême de cassation et de la Cour
administrative suprême. Leur mandat est de cinq ans (non renouvelable immédiatement).

41. Il convient de souligner que l’amendement constitutionnel
de décembre 2023 prévoyant qu’un nouveau CSM serait composé d’une
majorité de juges élus par leurs pairs n’était pas problématique
en soi, mais qu’il a dû être invalidé en raison de son lien étroit
avec les amendements inconstitutionnels. Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle
a précisé que l’augmentation du nombre de juges élus par leurs pairs
au sein du nouveau CSM contribuait à l’indépendance institutionnelle
et fonctionnelle de la justice
.

42. En outre, un autre sujet de préoccupation est lié au fait
que le mandat de tous les membres élus du CSM (22 sur 25) a expiré
en 2022. Le CSM poursuit son travail, mais avec un nombre réduit
de membres élus par les juges (quatre seulement). En janvier 2025,
le parlement a adopté des amendements à la Loi sur le pouvoir judiciaire,
qui prévoient, entre autres, que dans un délai de six mois (jusqu’au
21 juillet 2025), le parlement et le pouvoir judiciaire doivent
ouvrir des procédures pour l’élection de nouveaux membres du CSM
.
En juillet 2025, la plénière du CSM a adopté les Règles relatives
à la conduite des élections des membres du CSM par les juges, les
procureurs et les juges d’instruction. Les membres du CSM, dont
le mandat a expiré, ne peuvent pas participer à l’élection ou à
la révocation des présidents des deux cours suprêmes et du procureur
général. Cela pose problème car les postes de président·e de la
Cour administrative suprême et de procureur général sont toujours
vacants. Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, des membres
du CSM nous ont expliqué qu’un concours pour le poste de président·e
de la Cour administrative suprême avait été annulé en 2024 en raison
d’un manque de candidat·es et qu’un concours pour le poste de procureur
général était en cours
.


43. En mai 2025, à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE) du 30 avril 2025 (voir ci-dessous), le
CSM s’est penché sur la question de savoir s’il pouvait continuer
à exercer ses compétences à l’expiration du mandat de ses membres
élus et, le cas échéant, de quelle manière.
44. La réforme du CSM a fait l’objet d’un suivi de la part du
Comité des Ministres en lien avec l’exécution de l’arrêt Miroslava Todorova c. Bulgarie
. Dans cette affaire,
la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’une procédure
disciplinaire engagée contre la juge requérante devant le CSM en
raison des critiques qu’elle avait exprimées publiquement à l’égard
de cette institution et de l’exécutif constituait une ingérence dans
l’exercice de son droit à la liberté d’expression (violation de
l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme,
STE no 5 ci-après la «Convention»). En
outre, la Cour a également considéré que le but prédominant des
poursuites disciplinaires engagées contre la requérante et des sanctions
qui lui ont été imposées avait été de sanctionner et d’intimider
l’intéressée (violation de l’article 18 combiné avec l’article 10 de
la Convention). Le Comité des Ministres examine également l’exécution
d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme concernant
la suspension d’un juge de ses fonctions à la suite d’une décision
du CSM (Pengezov c. Bulgarie
).


3.1.3. L’Inspection de la magistrature du CSM
45. Une autre préoccupation concerne
l’Inspection de la magistrature, organe subordonné au CSM composé
d’un inspecteur général et de dix inspecteurs élus par l’Assemblée
nationale à la majorité des deux tiers de ses membres pour un mandat
de cinq ans renouvelable une fois. L’Inspection existait avant la
réforme récente; un amendement de 2016 a accru ses pouvoirs dans
des domaines comme l’intégrité, la vérification des déclarations
d’intérêt et du patrimoine privé des magistrats, ainsi que l’examen
des affaires dans lesquelles l’intégrité des magistrats a été remise
en question. Le rôle de l’Inspection en matière disciplinaire a
également été renforcé à cette occasion. L’Inspection actuelle est
donc compétente pour examiner tous les aspects ou presque de l’activité
des tribunaux, des parquets et des juges et procureurs, notamment
l’organisation interne et les modalités de travail, la cohérence
de la jurisprudence, la situation financière des magistrats, leur patrimoine,
leur comportement dans la sphère privée, etc.
46. Dans son avis de 2017 sur la Loi sur le système judiciaire
,
établi à la demande de la commission de suivi en 2016, la Commission
de Venise a conclu que les pouvoirs accrus de l’Inspection pouvaient
représenter un danger pour l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Même si le pouvoir de décision formel reste du ressort du CSM, le
fait de confier à l’Inspection autant de nouvelles fonctions, qui
empiètent souvent sur celles du CSM, pourrait entraîner un transfert
du pouvoir réel du CSM vers l’Inspection. La Commission de Venise
a recommandé d’établir une distinction plus claire entre les fonctions
de l’Inspection et celles du CSM (en particulier entre les inspections
et les évaluations). Dans ses observations, la délégation déclare
que les modifications législatives de 2016 n’ont pas conduit à des
doublons entre les fonctions du CSM et celles de l’Inspection. Au
contraire, elles les ont complétées en fournissant des informations
et des analyses objectives pour soutenir une prise de décision éclairée.

47. La Commission de Venise a également souligné qu’il était important
que le mode de nomination de l’Inspecteur général et des 10 inspecteurs
minimise le risque d’attachement politique pour ne pas compromettre
l’indépendance du pouvoir judiciaire. Selon la Commission de Venise,
le CSM devrait avoir le pouvoir de nommer des candidats au poste
d’inspecteur et de les révoquer en cas de manquements graves.
48. Malheureusement, les recommandations de la Commission de
Venise réitérées par la Résolution 2296 (2019) de l’Assemblée et
la Commission européenne n’ont pas été prises en considération à
ce jour. Le projet de nouvelle loi sur le système judiciaire de
mars 2024, qui avait été évalué positivement par le Comité des Ministres
en lien avec l’exécution de l’arrêt de la Cour Miroslava Todorova c. Bulgarie,
n’a pas été poursuivi à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle
déclarant que la majeure partie de la réforme était inconstitutionnelle
. De nouveaux projets d’amendements
à la loi sur le système judiciaire ont été publiés pour une consultation
publique le 19 décembre 2024. Ils prévoyaient notamment que la moitié
au moins des inspecteurs de l’Inspection du CSM devaient être nommés
parmi les candidats proposés par la réunion plénière des deux cours
suprêmes ou par les procureurs et les magistrats instructeurs des
plus hautes instances du ministère public
.
Bien qu’ils aient été évalués positivement par le Comité des Ministres
, le nouveau gouvernement nommé en janvier
2025 ne semble pas avoir poursuivi leur adoption
.




49. Dans ses observations, la délégation ne partage pas la position
de la Commission de Venise sur le risque d’ingérence politique.
Elle souligne que la procédure de nomination de l’Inspecteur général
et des inspecteurs fait l’objet d’un examen public et parlementaire
et comporte des exigences en matière de professionnalisme, d’expérience
et de réputation éthique. Elle précise que l’Inspection n’a pas
le pouvoir de réviser ou d’annuler des actes judiciaires et que
la Constitution et la loi garantissent que ses fonctions se limitent
au contrôle de l’activité administrative et des normes éthiques,
sans interférer avec l’administration de la justice elle-même. Selon
les autorités, cela élimine le risque d’empiéter sur l’indépendance
des tribunaux. La prise de décision reste entre les mains du CSM. Même
avec des fonctions élargies, l’Inspection ne prend pas de décisions
finales mais fournit seulement des avis et des rapports.
50. Dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle, la
CJUE a jugé que le principe de l’indépendance de la justice s’oppose
à une pratique dans laquelle un organe judiciaire, tel que l’Inspection
de la magistrature, travaille au-delà de l’expiration de son mandat
sans qu’une base juridique expresse le justifie et sans que cette
prolongation de mandat soit limitée dans le temps
. En conséquence, l’Inspection
de la magistrature a déclaré qu’elle s’abstiendrait désormais d’engager
des procédures disciplinaires à l’encontre des juges
.


3.1.4. Réforme du ministère public
51. Dans le système mis en place
en 2015-2017, la question du rôle des procureurs dans la gouvernance des
juges était étroitement liée à celle, plus générale, de la position
du procureur général dans le système judiciaire bulgare. En particulier,
l’absence de mécanisme effectif permettant d’engager la responsabilité pénale
du procureur général et de ses substituts et de leur demander des
comptes ainsi que l’absence de contrôle juridictionnel des décisions
du procureur de ne pas ouvrir une enquête sont des préoccupations
de longue date. Ces questions ont été examinées par le Comité des
Ministres en lien avec l’exécution d’un groupe d’arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme (S.Z./Kolevi
c. Bulgarie
) et par le
Conseil de l’Europe en général.


52. Le 26 mai 2023, l’Assemblée nationale a adopté une loi, modifiant
et complétant le Code de procédure pénale et mis en place un mécanisme
qui permet d’engager la responsabilité pénale du procureur général
et de ses substituts et de leur demander des comptes, ce qui est
un développement positif majeur. La loi prévoit également que les
décisions des procureurs de ne pas ouvrir d’enquête sur certaines
catégories d’infractions pénales peuvent faire l’objet d’un contrôle
juridictionnel par les tribunaux administratifs. La nouvelle loi
répond aux préoccupations exprimées de longue date par la Cour européenne
des droits de l’homme, la Commission de Venise et l’Assemblée, et
a été accueillie favorablement par le Comité des Ministres en lien
avec l’exécution du groupe d’affaires S.Z./Kolevi
c. Bulgarie
.

53. Dans un (deuxième) arrêt du 26 juillet 2024 (n° 14), la Cour
constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité des amendements
législatifs de mai 2023.
54. S’agissant du nouveau mécanisme d’enquête indépendante concernant
un procureur général (adjoint), il repose sur la sélection aléatoire
d’un juge, à partir de la liste des juges expérimentés, pour servir
de procureur ad hoc dans le cadre d’une enquête concernant un procureur
général ou ses adjoints
.
Le 18 octobre 2023, Mme Daniela Taleva
a été nommée procureur ad hoc au bureau du procureur de la Cour
suprême de cassation et elle a pris ses fonctions le 7 décembre
2023. En décembre 2023, le Comité des Ministres s’est félicité de
sa nomination, a demandé des clarifications sur le fonctionnement
du nouveau mécanisme et a réitéré son soutien à la proposition visant
à créer une base constitutionnelle pour celui-ci
. Toutefois, de nombreuses inquiétudes
subsistent quant à l’indépendance et à l’efficacité du procureur
ad hoc. En particulier, le Comité Helsinki bulgare s’est plaint
du refus d’ouvrir une enquête sur les transactions immobilières
de la famille du procureur général par intérim et de l’absence d’enquête
effective sur les événements des «huit nains» (concernant des allégations
d’influence indue sur les procédures judiciaires par certains avocats
et d’autres personnes privées)
. Dans ses observations,
la délégation a indiqué que, conformément à l’ordonnance du ministre
de l’Intérieur, des agents de la Direction générale de la lutte
contre la criminalité organisée avaient été chargés de mener des
inspections en vertu de la loi sur le système judiciaire, lorsque
des enquêtes impliquant le procureur général et ses adjoints étaient
menées.



55. Un autre sujet de préoccupation concerne les pouvoirs excessifs
du ministère public, qui est chargé du «contrôle général de la légalité».
Cette compétence, vaguement définie, donnait aux procureurs des
pouvoirs de coercition dans les affaires administratives, y compris
les litiges privés. Par conséquent, ils pouvaient intervenir au
nom de l’État, procéder à des vérifications et rendre des ordonnances
exécutoires. Ce point avait été jugé préoccupant dans les précédents
avis de la Commission de Venise.
56. En vertu des amendements constitutionnels de décembre 2023
(par l’ajout de deux nouveaux paragraphes à l’article 127 de la
Constitution), le ministère public n’aura plus le pouvoir de «contrôle
général de la légalité» et ne conservera que des fonctions limitées
et transparentes (telles que des instructions méthodologiques),
qui sont soumises à un contrôle juridictionnel. Il veillera au respect
de la loi en contestant les actes prétendument illégaux devant les
tribunaux dans les cas prévus par la loi ou lorsque, en plus des affaires
pénales, il prend part – dans les cas prévus par la loi – à d’autres
affaires, en défendant des intérêts publics significatifs ou des
personnes qui ont besoin d’une protection spéciale. Dans son premier
arrêt du 26 juillet 2024 (n° 13, déclarant l’inconstitutionnalité
de la majorité des amendements constitutionnels), la Cour constitutionnelle
a confirmé la constitutionnalité de ces amendements. Par conséquent,
cette partie de la réforme constitutionnelle reste valide.
57. Malheureusement, d’autres amendements constitutionnels visant
à introduire une transformation en profondeur du ministère public
ont été invalidés par la Cour constitutionnelle. Comme mentionné
ci-dessus, cette dernière a déclaré inconstitutionnelles les dispositions:
- prévoyant la création d’un Conseil supérieur des procureurs (CSP) distinct
;
- imposant au parlement d’élire son quota de membres des deux conseils parmi des professionnel·les de la justice qui ne sont ni procureurs ni juges d’instruction;
- prévoyant que le procureur général serait nommé pour un mandat de cinq ans (au lieu de sept) et qu’il n’exercerait pas de contrôle de légalité sur les actes de tous les procureurs
;
- prévoyant qu’un procureur général (adjoint) doit faire l’objet d’une enquête et être poursuivi par un procureur qui, jusqu’à sa nomination comme procureur ad hoc, était juge à la chambre pénale de la Cour suprême de cassation ou dans les chambres pénales des cours d’appel ou des tribunaux de grande instance
.
58. La Cour constitutionnelle a également estimé que les dispositions
suivantes ne relevaient pas des compétences d’un parlement ordinaire:
- la modification des mandats du procureur général et des membres élus des nouveaux CSM et du CSP;
- la suppression du contrôle de légalité exercé par le procureur général sur tous les autres procureurs;
- les règles relatives à la composition du CSP, dont il a été constaté qu’elles perturbaient l’équilibre entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, en raison du nombre élevé de membres du CSP élus par le parlement, compte tenu de l’interdiction d’inclure des procureurs et des juges d’instruction dans sa composition
.
59. Par conséquent, selon les dispositions légales en vigueur,
le procureur général est nommé pour un mandat de sept ans non renouvelable
à l’issue d’une procédure de sélection et de désignation de candidats par
le CSM, ce qui est ensuite confirmé par le Président de la République.
Les candidats peuvent être présentés à l’initiative des membres
de la chambre des procureurs du CSM ou par le ministre de la Justice.
Le Collège des procureurs du CSM se compose de 11 membres. Il inclut
le procureur général, quatre membres élus directement par les procureurs,
un membre élu directement par les juges d’instruction et cinq membres élus
par l’Assemblée nationale.
60. La nomination du procureur général en octobre 2019 a largement
démontré les lacunes de cette procédure. Les groupes non gouvernementaux
de défense des droits humains et de la justice contestaient le professionnalisme,
l’intégrité et l’indépendance du candidat. Comme il était le seul
candidat, le Président a apposé son veto à cette nomination, affirmant
que «la nomination d’un candidat unique privait non seulement la
procédure de son caractère concurrentiel, mais ôtait également tout
prestige et toute légitimité au futur procureur général». Le vote
au sein du CSM a passé outre au veto présidentiel et M. Geshev a
été confirmé dans ses fonctions de procureur général. Son inaction
présumée en tant que procureur général adjoint concernant la corruption
à haut niveau et sa nomination ultérieure au poste le plus élevé
du Ministère public ont été l’une des causes des manifestations
de masse en juillet 2020. En juin 2023, à la suite de la réforme
de mai 2023, le procureur général très critiqué a été démis de ses
fonctions, sur fond de conflit – très médiatisé – entre lui et d’autres
procureurs de haut rang. Son adjoint M. Borislav Sarafov (que nous
avons rencontré à Sofia en juillet 2025) a été nommé procureur général
par intérim. Il occupe ce poste depuis près de deux ans. Les élections
du nouveau procureur général et du nouveau CSM ont été reportées
en raison de l’expiration du mandat des membres du CSJ (voir ci-dessus).
61. Il est regrettable que les amendements constitutionnels ne
soient pas entrés en vigueur. Ils auraient clarifié les pouvoirs
du procureur général et limité leur concentration. Ils visaient
à supprimer ses pouvoirs excessifs sur les juges du CSM et à renforcer
l’indépendance des procureurs du CSP. Ils ont accordé une nette prédominance
aux membres élus par le parlement, les procureurs n’étant que faiblement
représentés au sein du CPS, ce qui a été critiqué par la Commission
de Venise
. Lors de notre
visite à Sofia en juillet 2025, nous avons évoqué la question de
la réforme constitutionnelle avec le procureur général par intérim,
qui nous a expliqué que la réforme n’avait pas fait l’objet d’une
consultation appropriée dans les milieux juridiques. Il a également
souligné la nécessité de réformer l’ensemble du système pénal, en
commençant par modifier le Code pénal de 1968, qui devrait être
mis à jour afin d’inclure de nouvelles infractions. D’autres modifications législatives
devraient concerner le Code de procédure pénale, afin d’assurer
une procédure plus rapide, et les dispositions de la loi sur le
système judiciaire relatives aux magistrats, afin d’accélérer le
recrutement de nouveaux juges (qui prend actuellement entre 4 et
5 ans). En outre, d’après les observations de la délégation, les
amendements constitutionnels ont contribué à une plus grande indépendance
des procureurs au sein de la Chambre des procureurs, malgré le quota
parlementaire existant et le risque de politisation, et des mécanismes
indépendants garantissent que les poursuites sont guidées uniquement
par la loi. La limitation explicite des pouvoirs, le contrôle juridictionnel
sur les instructions méthodologiques du procureur général par le
biais de la Cour administrative suprême et les instruments antipolitiques
fonctionnels empêchent le Collège des procureurs de devenir un organe
politique. Bien qu’il soit encore possible de renforcer davantage l’indépendance
institutionnelle, la réforme constitutionnelle représente un progrès
et a été conforme aux recommandations de la Commission de Venise
et aux normes européennes.

62. Dans ses observations, la délégation a également souligné
qu’à la suite de la réforme constitutionnelle de 2023 et des amendements
législatifs ultérieurs à la loi sur le système judiciaire, le procureur
général soumet un rapport annuel au CSM sur la mise en œuvre de
la loi et les activités du ministère public et des organes d’instruction,
qui est ensuite examiné par l’Assemblée nationale. En outre, un
rapport sur les activités du ministère public dans la lutte contre
les crimes de corruption est soumis à l’Assemblée nationale
.

3.1.5. Autres questions préocupantes
63. Dans son avis de 2023
,
la Commission de Venise a indiqué que la réforme judiciaire récente
ne répondait pas de manière adéquate à certaines préoccupations
en suspens. En particulier, la période probatoire de cinq ans prévue
pour les juges a ainsi été conservée, bien qu’il ait été demandé
aux autorités de modifier cet aspect, notamment dans la Résolution
2296 (2019). De l’avis de la Commission de Venise et du GRECO, les
périodes probatoires portent atteinte à l’indépendance des juges.
Il convient toutefois de noter qu’en vertu de la loi actuelle la
titularisation des juges est décidée par le CSM, ce qui offre une
certaine garantie contre un éventuel caractère arbitraire ou politique
des décisions de mettre fin à la période probatoire. Lors de notre
visite à Sofia en juillet 2025, nous avons évoqué ces questions
avec nos interlocuteurs. Le procureur général par intérim a déclaré
que, bien que la période probatoire soit effectivement longue, la
titularisation est généralement un processus purement formel. Selon
les observations de la délégation, ces dernières années, des mesures
supplémentaires de transparence et de responsabilité ont été adoptées,
notamment la soumission d’un rapport public au Parlement en vertu
de l’article 30 de la loi sur le système judiciaire, qui contribue
à atténuer un impact négatif potentiel de la procédure de titularisation.

64. Il convient de noter que le niveau de perception de l’indépendance
du pouvoir judiciaire par l’opinion publique reste très bas en Bulgarie,
malgré une récente amélioration. Dans l’ensemble, en 2023, selon
le tableau de bord de la justice dans l’UE, 30 % seulement de la
population et 33 % des entreprises considéraient que le degré d’indépendance
des juges et des tribunaux était «assez bon ou très bon». En 2024,
ces chiffres étaient respectivement de 24 % et 25 % et en 2025 de
27 %. Le premier chiffre était plus élevé en 2016; il a néanmoins
baissé en 2021 et 2022 (32 % et 31 % respectivement)
.

65. En conclusion, malgré les bonnes intentions des autorités,
de nombreuses questions en suspens concernant le système judiciaire
n’ont pas encore été réglées. Il est regrettable que des réformes
majeures, telles que celles qui concernent la composition du Conseil
supérieur de la magistrature et les pouvoirs du procureur général,
aient également été suspendues en raison de l’arrêt de la Cour constitutionnelle
du 26 juillet 2024. En outre, le mandat large et vaguement défini
de l’Inspection de la magistrature et le risque de politisation
sont des sujets de préoccupation. Nous espérons que les autorités
continueront à réformer le système judiciaire et traiteront toutes
ces questions au moyen de lois ordinaires ou d’amendements constitutionnels
adoptés par la Grande Assemblée nationale.
3.2. Prévenir et combattre la corruption
66. Pour ce qui concerne la corruption
à haut niveau, nous notons avec satisfaction que les autorités bulgares
ont pris un certain nombre de mesures importantes visant à accroître
l’efficacité de la prévention de la corruption et de la lutte contre
celle-ci. Le précédent gouvernement (constitué en avril 2023) et
le gouvernement actuel ont fait de la lutte contre la corruption
l’une de leurs grandes priorités. La Stratégie nationale révisée
de prévention et de lutte contre la corruption 2021-2027 et sa feuille
de route sont en cours de mise en œuvre.
67. La loi susmentionnée modifiant et complétant le Code de procédure
pénale, que l’Assemblée nationale a adoptée le 26 mai 2023, a marqué
une avancée majeure en mettant en place un mécanisme effectif qui permet
d’engager la responsabilité pénale du procureur général et de ses
substituts et de leur demander des comptes. Par conséquent, les
décisions des procureurs de ne pas ouvrir une enquête dans les cas
d’infractions graves et d’infractions liées à la corruption peuvent
faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.
68. Le 21 septembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté des
amendements à la loi anticorruption, qui visent principalement à
préserver l’indépendance politique et l’efficacité de la Commission
anticorruption créée en vertu de la loi précédente en 2019. La loi
modifiée prévoit la division de la Commission en deux organes distincts:
la commission de lutte contre la corruption (chargée de prévenir
la corruption, de détecter les infractions de corruption et d’enquêter
sur celles-ci, d’identifier les conflits d’intérêts, d’approuver
et de vérifier les déclarations de patrimoine) et la commission
de confiscation des avoirs illicites (chargée, entre autres, de sécuriser
et de confisquer les biens acquis illégalement).
69. En vertu de la loi telle que modifiée, la commission de lutte
contre la corruption sera composée de trois membres choisis parmi
les candidats proposés par l’Assemblée nationale ou par des personnes
morales à but non lucratif et d’utilité publique. Les candidatures
seront examinées et sélectionnées par un comité spécial de nomination
composé de cinq membres indépendants nommés respectivement par la
Cour suprême de cassation, le Conseil supérieur du barreau, le ministère
de la Justice, le Médiateur et la Chambre des comptes. La procédure
de sélection comprendra des auditions publiques. À ce jour, les
trois membres de la commission de lutte contre la corruption, dont
la mise en place était prévue pour janvier 2024, n’ont pas été nommés.
Le projet de loi sur les règles de procédure pour le processus de
sélection des membres a été soumis à l’Assemblée nationale le 2
juillet 2025; il prévoit que les candidats sélectionnés seront nommés
par le parlement à la majorité simple
.

70. La Commission de lutte contre la corruption aura le pouvoir
d’enquêter sur des infractions de corruption qui auraient été commises
par des personnes exerçant des fonctions publiques, mais elle n’est
pas habilitée à porter des accusations devant les tribunaux. En
vertu de la loi précédente, elle n’avait ni les pouvoirs ni les outils
nécessaires pour mener des activités d’enquête, ce qui s’ajoutait
à l’absence de responsabilité du procureur général et de contrôle
juridictionnel de ses décisions de porter ou non des affaires devant
les tribunaux (ce qui a entraîné que des affaires très médiatisées
n’ont pas été portées devant les tribunaux).
71. Malgré l’ouverture d’un grand nombre de procédures visant
à établir l’existence de potentiels conflits d’intérêts depuis la
création de la Commission de lutte contre la corruption, avant les
modifications apportées en 2023 à la loi anticorruption, la réalisation
de progrès significatifs se traduisant par des condamnations définitives
dans les affaires de corruption à haut niveau fait encore défaut.
Lors de la visite des corapporteur·es à Sofia en septembre 2023,
le président par intérim de la Commission anticorruption (avant
la révision de sa structure et de ses pouvoirs) a confirmé les faiblesses
de l’ancienne loi anti-corruption et s’est dit convaincu que les
amendements, qui à ce moment-là, faisaient l’objet d’un processus
législatif, allaient considérablement améliorer la situation.
72. Autre développement positif, le 27 janvier 2023, l’Assemblée
nationale a adopté la loi sur la protection des lanceurs d’alerte
ou personnes divulguant publiquement des informations sur des infractions.
La nouvelle loi prévoit un cadre juridique complet et simplifié
pour les signalements et la protection des lanceurs d’alerte, conforme
aux normes démocratiques. Le 30 avril 2025, le parlement a adopté
des amendements à cette loi afin de l’aligner davantage sur la directive
européenne relative aux lanceurs d’alerte (2019/1937)
.

73. Les amendements à la loi sur les marchés publics visant à
accroître la transparence ont été adoptés le 5 octobre 2023.
74. En 2020, le Conseil des ministres a adopté le Code de conduite
des employés de l’administration d’État
. Bien que cette évolution soit positive,
il est regrettable que le Code ne s’applique pas aux personnes exerçant
de hautes fonctions de l’exécutif (voir les conclusions du GRECO
ci-dessous). Un groupe de travail ad hoc créé par le Conseil des
ministres vient d’élaborer un projet de loi modifiant et complétant
la loi sur l’administration et un nouveau Code de conduite pour
les personnes occupant des fonctions publiques au sein de l’exécutif
central, qui font actuellement l’objet de consultations publiques
et interinstitutionnelles.

75. En novembre 2024, le ministère de la Justice a mis en place
un groupe de travail chargé d’élaborer une législation sur la réglementation
des activités de lobbying dans le contexte de la prise de décisions
publiques. Les ONG participent activement à ces travaux
. Il n’y a pas
d’obligation spécifique d’enregistrement des lobbyistes ou de signalement
des contacts entre fonctionnaires et lobbyistes. Le 11 novembre
2023, le groupe de travail du précédent gouvernement a publié une
note conceptuelle sur la réglementation des activités de lobbying
en République de Bulgarie, qui recommandait de définir les activités
de lobbying dans la législation et de mettre en place un registre
de transparence pour les lobbyistes
.


76. De même, une nouvelle législation visant à améliorer la détection,
les enquêtes et les poursuites en matière de corruption transnationale
a été adoptée par le parlement le 2 juin 2025
, à la suite des
critiques exprimées dans les recommandations de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE)
.


77. Le GRECO a reconnu également que des progrès ont été accomplis.
Dans son deuxième rapport de conformité sur la Bulgarie, évaluant
la mise en œuvre des recommandations du quatrième cycle d’évaluation sur
la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et
des procureurs (publié en janvier 2020), le GRECO a conclu que la
Bulgarie avait mis en œuvre 16 des 19 recommandations et que les
trois recommandations restantes avaient été partiellement mises
en œuvre
. Par conséquent, il a été mis fin à
la procédure de conformité du Quatrième Cycle au regard de la Bulgarie.
En ce qui concerne les mesures prises à l’égard des parlements,
le GRECO s’est félicité, en particulier, de la mise en place d’une
procédure pour traiter les violations des règles d’éthique par les
députés, une commission parlementaire étant habilitée à imposer
des sanctions en cas de manquement. En outre, un examen indépendant
a été instauré pour la prévention des conflits d’intérêts et la
vérification des déclarations de patrimoine des députés.

78. S’agissant du contrôle de l’intégrité des juges et des procureurs,
des règles supplémentaires prévoyant notamment la publication régulière
des déclarations de patrimoine ont été adoptées. Le principe d’affectation aléatoire
des affaires a été mis en place pour les juges et les procureurs.
Le GRECO a également salué la création du collège des juges et du
collège des procureurs au sein de la structure du CSM.
79. Les trois recommandations partiellement mises en œuvre concernaient
la composition du collège des juges au sein du CSM (puisque, comme
expliqué ci-dessus, le nombre de membres du collège des juges élus par
l’Assemblée nationale est toujours égal à celui des juges élus par
leurs pairs), la période probatoire de cinq ans pour les juges (voir
ci-dessus) et l’application d’une rémunération supplémentaire pour
les juges, qui reste soumise à de larges décisions discrétionnaires,
ce qui signifie que le risque d’une influence indue subsiste
. En
décembre 2024, les codes de déontologie des juges et des procureurs
ont été davantage alignés sur les recommandations de la Commission
de Venise
.


80. Le rapport du cinquième cycle d’évaluation du GRECO sur la
Bulgarie publié en janvier 2023 évaluait l’efficacité du cadre mis
en place pour prévenir et combattre la corruption parmi les personnes
chargées de hautes fonctions exécutives (Premier ministre, ministres,
secrétaires généraux, chefs de cabinets politiques, conseillers,
experts, etc.) et les membres de la police (fonctionnaires du ministère
de l’Intérieur ayant des fonctions de maintien de l’ordre). Il soulignait
que la réponse du droit pénal bulgare aux cas de corruption impliquant
des hauts fonctionnaires était insatisfaisante et devait être améliorée
en urgence. Il formulait 28 recommandations concernant la transparence
et la supervision des activités du gouvernement relevant de l’exécutif,
dont l’introduction de règles relatives aux incompatibilités et
au contrôle des personnes recrutées à la discrétion du gouvernement,
l’adoption d’un code de conduite détaillé applicable aux personnes
exerçant de hautes fonctions de l’exécutif, complété par des orientations
claires sur les conflits d’intérêts et d’autres aspects liés à l’intégrité
(contacts avec des tiers, cadeaux et autres avantages, activités
accessoires, contrats avec les pouvoirs publics, restrictions après
la cessation des fonctions, etc.), ainsi que la mise en place d’un mécanisme
de contrôle crédible et efficace prévoyant des sanctions spécifiques
en cas de violation et des outils pour les faire appliquer. Le GRECO
a demandé des enquêtes et des poursuites plus proactives et systématiques
sur les infractions de corruption impliquant des personnes investies
de fonctions exécutives supérieures, l’élimination des obstacles
procéduraux et l’application de sanctions efficaces et proportionnées
. Il a évalué le degré
de mise en œuvre de ces 28 recommandations en novembre 2024. Le GRECO
a conclu que seules sept d’entre elles avaient été mises en œuvre
de manière satisfaisante (concernant l’intégrité de la police
), que
onze recommandations avaient été partiellement mises en œuvre et que
dix n’avaient pas été mises en œuvre
.
Les nouvelles dispositions législatives et réglementaires devraient remédier
à la situation, qui demeure préoccupante. Ces dernières années,
la Bulgarie a été secouée par des scandales qui ont éclaté autour
d’accusations d’achat de propriétés de luxe à des prix inférieurs
à ceux du marché par des personnalités politiques de premier plan
et des hauts fonctionnaires, dans des affaires de corruption, de
détournement de fonds et de fraude fiscale («apartmentgate»). Ces
révélations ont conduit à la démission de plusieurs personnalités
politiques de haut rang, dont l’ancien ministre de la Justice, deux
vice-ministres, le vice-président du GERB (parti au pouvoir) et
le président de la Commission anticorruption. Cela étant, il n’y
a eu aucune action en justice.



81. En mars 2022, d’anciens hauts responsables du pouvoir exécutif
(notamment l’ancien Premier ministre et le chef de l’opposition
de l’époque, le ministre des Finances, ainsi que le chef du Centre
de presse du GERB) ont été placés en garde à vue pour des soupçons
de corruption dans le cadre d’une opération de police. Ils ont tous
été libérés le lendemain, le bureau du procureur n’ayant pas engagé
de poursuites contre eux
.
Le tribunal administratif a conclu que les mandats d’arrêt avaient
été émis illégalement
.


82. Plusieurs personnalités politiques bulgares ont été sanctionnées
dans des pays tiers en 2023 dans des affaires de corruption à haut
niveau. Le 10 février 2023, les États-Unis et le Royaume-Uni ont
sanctionné plusieurs anciens et actuels responsables gouvernementaux
pour corruption en vertu de leurs lois Magnitski. Certains avaient
précédemment fait l’objet d’enquêtes ou de mises en accusation au
sein du système judiciaire bulgare mais les poursuites avaient été
abandonnées ou s’étaient soldées par un non-lieu
.

83. Le niveau de perception de la corruption dans le secteur
public par les experts et les milieux d’affaires reste très élevé.
Dans l’Indice de perception de la corruption 2024 de Transparency
International, la Bulgarie a obtenu un score de 43 sur une échelle
allant de 0 (hautement corrompu) à 100 (exempt de corruption), se classant
à la 76e position sur les 180 pays de l’indice. Les résultats de
l’Eurobaromètre
spécial sur la corruption 2023 ont montré que 81 % des personnes interrogées en Bulgarie
jugeaient la corruption répandue dans leur pays (moyenne de l’Union
européenne: 70 %); et que 29 % se sentaient personnellement touchées
par la corruption dans leur quotidien (moyenne de l’Union européenne:
24 %).
84. Les allégations de corruption endémique ont été l’un des
éléments déclencheurs des grandes manifestations populaires qui
ont débuté dans les rues de Sofia et d’autres villes le 9 juillet 2019
et se sont étalées sur une période de 282 jours jusqu’à l’acceptation
de la démission du Premier ministre par l’Assemblée nationale le
16 avril 2021. Ces événements ont été suivis des sept élections
anticipées consécutives mentionnées précédemment.
85. Il est difficile d’évaluer correctement la situation en raison
d’un manque d’informations précises et notamment de données ventilées
sur les affaires de corruption à haut niveau. Il est également difficile
de dresser un état des lieux clair car le Bureau du procureur général
et
la Cour suprême de cassation continuent de communiquer des ensembles
de données différents sur la corruption. Enfin, l’absence de rapports
réguliers sur les affaires de corruption à haut niveau pose problème
du point de vue de la précision et de la fiabilité des données
. Les autorités ne sont
pas d’accord avec cette affirmation. Elles ont attiré l’attention
sur les amendements à la loi sur le système judiciaire selon lesquels
le procureur général est tenu de soumettre un rapport annuel à l’Assemblée
nationale sur les activités du ministère public pour ce qui concerne
les affaires de corruption, notamment des informations détaillées
sur les affaires en cours et résolues et des statistiques comparables
pertinentes. Ainsi, d’une part, le rapport annuel du procureur général
couvre l’ensemble des parquets du pays et, d’autre part, le rapport
de la Cour suprême de cassation ne couvre que les activités de cette
juridiction et non celles des autres juridictions du pays. En outre,
les motifs d’élaboration des deux rapports diffèrent.


86. La Cour suprême de cassation a commencé à établir une distinction
entre les affaires de corruption à haut niveau et les affaires de
corruption ordinaires depuis la fin 2022. En 2023, elle a suivi
six affaires liées à la corruption de haut niveau sur lesquelles
elle a rendu une décision
. En 2024, elle
a rendu des arrêts dans quatre affaires de corruption contre des
hauts fonctionnaires
. Le Bureau du procureur
général a quant à lui fait état, en ce qui concerne la corruption
en général, de 144 nouvelles procédures préalables à un procès et 48 mises
en accusation devant les tribunaux durant les neuf premiers mois
de 2022
.
Au cours des neuf premiers mois de 2023, il a fait état de 82 nouvelles
procédures préalables à un procès et de 27 mises en accusation
. En mai 2024, il a fait état
de 70 nouvelles procédures préalables à un procès, de 10 mises en accusation
et de 4 condamnations en 2024 concernant des fonctionnaires de haut
niveau
.





87. En juillet 2025, une nouvelle vague de protestations a éclaté
à Sofia et dans d’autres villes bulgares, dont Varna et Plovdiv.
Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour dénoncer
le niveau disproportionné de la répression politique contre les
partis d’opposition, à la suite de l’arrestation du maire de Varna,
Blagomir Kotsev, un membre de «Nous continuons le changement» accusé
de corruption. Elles ont également appelé à des réformes qui garantiraient
des procès équitables pour tous et des enquêtes sur toutes les affaires
de corruption, sans se limiter à celles concernant les représentants
des partis d’opposition. Le 22 juillet, une grande manifestation
a été organisée à Sofia pour dénoncer la corruption judiciaire et
demander la démission du procureur général par intérim, dont le
mandat a été récemment prolongé à la suite de la décision du CSM.
3.3. Les médias
88. La situation de la liberté
d’expression s’est considérablement améliorée en Bulgarie. En 2024,
le pays occupait la 70e place sur 180
dans le classement
de la liberté de la presse de Reporters sans frontières alors qu’il se trouvait
à la 111e place en 2019. Cela dit, d’après
Reporters sans frontières, la situation de la Bulgarie demeure fragile
et instable dans l’ensemble, et quelques voix indépendantes travaillent
sous pression constante.
89. Nous avons pris note d’un certain nombre de mesures positives
prises par les autorités en vue d’améliorer la situation. En particulier,
le 28 juillet 2023, des amendements au Code pénal ont été adoptés
en vue de renforcer la protection des journalistes dans les affaires
de diffamation et d’insultes présumées à l’égard de fonctionnaires.
L’allègement de la responsabilité pénale répond à une recommandation
de longue date du Conseil de l’Europe. Il convient également de
reconnaître qu’il y a eu, ces dernières années, une amélioration considérable
de la jurisprudence des tribunaux nationaux concernant les accusations
de diffamation à l’égard des journalistes en application de l’article 10
de la Cour européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence
pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme.
90. Le marché des médias est diversifié mais largement soumis
à des influences politiques et économiques. Un grand nombre de médias
n’apporte pas nécessairement davantage de pluralisme dans le paysage médiatique.
D’après le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias, la
situation globale reste difficile en ce qui concerne les risques
pour le pluralisme des médias, le score obtenu indiquant un risque
élevé (76 %)
.

91. Parmi les problèmes persistants figurent le degré élevé de
concentration des médias et le manque de transparence de la propriété
des médias, de la distribution et des fournisseurs de médias, déjà
relevés par nos prédécesseurs dans leur rapport examiné en 2019.
Aucun progrès n’a malheureusement été enregistré de ce point de
vue. Les règles générales du droit de la concurrence bulgare ne
comportent pas de dispositions spécifiques applicables au marché
des médias. Ce dernier n’est pas non plus réglementé dans la loi
sur la radio et la télévision. La loi ne prévoit pas de seuils de
concentration en cas de fusion de médias, par exemple.
92. Avec un taux de 66 %, la Bulgarie fait donc partie des cinq
pays européens dans lesquels la concentration des médias est la
plus forte
. La concentration horizontale
de la propriété des médias est estimée à 96 % et la concentration
croisée à 88 %. Les quatre principaux propriétaires du secteur de
la radiodiffusion représentent une part de marché cumulée de 93,35 %,
tandis que les quatre principaux propriétaires d’organes de presse
représentent 79,7 % du secteur.

93. Le problème de la concentration est aggravé par le manque
de transparence de la propriété des médias. Le niveau de concentration
réel est impossible à déterminer en raison d’un manque de données
précises, considéré comme un risque en soi. Les informations disponibles
concernant les parts de marché reposent uniquement sur des données
partielles relatives aux recettes publicitaires. Bien qu’il existe
des dispositions juridiques formelles sur la divulgation de la propriété
des médias (loi sur le dépôt obligatoire des œuvres imprimées et
autres, loi sur la radio et la télévision, loi sur le registre du
commerce), les règles applicables ne sont pas mises en œuvre de
manière effective, notamment pour ce qui est des médias en ligne.
94. En 2020, la loi sur la radio et la télévision a été modifiée
et un registre public du Conseil des médias électroniques a été
mis en place. Ce dernier comporte des informations sur la structure
de la propriété et les propriétaires effectifs des fournisseurs,
ainsi que sur les personnes physiques et morales contrôlant la gestion des
prestataires de services de médias. Par ailleurs, le registre public
établi par le ministère de la Culture se fonde sur les déclarations
de propriété et de financement reçues de diverses sources. Aucune
sanction n’a jamais été imposée à un média pour non-respect des
obligations de transparence, bien que la loi prévoie de telles sanctions.
En conséquence, les médias ne déclarent pas tous leurs propriétaires
effectifs et leurs sources de financement. Lors de la visite des
corapporteur·es à Sofia en septembre 2023, les représentant·es de
la société civile ont déploré que, dans certains cas, les véritables
propriétaires des médias restent inconnus du public.
95. Des données fiables et accessibles sur le marché des médias,
incluant les parts de marché des propriétaires dans tous les secteurs
des médias, les chiffres de diffusion et de distribution, des informations sur
la concentration des médias en ligne, etc., sont nécessaires pour
permettre une évaluation et un suivi précis du pluralisme des médias
en Bulgarie.
96. Le Groupe de travail d’experts sur l’environnement des médias
et l’accès à l’information mis en place par le ministre de la Justice
et la présidence du CSM le 14 août 2023 a été chargé d’élaborer
des propositions de mesures possibles visant à améliorer le fonctionnement
du registre sous la responsabilité du ministère de la Culture
.

97. La propriété est souvent utilisée pour défendre des intérêts
politiques et commerciaux. S’il existe des garanties juridiques
contre l’influence des propriétaires sur le contenu éditorial, elles
semblent insuffisantes. Les instruments juridiques et d’autoréglementation
assurant l’indépendance éditoriale présentent de graves lacunes:
il manque notamment des dispositifs permettant aux journalistes
de bénéficier d’une protection sociale en cas de changement de propriétaire
ou de ligne éditoriale, des garanties réglementaires empêchant que
des intérêts commerciaux n’orientent les décisions de nomination
et de révocation des rédacteurs en chef, et des dispositions prévoyant
une incompatibilité entre la profession de journaliste et l’exercice
d’activités dans le domaine publicitaire. Cette situation facilite
l’ingérence des propriétaires dans le contenu éditorial. Cependant,
l’indicateur de suivi du pluralisme des médias relatif à l’indépendance
des médias sur le plan politique était de 42 % en 2023, ce qui correspond
à un risque moyen, alors qu’il était de 92 % (risque élevé) en 2021.
98. Le manque de transparence et de réglementation de l’attribution
de la publicité d’État à certains médias et de la répartition des
fonds de l’Union européenne est un problème majeur pour le pluralisme
des médias. Le niveau élevé de dépendance des médias à l’égard des
recettes publicitaires et le manque de transparence de la distribution
des fonds aux médias sont de puissants leviers dont les autorités
peuvent se servir pour influencer la présentation de l’information.
99. Pour remédier à cette situation, une mesure importante a
été prise, à savoir l’adoption, le 8 octobre 2023, des amendements
à la loi sur les marchés publics visant à accroître la transparence
dans l’attribution des contrats d’achat de temps de diffusion ou
de services audiovisuels à des prestataires de médias.
100. D’autres mesures ont également été prises pour améliorer
l’application de la législation en vigueur, notamment la mise en
place d’un mécanisme de contrôle supplémentaire et la publication
d’une liste de contrats publicitaires.
101. Les journalistes d’investigation qui enquêtent sur le crime
organisé et la corruption à haut niveau sont souvent la cible de
campagnes de dénigrement, de poursuites stratégiques contre la participation
publique (ou poursuites-bâillons), de menaces et parfois d’agressions
physiques, qui ne semblent pas faire l’objet de réponses juridiques
et politiques adéquates de la part des autorités. Bien qu’il semble
y avoir un cadre législatif pour la protection des journalistes,
il manque des outils efficaces pour protéger les médias contre les
violations de la liberté de la presse. Le Groupe de travail d’experts
susmentionné préparait des propositions d’amendements au Code de
procédure civile sur l’instauration de mécanismes juridiques destinés
à protéger les journalistes et les défenseurs des droits humains
contre les poursuites-bâillons
.
Toutefois, cette réforme a été retardée en raison des dernières
élections législatives
.


102. Des préoccupations ont également été exprimées concernant
la législation relative à la composition, à l’indépendance et à
l’efficacité du Conseil des médias électroniques (CME), autorité
nationale des médias. À la suite de l’expiration du mandat du dernier
président en septembre 2024 et de l’organisation de nouvelles élections
législatives, un nouveau président n’a été nommé que le 22 avril
2025 pour un mandat d’un an. Le CME est constamment exposé au risque
d’influence politique et doit faire face à des défis budgétaires systématiques
.

103. Un autre enjeu concerne la protection du droit à l’information
par une mise en œuvre plus effective de la loi sur l’accès à l’information
officielle par les institutions de l’État. Si certains problèmes
subsistent (par exemple les refus administratifs) sur le plan de
l’accès aux fonctionnalités d’information des sites web institutionnels
et de l’augmentation du nombre d’institutions répondant, dans les
délais fixés par la loi, et donnant pleinement accès aux informations
demandées, des évolutions positives peuvent être notées.
104. Des intérêts politiques et commerciaux empêchent la majorité
des médias et des journalistes bulgares de jouer un rôle de contrôle
du pouvoir et d’agir dans l’intérêt général. Selon l’Observatoire
du pluralisme des médias 2025, qui souligne l’existence de plusieurs
médias audiovisuels affiliés à des partis dans le pays, il n’y a
pas eu d’amélioration en ce qui concerne l’influence politique et
économique sur les médias
.

3.4. Droits humains des minorités
105. Dans son dernier rapport en
date sur la Bulgarie publié en mars 2020, la Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe de l’époque, Mme Dunja
Mijatović, a noté avec préoccupation «l’intolérance rampante à l’égard
des groupes minoritaires en Bulgarie, qui touche en particulier
les Roms, les musulmans, les migrants et demandeurs d’asile, les
personnes se déclarant d’origine macédonienne et les personnes LGBTI.
On retrouve souvent ce type d’attitudes négatives dans les médias,
qui ont tendance à associer les minorités à la criminalité et à
les présenter comme un danger pour les valeurs ou les intérêts de
la population majoritaire ou pour les intérêts nationaux
».
Selon les observations de la délégation bulgare de juillet 2025, cette
déclaration est obsolète, car les personnes appartenant à des groupes
minoritaires sont représentées dans les médias, les milieux universitaires,
les autorités chargées de l’application de la loi, le système judiciaire,
l’administration publique et les autorités locales. Certaines d’entre
elles occupent des postes publics, y compris des postes gouvernementaux
de haut niveau. Dans leurs derniers rapports sur la Bulgarie, respectivement
de 2022 et 2024, l’ECRI
et le Comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
ont
noté quelques développements positifs concernant la situation des
minorités. Néanmoins, certaines questions restent préoccupantes,
notamment en ce qui concerne les Roms, les personnes d’origine macédonienne
et les personnes LGBTI.



106. La situation de la population rom, qui constitue le troisième
groupe ethnique en Bulgarie (près de 4,4 % de la population, après
les Bulgares et les Turcs
)
reste préoccupante. Nos prédécesseurs avaient évoqué, dans leur
rapport, des actes de violence collective dans le cadre desquels
la population rom avait été prise pour cible et des habitations
roms avait été détruites
.


107. Il existe une ségrégation de fait des élèves roms dans l’enseignement,
car la majorité des familles roms vivent dans les zones habitées
par leurs communautés
. Les établissements
fréquentés par les enfants roms ne respectent souvent pas les normes
requises. D’après les estimations, 14,4 % seulement des Roms terminent
leurs études secondaires et 0, 8 % seulement possèdent un diplôme
universitaire
. Dans son rapport 2024, le Comité
consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales a appelé les autorités à améliorer l’accès des enfants
roms à une éducation de qualité, en mettant en place un système de
collecte de données ventilées et en adoptant une politique globale
de déségrégation
. Les autorités affirment
qu’il n’y a pas de «ségrégation» des élèves roms. Le fait que, dans
certaines écoles, il y ait une prédominance d’élèves d’origine rom
est dû au lieu de résidence des familles. Les autorités soulignent
que, ces dernières années, la Bulgarie a accompli des progrès significatifs
dans la promotion de l’éducation inclusive en finançant des projets,
y compris au niveau municipal, visant à élargir l’accès à l’éducation préscolaire
pour les enfants en situation de vulnérabilité et ceux qui vivent
dans la pauvreté. Le rôle des médiateurs de l’éducation a été crucial
dans ce contexte. En ce qui concerne la question des statistiques,
les autorités soulignent que l’État ne recueille aucune autre information
fondée sur la race ou l’origine ethnique des personnes, car il s’agit
de données personnelles très sensibles. La collecte d’informations
basées sur l’origine raciale ou ethnique ne peut se faire que dans
certains cas, conformément aux dispositions de la loi sur les statistiques.



108. Le caractère massif du chômage de longue durée au sein de
la population rom est l’indicateur d’exclusion socio-économique
et de pauvreté le plus alarmant. Malgré les efforts déployés par
le gouvernement et notamment les politiques et stratégies positives
visant à contrer ce phénomène
,
le taux d’emploi des Roms reste le plus faible parmi les différents
groupes ethniques de Bulgarie
.
Les ONG roms considèrent que ces chiffres sont sous-évalués. Bien
que ces inégalités soient dues à des facteurs complexes, la discrimination
et la marginalisation des personnes appartenant à la communauté
rom font partie de ces facteurs et limitent les possibilités d’accès
des Roms à un travail. De nombreux Roms n’ont pas de couverture d’assurance
maladie car ils ne sont pas employés. Dans son rapport 2024, tout
en saluant le travail des médiateurs roms, le Comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
s’est dit préoccupé par la situation générale des Roms en matière
de soins de santé et a reconnu qu’elle était due principalement
à des problèmes de logement et d’emploi
.



109. La situation matérielle de la population rom est très mauvaise
dans l’ensemble. Le logement reste une préoccupation majeure. Le
problème du logement social touche la société bulgare dans son ensemble
mais il a un impact disproportionné sur la population rom. Près
de 200 000 familles sont concernées. Par ailleurs, de nombreuses
habitations roms sont construites illégalement ou en violation des
exigences sanitaires et de sécurité. La majorité des Roms en Bulgarie
vivent dans des logements largement inférieurs aux normes, dans des
situations de ségrégation spatiale de
facto, avec un accès limité aux infrastructures de base
(électricité ou eau potable), à la sécurité d’occupation ou aux
services essentiels, tels que les transports publics, les services postaux,
l’aide médicale d’urgence et la collecte des déchets
.
En cas d’expulsions forcées, les conditions de relogement restent
également inhumaines. En outre, en raison de l’absence d’une adresse
permanente, de nombreux Roms ne disposent pas de documents d’identité,
ce qui les empêche d’exercer un certain nombre de droits
.


110. Les expulsions forcées et les démantèlements de campements
roms ont été dénoncés par différentes instances du Conseil de l’Europe,
parmi lesquelles l’Assemblée, depuis l’adhésion de la Bulgarie.
Plusieurs personnes touchées par les incidents survenus à Voyvodinovo
ont saisi la Cour européenne des
droits de l’homme
.
La Cour a indiqué des mesures provisoires dans cette affaire et
les ordres de démolition ont été suspendus. Le 25 avril 2025, le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Michael O’Flaherty,
a écrit une lettre aux autorités bulgares condamnant la démolition
de plusieurs logements de Roms dans le quartier de Zaharna Fabrika,
situé dans le district d’Ilinden à Sofia, en dépit d’une mesure
provisoire ordonnée par la Cour le 11 avril 2025
.
Selon les autorités, les bâtiments démolis avaient été construits illégalement
et des solutions de relogement ont été proposées à tous les occupants.
Le 2 juillet 2025, la Cour a communiqué l’affaire aux autorités
bulgares
.




111. Les autorités bulgares se sont déclarées résolues à exécuter
les arrêts de la Cour dans le groupe d’affaires Yordanova
(concernant
les ordres d’expulsion ou de démolition) et elles ont engagé un
dialogue avec le Comité des Ministres à cet égard. Les propositions
législatives correspondantes ont été préparées par le groupe de
travail interministériel et en sont au stade de la consultation
avec l’ensemble des parties prenantes dont les municipalités, les
gouverneurs régionaux et la Direction nationale du contrôle des bâtiments.
Cependant, un projet de loi intégrant l’examen de la proportionnalité
dans les affaires d’expulsion n’a toujours pas été mis en œuvre
. En 2024,
une table ronde spéciale a été organisée avec la participation de
représentant·es du Service de l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme, ainsi que des institutions bulgares
et des organisations roms. En outre, le Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe a entamé une série de réunions
thématiques avec les autorités locales et nationales. La visite
la plus récente a eu lieu le 3 juin 2025, avec la participation
du vice-ministre du Développement régional et des Travaux publics,
du maire de Sofia et de membres de l’Association nationale des municipalités.


112. Dans l’intervalle, à plusieurs reprises, la Cour administrative
suprême a cité directement les arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme relatifs aux violations de l’article 8 de la Convention
dans les affaires nationales concernées, appliquant dans la pratique
les principes et critères énoncés dans le projet de loi actuellement
soumis à consultation.
113. Il convient toutefois de reconnaître la volonté politique
dont font preuve les autorités bulgares et les efforts qu’elles
déploient en faveur de l’intégration des Roms. La Stratégie nationale
pour l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms (2021-2030)
a fixé des objectifs dans quatre domaines où les Roms sont particulièrement
défavorisés: l’éducation, la santé, le logement et l’emploi. Il
est également prévu d’établir un Conseil des ONG qui sera chargé
de suivre la mise en œuvre de la stratégie. Cette stratégie nationale
est mise en œuvre au moyen de plans d’action nationaux à court terme,
qui pour deux d’entre eux ont déjà été adoptés, couvrant les périodes
2022-2023 et 2024-2027.
114. Le Plan d’action national prévoyait notamment des programmes
en faveur de l’inclusion des Roms dans l’éducation au niveau municipal.
Il prévoyait également d’étendre le réseau de médiateurs de la santé.
Il a également conduit à l’adoption, en 2022, d’un amendement à
la loi pertinente visant à garantir la prise en charge médicale
des femmes enceintes n’ayant pas de couverture d’assurance maladie.
Dans le domaine de l’emploi, le plan d’action prévoyait d’augmenter
le nombre de médiateurs du travail et la création d’un registre électronique
facilitant la recherche d’emploi. En 2022, 26 235 chômeurs s’identifiant
comme Roms ont eu accès à des programmes d’orientation professionnelle,
de formation et d’emploi. Malheureusement, la situation générale
de la population rom ne s’est pas beaucoup améliorée depuis le précédent
rapport sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie
.

115. D’autres problèmes sont liés à la présence d’un très petit
groupe ethnique macédonien (d’après le recensement de 2021, 1 143
personnes, soit moins de 0,5 % de la population). Ils ne sont pas
reconnus par les autorités comme une «minorité nationale» au sens
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(ratifiée par la Bulgarie en 1999; ci-après «Convention-cadre»),
en raison d’une application stricte des critères objectifs établis
dans cette convention et malgré les demandes répétées exprimées
par les représentant·es du groupe
. Par conséquent, les Macédoniens ne
sont pas inclus dans les programmes relatifs aux minorités, ne reçoivent
pas d’assistance et n’ont pas de représentant·es au sein des organes consultatifs;
leur langue, leur littérature et leur histoire ne sont pas enseignées
et ils ne peuvent créer de parti ni d’organisations pour défendre
leurs droits. Ces problèmes sont liés aux relations difficiles que
la Bulgarie entretient avec la Macédoine du Nord voisine sur un
certain nombre de questions controversées concernant l’identité
nationale, le patrimoine culturel, la langue et l’histoire, qui
ont parfois influencé la position de la Bulgarie sur la candidature
de la Macédoine du Nord à l’adhésion à l’Union européenne. Cela
étant, la reconnaissance d’une «minorité nationale» par l’État n’est
pas un prérequis pour pouvoir bénéficier de la protection de la
Convention-cadre et les Macédoniens défendent très activement leurs
droits tandis que les autorités sont très attentives à cette question.

116. La préoccupation majeure dans ce domaine reste l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans le groupe
d’affaires UMO Ilinden et autres c. Bulgarie
portant
sur des violations de l’article 11 de la Convention (liberté d’association).
Ces arrêts concernent le refus injustifié des tribunaux bulgares
en 1998-1999, 2002-2004, 2010-2013 et 2014-2015 d’enregistrer des
associations ayant pour but d’obtenir «la reconnaissance de la minorité
macédonienne en Bulgarie». Alors que plus de 18 ans se sont écoulés
depuis que le premier arrêt de ce groupe est devenu définitif et
malgré les diverses mesures adoptées par les autorités bulgares
pour améliorer le fonctionnement du mécanisme d’enregistrement (depuis
le 1er janvier 2018), les associations susmentionnées continuent
de se voir refuser régulièrement l’enregistrement pour des motifs
qui semblent liés à un problème plus large de désapprobation de
leurs objectifs
.
En mars 2024, le ministre de la Justice de l’époque a décidé de
créer un groupe de travail chargé d’analyser les mesures possibles
pour mettre en œuvre ces arrêts
.



117. En ce qui concerne les droits des personnes LGTBI, le 20 février 2023,
la Cour suprême de cassation a déclaré que les personnes transgenres
ne pourraient plus faire modifier leurs documents conformément à leur
identité de genre, la Constitution et la législation «reposant sur
le principe de l’existence binaire de l’espèce humaine», selon le
libellé de la décision. L’arrêt a été adopté avec 28 voix pour mais
21 juges ont exprimé une opinion dissidente. Les juristes ont affirmé
qu’il était rare de voir la Cour suprême si fortement divisée sur
une question et s’attendaient à une saisine de la Cour européenne
des droits de l’homme par les requérants.
3.5. Discours de haine
118. Durant la visite de septembre
2023, les autorités ont fourni aux corapporteur·es des informations détaillées
sur les dispositions prises pour lutter contre le discours de haine.
La législation applicable couvre les principaux éléments prescrits
par les normes internationales. En 2020, les amendements à la loi
sur la radio et la télévision ont introduit des mesures plus strictes
contre l’expression de propos haineux et l’incitation à la violence,
à la haine ou à la perpétration d’actes terroristes dans les médias
audiovisuels et sur les plateformes en ligne, et ont renforcé les
pouvoirs de l’autorité de régulation des médias (Conseil des médias
électroniques) en la matière.
119. Les amendements les plus récents au Code pénal, adoptés en
juillet 2023, prévoient un durcissement des peines pour le discours
de haine et les crimes de haine. La couleur, l’origine et l’orientation
sexuelle ont été ajoutées aux critères définissant le discours de
haine.
120. Le ministère de l’Intérieur effectue un suivi des contenus
publiés en ligne pour détecter les violations des droits humains.
Il reçoit également des signalements de la part d’organisations
non gouvernementales et de personnes physiques.
121. Plusieurs mesures de sensibilisation de l’opinion publique
ont été prises: des cours d’éducation civique sont désormais proposés
à tous les niveaux de l’enseignement scolaire et préscolaire. Une
formation des policiers sur les crimes de haine à l’égard des personnes
LGTBI a été mise en place en coopération avec la communauté LGTBI.
Depuis 2019, le ministère de l’Intérieur travaille en étroite collaboration
avec l’organisation de jeunesse LGBTI Action pour former les policiers
de tout le pays à la lutte contre les crimes de haine homophobes
et transphobes. À ce jour, plus de 460 policiers ont reçu cette
formation.
122. Le manuel du Conseil de l’Europe «Répression des crimes de
haine à l’égard des personnes LGBTI: formation pour une réponse
policière professionnelle» a été traduit en bulgare et diffusé à
toutes les structures de la police. En 2022-2023, la Commission
pour la protection contre la discrimination a organisé une campagne
nationale pour sensibiliser le public à la protection contre la
discrimination et le discours de haine. Le CSM et le ministère de
l’Éducation gèrent ensemble un programme de formation sur la question,
pour plus de 15 000 étudiants. En 2023, la problématique du discours
de haine a été intégrée au programme de l’École du ministère de
l’Intérieur sur les droits humains et la protection contre la discrimination.
Enfin, plusieurs séminaires et formations ponctuels ont été organisés
à l’intention des policiers et des procureurs.
123. Malgré toutes ces mesures, le discours de haine continue de
susciter de vives préoccupations en Bulgarie. Bien que répandu,
il est rarement signalé par crainte de devoir divulguer une orientation
ou une identité sexuelle ou par manque de confiance dans la capacité
de la police et de la justice à poursuivre effectivement les auteurs
de tels actes. Dans une étude menée par une ONG bulgare en 2019,
73 % des personnes LGBTI interrogées avaient été la cible de propos
haineux en ligne au cours des cinq années précédentes. Parmi ces
victimes, 34 % n’ont pas déclaré ces incidents, 24 % les ont signalés
aux plateformes de médias sociaux concernées et seulement 3 % ont
effectué un dépôt de plainte à la police
.

124. Le discours de haine vise surtout les Roms, les musulmans,
les migrants et demandeurs d’asile, les personnes se déclarant d’origine
macédonienne et les personnes LGBTI. Les cibles changent et passent
d’un groupe à l’autre, souvent au gré des priorités politiques du
moment. Lors de la crise migratoire, par exemple, le discours de
haine était principalement dirigé contre les migrants, surtout ceux
venant des pays musulmans. Dernièrement, il s’est recentré sur les
Roms et les personnes LGBTI
.

125. Le discours de haine tenu par des personnalités politiques
est particulièrement problématique. Ce type de propos se rencontre
notamment lors des campagnes électorales mais il est également présent
en dehors de la période des élections et même au sein du parlement
actuel
. En juin 2023, un
membre du VRMO (mouvement national bulgare) a été condamné à une
amende et à une interdiction de publier des contenus racistes et
des propos haineux contre les Roms et d’autres minorités ethniques
sur son site web, par décision de la Commission bulgare pour la
protection contre la discrimination. Dans son arrêt de 2021 dans
l’affaire Budinova et Chaprazov c. Bulgarie
, la Cour européenne
des droits de l’homme a conclu que les propos anti-Roms tenus par
un homme politique bulgare constituaient une violation de l’article 8
(droit au respect de la vie privée et familiale) combiné avec l’article 14
(interdiction de la discrimination) de la Convention.


126. Selon les autorités, au cours des vingt années qui se sont
écoulées depuis les événements à l’origine de l’affaire Budinova et Chaprazov, la situation
s’est sensiblement améliorée pour ce qui est de bannir le discours
de haine du discours politique. Dans quelques affaires de discours
public discriminatoire, les tribunaux nationaux ont suivi la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme.
3.6. La violence à l’égard des femmes
127. Il faut reconnaître que des
progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne la protection
des femmes. Pour lutter contre la violence à l’égard des femmes,
le gouvernement a adopté une stratégie nationale de promotion de
l’égalité femmes-hommes (2021-2030). Le plan d’action qui l’accompagne
contient des mesures spécifiques visant à combattre la violence
domestique.
128. En juillet 2023, l’Assemblée nationale a adopté des amendements
au Code pénal définissant les «infractions commises dans le cadre
de la violence domestique», ce qui permet aux victimes de bénéficier d’une
protection à un stade précoce, c’est-à-dire dès que le premier acte
de violence a été commis. Ces amendements ont également introduit
des sanctions plus sévères pour les infractions liées à la violence domestique.
129. En août 2023, devant une vague d’indignation provoquée par
une affaire choquante dans laquelle une jeune femme de 18 ans a
subi des violences de la part de son ancien petit ami, de nouveaux
amendements à la Loi sur la protection contre la violence domestique
ont été adoptés par la majorité parlementaire lors d’une session
extraordinaire du parlement. Ces amendements ont élargi le champ
de la protection juridique aux personnes ayant subi des violences
dans le cadre d’une relation intime en dehors du mariage ou d’un concubinage.
130. D’autres amendements à la Loi sur la protection contre la
violence domestique ont été adoptés pour assurer une protection
rapide et effective des victimes de violence domestique. Ils accroissent
la portée des mesures de protection contre la violence domestique.
Ils facilitent également l’accès à la justice et optimisent les
procédures devant les tribunaux en prévoyant notamment une prorogation
de compétence dans les affaires de violence domestique. La loi modifiée
prévoit en outre la création d’un Système national d’information
sur la violence domestique et d’un Conseil national pour la prévention
et la protection contre la violence domestique et la mise en place
d’un mécanisme de coordination entre les autorités compétentes,
les municipalités et le système judiciaire. Par la suite, un service
spécialisé a été créé sous l’égide du Secrétaire général pour la prévention
et la protection contre la violence domestique, la coopération sur
les questions ethniques et d’intégration et l’interaction avec la
société civile, au sein de l’administration du Conseil des ministres.
Le service fournit un soutien administratif, technique et financier
au Conseil national de coopération sur les questions ethniques et
d’intégration et il est le centre de coordination au niveau gouvernemental
pour la prévention et la protection contre la violence domestique.
131. Ces changements législatifs sont à saluer, car ils viennent
également combler certaines des lacunes relevées par la Cour dans
son arrêt concernant l’affaire Y et autres
c. Bulgarie
, dans laquelle
elle a conclu à une violation de l’article 2 de la Convention (droit
à la vie) en raison d’une protection inefficace contre la violence
domestique ayant conduit au décès de la victime.

132. D’après les statistiques de la police, il y a eu 18 féminicides
au cours des trois premiers mois de 2023. Les défenseurs des droits
des femmes affirment que ce chiffre est sous-estimé compte tenu
de l’insuffisance des signalements et du manque de clarté des statistiques.
133. Les autorités ont indiqué qu’elles avaient pris des mesures
de sensibilisation, des mesures législatives et organisationnelles
et des mesures de renforcement des capacités pour lutter contre
la violence domestique.
134. Un nouveau système d’information automatisé sur la violence
domestique et la violence fondée sur le genre fonctionne au sein
de la police depuis janvier 2025. En décembre 2023, une application
mobile «Aidez-moi» a été mise en place pour encourager le signalement
des cas de violence domestique. En 2024, le Programme national de
prévention et de protection contre la violence domestique 2024-2026
a été adopté en vue de définir les principaux objectifs et les activités
prioritaires pour financer des institutions dans le domaine de la
prévention et de la protection contre la violence domestique. Plus
de 6,2 millions de BGN sont prévus dans son budget. La plupart des
fonds sont alloués à la prévention des agressions à domicile, notamment
pour des campagnes d’information nationales, des conférences, des
séminaires et des réunions de sensibilisation.
135. La Bulgarie a signé la Convention sur la prévention et la
lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») en avril 2016. Cela étant,
la question de sa ratification a suscité de vifs débats dans le
pays. En février 2018, un groupe de 75 députés (principalement du groupe
socialiste) a saisi la Cour constitutionnelle pour obtenir un avis
sur la conformité avec la Constitution de notions comme les «rôles
socialement construits», les «rôles stéréotypés» et le terme «genre».
En juillet 2018, la Cour a déclaré la Convention d’Istanbul contraire
à la Constitution. Par conséquent, la Bulgarie n’est pas soumise
aux évaluations du GREVIO, qui est l’organe de suivi indépendant
rattaché à la Convention d’Istanbul.
136. Durant la visite de septembre 2023, la société civile a attiré
l’attention sur l’insuffisance de la base matérielle permettant
d’assurer la protection des femmes et sur le manque de financements.
Ils ont indiqué qu’il n’y avait que 24 centres d’hébergement pour
les victimes de violence domestique. Certains lieux n’accueillaient
pas les femmes sans enfants.
137. Les autorités ont réfuté ces allégations, mais ont reconnu
que le manque de centres d’hébergement était problématique. Dans
leurs dernières observations, elles ont indiqué que les municipalités
continueraient de maintenir les 31 centres de crise existant dans
le pays, qui pouvaient accueillir un total de 348 femmes et enfants,
victimes de violence domestique ou de la traite.
4. Conclusions
138. En mars 2024, après avoir
examiné attentivement les progrès réalisés par la Bulgarie dans
les six domaines de préoccupation cités dans la Résolution 2296 (2019), la commission de suivi est convenue de proposer à l’Assemblée
de clore le dialogue postsuivi avec la Bulgarie.
139. Cela étant, elle a suggéré de consacrer l’un de ses futurs
examens périodiques, d’ici quelques années, à la mise en œuvre des
réformes relatives à l’État de droit, à la démocratie pluraliste
et aux droits humains, réformes qui doivent être irréversibles et
pérennes.
140. En raison de nouvelles élections législatives anticipées en
Bulgarie, l’Assemblée a reporté l’approbation définitive des propositions
de la commission. Après avoir réexaminé la situation dans le pays,
nous soutenons pleinement les deux propositions susmentionnées.
141. Néanmoins, nous constatons que, malgré les efforts et les
bonnes intentions des autorités, de nombreuses questions restent
en suspens. En particulier, la réforme du système judiciaire et
du ministère public n’a été que partiellement mise en œuvre et elle
a depuis été suspendue en raison de l’arrêt de la Cour constitutionnelle
du 26 juillet 2024. Les recommandations des organes du Conseil de
l’Europe, telles que celles qui concernent la composition du Conseil
supérieur de la magistrature, les pouvoirs du procureur général et
les attributions de l’Inspection de la magistrature, doivent encore
être mises en œuvre. En outre, bien que les autorités bulgares aient
mis en place de nombreuses mesures importantes pour lutter contre
la corruption à haut niveau, il n’existe toujours pas de bilan solide
en matière de condamnations définitives dans de tels cas, et la
majorité des recommandations du GRECO issues du cinquième cycle
d’évaluation sur la prévention de la corruption et la promotion
de l’intégrité au sein des gouvernements centraux et des services
répressifs ne sont toujours pas mises en œuvre. En outre, malgré
certains progrès concernant le respect général de la liberté d’expression,
nous sommes préoccupés par la concentration et le manque de transparence
de la propriété des médias. Enfin, nous restons profondément préoccupés
par la situation fragile de la population rom, par les expulsions
forcées et les démolitions de leurs maisons (comme l’illustre l’arrêt
de la Cour dans l’affaire Yordanova et
autres c. Bulgarie), ainsi que par la non-exécution des
arrêts de la Cour concernant le refus d’enregistrer des associations
de personnes d’origine macédonienne (UMO
Ilinden et autres c. Bulgarie, parmi d’autres).
142. Par conséquent, nous proposons de clore le dialogue postsuivi
avec la Bulgarie et de revenir sur les questions non résolues lors
d’un prochain examen périodique.
143. Il convient de reconnaître que le rythme des réformes législatives
résulte en partie des pressions internationales et de retards provoqués
par l’instabilité politique. Comme mentionné précédemment, l’évaluation
des progrès accomplis par la Bulgarie dans le respect des normes
en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains ne
peut être considérée en abstraction des contraintes imposées par
les élections successives. Nous avons pleinement conscience des
difficultés rencontrées par les autorités bulgares et nous les félicitons
une fois de plus pour leur engagement et leur volonté politique
de respecter les obligations et les engagements qu’ils ont contractés
lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe.