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Rapport | Doc. 16246 | 11 septembre 2025

Dialogue postsuivi avec la Bulgarie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Yves CRUCHTEN, Luxembourg, SOC

Corapporteur : Mme Deborah BERGAMINI, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 9 septembre 2025.

(open)
1. La Bulgarie a adhéré au Conseil de l’Europe en 1992. Elle a fait l’objet d’une procédure de suivi complète jusqu’en 2000. L’Assemblée parlementaire a décidé, par la Résolution 1211 (2000), de clore la procédure de suivi et d’engager un dialogue postsuivi sur un certain nombre de préoccupations en suspens, découlant du non-respect par la Bulgarie des engagements qu’elle a pris lors de son adhésion et des obligations incombant à tout État membre en vertu de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1) en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains. Depuis 2000, l’Assemblée évalue systématiquement les progrès accomplis pour traiter ces préoccupations en suspens.
2. L’Assemblée rappelle sa résolution la plus récente sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie, à savoir la Résolution 2296 (2019), dans laquelle elle a reconnu les progrès indéniables réalisés concernant les réformes cruciales et le cadre législatif mis en place. Toutefois, elle a décidé de poursuivre le dialogue postsuivi tant que les problèmes persistants au regard du système judiciaire, de la lutte contre la corruption à haut niveau, des médias, des droits humains des minorités, de la lutte contre le discours de haine et la violence à l’égard des femmes n’auront pas été traités, dans la perspective de garantir la pérennité et l’irréversibilité des réformes.
3. Il convient de saluer la Bulgarie pour avoir surmonté la crise et l’instabilité politiques, comme l’illustre la tenue d’élections législatives anticipées à sept reprises, le 4 avril 2021, le 11 juillet 2021, le 14 novembre 2021 (le jour de l’élection présidentielle), le 2 octobre 2022, le 2 avril 2023, le 9 juin 2024 et le 27 octobre 2024.
4. L’Assemblée apprécie le fait qu’un gouvernement de coalition ait été constitué en janvier 2025 ainsi que la volonté et l’engagement politiques soutenus dont il fait preuve pour honorer pleinement les engagements et obligations figurant dans la Résolution 2296 (2019), comme le confirme la poursuite de la coopération avec les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment avec la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi) de l’Assemblée et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
5. L’Assemblée rappelle que, le 20 décembre 2023, le parlement a adopté des amendements constitutionnels, qui répondent à certaines préoccupations de longue date de la Commission de Venise et de l’Assemblée concernant le système de gouvernance du pouvoir judiciaire et du ministère public.
6. L’Assemblée prend note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet 2024 (n° 13), qui a déclaré inconstitutionnelle la grande majorité de ces amendements constitutionnels et a indiqué que leur adoption nécessitait une Grande Assemblée nationale et non un parlement ordinaire. En conséquence, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été poursuivie, ce qui est regrettable.
7. L’Assemblée se félicite de la réforme du Code de procédure pénale du 26 mai 2023, qui a établi un mécanisme permettant d’engager la responsabilité pénale du procureur général et de ses substituts et de leur demander des comptes. Suite à cette réforme, les décisions des procureurs de ne pas ouvrir d’enquête sur certaines catégories d’infractions pénales (y compris les infractions liées à la corruption) peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de la part des tribunaux administratifs. L’Assemblée note avec satisfaction que la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de ces modifications législatives (arrêt n° 14 du 26 juillet 2024). Elle se félicite également que cette même juridiction ait confirmé la constitutionnalité des modifications constitutionnelles du 20 décembre 2023 limitant les pouvoirs excessifs du ministère public (arrêt n° 13 du 26 juillet 2024). Toutes ces évolutions sont conformes aux recommandations de la Commission de Venise.
8. Si les modifications législatives et constitutionnelles susmentionnées constituent, dans l’ensemble, une avancée considérable vers le respect des engagements et des obligations de la Bulgarie, il est regrettable que les questions relatives au système judiciaire n’aient pas encore toutes été traitées. En particulier, la période probatoire de cinq ans, prévue pour les juges, a été conservée. De plus, les vastes compétences de l’Inspection de la magistrature, définies de manière ambiguë, et l’absence de garanties contre d’éventuelles ingérences dans le fond des décisions des tribunaux sont problématiques.
9. L’Assemblée se félicite des mesures prises par les autorités bulgares pour lutter contre la corruption à haut niveau. Elle salue l’adoption, le 6 octobre 2023, de la loi anticorruption, qui prévoit une nouvelle structure et de nouvelles compétences pour la commission chargée de la lutte contre la corruption et la commission chargée de la confiscation des avoirs illicites, notamment le fait de pouvoir enquêter sur des infractions de corruption commises par des personnes occupant des fonctions publiques. Cette compétence, qui faisait auparavant défaut, était l’un des principaux points faibles de l’ancienne commission anticorruption.
10. L’Assemblée note avec satisfaction l’adoption, le 27 janvier 2023, de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte ou des personnes divulguant publiquement des informations sur des infractions, loi attendue depuis longtemps et qui prévoit un cadre juridique complet et simplifié pour les signalements et la protection des lanceurs d’alerte, conformément aux normes démocratiques. Les amendements à la loi sur les marchés publics visant à assurer une plus grande transparence constituent également un progrès notable. Par ailleurs, l’Assemblée prend note des travaux en cours sur une nouvelle législation relative au lobbying et à la corruption transnationale.
11. L’Assemblée prend note du deuxième rapport de conformité du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) sur la Bulgarie, de janvier 2020, qui évalue la mise en œuvre des recommandations du quatrième cycle d’évaluation sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs. Le rapport conclut que la Bulgarie a mis en œuvre 16 des 19 recommandations et que les trois recommandations restantes ont été partiellement mises en œuvre.
12. L’Assemblée se réfère au rapport du cinquième cycle d’évaluation du GRECO sur la Bulgarie concernant la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes fonctions de l’exécutif) et des services répressifs, dans lequel le GRECO a formulé 28 recommandations. En novembre 2024, le GRECO a conclu que seules sept recommandations avaient été mises en œuvre de manière satisfaisante (principalement celles qui concernaient l’intégrité de la police), onze avaient été partiellement mises en œuvre et dix n’avaient pas été mises en œuvre. L’Assemblée demande instamment aux autorités bulgares de mettre pleinement et rapidement en œuvre les recommandations formulées par le GRECO au titre de ses quatrième et cinquième cycles d’évaluation.
13. Malgré les scandales de corruption à haut niveau qui ont éclaté dans le pays, la réalisation de progrès significatifs se traduisant par des condamnations définitives dans les affaires de ce type continue de faire défaut en Bulgarie à ce jour. En 2023, des personnalités politiques bulgares ont été sanctionnées dans des pays tiers, dans des affaires liées à de la corruption à haut niveau, après l’abandon des procédures judiciaires à leur encontre en Bulgarie. L’Assemblée espère que les nouvelles mesures de lutte contre la corruption démontreront leur efficacité par des résultats concrets, notamment par des condamnations définitives dans des affaires de corruption à haut niveau.
14. Plus de 90 arrêts de principe de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la Bulgarie sont en attente d’exécution, dont plus de la moitié depuis au moins dix ans. L’Assemblée appelle les autorités à continuer de coopérer avec le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en vue de réaliser des progrès tangibles dans l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les affaires relatives à la réforme du système judiciaire (S.Z. c. Bulgarie, Kolevi c. Bulgarie et Miroslava Todorova c. Bulgarie), les expulsions forcées et la démolition des maisons de Roms (Yordanova et autres c. Bulgarie) et les refus d’enregistrer les associations de personnes d’origine macédonienne (UMO Ilinden et autres c. Bulgarie et autres affaires similaires).
15. L’Assemblée note avec satisfaction que la Bulgarie a considérablement amélioré la situation en matière de liberté d’expression. Il convient de noter un certain nombre d’évolutions positives, notamment les amendements au Code pénal adoptés en juillet 2023 qui renforcent la protection des journalistes dans les affaires de diffamation présumée à l’égard de fonctionnaires. L’allègement de la responsabilité pénale répond à une recommandation de longue date du Conseil de l’Europe. Il convient en outre de reconnaître l’amélioration considérable de la jurisprudence des tribunaux nationaux concernant les accusations de diffamation à l’encontre de journalistes, en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
16. Malheureusement, parmi les problèmes persistants figurent le degré élevé de concentration des médias et le manque de transparence de la propriété des médias, de la distribution et des fournisseurs de médias, ainsi qu’un nombre important de poursuites stratégiques contre la participation publique (ou poursuites-bâillons) visant les journalistes. L’Assemblée appelle les autorités bulgares à prendre des mesures législatives pour régler ces problèmes.
17. L’Assemblée demeure préoccupée par la situation fragile de la population rom, qui constitue le groupe minoritaire le plus grand et représente près de 5 % de la population bulgare. Tandis qu’un certain nombre de programmes, de stratégies et de plans d’action ont été conçus et mis en œuvre ces dernières années pour améliorer la situation des Roms, aucun progrès majeur n’a été constaté et les rapports relatifs à l’emploi, au logement, à la situation matérielle, à l’éducation et à la santé de la population rom restent alarmants. L’Assemblée demande instamment aux autorités bulgares de poursuivre leurs efforts afin de réaliser des progrès tangibles en matière d’intégration et d’inclusion de la population rom.
18. L’Assemblée note avec satisfaction que de nombreuses mesures ont été prises pour lutter contre le discours de haine. Les amendements les plus récents au Code pénal, adoptés en juillet 2023, donnent une définition plus détaillée du discours et des crimes de haine et prévoient un durcissement des sanctions pour ce type d’infractions. Les campagnes et les formations menées à l’échelle nationale ont fortement contribué à sensibiliser davantage le public et les professionnels concernés.
19. L’Assemblée constate que des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle salue notamment l’adoption, en juillet 2023, des amendements au Code pénal qui permettent aux victimes de violences domestiques de bénéficier d’une protection à un stade précoce, quel que soit le statut juridique de leur relation. De plus, les amendements à la loi sur la protection contre les violences domestiques adoptés en août 2023 accordent des droits supplémentaires aux victimes. Dans le même temps, l’Assemblée exhorte les autorités bulgares à augmenter les ressources budgétaires allouées aux refuges pour les victimes de violences domestiques.
20. Si les progrès réalisés globalement par la Bulgarie en vue du respect de ses engagements et obligations sont indéniables, certaines insuffisances persistent et des mesures doivent être prises pour y remédier. L’Assemblée appelle les autorités bulgares à reprendre la réforme de l’organisation de l’État (interrompue à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet 2024 (n° 13)), par l’adoption d’une législation ordinaire et/ou de nouveaux amendements constitutionnels par la Grande Assemblée nationale. Elle invite également les autorités à traiter les autres questions en suspens en étroite coopération avec le Comité des Ministres, le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, la Commission de Venise et d’autres organes du Conseil de l’Europe.
21. L’Assemblée rappelle que les élections législatives anticipées qui se sont succédé en 2021-2024 ont toutes été observées par ses commissions ad hoc pour l’observation des élections. Le cadre juridique en place était adéquat pour la conduite d’élections démocratiques et les libertés fondamentales ont été respectées. Dans l’ensemble, les élections consécutives ont été jugées compétitives et bien gérées par l’administration électorale.
22. L’Assemblée note que la Commission européenne a mis fin, en septembre 2023, au mécanisme de coopération et de vérification établi pour la Bulgarie, compte tenu des progrès satisfaisants accomplis pour tous les indicateurs et de la mise en œuvre des recommandations formulées au titre de ce mécanisme concernant le système judiciaire, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Elle salue également les décisions des institutions compétentes de l’Union européenne concernant l’adhésion de la Bulgarie à la zone euro à compter du 1er janvier 2026.
23. Au vu de ces éléments, l’Assemblée décide de clore le dialogue postsuivi avec la Bulgarie et de suivre l’évolution de la situation dans le pays en matière d’État de droit, de démocratie pluraliste et de droits humains dans le cadre de ses examens périodiques.

B. Exposé des motifs de M. Yves Cruchten et de Mme Deborah Bergamini, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. La Bulgarie a adhéré au Conseil de l’Europe en 1992. Elle a fait l’objet d’une procédure de suivi complète jusqu’en 2000, date à laquelle l’Assemblée parlementaire a décidé, par la Résolution 1211 (2000), de clore la procédure de suivi complète et d’engager un dialogue postsuivi «sur les questions figurant au paragraphe 4 [de la Résolution 1211 (2000)] ou sur toute autre question relevant des obligations de la Bulgarie en tant qu’État membre du Conseil de l’Europe». Depuis, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) a présenté trois rapports à l’Assemblée, en 2010, 2013 et 2019.
2. En 2014, la procédure de suivi de l’Assemblée a subi quelques modifications. L’Assemblée a notamment décidé que les rapports relatifs au dialogue postsuivi comporteront désormais un projet de résolution qui pourra soit indiquer qu’il convient de mettre un terme au dialogue postsuivi, soit fixer des délais concrets pour la mise en œuvre des engagements en suspens. Dans le second cas, si le rapport suivant soumis à l’Assemblée indique que les délais n’ont pas été respectés, le pays concerné est à nouveau soumis à une procédure de suivi complète (article 13 du mandat de la commission de suivi).
3. En d’autres termes, le règlement prévoit qu’à compter de 2014, la commission de suivi préparera tout au plus deux rapports, dont le second contiendra un projet de résolution proposant à l’Assemblée soit de clore le dialogue postsuivi, soit de soumettre à nouveau le pays à une procédure de suivi complète. Comme indiqué au paragraphe 1, la commission a déjà publié un rapport depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles, en 2019. À l’issue d’un débat, l’Assemblée a adopté la Résolution 2296 (2019) dans laquelle elle a énuméré les six domaines où subsistaient des préoccupations concernant les droits humains et le fonctionnement des institutions démocratiques en Bulgarie, et a décidé d’évaluer, en juin 2020, les progrès réalisés dans ces domaines. Ces domaines incluaient notamment la corruption à haut niveau, la transparence de la propriété des médias, les droits humains des minorités, le discours de haine et la violence à l’égard des femmes.
4. Toutefois, de juillet 2020 jusqu’à récemment, la Bulgarie a traversé une crise politique majeure qui a entraîné l’organisation consécutive d’élections législatives anticipées à sept reprises: le 4 avril 2021, le 11 juillet 2021, le 14 novembre 2021 (le jour de l’élection présidentielle), le 2 octobre 2022, le 2 avril 2023, le 9 juin 2024 et le 27 octobre 2024 pour les dernières en date. Pendant quasiment toute cette période, la Bulgarie a été dirigée par des gouvernements techniques provisoires. Nous examinerons le contexte politique du fonctionnement des institutions démocratiques dans la partie 2 ci-après.
5. Nous avons été nommés rapporteur·es respectivement le 13 septembre 2023 (Mme Deborah Bergamini) et le 4 mars 2025 (M. Yves Cruchten, remplaçant Mme Thórhildur Sunna Ævarsdóttir, qui a quitté l’Assemblée en janvier 2025).
6. Le présent rapport est une version actualisée de celui que la commission a adopté le 6 mars 2024 («rapport 2024») 
			(2) 
			Doc. 15947, préparé par Mme Thórhildur
Sunna Ævarsdóttir (Islande, SOC) et Mme Deborah
Bergamini (Italie, PPE/DC). et qui a été déposé, mais a ensuite été retiré de l’ordre du jour de la partie de session d’avril 2024 de l’Assemblée en raison des élections législatives anticipées du 9 juin 2024. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, nous avons été confrontés à la tâche difficile de déterminer si les évolutions intervenues depuis juin 2019 dans les six domaines de préoccupation justifiaient de proposer à l’Assemblée de clore le dialogue postsuivi ou au contraire de soumettre à nouveau la Bulgarie à une procédure de suivi complète.
7. Dans le cadre de la préparation du rapport 2024, une visite d’information a eu lieu à Sofia du 17 au 19 septembre 2023. Le programme de la visite incluait des entretiens avec les plus hauts représentants des autorités législatives, exécutives et judiciaires du pays et notamment le président du Parlement, le Premier ministre et les ministres de la Justice et de l’Intérieur, les chefs des groupes politiques parlementaires, le procureur général et le président de la Cour suprême de cassation 
			(3) 
			En outre, le 23 novembre
2023, un entretien a eu lieu en ligne avec la vice-Première ministre
et ministre des Affaires étrangères qui était absente de Sofia lors
de la visite de septembre 2023.. Étant donné qu’il était nécessaire de mettre à jour le rapport 2024, une nouvelle visite d’information à Sofia a eu lieu les 2 et 3 juillet 2025. Lors de cette visite, nous avons rencontré les ministres des Affaires étrangères, de la Justice et de l’Intérieur, la présidente du Parlement, des représentant·es des groupes politiques parlementaires, le procureur général par intérim, la présidente de la Cour suprême de cassation et des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Les deux visites à Sofia ont été une excellente opportunité d’avoir un dialogue politique avec les représentant·es des autorités. Dans le même temps, elles ont également permis aux corapporteur·es d’échanger avec des représentant·es de la société civile dont l’expertise et l’expérience directe ont grandement contribué à leur compréhension de la situation sur le terrain. Le 23 juillet 2025, la délégation bulgare auprès de l’Assemblée a envoyé ses commentaires sur l’avant-projet de rapport (de juin 2025).
8. Le présent rapport tient compte également des avis juridiques de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) concernant le projet d’amendements à la Constitution 
			(4) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2023)039-f'>CDL-AD(2023)039</a>., les projets d’amendements au Code de procédure pénale et à la Loi sur le système judiciaire 
			(5) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)032-f'>CDL-AD(2022)032</a>., le projet d’amendements à la Loi sur le système judiciaire concernant l’Inspectorat du Conseil Supérieur de la Magistrature 
			(6) 
			<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282022%29022-f'>CDL-AD(2022)022</a>., ainsi qu’un avis intérimaire urgent portant sur le projet de nouvelle Constitution 
			(7) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)035-f'>CDL-AD(2020)035</a>..
9. Nous avons également tenu compte des observations et conclusions des institutions compétentes et des mécanismes de suivi des conventions du Conseil de l’Europe auxquelles la Bulgarie est partie. Nous nous sommes notamment appuyés sur le rapport de la Commissaire aux droits de l’homme relatif à la Bulgarie 
			(8) 
			<a href='https://www.ecoi.net/en/file/local/2027356/CommDH%282020%298+-+Report+on+Bulgaria_EN.docx.pdf'>CommDH(2020)8</a>., les rapports d’évaluation et de conformité des quatrième et cinquième cycles d’évaluation établis par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) 
			(9) 
			Deuxième rapport de
conformité du 4e cycle <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/168099820c'>GrecoRC4(2019)24</a> publié le 17 janvier 2020, rapport d’évaluation du 5e
cycle <a href='https://rm.coe.int/cinquieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-et-promotion-/1680a9cab8'>GRECO/Eval5Rep(2022)9</a> publié le 19 janvier 2023 et <a href='https://rm.coe.int/grecorc5-2024-14-final-fr-rapport-de-conformite-bulgarie-public/1680b3f2d2'>GrecoRC5(2024)14</a> publié le 6 février 2025., le rapport du cinquième cycle d’évaluation du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) 
			(10) 
			Cinquième
cycle d’évaluation: <a href='https://rm.coe.int/moneyval-2022-1-mer-bulgaria/1680a70913'>MONEYVAL(2022)1</a> adopté en mai 2022, <a href='https://rm.coe.int/moneyval-2024-1-bg-5thround-1stenhfur/1680afca6a'>MONEYVAL(2024)1</a>, adopté en mai 2024, et <a href='https://rm.coe.int/moneyval-2025-1-bg-5th-round-2nd-enhanced-fur/1680b662f3'>MONEYVAL(2025)1</a>, adopté en mai 2025., le rapport d’évaluation du troisième cycle d’évaluation du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) 
			(11) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-du-greta-sur-la-mise-en-oeuvre-de-la-convention-du-conseil-de-/1680a249fa'>GRETA(2021)04</a> publié le 29 avril 2021., le quatrième et le cinquième avis sur la Bulgarie adoptés par le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) 
			(12) 
			<a href='https://rm.coe.int/4th-op-bulgaria-fr/16809fe366'>ACFC/OP/IV(2020)001
Final</a>, adopté le 26 mai 2020, et <a href='https://rm.coe.int/5th-op-bulgaria-fr/1680b1c748'>ACFC/OP/V(2024)2</a>, adopté le 29 mai 2024, et les commentaires du gouvernement
reçus le 4 octobre 2024, <a href='https://rm.coe.int/5th-com-bulgaria-fr/1680b24d25'>GVT/COM/V(2024)003</a>. et les observations du gouvernement 
			(13) 
			<a href='https://rm.coe.int/4th-com-bulgaria-fr/1680a03d0e'>GVT/Com/IV(2020)002</a> reçu le 7 octobre 2020., la Résolution du Comité des Ministres sur la mise en œuvre par la Bulgarie de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales 
			(14) 
			<a href='https://search.coe.int/cm?i=0900001680a0f3a8'>CM/ResCMN
(2021)1</a> adoptée le 13 janvier 2021. ainsi que le cinquième rapport soumis par la Bulgarie 
			(15) 
			<a href='https://rm.coe.int/4th-op-bulgaria-fr/16809fe366'>ACFC/SR/V(2021)008</a>.. Nous avons également pris connaissance du rapport du sixième cycle de suivi de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la Bulgarie et des observations du gouvernement 
			(16) 
			<a href='https://rm.coe.int/sixiemre-rapport-de-l-ecri-sur-la-bulgarie/1680a83582'>Rapport
de l’ECRI</a> sur la Bulgarie publié le 4 octobre 2022 et <a href='https://rm.coe.int/conclusions-de-l-ecri-sur-la-mise-en-oeuvre-des-recommandations-faisan/1680b44a39'>Conclusions
de l’ECRI</a> sur la mise en œuvre des recommandations faisant l’objet
d’un suivi intermédiaire adressées à la Bulgarie, adoptées le 21 novembre
2024, CRI(2025)01. ainsi que du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) 
			(17) 
			<a href='https://rm.coe.int/1680a88ec1'>CPT/Inf(2022)20</a>. et des observations du gouvernement 
			(18) 
			<a href='https://rm.coe.int/1680a88edf'>CPT/Inf(2022)21</a>..
10. L’Assemblée a observé les élections présidentielle et législatives mentionnées au paragraphe 4 et a débattu les rapports des missions d’observation 
			(19) 
			Doc. 15292, Doc. 15355, Doc. 15428, Doc. 15656, Doc. 15774 et Doc. 16077. préparés par les commissions ad hoc. Le présent rapport se fonde également sur les conclusions de ces missions d’observation.
11. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») concernant la Bulgarie sont une autre source d’information utile sur la situation du pays en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains. Nous nous sommes également appuyés sur les documents du Comité des Ministres concernant la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour 
			(20) 
			Voir, en particulier
les 18e et 17e<a href='https://www.coe.int/fr/web/execution/annual-reports'> Rapports
annuels du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la surveillance
de l’exécution des arrêts et décisions de la Cour européenne des
droits de l’homme</a>, et la base de données HUDOC-EXEC..
12. La Bulgarie est devenue membre de l’Union européenne en 2007. Lors de son adhésion, la Commission européenne a mis en place un mécanisme de coopération et de vérification (MCV) pour régler les problèmes subsistant en particulier dans le domaine de la justice, de la corruption et de la criminalité organisée. À ce jour, 13 rapports annuels ont été publiés, le dernier datant d’octobre 2019 
			(21) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52019DC0498'>COM(2019)498
final</a>.. Le présent rapport tient compte des conclusions des rapports successifs du MCV. En septembre 2023, l’Union européenne a mis fin au mécanisme de coopération et de vérification pour la Bulgarie, qui reste soumise aux rapports annuels de la Commission européenne relatifs à l’État de droit. Avant de parvenir à la conclusion finale du présent rapport, nous avons effectué une visite, le 12 février 2024, à la Direction de la Commission européenne chargée du suivi de l’État de droit dans les États membres de l’Union européenne (DG-Just) et avons tenu un échange de vues avec les agents responsables de la Bulgarie. Dans le présent rapport, nous nous référerons également aux conclusions du Rapport 2025 de la Commission européenne sur l’État de droit et à son chapitre sur la situation en Bulgarie 
			(22) 
			Commission européenne,
Rapport 2025 sur l’État de droit. Chapitre sur la situation de l’État
de droit en Bulgarie, <a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, 8 juillet 2025..
13. En outre, en 2016, cinq procureurs des États membres de l’Union européenne, aidés par le Service d’appui à la réforme structurelle, ont préparé une analyse indépendante du modèle structurel et fonctionnel du parquet et une analyse de son indépendance. Nous avons pris connaissance des résultats de cette analyse.
14. Nous sommes convaincus que ces diverses sources d’information nous ont permis d’élaborer un rapport objectif et équilibré évaluant les progrès réalisés par la Bulgarie du point de vue du fonctionnement des institutions démocratiques. Nous avons en particulier cherché à déterminer dans quelle mesure les réformes engagées par les autorités répondent aux préoccupations exprimées par l’Assemblée dans sa Résolution 2296 (2019), si le processus de réforme est durable et irréversible et s’il est suffisamment bien ancré dans la politique bulgare.
15. Le présent rapport tient également compte de la proposition de résolution sur le «Le pluralisme politique et la démocratie mis à mal en Bulgarie», qui a été déposée le 15 avril 2025 et fait référence au refus du Parlement bulgare d’organiser un référendum sur l’adhésion du pays à la zone euro, prévue pour le 1er janvier 2026 
			(23) 
			Doc. 16161, déposée par M. Clement Shopov (Bulgarie, NI) et d’autres
membres de l’Assemblée. Le 23 juin 2025, l’Assemblée a décidé que
cette proposition de résolution devrait être prise en compte dans
la préparation du présent rapport..

2. Contexte politique

16. La dernière élection présidentielle en date s’est tenue en novembre 2021. Le candidat du BSP (Parti socialiste) Rumen Radev a remporté l’élection avec 66,72% des voix contre 31,80% pour le candidat du parti au pouvoir (GERB – Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie). La colistière de M. Radev était Mme Iliana Iotova. Les prochaines élections présidentielles sont prévues à l’automne 2026.
17. La période comprise entre juillet 2020 et avril 2023 a été marquée par une crise et une instabilité politiques à la suite de manifestations de masse. Celles-ci ont été déclenchées par de nombreux scandales de corruption entourant notamment l’attribution de fonds européens, de projets d’infrastructures et de subventions gouvernementales. Les élections législatives consécutives n’ont pas abouti à la stabilité des gouvernements avant avril 2023.
18. Bien que ces facteurs contextuels ne relèvent pas du champ d’application de l’actuel rapport de suivi, il est évident qu’ils ont un impact inévitable sur le fonctionnement des institutions démocratiques et sur le processus de réforme. À cet égard, nous tenons à souligner les progrès réalisés malgré la situation politique difficile et les élections répétées et à féliciter les autorités bulgares pour leurs engagements à accomplir toutes les obligations liées à leur adhésion au Conseil de l’Europe.
19. À la suite des élections législatives anticipées d’avril 2023, six partis politiques et coalitions sont entrés au parlement: le GERB-SDS a remporté 69 sièges sur les 240 (soit 2 de plus qu’en octobre 2022), talonné par le PP-DB (coalition entre Nous continuons le changement (PP) fondé en mai 2021 et Bulgarie démocratique) qui en totalisait 64 (9 de moins que lors de la précédente législature). Le parti d’extrême droite prorusse Renouveau en a obtenu 37 (10 de plus), le Mouvement pour les droits et les libertés (MRF (DPS), représentant les minorités) 36, le BSP (Parti socialiste bulgare) 23 et ITN («Il y a un tel peuple») 11.
20. Le 6 juin 2023, le Parlement bulgare a approuvé une coalition entre les deux principaux groupes politiques, le GERB et le PP-DB. Conformément à l’accord de coalition, M. Nikolay Denkov du PP-DB devait occuper le poste de Premier ministre durant les neuf premiers mois avant de laisser sa place à Mme Mariya Gabriel du GERB, qui exerçait jusque-là les fonctions de Vice-Première ministre et ministre des Affaires étrangères.
21. Le gouvernement de coalition s’est accordé sur une politique pro-Union européenne ayant pour grandes priorités l’adhésion à l’espace Schengen et à l’Union monétaire européenne. Il était déterminé à combattre l’influence de la Fédération de Russie dans le secteur de la sécurité en Bulgarie, à réformer la justice et à lutter contre la corruption à haut niveau.
22. Le 5 mars 2024, le Premier ministre Denkov a démissionné conformément à l’accord de rotation. Cependant, la rotation du gouvernement et la formation d’une nouvelle administration qui étaient alors prévues ont échoué et, malgré de nombreux cycles de négociations, aucun gouvernement viable n’a vu le jour. Le 9 avril 2024, de nouvelles élections ont été annoncées, pour le 9 juin 2024, à la même date que les élections au Parlement européen.
23. Les élections législatives anticipées du 9 juin 2024 ont été marquées par un désengagement politique sans précédent, le taux de participation ayant atteint un niveau historiquement bas de 34,41 %. Le GERB-SDS a obtenu 68 sièges, le MRF(DPS) 47, la coalition PP-DB 39, Renouveau 38, le BSP 19, ITN 16 et «Velichie» (parti nationaliste) 13 
			(24) 
			Doc. 16077, paragraphes 60 et 61.. Ces résultats ont conduit à une nouvelle impasse politique qui a accentué la fragmentation et l’instabilité politiques. Malgré de multiples cycles de négociations, aucune coalition stable n’a pu être formée et de nouvelles élections législatives anticipées ont été convoquées pour le 27 octobre 2024.
24. Il s’agissait du septième scrutin législatif en un peu plus de trois ans, en plus des élections européennes et des deux tours de l’élection présidentielle. Le taux de participation a été de 38 94%. Huit partis politiques ont atteint le seuil électoral. Sur les 240 sièges, le GERB-SDS en a obtenu 69 (+1 par rapport aux élections de juin 2024), le PP 37 (-2), Renouveau 35, le MRF – Nouveau départ 30, le BSP 20, ARF (Alliance pour les droits et les libertés) 19, ITN 18 et MECh (nouveau parti) 12 
			(25) 
			Ibid.. Les résultats ont confirmé la persistance d’un paysage politique fragmenté en Bulgarie et il n’y a pas eu de changement majeur dans la répartition des sièges 
			(26) 
			Selon
le <a href='https://www.parliament.bg/en/parliamentarygroups'>site
internet de l’Assemblée nationale</a>, la répartition actuelle des sièges au Parlement (au
17 juillet 2025) est la suivante: GERB-SDS – 66, PP-DB – 36, Renouveau
– 33, MRF-Nouveau départ – 29, BSP-Gauche unie – 19, ITN – 17, ARF
– 15 et Grandeur (Vélichie) – 10.. Certains petits partis ont contesté les résultats des élections, alléguant des fraudes électorales.
25. Les missions d’observation électorale de l’Assemblée ont salué la bonne organisation des deux élections législatives, mais ont fait part de leur inquiétude quant à l’absence continuelle de progrès déterminants pour sortir de l’impasse politique, comme en témoignent les crises politiques à répétition. Elles ont fait part également de leur profonde préoccupation quant aux allégations persistantes d’achat de voix et de vote contrôlé, en dépit de certaines mesures positives prises par les autorités, notamment la mise en place d’une permanence téléphonique par le ministère de l’Intérieur 
			(27) 
			Doc. 16077, Observation des élections législatives anticipées en
Bulgarie (9 juin et 27 octobre 2024), 26 novembre 2024, paragraphe 89..
26. À la suite des élections du 27 octobre 2024, après onze tours de scrutin, Mme Natalia Kiselova (BSP-OL) a été élue présidente de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2024.
27. En janvier 2025, le GERB-SDS a formé un gouvernement minoritaire en coalition avec le BSP et ITN, et avec le soutien d’ARF, avec pour Premier ministre M. Rosen Dimitrov Zhelyazkov (du GERB). Les trois partis de la coalition totalisent 107 sièges (120 sont nécessaires pour avoir une majorité) et ARF en compte 19.
28. L’adhésion de la Bulgarie à la zone euro a le soutien de la majorité des groupes parlementaires qui entourent la coalition au pouvoir, bien qu’il y ait aussi des groupes et des individus qui critiquent fortement cette décision et que des manifestations contre celle-ci aient été organisées à Sofia et dans d’autres grandes villes. En mai 2025, la proposition du Président Ramev d’organiser un référendum sur l’adoption de l’euro a été rejetée par la présidente du Parlement, qui l’a jugée inconstitutionnelle, et une proposition similaire faite par les député·es de Renouveau a été rejetée par le parlement. Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, nous avons évoqué ces questions avec des représentant·es du gouvernement et des membres du parlement. Les représentant·es de Renouveau se sont plaints que, le 7 juillet 2025, le Parlement avait rejeté une pétition signée par plus de 604 000 citoyens appelant à un référendum sur le report de l’adhésion à la zone euro jusqu’en 2043, bien que la loi impose l’obligation d’organiser un référendum dans le cas où le nombre de signatures recueillies dépasse 400 000. Ils ont déclaré que le pays n’était pas prêt à rejoindre la zone euro et que l’adoption de l’euro entraînerait une augmentation de la pauvreté au sein de la population. Les autorités et les représentant·es de la coalition au pouvoir ont souligné que la Bulgarie s’était engagée à rejoindre la zone euro le 1er janvier 2026, conformément à ses obligations internationales, et qu’en juin 2025 la Commission européenne et la Banque centrale européenne avaient publié leurs rapports de convergence, qui confirmaient que le pays était prêt à rejoindre la zone euro. Les 7 et 8 juillet 2025, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont respectivement donné leur feu vert au lancement de ce processus.

3. Préoccupations en suspens recensées dans la Résolution 2296 (2019)

3.1. Réforme du pouvoir judiciaire

3.1.1. Tentatives antérieures de réforme du pouvoir judiciaire et amendements constitutionnels de décembre 2023

29. Le système judiciaire bulgare a fait l’objet d’une réforme majeure adoptée par le gouvernement en place en 2014, approuvée par le parlement en 2015 et suivie d’un processus législatif supplémentaire en 2015-2017. Les changements introduits par cette réforme ont contribué à d’indéniables progrès dans le domaine judiciaire et ont répondu à diverses préoccupations exprimées par les acteurs nationaux et la communauté internationale, notamment l’Assemblée 
			(28) 
			Résolution 1915 (2013).. Cependant, dans son avis de 2017 sur la Loi sur le système judiciaire 
			(29) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)018-e'>CDL-AD(2017)018</a>., la Commission de Venise a soulevé un certain nombre de préoccupations qui n’avaient pas été prises en compte, notamment en ce qui concerne la composition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), les pouvoirs excessifs des procureurs, leur implication dans la gouvernance des juges et l’obligation insuffisante de rendre compte du procureur général.
30. La réforme de 2015-2017 a créé deux chambres distinctes au sein du CSM (l’une pour les juges, composée de 14 membres, et l’autre pour les procureurs/magistrats instructeurs, composée de 11 membres). Bien que la plénière du CSM se soit vu retirer la plupart de ses pouvoirs de nomination, de sanction et de révocation des juges et des procureurs (qui ont été confiés aux deux chambres), elle a gardé le pouvoir de nomination et de révocation du président de la Cour suprême de cassation, du président de la Cour administrative suprême et du procureur général, de même que le pouvoir de révoquer les membres judiciaires élus, et certains pouvoirs réglementaires.
31. Le procureur général conserve une influence accrue au sein de la chambre des procureurs du CSM et reste le supérieur hiérarchique des membres issus du Parquet et des membres non professionnels ayant une expérience en matière de poursuites. Il était très préoccupant que les procureurs, et en particulier le procureur général, soient autant impliqués dans la gouvernance des juges, notamment pour certaines questions non disciplinaires.
32. Les autorités bulgares ont tenté de remédier à ces lacunes persistantes dans l’organisation et le fonctionnement du CSM en préparant des amendements en 2019 et 2020. Il convient de noter qu’elles ont sollicité l’avis de la Commission de Venise dans les deux cas, ce qui témoigne de la volonté de coopération des autorités 
			(30) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2019)031-f'>CDL-AD(2019)031</a> (Avis sur le projet d’amendements au Code de procédure
pénale et à la Loi sur le système judiciaire en ce qui concerne
les enquêtes pénales visant les magistrats de rang supérieur) et <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)035-f'>CDL-AD(2020)035
(Avis intérimaire urgent sur le projet de nouvelle Constitution).</a>. Cela étant, du fait de l’instabilité politique et des élections législatives répétées, ces projets d’amendements ont été abandonnés.
33. À la suite de sa formation en mai 2023, le gouvernement de l’époque a lancé une réforme constitutionnelle visant à répondre aux principales préoccupations soulevées par la Commission de Venise dans son avis de 2017 
			(31) 
			Voir
CDL-AD(2017)018, op. cit. et par l’Assemblée en ce qui concerne le système de gouvernance du pouvoir judiciaire et du ministère public.
34. Les amendements constitutionnels ont été adoptés à la grande majorité par l’Assemblée nationale le 20 décembre 2023 (165 votes pour, 71 votes contre et une abstention).
35. La composition, le mode de nomination et le fonctionnement du CSM ainsi que le rôle joué par le procureur général dans cette instance étaient l’axe principal de la récente réforme constitutionnelle (chapitre VI de la Constitution).
36. Les amendements constitutionnels ont supprimé la plénière du CSM et créé deux conseils indépendants, l’un pour les juges, l’autre pour les procureurs et juges d’instruction. La suppression de la plénière du CSM a répondu à la préoccupation selon laquelle les procureurs, et le procureur général en particulier, étaient excessivement impliqués dans la gouvernance des juges. En outre, la réforme a également limité certains pouvoirs du Président de la République en ce qui concerne la nomination des gouvernements intérimaires.
37. Les amendements constitutionnels ont constitué, dans l’ensemble, un pas dans la bonne direction et ont été évalués de manière plutôt positive par la Commission de Venise 
			(32) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2023)039-f'>CDL-AD(2023)039</a> (Avis sur le projet d’amendements à la Constitution)., car ils ont répondu à de nombreuses préoccupations antérieures concernant le système judiciaire bulgare (mais pas la totalité d’entre elles). Néanmoins, la procédure de leur adoption a suscité certaines préoccupations. Le projet d’amendements a été présenté le 28 juillet 2023 par 166 députés (sur 240) sur la base d’un accord entre les forces politiques au sein de l’Assemblée nationale 
			(33) 
			Les
amendements ont été signés par les députés des groupes parlementaires
suivants: PB-DB; GERB-SDS et le MRF (DPS). et a été rendu public. Le vote en première lecture a eu lieu le 8 décembre 2023, la deuxième lecture a eu lieu le 19 décembre et la troisième lecture, le 20 décembre 2023. Il est apparu que l’accord politique en faveur d’un changement de la Constitution avait surpris non seulement l’opinion publique mais aussi certaines parties prenantes 
			(34) 
			M. Ivan Ivanov (SOC),
représentant de l’opposition au sein de la délégation bulgare auprès
de l’Assemblée, a indiqué, dans ses observations sur le précédent
avant-projet de rapport, les raisons du rejet des amendements constitutionnels
par le BSP. Il a mentionné en particulier le risque de politisation
du procureur général et du ministère public. Il s’est plaint de
l’absence d’un large débat public et d’un consensus dans la société
et, plus généralement, du déroulement précipité de la procédure
d’adoption. et que les recommandations procédurales de la Commission de Venise n’avaient pas été suivies 
			(35) 
			La Commission de Venise
a toujours souligné que les amendements constitutionnels devraient
être fondés sur un large consensus parmi les forces politiques et
dans la société. Elle a également noté, en ce qui concerne le processus législatif,
qu’une évaluation d’impact devrait être réalisée avant l’adoption
de la législation; voir <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2023)039-f'>CDL-AD(2023)039,
op. cit.</a> paragraphe 116.. Certains experts constitutionnels ayant fait valoir que les changements proposés nécessitaient la convocation de la Grande Assemblée nationale (article 153 de la Constitution) 
			(36) 
			Selon
l’article 157 de la <a href='https://www.parliament.bg/en/const'>Constitution bulgare</a>, «Une Grande Assemblée nationale se compose de 400 membres
élus conformément à la loi électorale en vigueur»., la question a été renvoyée à la Cour constitutionnelle.
38. Dans son arrêt du 26 juillet 2024 (n° 13), la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnels plusieurs des amendements constitutionnels. Elle a estimé que plusieurs dispositions de la réforme constitutionnelle étaient essentielles pour l’organisation de l’État et que leur adoption nécessitait donc une Grande Assemblée nationale et non un parlement ordinaire. Par conséquent, les dispositions relatives à la division du CSM en deux conseils distincts, aux modifications du mandat et des pouvoirs du procureur général, à l’élection des membres des organes indépendants à la majorité qualifiée des deux tiers et aux restrictions imposées aux inspecteurs occupant des postes après l’expiration de leur mandat ont été déclarées inconstitutionnelles. D’autres dispositions ont été invalidées en raison de leur qualité rédactionnelle, de leur manque de clarté et d’objectif. Bien que certaines dispositions aient été déclarées compatibles en elles-mêmes avec la Constitution, la Cour constitutionnelle les a invalidées du fait de leur présence dans une réforme plus large déclarée inconstitutionnelle 
			(37) 
			Commission européenne,
Rapport 2025 sur l’État de droit, voir <a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., p. 4.. La Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité des dispositions qui étendent le droit de recours à la Cour constitutionnelle, y compris pour le médiateur et d’autres institutions, et qui limitent le pouvoir du Président dans la nomination d’un gouvernement intérimaire. Ainsi, à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, près de 90 % des nouveaux amendements constitutionnels ont été abrogés. Par conséquent, le parlement n’a pas poursuivi l’examen du projet de nouvelle loi sur le système judiciaire de mars 2024, qui devait mettre en œuvre les amendements constitutionnels, bien que certaines dispositions ne soient pas affectées par les amendements constitutionnels 
			(38) 
			Idem.. Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, les autorités nous ont indiqué que certaines des questions visées dans le projet pouvaient désormais être traitées par la législation ordinaire. Certains de nos interlocuteurs ont également souligné que la réforme constitutionnelle n’avait pas fait l’objet d’une consultation appropriée des professionnel·les du droit, tels que les juges et les procureurs.

3.1.2. Réforme du Conseil supérieur de la magistrature

39. Selon les amendements constitutionnels de décembre 2023, le nouveau Conseil supérieur de la magistrature devait être composé de 15 membres, dont le président de la Cour suprême de cassation qui en assurerait la présidence, le président de la Cour administrative suprême, ainsi que 8 juges élus par leurs pairs et 5 juristes en exercice ayant 15 ans d’expérience, élus par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers. Cette composition aurait été conforme à la Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres selon laquelle «[a]u moins la moitié des membres de ces conseils devraient être des juges choisis par leurs pairs issus de tous les niveaux du pouvoir judiciaire et dans le plein respect du pluralisme au sein du système judiciaire».
40. Suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet 2024, les dispositions constitutionnelles pertinentes dans leur formulation d’avant décembre 2023 sont de nouveau en vigueur, ce qui semble constituer un recul 
			(39) 
			Voir la description
de l’état d’exécution de l’affaire <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>Miroslava Todorova c.
Bulgarie</a> dans HUDOC-EXEC (au 21 juillet 2025).. Ainsi, conformément à la législation en vigueur, le CSM se compose de onze membres élus par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers des représentant·es nationaux, de onze membres élus par les organes judiciaires et de trois membres d’office (les président·es de la Cour suprême de cassation et de la Cour administrative suprême et le procureur général). La chambre judiciaire du CSM est composée de six juges élus par les juges, de six membres élus par le parlement et des président·es de la Cour suprême de cassation et de la Cour administrative suprême. Leur mandat est de cinq ans (non renouvelable immédiatement).
41. Il convient de souligner que l’amendement constitutionnel de décembre 2023 prévoyant qu’un nouveau CSM serait composé d’une majorité de juges élus par leurs pairs n’était pas problématique en soi, mais qu’il a dû être invalidé en raison de son lien étroit avec les amendements inconstitutionnels. Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle a précisé que l’augmentation du nombre de juges élus par leurs pairs au sein du nouveau CSM contribuait à l’indépendance institutionnelle et fonctionnelle de la justice 
			(40) 
			Ibid..
42. En outre, un autre sujet de préoccupation est lié au fait que le mandat de tous les membres élus du CSM (22 sur 25) a expiré en 2022. Le CSM poursuit son travail, mais avec un nombre réduit de membres élus par les juges (quatre seulement). En janvier 2025, le parlement a adopté des amendements à la Loi sur le pouvoir judiciaire, qui prévoient, entre autres, que dans un délai de six mois (jusqu’au 21 juillet 2025), le parlement et le pouvoir judiciaire doivent ouvrir des procédures pour l’élection de nouveaux membres du CSM 
			(41) 
			Ibid.. En juillet 2025, la plénière du CSM a adopté les Règles relatives à la conduite des élections des membres du CSM par les juges, les procureurs et les juges d’instruction. Les membres du CSM, dont le mandat a expiré, ne peuvent pas participer à l’élection ou à la révocation des présidents des deux cours suprêmes et du procureur général. Cela pose problème car les postes de président·e de la Cour administrative suprême et de procureur général sont toujours vacants. Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, des membres du CSM nous ont expliqué qu’un concours pour le poste de président·e de la Cour administrative suprême avait été annulé en 2024 en raison d’un manque de candidat·es et qu’un concours pour le poste de procureur général était en cours 
			(42) 
			Aux
termes de l’article 129 de la Constitution, le président de la Cour
suprême de cassation, le président de la Cour administrative suprême
et le procureur général sont nommés et révoqués par le président
de la République de Bulgarie sur proposition de l’assemblée plénière
du CSM pour un mandat de sept ans et ne sont pas éligibles pour
un second mandat. Le président ne peut refuser une nomination ou
une révocation sur proposition renouvelée..
43. En mai 2025, à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 30 avril 2025 (voir ci-dessous), le CSM s’est penché sur la question de savoir s’il pouvait continuer à exercer ses compétences à l’expiration du mandat de ses membres élus et, le cas échéant, de quelle manière.
44. La réforme du CSM a fait l’objet d’un suivi de la part du Comité des Ministres en lien avec l’exécution de l’arrêt Miroslava Todorova c. Bulgarie 
			(43) 
			Requête n° 40072/13,
arrêt du 19 octobre 2021.. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’une procédure disciplinaire engagée contre la juge requérante devant le CSM en raison des critiques qu’elle avait exprimées publiquement à l’égard de cette institution et de l’exécutif constituait une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression (violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, STE no 5 ci-après la «Convention»). En outre, la Cour a également considéré que le but prédominant des poursuites disciplinaires engagées contre la requérante et des sanctions qui lui ont été imposées avait été de sanctionner et d’intimider l’intéressée (violation de l’article 18 combiné avec l’article 10 de la Convention). Le Comité des Ministres examine également l’exécution d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la suspension d’un juge de ses fonctions à la suite d’une décision du CSM (Pengezov c. Bulgarie 
			(44) 
			Requête n° 66292/14,
arrêt du 10 octobre 2023.).

3.1.3. L’Inspection de la magistrature du CSM

45. Une autre préoccupation concerne l’Inspection de la magistrature, organe subordonné au CSM composé d’un inspecteur général et de dix inspecteurs élus par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. L’Inspection existait avant la réforme récente; un amendement de 2016 a accru ses pouvoirs dans des domaines comme l’intégrité, la vérification des déclarations d’intérêt et du patrimoine privé des magistrats, ainsi que l’examen des affaires dans lesquelles l’intégrité des magistrats a été remise en question. Le rôle de l’Inspection en matière disciplinaire a également été renforcé à cette occasion. L’Inspection actuelle est donc compétente pour examiner tous les aspects ou presque de l’activité des tribunaux, des parquets et des juges et procureurs, notamment l’organisation interne et les modalités de travail, la cohérence de la jurisprudence, la situation financière des magistrats, leur patrimoine, leur comportement dans la sphère privée, etc.
46. Dans son avis de 2017 sur la Loi sur le système judiciaire 
			(45) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)018-e'>CDL-AD(2017)018</a>, voir paragraphes 57, 66 et 112., établi à la demande de la commission de suivi en 2016, la Commission de Venise a conclu que les pouvoirs accrus de l’Inspection pouvaient représenter un danger pour l’indépendance du pouvoir judiciaire. Même si le pouvoir de décision formel reste du ressort du CSM, le fait de confier à l’Inspection autant de nouvelles fonctions, qui empiètent souvent sur celles du CSM, pourrait entraîner un transfert du pouvoir réel du CSM vers l’Inspection. La Commission de Venise a recommandé d’établir une distinction plus claire entre les fonctions de l’Inspection et celles du CSM (en particulier entre les inspections et les évaluations). Dans ses observations, la délégation déclare que les modifications législatives de 2016 n’ont pas conduit à des doublons entre les fonctions du CSM et celles de l’Inspection. Au contraire, elles les ont complétées en fournissant des informations et des analyses objectives pour soutenir une prise de décision éclairée.
47. La Commission de Venise a également souligné qu’il était important que le mode de nomination de l’Inspecteur général et des 10 inspecteurs minimise le risque d’attachement politique pour ne pas compromettre l’indépendance du pouvoir judiciaire. Selon la Commission de Venise, le CSM devrait avoir le pouvoir de nommer des candidats au poste d’inspecteur et de les révoquer en cas de manquements graves.
48. Malheureusement, les recommandations de la Commission de Venise réitérées par la Résolution 2296 (2019) de l’Assemblée et la Commission européenne n’ont pas été prises en considération à ce jour. Le projet de nouvelle loi sur le système judiciaire de mars 2024, qui avait été évalué positivement par le Comité des Ministres en lien avec l’exécution de l’arrêt de la Cour Miroslava Todorova c. Bulgarie, n’a pas été poursuivi à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant que la majeure partie de la réforme était inconstitutionnelle 
			(46) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>Miroslava Todorova c.
Bulgarie</a>, op. cit.. De nouveaux projets d’amendements à la loi sur le système judiciaire ont été publiés pour une consultation publique le 19 décembre 2024. Ils prévoyaient notamment que la moitié au moins des inspecteurs de l’Inspection du CSM devaient être nommés parmi les candidats proposés par la réunion plénière des deux cours suprêmes ou par les procureurs et les magistrats instructeurs des plus hautes instances du ministère public 
			(47) 
			Ibid.. Bien qu’ils aient été évalués positivement par le Comité des Ministres 
			(48) 
			1531e réunion
DH (10-12 juin 2015), paragraphe 4 de la décision prise concernant
l’affaire Miroslava Todorova c. Bulgarie,
ibid., le nouveau gouvernement nommé en janvier 2025 ne semble pas avoir poursuivi leur adoption 
			(49) 
			Selon le rapport 2025
de la Commission européenne sur l’État de droit, voir <a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit..
49. Dans ses observations, la délégation ne partage pas la position de la Commission de Venise sur le risque d’ingérence politique. Elle souligne que la procédure de nomination de l’Inspecteur général et des inspecteurs fait l’objet d’un examen public et parlementaire et comporte des exigences en matière de professionnalisme, d’expérience et de réputation éthique. Elle précise que l’Inspection n’a pas le pouvoir de réviser ou d’annuler des actes judiciaires et que la Constitution et la loi garantissent que ses fonctions se limitent au contrôle de l’activité administrative et des normes éthiques, sans interférer avec l’administration de la justice elle-même. Selon les autorités, cela élimine le risque d’empiéter sur l’indépendance des tribunaux. La prise de décision reste entre les mains du CSM. Même avec des fonctions élargies, l’Inspection ne prend pas de décisions finales mais fournit seulement des avis et des rapports.
50. Dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle, la CJUE a jugé que le principe de l’indépendance de la justice s’oppose à une pratique dans laquelle un organe judiciaire, tel que l’Inspection de la magistrature, travaille au-delà de l’expiration de son mandat sans qu’une base juridique expresse le justifie et sans que cette prolongation de mandat soit limitée dans le temps 
			(50) 
			CJUE, arrêt du 30 avril
2025, Inspektorat kam Visshia sadeben
savet, affaires jointes C-313/23, C-316/23 et C-332/23,
EU:C:2025:303.. En conséquence, l’Inspection de la magistrature a déclaré qu’elle s’abstiendrait désormais d’engager des procédures disciplinaires à l’encontre des juges 
			(51) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>Miroslava Todorova c.
Bulgarie</a>, op. cit..

3.1.4. Réforme du ministère public

51. Dans le système mis en place en 2015-2017, la question du rôle des procureurs dans la gouvernance des juges était étroitement liée à celle, plus générale, de la position du procureur général dans le système judiciaire bulgare. En particulier, l’absence de mécanisme effectif permettant d’engager la responsabilité pénale du procureur général et de ses substituts et de leur demander des comptes ainsi que l’absence de contrôle juridictionnel des décisions du procureur de ne pas ouvrir une enquête sont des préoccupations de longue date. Ces questions ont été examinées par le Comité des Ministres en lien avec l’exécution d’un groupe d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (S.Z./Kolevi c. Bulgarie 
			(52) 
			Requête
n° 29263/12, arrêt du 3 juin 2015, et requête n° 29263/12, arrêt
du 5 novembre 2009. 
			(52) 
			Le groupe S.Z. concerne
des enquêtes inefficaces sur le viol, la séquestration et l’incitation
à la prostitution et des allégations d’abus sexuels dans un foyer
social (violations procédurales des articles 3 ou 8 de la Convention).
Dans l’affaire S.Z., la Cour
a constaté un «problème systémique» d’inefficacité des enquêtes
pénales en Bulgarie. L’affaire Kolevi concerne
principalement l’inefficacité de l’enquête sur le meurtre du premier
requérant (un procureur de haut rang) commis en 2002, en raison
de l’absence de garanties en droit bulgare pour l’indépendance des
enquêtes pénales concernant le procureur général (qui était soupçonné
par les proches du premier requérant d’être impliqué dans le meurtre)
et des «hauts fonctionnaires proches de lui» (violation procédurale
de l’article 2 de la Convention).) et par le Conseil de l’Europe en général.
52. Le 26 mai 2023, l’Assemblée nationale a adopté une loi, modifiant et complétant le Code de procédure pénale et mis en place un mécanisme qui permet d’engager la responsabilité pénale du procureur général et de ses substituts et de leur demander des comptes, ce qui est un développement positif majeur. La loi prévoit également que les décisions des procureurs de ne pas ouvrir d’enquête sur certaines catégories d’infractions pénales peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par les tribunaux administratifs. La nouvelle loi répond aux préoccupations exprimées de longue date par la Cour européenne des droits de l’homme, la Commission de Venise et l’Assemblée, et a été accueillie favorablement par le Comité des Ministres en lien avec l’exécution du groupe d’affaires S.Z./Kolevi c. Bulgarie 
			(53) 
			Voir,
en particulier, sa décision prise lors de la réunion DH du 21 septembre
2023, CM/Del/Dec(2023)1475/H46-12..
53. Dans un (deuxième) arrêt du 26 juillet 2024 (n° 14), la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité des amendements législatifs de mai 2023.
54. S’agissant du nouveau mécanisme d’enquête indépendante concernant un procureur général (adjoint), il repose sur la sélection aléatoire d’un juge, à partir de la liste des juges expérimentés, pour servir de procureur ad hoc dans le cadre d’une enquête concernant un procureur général ou ses adjoints 
			(54) 
			Pour
plus d’informations, voir la description de l’état d’exécution du <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>groupe d’affaires
S.Z.</a> dans HUDOC-EXEC (au 21 juillet 2025).. Le 18 octobre 2023, Mme Daniela Taleva a été nommée procureur ad hoc au bureau du procureur de la Cour suprême de cassation et elle a pris ses fonctions le 7 décembre 2023. En décembre 2023, le Comité des Ministres s’est félicité de sa nomination, a demandé des clarifications sur le fonctionnement du nouveau mécanisme et a réitéré son soutien à la proposition visant à créer une base constitutionnelle pour celui-ci 
			(55) 
			Voir sa décision prise
lors de la réunion DH du 7 septembre 2023<a href='https://search.coe.int/cm/eng'>, CM/Del/Dec(2023)1483/H46-10</a>.. Toutefois, de nombreuses inquiétudes subsistent quant à l’indépendance et à l’efficacité du procureur ad hoc. En particulier, le Comité Helsinki bulgare s’est plaint du refus d’ouvrir une enquête sur les transactions immobilières de la famille du procureur général par intérim et de l’absence d’enquête effective sur les événements des «huit nains» (concernant des allégations d’influence indue sur les procédures judiciaires par certains avocats et d’autres personnes privées) 
			(56) 
			Pour plus d’informations,
voir la description de l’état d’exécution du <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>groupe d’affaires S.Z.</a>, op. cit.. Dans ses observations, la délégation a indiqué que, conformément à l’ordonnance du ministre de l’Intérieur, des agents de la Direction générale de la lutte contre la criminalité organisée avaient été chargés de mener des inspections en vertu de la loi sur le système judiciaire, lorsque des enquêtes impliquant le procureur général et ses adjoints étaient menées.
55. Un autre sujet de préoccupation concerne les pouvoirs excessifs du ministère public, qui est chargé du «contrôle général de la légalité». Cette compétence, vaguement définie, donnait aux procureurs des pouvoirs de coercition dans les affaires administratives, y compris les litiges privés. Par conséquent, ils pouvaient intervenir au nom de l’État, procéder à des vérifications et rendre des ordonnances exécutoires. Ce point avait été jugé préoccupant dans les précédents avis de la Commission de Venise.
56. En vertu des amendements constitutionnels de décembre 2023 (par l’ajout de deux nouveaux paragraphes à l’article 127 de la Constitution), le ministère public n’aura plus le pouvoir de «contrôle général de la légalité» et ne conservera que des fonctions limitées et transparentes (telles que des instructions méthodologiques), qui sont soumises à un contrôle juridictionnel. Il veillera au respect de la loi en contestant les actes prétendument illégaux devant les tribunaux dans les cas prévus par la loi ou lorsque, en plus des affaires pénales, il prend part – dans les cas prévus par la loi – à d’autres affaires, en défendant des intérêts publics significatifs ou des personnes qui ont besoin d’une protection spéciale. Dans son premier arrêt du 26 juillet 2024 (n° 13, déclarant l’inconstitutionnalité de la majorité des amendements constitutionnels), la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de ces amendements. Par conséquent, cette partie de la réforme constitutionnelle reste valide.
57. Malheureusement, d’autres amendements constitutionnels visant à introduire une transformation en profondeur du ministère public ont été invalidés par la Cour constitutionnelle. Comme mentionné ci-dessus, cette dernière a déclaré inconstitutionnelles les dispositions:
  • prévoyant la création d’un Conseil supérieur des procureurs (CSP) distinct 
			(57) 
			Le CSP était censé
compter dix membres, parmi lesquels le procureur général, deux procureurs
élus directement par leurs pairs, un membre élu directement par
des magistrats instructeurs et six membres élus par l’Assemblée
nationale à la majorité des deux tiers. Le quota public dans la
composition du CSP aurait été relevé par rapport à celui indiqué
dans l’ancienne loi. Les candidats aux fonctions de procureur général
pourraient être présentés par trois membres du CSP et par le ministre
de la Justice. Le président ne pourrait mettre son veto à aucune
nomination ou révocation à la suite d’une nouvelle présentation
de la proposition.;
  • imposant au parlement d’élire son quota de membres des deux conseils parmi des professionnel·les de la justice qui ne sont ni procureurs ni juges d’instruction;
  • prévoyant que le procureur général serait nommé pour un mandat de cinq ans (au lieu de sept) et qu’il n’exercerait pas de contrôle de légalité sur les actes de tous les procureurs 
			(58) 
			Les amendements constitutionnels
disposaient que le procureur général devait être nommé, pour une
durée de cinq ans non renouvelable, et démis de ses fonctions par
le Président de la République sur proposition du CSP. Cette disposition
était conforme à l’avis de la Commission de Venise, selon lequel
les mandats renouvelables pouvaient mettre gravement en péril l’indépendance
du titulaire de fonctions.;
  • prévoyant qu’un procureur général (adjoint) doit faire l’objet d’une enquête et être poursuivi par un procureur qui, jusqu’à sa nomination comme procureur ad hoc, était juge à la chambre pénale de la Cour suprême de cassation ou dans les chambres pénales des cours d’appel ou des tribunaux de grande instance 
			(59) 
			Pour plus d’informations,
voir la description de l’état d’exécution du <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>groupe d’affaires S.Z.</a>, op. cit..
58. La Cour constitutionnelle a également estimé que les dispositions suivantes ne relevaient pas des compétences d’un parlement ordinaire:
  • la modification des mandats du procureur général et des membres élus des nouveaux CSM et du CSP;
  • la suppression du contrôle de légalité exercé par le procureur général sur tous les autres procureurs;
  • les règles relatives à la composition du CSP, dont il a été constaté qu’elles perturbaient l’équilibre entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, en raison du nombre élevé de membres du CSP élus par le parlement, compte tenu de l’interdiction d’inclure des procureurs et des juges d’instruction dans sa composition 
			(60) 
			Ibid..
59. Par conséquent, selon les dispositions légales en vigueur, le procureur général est nommé pour un mandat de sept ans non renouvelable à l’issue d’une procédure de sélection et de désignation de candidats par le CSM, ce qui est ensuite confirmé par le Président de la République. Les candidats peuvent être présentés à l’initiative des membres de la chambre des procureurs du CSM ou par le ministre de la Justice. Le Collège des procureurs du CSM se compose de 11 membres. Il inclut le procureur général, quatre membres élus directement par les procureurs, un membre élu directement par les juges d’instruction et cinq membres élus par l’Assemblée nationale.
60. La nomination du procureur général en octobre 2019 a largement démontré les lacunes de cette procédure. Les groupes non gouvernementaux de défense des droits humains et de la justice contestaient le professionnalisme, l’intégrité et l’indépendance du candidat. Comme il était le seul candidat, le Président a apposé son veto à cette nomination, affirmant que «la nomination d’un candidat unique privait non seulement la procédure de son caractère concurrentiel, mais ôtait également tout prestige et toute légitimité au futur procureur général». Le vote au sein du CSM a passé outre au veto présidentiel et M. Geshev a été confirmé dans ses fonctions de procureur général. Son inaction présumée en tant que procureur général adjoint concernant la corruption à haut niveau et sa nomination ultérieure au poste le plus élevé du Ministère public ont été l’une des causes des manifestations de masse en juillet 2020. En juin 2023, à la suite de la réforme de mai 2023, le procureur général très critiqué a été démis de ses fonctions, sur fond de conflit – très médiatisé – entre lui et d’autres procureurs de haut rang. Son adjoint M. Borislav Sarafov (que nous avons rencontré à Sofia en juillet 2025) a été nommé procureur général par intérim. Il occupe ce poste depuis près de deux ans. Les élections du nouveau procureur général et du nouveau CSM ont été reportées en raison de l’expiration du mandat des membres du CSJ (voir ci-dessus).
61. Il est regrettable que les amendements constitutionnels ne soient pas entrés en vigueur. Ils auraient clarifié les pouvoirs du procureur général et limité leur concentration. Ils visaient à supprimer ses pouvoirs excessifs sur les juges du CSM et à renforcer l’indépendance des procureurs du CSP. Ils ont accordé une nette prédominance aux membres élus par le parlement, les procureurs n’étant que faiblement représentés au sein du CPS, ce qui a été critiqué par la Commission de Venise 
			(61) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2023)039-f'>CDL-AD(2023)039</a>. Selon la Commission de Venise, cette composition du
CSP allait au-delà de la nécessité de veiller à ce que le parquet
soit tenu de rendre des comptes et qu’il soit efficace et elle créait
un risque de contrôle de cette institution par la majorité au pouvoir.
Selon l’observation de la délégation, la réforme constitutionnelle
de 2023 a clairement défini que «le pouvoir judiciaire est indépendant
et son principal instrument est le tribunal. Le ministère public et
les organes d’instruction font partie du système judiciaire. Dans
l’exercice de leurs fonctions, les juges, les jurés, les procureurs
et les magistrats instructeurs ne sont soumis qu’à la loi» (article 117,
paragraphe 2, de la Constitution).. Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, nous avons évoqué la question de la réforme constitutionnelle avec le procureur général par intérim, qui nous a expliqué que la réforme n’avait pas fait l’objet d’une consultation appropriée dans les milieux juridiques. Il a également souligné la nécessité de réformer l’ensemble du système pénal, en commençant par modifier le Code pénal de 1968, qui devrait être mis à jour afin d’inclure de nouvelles infractions. D’autres modifications législatives devraient concerner le Code de procédure pénale, afin d’assurer une procédure plus rapide, et les dispositions de la loi sur le système judiciaire relatives aux magistrats, afin d’accélérer le recrutement de nouveaux juges (qui prend actuellement entre 4 et 5 ans). En outre, d’après les observations de la délégation, les amendements constitutionnels ont contribué à une plus grande indépendance des procureurs au sein de la Chambre des procureurs, malgré le quota parlementaire existant et le risque de politisation, et des mécanismes indépendants garantissent que les poursuites sont guidées uniquement par la loi. La limitation explicite des pouvoirs, le contrôle juridictionnel sur les instructions méthodologiques du procureur général par le biais de la Cour administrative suprême et les instruments antipolitiques fonctionnels empêchent le Collège des procureurs de devenir un organe politique. Bien qu’il soit encore possible de renforcer davantage l’indépendance institutionnelle, la réforme constitutionnelle représente un progrès et a été conforme aux recommandations de la Commission de Venise et aux normes européennes.
62. Dans ses observations, la délégation a également souligné qu’à la suite de la réforme constitutionnelle de 2023 et des amendements législatifs ultérieurs à la loi sur le système judiciaire, le procureur général soumet un rapport annuel au CSM sur la mise en œuvre de la loi et les activités du ministère public et des organes d’instruction, qui est ensuite examiné par l’Assemblée nationale. En outre, un rapport sur les activités du ministère public dans la lutte contre les crimes de corruption est soumis à l’Assemblée nationale 
			(62) 
			Article 84, paragraphe 16,
de la Constitution et article 138a, paragraphes 2 et 5 de la loi
sur le système judiciaire..

3.1.5. Autres questions préocupantes

63. Dans son avis de 2023 
			(63) 
			Idem., la Commission de Venise a indiqué que la réforme judiciaire récente ne répondait pas de manière adéquate à certaines préoccupations en suspens. En particulier, la période probatoire de cinq ans prévue pour les juges a ainsi été conservée, bien qu’il ait été demandé aux autorités de modifier cet aspect, notamment dans la Résolution 2296 (2019). De l’avis de la Commission de Venise et du GRECO, les périodes probatoires portent atteinte à l’indépendance des juges. Il convient toutefois de noter qu’en vertu de la loi actuelle la titularisation des juges est décidée par le CSM, ce qui offre une certaine garantie contre un éventuel caractère arbitraire ou politique des décisions de mettre fin à la période probatoire. Lors de notre visite à Sofia en juillet 2025, nous avons évoqué ces questions avec nos interlocuteurs. Le procureur général par intérim a déclaré que, bien que la période probatoire soit effectivement longue, la titularisation est généralement un processus purement formel. Selon les observations de la délégation, ces dernières années, des mesures supplémentaires de transparence et de responsabilité ont été adoptées, notamment la soumission d’un rapport public au Parlement en vertu de l’article 30 de la loi sur le système judiciaire, qui contribue à atténuer un impact négatif potentiel de la procédure de titularisation.
64. Il convient de noter que le niveau de perception de l’indépendance du pouvoir judiciaire par l’opinion publique reste très bas en Bulgarie, malgré une récente amélioration. Dans l’ensemble, en 2023, selon le tableau de bord de la justice dans l’UE, 30 % seulement de la population et 33 % des entreprises considéraient que le degré d’indépendance des juges et des tribunaux était «assez bon ou très bon». En 2024, ces chiffres étaient respectivement de 24 % et 25 % et en 2025 de 27 %. Le premier chiffre était plus élevé en 2016; il a néanmoins baissé en 2021 et 2022 (32 % et 31 % respectivement) 
			(64) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52023DC0309'>Tableau
de bord de la justice dans l'UE 2023</a>..
65. En conclusion, malgré les bonnes intentions des autorités, de nombreuses questions en suspens concernant le système judiciaire n’ont pas encore été réglées. Il est regrettable que des réformes majeures, telles que celles qui concernent la composition du Conseil supérieur de la magistrature et les pouvoirs du procureur général, aient également été suspendues en raison de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet 2024. En outre, le mandat large et vaguement défini de l’Inspection de la magistrature et le risque de politisation sont des sujets de préoccupation. Nous espérons que les autorités continueront à réformer le système judiciaire et traiteront toutes ces questions au moyen de lois ordinaires ou d’amendements constitutionnels adoptés par la Grande Assemblée nationale.

3.2. Prévenir et combattre la corruption

66. Pour ce qui concerne la corruption à haut niveau, nous notons avec satisfaction que les autorités bulgares ont pris un certain nombre de mesures importantes visant à accroître l’efficacité de la prévention de la corruption et de la lutte contre celle-ci. Le précédent gouvernement (constitué en avril 2023) et le gouvernement actuel ont fait de la lutte contre la corruption l’une de leurs grandes priorités. La Stratégie nationale révisée de prévention et de lutte contre la corruption 2021-2027 et sa feuille de route sont en cours de mise en œuvre.
67. La loi susmentionnée modifiant et complétant le Code de procédure pénale, que l’Assemblée nationale a adoptée le 26 mai 2023, a marqué une avancée majeure en mettant en place un mécanisme effectif qui permet d’engager la responsabilité pénale du procureur général et de ses substituts et de leur demander des comptes. Par conséquent, les décisions des procureurs de ne pas ouvrir une enquête dans les cas d’infractions graves et d’infractions liées à la corruption peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.
68. Le 21 septembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté des amendements à la loi anticorruption, qui visent principalement à préserver l’indépendance politique et l’efficacité de la Commission anticorruption créée en vertu de la loi précédente en 2019. La loi modifiée prévoit la division de la Commission en deux organes distincts: la commission de lutte contre la corruption (chargée de prévenir la corruption, de détecter les infractions de corruption et d’enquêter sur celles-ci, d’identifier les conflits d’intérêts, d’approuver et de vérifier les déclarations de patrimoine) et la commission de confiscation des avoirs illicites (chargée, entre autres, de sécuriser et de confisquer les biens acquis illégalement).
69. En vertu de la loi telle que modifiée, la commission de lutte contre la corruption sera composée de trois membres choisis parmi les candidats proposés par l’Assemblée nationale ou par des personnes morales à but non lucratif et d’utilité publique. Les candidatures seront examinées et sélectionnées par un comité spécial de nomination composé de cinq membres indépendants nommés respectivement par la Cour suprême de cassation, le Conseil supérieur du barreau, le ministère de la Justice, le Médiateur et la Chambre des comptes. La procédure de sélection comprendra des auditions publiques. À ce jour, les trois membres de la commission de lutte contre la corruption, dont la mise en place était prévue pour janvier 2024, n’ont pas été nommés. Le projet de loi sur les règles de procédure pour le processus de sélection des membres a été soumis à l’Assemblée nationale le 2 juillet 2025; il prévoit que les candidats sélectionnés seront nommés par le parlement à la majorité simple 
			(65) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., p. 11..
70. La Commission de lutte contre la corruption aura le pouvoir d’enquêter sur des infractions de corruption qui auraient été commises par des personnes exerçant des fonctions publiques, mais elle n’est pas habilitée à porter des accusations devant les tribunaux. En vertu de la loi précédente, elle n’avait ni les pouvoirs ni les outils nécessaires pour mener des activités d’enquête, ce qui s’ajoutait à l’absence de responsabilité du procureur général et de contrôle juridictionnel de ses décisions de porter ou non des affaires devant les tribunaux (ce qui a entraîné que des affaires très médiatisées n’ont pas été portées devant les tribunaux).
71. Malgré l’ouverture d’un grand nombre de procédures visant à établir l’existence de potentiels conflits d’intérêts depuis la création de la Commission de lutte contre la corruption, avant les modifications apportées en 2023 à la loi anticorruption, la réalisation de progrès significatifs se traduisant par des condamnations définitives dans les affaires de corruption à haut niveau fait encore défaut. Lors de la visite des corapporteur·es à Sofia en septembre 2023, le président par intérim de la Commission anticorruption (avant la révision de sa structure et de ses pouvoirs) a confirmé les faiblesses de l’ancienne loi anti-corruption et s’est dit convaincu que les amendements, qui à ce moment-là, faisaient l’objet d’un processus législatif, allaient considérablement améliorer la situation.
72. Autre développement positif, le 27 janvier 2023, l’Assemblée nationale a adopté la loi sur la protection des lanceurs d’alerte ou personnes divulguant publiquement des informations sur des infractions. La nouvelle loi prévoit un cadre juridique complet et simplifié pour les signalements et la protection des lanceurs d’alerte, conforme aux normes démocratiques. Le 30 avril 2025, le parlement a adopté des amendements à cette loi afin de l’aligner davantage sur la directive européenne relative aux lanceurs d’alerte (2019/1937) 
			(66) 
			Ibid, p. 16..
73. Les amendements à la loi sur les marchés publics visant à accroître la transparence ont été adoptés le 5 octobre 2023.
74. En 2020, le Conseil des ministres a adopté le Code de conduite des employés de l’administration d’État 
			(67) 
			Décret n° 57 du 2 avril
2020.. Bien que cette évolution soit positive, il est regrettable que le Code ne s’applique pas aux personnes exerçant de hautes fonctions de l’exécutif (voir les conclusions du GRECO ci-dessous). Un groupe de travail ad hoc créé par le Conseil des ministres vient d’élaborer un projet de loi modifiant et complétant la loi sur l’administration et un nouveau Code de conduite pour les personnes occupant des fonctions publiques au sein de l’exécutif central, qui font actuellement l’objet de consultations publiques et interinstitutionnelles.
75. En novembre 2024, le ministère de la Justice a mis en place un groupe de travail chargé d’élaborer une législation sur la réglementation des activités de lobbying dans le contexte de la prise de décisions publiques. Les ONG participent activement à ces travaux 
			(68) 
			Commission européenne,
Rapport 2025 sur l’État de droit, <a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., pp. 15-16.. Il n’y a pas d’obligation spécifique d’enregistrement des lobbyistes ou de signalement des contacts entre fonctionnaires et lobbyistes. Le 11 novembre 2023, le groupe de travail du précédent gouvernement a publié une note conceptuelle sur la réglementation des activités de lobbying en République de Bulgarie, qui recommandait de définir les activités de lobbying dans la législation et de mettre en place un registre de transparence pour les lobbyistes 
			(69) 
			Commission européenne,
Rapport 2024 sur l’État de droit. Chapitre sur la situation de l’État
de droit en Bulgarie, <a href='https://commission.europa.eu/publications/2024-rule-law-report-communication-and-country-chapters_fr'>SWD(2024)802
final</a>, 24 juillet 2024, p. 23..
76. De même, une nouvelle législation visant à améliorer la détection, les enquêtes et les poursuites en matière de corruption transnationale a été adoptée par le parlement le 2 juin 2025 
			(70) 
			Commission européenne,
Rapport 2025 sur l’État de droit, <a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., p. 13., à la suite des critiques exprimées dans les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 
			(71) 
			OCDE (2023) <a href='https://doi.org/10.1787/3785c992-enPhase'>Implementing
the OECD Anti-Bribery Convention in Bulgaria Phase 4 Follow-Up Report:
Bulgaria</a>, p. 4..
77. Le GRECO a reconnu également que des progrès ont été accomplis. Dans son deuxième rapport de conformité sur la Bulgarie, évaluant la mise en œuvre des recommandations du quatrième cycle d’évaluation sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs (publié en janvier 2020), le GRECO a conclu que la Bulgarie avait mis en œuvre 16 des 19 recommandations et que les trois recommandations restantes avaient été partiellement mises en œuvre 
			(72) 
			GrecoRC4(2019)24,
op. cit.. Par conséquent, il a été mis fin à la procédure de conformité du Quatrième Cycle au regard de la Bulgarie. En ce qui concerne les mesures prises à l’égard des parlements, le GRECO s’est félicité, en particulier, de la mise en place d’une procédure pour traiter les violations des règles d’éthique par les députés, une commission parlementaire étant habilitée à imposer des sanctions en cas de manquement. En outre, un examen indépendant a été instauré pour la prévention des conflits d’intérêts et la vérification des déclarations de patrimoine des députés.
78. S’agissant du contrôle de l’intégrité des juges et des procureurs, des règles supplémentaires prévoyant notamment la publication régulière des déclarations de patrimoine ont été adoptées. Le principe d’affectation aléatoire des affaires a été mis en place pour les juges et les procureurs. Le GRECO a également salué la création du collège des juges et du collège des procureurs au sein de la structure du CSM.
79. Les trois recommandations partiellement mises en œuvre concernaient la composition du collège des juges au sein du CSM (puisque, comme expliqué ci-dessus, le nombre de membres du collège des juges élus par l’Assemblée nationale est toujours égal à celui des juges élus par leurs pairs), la période probatoire de cinq ans pour les juges (voir ci-dessus) et l’application d’une rémunération supplémentaire pour les juges, qui reste soumise à de larges décisions discrétionnaires, ce qui signifie que le risque d’une influence indue subsiste 
			(73) 
			Ibid., paragraphe 46.. En décembre 2024, les codes de déontologie des juges et des procureurs ont été davantage alignés sur les recommandations de la Commission de Venise 
			(74) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., p. 14..
80. Le rapport du cinquième cycle d’évaluation du GRECO sur la Bulgarie publié en janvier 2023 évaluait l’efficacité du cadre mis en place pour prévenir et combattre la corruption parmi les personnes chargées de hautes fonctions exécutives (Premier ministre, ministres, secrétaires généraux, chefs de cabinets politiques, conseillers, experts, etc.) et les membres de la police (fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ayant des fonctions de maintien de l’ordre). Il soulignait que la réponse du droit pénal bulgare aux cas de corruption impliquant des hauts fonctionnaires était insatisfaisante et devait être améliorée en urgence. Il formulait 28 recommandations concernant la transparence et la supervision des activités du gouvernement relevant de l’exécutif, dont l’introduction de règles relatives aux incompatibilités et au contrôle des personnes recrutées à la discrétion du gouvernement, l’adoption d’un code de conduite détaillé applicable aux personnes exerçant de hautes fonctions de l’exécutif, complété par des orientations claires sur les conflits d’intérêts et d’autres aspects liés à l’intégrité (contacts avec des tiers, cadeaux et autres avantages, activités accessoires, contrats avec les pouvoirs publics, restrictions après la cessation des fonctions, etc.), ainsi que la mise en place d’un mécanisme de contrôle crédible et efficace prévoyant des sanctions spécifiques en cas de violation et des outils pour les faire appliquer. Le GRECO a demandé des enquêtes et des poursuites plus proactives et systématiques sur les infractions de corruption impliquant des personnes investies de fonctions exécutives supérieures, l’élimination des obstacles procéduraux et l’application de sanctions efficaces et proportionnées 
			(75) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-et-promotion-/1680a9cab8'>GRECO/Eval5Rep(2022)9</a>, paragraphe 3.. Il a évalué le degré de mise en œuvre de ces 28 recommandations en novembre 2024. Le GRECO a conclu que seules sept d’entre elles avaient été mises en œuvre de manière satisfaisante (concernant l’intégrité de la police 
			(76) 
			Toutefois, selon le
GRECO, son indépendance opérationnelle vis-à-vis du ministère de
l’Intérieur reste insuffisante, il n’existe pas de stratégie spécifique
de lutte contre la corruption et les procédures de promotion et
de recrutement doivent être améliorées.), que onze recommandations avaient été partiellement mises en œuvre et que dix n’avaient pas été mises en œuvre 
			(77) 
			<a href='https://rm.coe.int/grecorc5-2024-14-final-fr-rapport-de-conformite-bulgarie-public/1680b3f2d2'>GrecoRC5(2024)14</a> (publié le 6 février 2025), op. cit., paragraphe 139.. Les nouvelles dispositions législatives et réglementaires devraient remédier à la situation, qui demeure préoccupante. Ces dernières années, la Bulgarie a été secouée par des scandales qui ont éclaté autour d’accusations d’achat de propriétés de luxe à des prix inférieurs à ceux du marché par des personnalités politiques de premier plan et des hauts fonctionnaires, dans des affaires de corruption, de détournement de fonds et de fraude fiscale («apartmentgate»). Ces révélations ont conduit à la démission de plusieurs personnalités politiques de haut rang, dont l’ancien ministre de la Justice, deux vice-ministres, le vice-président du GERB (parti au pouvoir) et le président de la Commission anticorruption. Cela étant, il n’y a eu aucune action en justice.
81. En mars 2022, d’anciens hauts responsables du pouvoir exécutif (notamment l’ancien Premier ministre et le chef de l’opposition de l’époque, le ministre des Finances, ainsi que le chef du Centre de presse du GERB) ont été placés en garde à vue pour des soupçons de corruption dans le cadre d’une opération de police. Ils ont tous été libérés le lendemain, le bureau du procureur n’ayant pas engagé de poursuites contre eux 
			(78) 
			Idem.. Le tribunal administratif a conclu que les mandats d’arrêt avaient été émis illégalement 
			(79) 
			Décisions
du tribunal administratif de Sofia du 24 août 2022, du 1er novembre
et du 31 décembre 2022..
82. Plusieurs personnalités politiques bulgares ont été sanctionnées dans des pays tiers en 2023 dans des affaires de corruption à haut niveau. Le 10 février 2023, les États-Unis et le Royaume-Uni ont sanctionné plusieurs anciens et actuels responsables gouvernementaux pour corruption en vertu de leurs lois Magnitski. Certains avaient précédemment fait l’objet d’enquêtes ou de mises en accusation au sein du système judiciaire bulgare mais les poursuites avaient été abandonnées ou s’étaient soldées par un non-lieu 
			(80) 
			<a href='https://commission.europa.eu/system/files/2023-07/10_1_52568_coun_chap_bulgaria_en.pdf'>SWD(2023)802final</a>, op. cit., 5 juillet 2023..
83. Le niveau de perception de la corruption dans le secteur public par les experts et les milieux d’affaires reste très élevé. Dans l’Indice de perception de la corruption 2024 de Transparency International, la Bulgarie a obtenu un score de 43 sur une échelle allant de 0 (hautement corrompu) à 100 (exempt de corruption), se classant à la 76e position sur les 180 pays de l’indice. Les résultats de l’Eurobaromètre spécial sur la corruption 2023 ont montré que 81 % des personnes interrogées en Bulgarie jugeaient la corruption répandue dans leur pays (moyenne de l’Union européenne: 70 %); et que 29 % se sentaient personnellement touchées par la corruption dans leur quotidien (moyenne de l’Union européenne: 24 %).
84. Les allégations de corruption endémique ont été l’un des éléments déclencheurs des grandes manifestations populaires qui ont débuté dans les rues de Sofia et d’autres villes le 9 juillet 2019 et se sont étalées sur une période de 282 jours jusqu’à l’acceptation de la démission du Premier ministre par l’Assemblée nationale le 16 avril 2021. Ces événements ont été suivis des sept élections anticipées consécutives mentionnées précédemment.
85. Il est difficile d’évaluer correctement la situation en raison d’un manque d’informations précises et notamment de données ventilées sur les affaires de corruption à haut niveau. Il est également difficile de dresser un état des lieux clair car le Bureau du procureur général 
			(81) 
			En 2014, le procureur
général a publié une ordonnance introduisant le Catalogue unifié des crimes de corruption. Selon
les autorités, ce catalogue est conforme aux définitions et aux
concepts de corruption figurant dans les instruments internationaux. et la Cour suprême de cassation continuent de communiquer des ensembles de données différents sur la corruption. Enfin, l’absence de rapports réguliers sur les affaires de corruption à haut niveau pose problème du point de vue de la précision et de la fiabilité des données 
			(82) 
			<a href='https://commission.europa.eu/system/files/2023-07/10_1_52568_coun_chap_bulgaria_en.pdf'>SWD(2023)802final</a>, op. cit.. Les autorités ne sont pas d’accord avec cette affirmation. Elles ont attiré l’attention sur les amendements à la loi sur le système judiciaire selon lesquels le procureur général est tenu de soumettre un rapport annuel à l’Assemblée nationale sur les activités du ministère public pour ce qui concerne les affaires de corruption, notamment des informations détaillées sur les affaires en cours et résolues et des statistiques comparables pertinentes. Ainsi, d’une part, le rapport annuel du procureur général couvre l’ensemble des parquets du pays et, d’autre part, le rapport de la Cour suprême de cassation ne couvre que les activités de cette juridiction et non celles des autres juridictions du pays. En outre, les motifs d’élaboration des deux rapports diffèrent.
86. La Cour suprême de cassation a commencé à établir une distinction entre les affaires de corruption à haut niveau et les affaires de corruption ordinaires depuis la fin 2022. En 2023, elle a suivi six affaires liées à la corruption de haut niveau sur lesquelles elle a rendu une décision 
			(83) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2024-rule-law-report-communication-and-country-chapters_fr'>SWD(2024)802
final</a>, op. cit., p. 18.. En 2024, elle a rendu des arrêts dans quatre affaires de corruption contre des hauts fonctionnaires 
			(84) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., p. 12.. Le Bureau du procureur général a quant à lui fait état, en ce qui concerne la corruption en général, de 144 nouvelles procédures préalables à un procès et 48 mises en accusation devant les tribunaux durant les neuf premiers mois de 2022 
			(85) 
			Idem.. Au cours des neuf premiers mois de 2023, il a fait état de 82 nouvelles procédures préalables à un procès et de 27 mises en accusation 
			(86) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2024-rule-law-report-communication-and-country-chapters_fr'>SWD(2024)802
final</a>, p. 18.. En mai 2024, il a fait état de 70 nouvelles procédures préalables à un procès, de 10 mises en accusation et de 4 condamnations en 2024 concernant des fonctionnaires de haut niveau 
			(87) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, p. 12..
87. En juillet 2025, une nouvelle vague de protestations a éclaté à Sofia et dans d’autres villes bulgares, dont Varna et Plovdiv. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour dénoncer le niveau disproportionné de la répression politique contre les partis d’opposition, à la suite de l’arrestation du maire de Varna, Blagomir Kotsev, un membre de «Nous continuons le changement» accusé de corruption. Elles ont également appelé à des réformes qui garantiraient des procès équitables pour tous et des enquêtes sur toutes les affaires de corruption, sans se limiter à celles concernant les représentants des partis d’opposition. Le 22 juillet, une grande manifestation a été organisée à Sofia pour dénoncer la corruption judiciaire et demander la démission du procureur général par intérim, dont le mandat a été récemment prolongé à la suite de la décision du CSM.

3.3. Les médias

88. La situation de la liberté d’expression s’est considérablement améliorée en Bulgarie. En 2024, le pays occupait la 70e place sur 180 dans le classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières alors qu’il se trouvait à la 111e place en 2019. Cela dit, d’après Reporters sans frontières, la situation de la Bulgarie demeure fragile et instable dans l’ensemble, et quelques voix indépendantes travaillent sous pression constante.
89. Nous avons pris note d’un certain nombre de mesures positives prises par les autorités en vue d’améliorer la situation. En particulier, le 28 juillet 2023, des amendements au Code pénal ont été adoptés en vue de renforcer la protection des journalistes dans les affaires de diffamation et d’insultes présumées à l’égard de fonctionnaires. L’allègement de la responsabilité pénale répond à une recommandation de longue date du Conseil de l’Europe. Il convient également de reconnaître qu’il y a eu, ces dernières années, une amélioration considérable de la jurisprudence des tribunaux nationaux concernant les accusations de diffamation à l’égard des journalistes en application de l’article 10 de la Cour européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme.
90. Le marché des médias est diversifié mais largement soumis à des influences politiques et économiques. Un grand nombre de médias n’apporte pas nécessairement davantage de pluralisme dans le paysage médiatique. D’après le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias, la situation globale reste difficile en ce qui concerne les risques pour le pluralisme des médias, le score obtenu indiquant un risque élevé (76 %) 
			(88) 
			Rapport
par pays 2022 sur la Bulgarie, Centre pour le pluralisme et la liberté
des médias..
91. Parmi les problèmes persistants figurent le degré élevé de concentration des médias et le manque de transparence de la propriété des médias, de la distribution et des fournisseurs de médias, déjà relevés par nos prédécesseurs dans leur rapport examiné en 2019. Aucun progrès n’a malheureusement été enregistré de ce point de vue. Les règles générales du droit de la concurrence bulgare ne comportent pas de dispositions spécifiques applicables au marché des médias. Ce dernier n’est pas non plus réglementé dans la loi sur la radio et la télévision. La loi ne prévoit pas de seuils de concentration en cas de fusion de médias, par exemple.
92. Avec un taux de 66 %, la Bulgarie fait donc partie des cinq pays européens dans lesquels la concentration des médias est la plus forte 
			(89) 
			Plateforme
du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme
et la sécurité des journalistes, <a href='https://rm.coe.int/prems-050623-gbr-2519-annual-report-partner-organisations-to-the-safet/1680aace4d'>Liberté des
médias en Europe 2023 – Rapport des organisations partenaires</a>, p. 67.. La concentration horizontale de la propriété des médias est estimée à 96 % et la concentration croisée à 88 %. Les quatre principaux propriétaires du secteur de la radiodiffusion représentent une part de marché cumulée de 93,35 %, tandis que les quatre principaux propriétaires d’organes de presse représentent 79,7 % du secteur.
93. Le problème de la concentration est aggravé par le manque de transparence de la propriété des médias. Le niveau de concentration réel est impossible à déterminer en raison d’un manque de données précises, considéré comme un risque en soi. Les informations disponibles concernant les parts de marché reposent uniquement sur des données partielles relatives aux recettes publicitaires. Bien qu’il existe des dispositions juridiques formelles sur la divulgation de la propriété des médias (loi sur le dépôt obligatoire des œuvres imprimées et autres, loi sur la radio et la télévision, loi sur le registre du commerce), les règles applicables ne sont pas mises en œuvre de manière effective, notamment pour ce qui est des médias en ligne.
94. En 2020, la loi sur la radio et la télévision a été modifiée et un registre public du Conseil des médias électroniques a été mis en place. Ce dernier comporte des informations sur la structure de la propriété et les propriétaires effectifs des fournisseurs, ainsi que sur les personnes physiques et morales contrôlant la gestion des prestataires de services de médias. Par ailleurs, le registre public établi par le ministère de la Culture se fonde sur les déclarations de propriété et de financement reçues de diverses sources. Aucune sanction n’a jamais été imposée à un média pour non-respect des obligations de transparence, bien que la loi prévoie de telles sanctions. En conséquence, les médias ne déclarent pas tous leurs propriétaires effectifs et leurs sources de financement. Lors de la visite des corapporteur·es à Sofia en septembre 2023, les représentant·es de la société civile ont déploré que, dans certains cas, les véritables propriétaires des médias restent inconnus du public.
95. Des données fiables et accessibles sur le marché des médias, incluant les parts de marché des propriétaires dans tous les secteurs des médias, les chiffres de diffusion et de distribution, des informations sur la concentration des médias en ligne, etc., sont nécessaires pour permettre une évaluation et un suivi précis du pluralisme des médias en Bulgarie.
96. Le Groupe de travail d’experts sur l’environnement des médias et l’accès à l’information mis en place par le ministre de la Justice et la présidence du CSM le 14 août 2023 a été chargé d’élaborer des propositions de mesures possibles visant à améliorer le fonctionnement du registre sous la responsabilité du ministère de la Culture 
			(90) 
			D’après les informations
communiquées par les autorités dans le cadre de la préparation de
la précédente version du rapport, le groupe de travail se compose
de représentants de l’Union des journalistes bulgares, du Conseil
des médias électroniques, du Conseil supérieur du barreau, du Médiateur,
de la Commission pour l’éthique du journalisme, de l’Association
bulgare des médias régionaux, de l’Association des radiodiffuseurs
et télédiffuseurs bulgares, de l’Association des journalistes européens,
de la télévision nationale bulgare et de la radio nationale bulgare.
Il a pour mission de réfléchir à l’amélioration des différents aspects
de l’environnement médiatique et coopère étroitement avec des experts
de la Commission européenne..
97. La propriété est souvent utilisée pour défendre des intérêts politiques et commerciaux. S’il existe des garanties juridiques contre l’influence des propriétaires sur le contenu éditorial, elles semblent insuffisantes. Les instruments juridiques et d’autoréglementation assurant l’indépendance éditoriale présentent de graves lacunes: il manque notamment des dispositifs permettant aux journalistes de bénéficier d’une protection sociale en cas de changement de propriétaire ou de ligne éditoriale, des garanties réglementaires empêchant que des intérêts commerciaux n’orientent les décisions de nomination et de révocation des rédacteurs en chef, et des dispositions prévoyant une incompatibilité entre la profession de journaliste et l’exercice d’activités dans le domaine publicitaire. Cette situation facilite l’ingérence des propriétaires dans le contenu éditorial. Cependant, l’indicateur de suivi du pluralisme des médias relatif à l’indépendance des médias sur le plan politique était de 42 % en 2023, ce qui correspond à un risque moyen, alors qu’il était de 92 % (risque élevé) en 2021.
98. Le manque de transparence et de réglementation de l’attribution de la publicité d’État à certains médias et de la répartition des fonds de l’Union européenne est un problème majeur pour le pluralisme des médias. Le niveau élevé de dépendance des médias à l’égard des recettes publicitaires et le manque de transparence de la distribution des fonds aux médias sont de puissants leviers dont les autorités peuvent se servir pour influencer la présentation de l’information.
99. Pour remédier à cette situation, une mesure importante a été prise, à savoir l’adoption, le 8 octobre 2023, des amendements à la loi sur les marchés publics visant à accroître la transparence dans l’attribution des contrats d’achat de temps de diffusion ou de services audiovisuels à des prestataires de médias.
100. D’autres mesures ont également été prises pour améliorer l’application de la législation en vigueur, notamment la mise en place d’un mécanisme de contrôle supplémentaire et la publication d’une liste de contrats publicitaires.
101. Les journalistes d’investigation qui enquêtent sur le crime organisé et la corruption à haut niveau sont souvent la cible de campagnes de dénigrement, de poursuites stratégiques contre la participation publique (ou poursuites-bâillons), de menaces et parfois d’agressions physiques, qui ne semblent pas faire l’objet de réponses juridiques et politiques adéquates de la part des autorités. Bien qu’il semble y avoir un cadre législatif pour la protection des journalistes, il manque des outils efficaces pour protéger les médias contre les violations de la liberté de la presse. Le Groupe de travail d’experts susmentionné préparait des propositions d’amendements au Code de procédure civile sur l’instauration de mécanismes juridiques destinés à protéger les journalistes et les défenseurs des droits humains contre les poursuites-bâillons 
			(91) 
			D’après les commentaires
fournis par les autorités en référence au rapport de 2024.. Toutefois, cette réforme a été retardée en raison des dernières élections législatives 
			(92) 
			<a href='https://commission.europa.eu/publications/2025-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2025)902
final</a>, op. cit., p. 20..
102. Des préoccupations ont également été exprimées concernant la législation relative à la composition, à l’indépendance et à l’efficacité du Conseil des médias électroniques (CME), autorité nationale des médias. À la suite de l’expiration du mandat du dernier président en septembre 2024 et de l’organisation de nouvelles élections législatives, un nouveau président n’a été nommé que le 22 avril 2025 pour un mandat d’un an. Le CME est constamment exposé au risque d’influence politique et doit faire face à des défis budgétaires systématiques 
			(93) 
			Ibid, pp. 17-18..
103. Un autre enjeu concerne la protection du droit à l’information par une mise en œuvre plus effective de la loi sur l’accès à l’information officielle par les institutions de l’État. Si certains problèmes subsistent (par exemple les refus administratifs) sur le plan de l’accès aux fonctionnalités d’information des sites web institutionnels et de l’augmentation du nombre d’institutions répondant, dans les délais fixés par la loi, et donnant pleinement accès aux informations demandées, des évolutions positives peuvent être notées.
104. Des intérêts politiques et commerciaux empêchent la majorité des médias et des journalistes bulgares de jouer un rôle de contrôle du pouvoir et d’agir dans l’intérêt général. Selon l’Observatoire du pluralisme des médias 2025, qui souligne l’existence de plusieurs médias audiovisuels affiliés à des partis dans le pays, il n’y a pas eu d’amélioration en ce qui concerne l’influence politique et économique sur les médias 
			(94) 
			Ibid,
p. 19..

3.4. Droits humains des minorités

105. Dans son dernier rapport en date sur la Bulgarie publié en mars 2020, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe de l’époque, Mme Dunja Mijatović, a noté avec préoccupation «l’intolérance rampante à l’égard des groupes minoritaires en Bulgarie, qui touche en particulier les Roms, les musulmans, les migrants et demandeurs d’asile, les personnes se déclarant d’origine macédonienne et les personnes LGBTI. On retrouve souvent ce type d’attitudes négatives dans les médias, qui ont tendance à associer les minorités à la criminalité et à les présenter comme un danger pour les valeurs ou les intérêts de la population majoritaire ou pour les intérêts nationaux 
			(95) 
			CommDH(2020)8, Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, op. cit., p. 6.». Selon les observations de la délégation bulgare de juillet 2025, cette déclaration est obsolète, car les personnes appartenant à des groupes minoritaires sont représentées dans les médias, les milieux universitaires, les autorités chargées de l’application de la loi, le système judiciaire, l’administration publique et les autorités locales. Certaines d’entre elles occupent des postes publics, y compris des postes gouvernementaux de haut niveau. Dans leurs derniers rapports sur la Bulgarie, respectivement de 2022 et 2024, l’ECRI 
			(96) 
			<a href='https://rm.coe.int/sixiemre-rapport-de-l-ecri-sur-la-bulgarie/1680a83582'>Rapport
de l’ECRI</a> sur la Bulgarie publié le 4 octobre 2022 et <a href='https://rm.coe.int/conclusions-de-l-ecri-sur-la-mise-en-oeuvre-des-recommandations-faisan/1680b44a39'>Conclusions
de l’ECRI</a> sur la mise en œuvre des recommandations faisant l’objet
d’un suivi intermédiaire adressées à la Bulgarie, adoptées le 21 novembre
2024, CRI(2025)01, p. 5. et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales 
			(97) 
			ACFC/OP/V(2024)2, op.
cit., paragraphe 1 du résumé des conclusions. ont noté quelques développements positifs concernant la situation des minorités. Néanmoins, certaines questions restent préoccupantes, notamment en ce qui concerne les Roms, les personnes d’origine macédonienne et les personnes LGBTI.
106. La situation de la population rom, qui constitue le troisième groupe ethnique en Bulgarie (près de 4,4 % de la population, après les Bulgares et les Turcs 
			(98) 
			Selon
les observations de la délégation bulgare de juillet 2025.) reste préoccupante. Nos prédécesseurs avaient évoqué, dans leur rapport, des actes de violence collective dans le cadre desquels la population rom avait été prise pour cible et des habitations roms avait été détruites 
			(99) 
			Doc. 14904..
107. Il existe une ségrégation de fait des élèves roms dans l’enseignement, car la majorité des familles roms vivent dans les zones habitées par leurs communautés 
			(100) 
			ACFC/OP/V(2024)2,
op. cit., paragraphes 136 et 140.. Les établissements fréquentés par les enfants roms ne respectent souvent pas les normes requises. D’après les estimations, 14,4 % seulement des Roms terminent leurs études secondaires et 0, 8 % seulement possèdent un diplôme universitaire 
			(101) 
			D’après
les données du recensement de 2021, fournies par la délégation bulgare
en juillet 2025.. Dans son rapport 2024, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a appelé les autorités à améliorer l’accès des enfants roms à une éducation de qualité, en mettant en place un système de collecte de données ventilées et en adoptant une politique globale de déségrégation 
			(102) 
			ACFC/OP/V(2024)2,
op. cit., paragraphe 141.. Les autorités affirment qu’il n’y a pas de «ségrégation» des élèves roms. Le fait que, dans certaines écoles, il y ait une prédominance d’élèves d’origine rom est dû au lieu de résidence des familles. Les autorités soulignent que, ces dernières années, la Bulgarie a accompli des progrès significatifs dans la promotion de l’éducation inclusive en finançant des projets, y compris au niveau municipal, visant à élargir l’accès à l’éducation préscolaire pour les enfants en situation de vulnérabilité et ceux qui vivent dans la pauvreté. Le rôle des médiateurs de l’éducation a été crucial dans ce contexte. En ce qui concerne la question des statistiques, les autorités soulignent que l’État ne recueille aucune autre information fondée sur la race ou l’origine ethnique des personnes, car il s’agit de données personnelles très sensibles. La collecte d’informations basées sur l’origine raciale ou ethnique ne peut se faire que dans certains cas, conformément aux dispositions de la loi sur les statistiques.
108. Le caractère massif du chômage de longue durée au sein de la population rom est l’indicateur d’exclusion socio-économique et de pauvreté le plus alarmant. Malgré les efforts déployés par le gouvernement et notamment les politiques et stratégies positives visant à contrer ce phénomène 
			(103) 
			Dans
leurs observations de juillet 2025, les autorités ont souligné le
rôle des médiateurs roms du travail et les fonds du budget de l’État
mis à la disposition des employeurs pour qu’ils emploient des Roms., le taux d’emploi des Roms reste le plus faible parmi les différents groupes ethniques de Bulgarie 
			(104) 
			Ibid.,
paragraphe 180. Le taux d’emploi des hommes roms en âge de travailler
est de 51 %, contre 65 % pour les hommes turcs et 76 % pour les
hommes bulgares. Chez les femmes, les différences sont encore plus
marquées, avec des taux d’emploi de 31 %, 48 % et 71 % pour les
Roms, les Turques et les Bulgares, respectivement.. Les ONG roms considèrent que ces chiffres sont sous-évalués. Bien que ces inégalités soient dues à des facteurs complexes, la discrimination et la marginalisation des personnes appartenant à la communauté rom font partie de ces facteurs et limitent les possibilités d’accès des Roms à un travail. De nombreux Roms n’ont pas de couverture d’assurance maladie car ils ne sont pas employés. Dans son rapport 2024, tout en saluant le travail des médiateurs roms, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales s’est dit préoccupé par la situation générale des Roms en matière de soins de santé et a reconnu qu’elle était due principalement à des problèmes de logement et d’emploi 
			(105) 
			Ibid., paragraphe 177..
109. La situation matérielle de la population rom est très mauvaise dans l’ensemble. Le logement reste une préoccupation majeure. Le problème du logement social touche la société bulgare dans son ensemble mais il a un impact disproportionné sur la population rom. Près de 200 000 familles sont concernées. Par ailleurs, de nombreuses habitations roms sont construites illégalement ou en violation des exigences sanitaires et de sécurité. La majorité des Roms en Bulgarie vivent dans des logements largement inférieurs aux normes, dans des situations de ségrégation spatiale de facto, avec un accès limité aux infrastructures de base (électricité ou eau potable), à la sécurité d’occupation ou aux services essentiels, tels que les transports publics, les services postaux, l’aide médicale d’urgence et la collecte des déchets 
			(106) 
			Ibid., paragraphe 168.. En cas d’expulsions forcées, les conditions de relogement restent également inhumaines. En outre, en raison de l’absence d’une adresse permanente, de nombreux Roms ne disposent pas de documents d’identité, ce qui les empêche d’exercer un certain nombre de droits 
			(107) 
			Ibid., paragraphe 63..
110. Les expulsions forcées et les démantèlements de campements roms ont été dénoncés par différentes instances du Conseil de l’Europe, parmi lesquelles l’Assemblée, depuis l’adhésion de la Bulgarie. Plusieurs personnes touchées par les incidents survenus à Voyvodinovo 
			(108) 
			Doc. 14904. ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme 
			(109) 
			Silviya Andonova Paketova et autres c. Bulgarie,
requête n° 17808/19, communiquée le 5 juillet 2019.. La Cour a indiqué des mesures provisoires dans cette affaire et les ordres de démolition ont été suspendus. Le 25 avril 2025, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Michael O’Flaherty, a écrit une lettre aux autorités bulgares condamnant la démolition de plusieurs logements de Roms dans le quartier de Zaharna Fabrika, situé dans le district d’Ilinden à Sofia, en dépit d’une mesure provisoire ordonnée par la Cour le 11 avril 2025 
			(110) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/bulgaria-emergency-shelter-access-to-basic-services-and-adequate-housing-measures-needed-for-roma-left-homeless-in-sofia'>Lettre</a> du Commissaire aux droits de l’homme.. Selon les autorités, les bâtiments démolis avaient été construits illégalement et des solutions de relogement ont été proposées à tous les occupants. Le 2 juillet 2025, la Cour a communiqué l’affaire aux autorités bulgares 
			(111) 
			Ilieva et autres c. Bulgarie, requête
n° 11201/25..
111. Les autorités bulgares se sont déclarées résolues à exécuter les arrêts de la Cour dans le groupe d’affaires Yordanova 
			(112) 
			Yordanova
et autres c. Bulgarie, requête n° 25446/06, arrêt du
24 avril 2012 et quelques autres affaires similaires. (concernant les ordres d’expulsion ou de démolition) et elles ont engagé un dialogue avec le Comité des Ministres à cet égard. Les propositions législatives correspondantes ont été préparées par le groupe de travail interministériel et en sont au stade de la consultation avec l’ensemble des parties prenantes dont les municipalités, les gouverneurs régionaux et la Direction nationale du contrôle des bâtiments. Cependant, un projet de loi intégrant l’examen de la proportionnalité dans les affaires d’expulsion n’a toujours pas été mis en œuvre 
			(113) 
			Le ministère de la
Justice a travaillé sur le sujet dans le cadre du projet financé
par le Mécanisme financier de la Norvège pour le «Renforcement des
capacités nationales d’exécution effective des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme».. En 2024, une table ronde spéciale a été organisée avec la participation de représentant·es du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que des institutions bulgares et des organisations roms. En outre, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a entamé une série de réunions thématiques avec les autorités locales et nationales. La visite la plus récente a eu lieu le 3 juin 2025, avec la participation du vice-ministre du Développement régional et des Travaux publics, du maire de Sofia et de membres de l’Association nationale des municipalités.
112. Dans l’intervalle, à plusieurs reprises, la Cour administrative suprême a cité directement les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs aux violations de l’article 8 de la Convention dans les affaires nationales concernées, appliquant dans la pratique les principes et critères énoncés dans le projet de loi actuellement soumis à consultation.
113. Il convient toutefois de reconnaître la volonté politique dont font preuve les autorités bulgares et les efforts qu’elles déploient en faveur de l’intégration des Roms. La Stratégie nationale pour l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms (2021-2030) a fixé des objectifs dans quatre domaines où les Roms sont particulièrement défavorisés: l’éducation, la santé, le logement et l’emploi. Il est également prévu d’établir un Conseil des ONG qui sera chargé de suivre la mise en œuvre de la stratégie. Cette stratégie nationale est mise en œuvre au moyen de plans d’action nationaux à court terme, qui pour deux d’entre eux ont déjà été adoptés, couvrant les périodes 2022-2023 et 2024-2027.
114. Le Plan d’action national prévoyait notamment des programmes en faveur de l’inclusion des Roms dans l’éducation au niveau municipal. Il prévoyait également d’étendre le réseau de médiateurs de la santé. Il a également conduit à l’adoption, en 2022, d’un amendement à la loi pertinente visant à garantir la prise en charge médicale des femmes enceintes n’ayant pas de couverture d’assurance maladie. Dans le domaine de l’emploi, le plan d’action prévoyait d’augmenter le nombre de médiateurs du travail et la création d’un registre électronique facilitant la recherche d’emploi. En 2022, 26 235 chômeurs s’identifiant comme Roms ont eu accès à des programmes d’orientation professionnelle, de formation et d’emploi. Malheureusement, la situation générale de la population rom ne s’est pas beaucoup améliorée depuis le précédent rapport sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie 
			(114) 
			Doc. 14904..
115. D’autres problèmes sont liés à la présence d’un très petit groupe ethnique macédonien (d’après le recensement de 2021, 1 143 personnes, soit moins de 0,5 % de la population). Ils ne sont pas reconnus par les autorités comme une «minorité nationale» au sens de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (ratifiée par la Bulgarie en 1999; ci-après «Convention-cadre»), en raison d’une application stricte des critères objectifs établis dans cette convention et malgré les demandes répétées exprimées par les représentant·es du groupe 
			(115) 
			Les Macédonien·nes
ont réaffirmé leur souhait de longue date d’être protégés au titre
de cette convention. Toutefois, comme les autorités ne reconnaissent
pas l’existence de critères objectifs les concernant, ils ne peuvent
pas jouir des droits individuels des minorités. Les autorités soulignent
que la législation bulgare ne contient pas le terme «minorité nationale»
et que la Bulgarie s’acquitte de ses obligations par une approche
individuelle; ACFC/OP/V(2024)2, note 11 ci-dessus, paragraphes 32,
29 et 30.. Par conséquent, les Macédoniens ne sont pas inclus dans les programmes relatifs aux minorités, ne reçoivent pas d’assistance et n’ont pas de représentant·es au sein des organes consultatifs; leur langue, leur littérature et leur histoire ne sont pas enseignées et ils ne peuvent créer de parti ni d’organisations pour défendre leurs droits. Ces problèmes sont liés aux relations difficiles que la Bulgarie entretient avec la Macédoine du Nord voisine sur un certain nombre de questions controversées concernant l’identité nationale, le patrimoine culturel, la langue et l’histoire, qui ont parfois influencé la position de la Bulgarie sur la candidature de la Macédoine du Nord à l’adhésion à l’Union européenne. Cela étant, la reconnaissance d’une «minorité nationale» par l’État n’est pas un prérequis pour pouvoir bénéficier de la protection de la Convention-cadre et les Macédoniens défendent très activement leurs droits tandis que les autorités sont très attentives à cette question.
116. La préoccupation majeure dans ce domaine reste l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans le groupe d’affaires UMO Ilinden et autres c. Bulgarie 
			(116) 
			Requête n° 59491/00,
arrêt du 19 janvier 2006 et quelques autres arrêts similaires. portant sur des violations de l’article 11 de la Convention (liberté d’association). Ces arrêts concernent le refus injustifié des tribunaux bulgares en 1998-1999, 2002-2004, 2010-2013 et 2014-2015 d’enregistrer des associations ayant pour but d’obtenir «la reconnaissance de la minorité macédonienne en Bulgarie». Alors que plus de 18 ans se sont écoulés depuis que le premier arrêt de ce groupe est devenu définitif et malgré les diverses mesures adoptées par les autorités bulgares pour améliorer le fonctionnement du mécanisme d’enregistrement (depuis le 1er janvier 2018), les associations susmentionnées continuent de se voir refuser régulièrement l’enregistrement pour des motifs qui semblent liés à un problème plus large de désapprobation de leurs objectifs 
			(117) 
			Voir
les <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>Notes
pour la 1507e réunion CM-DH (17-19 septembre 2024)</a> dans la base de données HUDOC-EXEC.. En mars 2024, le ministre de la Justice de l’époque a décidé de créer un groupe de travail chargé d’analyser les mesures possibles pour mettre en œuvre ces arrêts 
			(118) 
			Ibid..
117. En ce qui concerne les droits des personnes LGTBI, le 20 février 2023, la Cour suprême de cassation a déclaré que les personnes transgenres ne pourraient plus faire modifier leurs documents conformément à leur identité de genre, la Constitution et la législation «reposant sur le principe de l’existence binaire de l’espèce humaine», selon le libellé de la décision. L’arrêt a été adopté avec 28 voix pour mais 21 juges ont exprimé une opinion dissidente. Les juristes ont affirmé qu’il était rare de voir la Cour suprême si fortement divisée sur une question et s’attendaient à une saisine de la Cour européenne des droits de l’homme par les requérants.

3.5. Discours de haine

118. Durant la visite de septembre 2023, les autorités ont fourni aux corapporteur·es des informations détaillées sur les dispositions prises pour lutter contre le discours de haine. La législation applicable couvre les principaux éléments prescrits par les normes internationales. En 2020, les amendements à la loi sur la radio et la télévision ont introduit des mesures plus strictes contre l’expression de propos haineux et l’incitation à la violence, à la haine ou à la perpétration d’actes terroristes dans les médias audiovisuels et sur les plateformes en ligne, et ont renforcé les pouvoirs de l’autorité de régulation des médias (Conseil des médias électroniques) en la matière.
119. Les amendements les plus récents au Code pénal, adoptés en juillet 2023, prévoient un durcissement des peines pour le discours de haine et les crimes de haine. La couleur, l’origine et l’orientation sexuelle ont été ajoutées aux critères définissant le discours de haine.
120. Le ministère de l’Intérieur effectue un suivi des contenus publiés en ligne pour détecter les violations des droits humains. Il reçoit également des signalements de la part d’organisations non gouvernementales et de personnes physiques.
121. Plusieurs mesures de sensibilisation de l’opinion publique ont été prises: des cours d’éducation civique sont désormais proposés à tous les niveaux de l’enseignement scolaire et préscolaire. Une formation des policiers sur les crimes de haine à l’égard des personnes LGTBI a été mise en place en coopération avec la communauté LGTBI. Depuis 2019, le ministère de l’Intérieur travaille en étroite collaboration avec l’organisation de jeunesse LGBTI Action pour former les policiers de tout le pays à la lutte contre les crimes de haine homophobes et transphobes. À ce jour, plus de 460 policiers ont reçu cette formation.
122. Le manuel du Conseil de l’Europe «Répression des crimes de haine à l’égard des personnes LGBTI: formation pour une réponse policière professionnelle» a été traduit en bulgare et diffusé à toutes les structures de la police. En 2022-2023, la Commission pour la protection contre la discrimination a organisé une campagne nationale pour sensibiliser le public à la protection contre la discrimination et le discours de haine. Le CSM et le ministère de l’Éducation gèrent ensemble un programme de formation sur la question, pour plus de 15 000 étudiants. En 2023, la problématique du discours de haine a été intégrée au programme de l’École du ministère de l’Intérieur sur les droits humains et la protection contre la discrimination. Enfin, plusieurs séminaires et formations ponctuels ont été organisés à l’intention des policiers et des procureurs.
123. Malgré toutes ces mesures, le discours de haine continue de susciter de vives préoccupations en Bulgarie. Bien que répandu, il est rarement signalé par crainte de devoir divulguer une orientation ou une identité sexuelle ou par manque de confiance dans la capacité de la police et de la justice à poursuivre effectivement les auteurs de tels actes. Dans une étude menée par une ONG bulgare en 2019, 73 % des personnes LGBTI interrogées avaient été la cible de propos haineux en ligne au cours des cinq années précédentes. Parmi ces victimes, 34 % n’ont pas déclaré ces incidents, 24 % les ont signalés aux plateformes de médias sociaux concernées et seulement 3 % ont effectué un dépôt de plainte à la police 
			(119) 
			Rapport de l’ECRI sur
la Bulgarie (sixième cycle de suivi) adopté le 22 juin 2023, note
15 ci-dessus, paragraphe 24..
124. Le discours de haine vise surtout les Roms, les musulmans, les migrants et demandeurs d’asile, les personnes se déclarant d’origine macédonienne et les personnes LGBTI. Les cibles changent et passent d’un groupe à l’autre, souvent au gré des priorités politiques du moment. Lors de la crise migratoire, par exemple, le discours de haine était principalement dirigé contre les migrants, surtout ceux venant des pays musulmans. Dernièrement, il s’est recentré sur les Roms et les personnes LGBTI 
			(120) 
			Ibid,
paragraphe 21..
125. Le discours de haine tenu par des personnalités politiques est particulièrement problématique. Ce type de propos se rencontre notamment lors des campagnes électorales mais il est également présent en dehors de la période des élections et même au sein du parlement actuel 
			(121) 
			Dans les
dernières observations fournies par la délégation bulgare auprès
de l’Assemblée, les représentant·es du Mouvement pour les droits
et les libertés-Nouveau départ se sont plaints de l’utilisation
de récits clivants et de la diffusion de fausses informations par
les groupes politiques Renouveau, Moralité, Unité, Honneur (MECh),
Grandeur (Vélichie) et ARF.. En juin 2023, un membre du VRMO (mouvement national bulgare) a été condamné à une amende et à une interdiction de publier des contenus racistes et des propos haineux contre les Roms et d’autres minorités ethniques sur son site web, par décision de la Commission bulgare pour la protection contre la discrimination. Dans son arrêt de 2021 dans l’affaire Budinova et Chaprazov c. Bulgarie 
			(122) 
			Requête n° 12567/13,
arrêt du 16 février 2021., la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que les propos anti-Roms tenus par un homme politique bulgare constituaient une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention.
126. Selon les autorités, au cours des vingt années qui se sont écoulées depuis les événements à l’origine de l’affaire Budinova et Chaprazov, la situation s’est sensiblement améliorée pour ce qui est de bannir le discours de haine du discours politique. Dans quelques affaires de discours public discriminatoire, les tribunaux nationaux ont suivi la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

3.6. La violence à l’égard des femmes

127. Il faut reconnaître que des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne la protection des femmes. Pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, le gouvernement a adopté une stratégie nationale de promotion de l’égalité femmes-hommes (2021-2030). Le plan d’action qui l’accompagne contient des mesures spécifiques visant à combattre la violence domestique.
128. En juillet 2023, l’Assemblée nationale a adopté des amendements au Code pénal définissant les «infractions commises dans le cadre de la violence domestique», ce qui permet aux victimes de bénéficier d’une protection à un stade précoce, c’est-à-dire dès que le premier acte de violence a été commis. Ces amendements ont également introduit des sanctions plus sévères pour les infractions liées à la violence domestique.
129. En août 2023, devant une vague d’indignation provoquée par une affaire choquante dans laquelle une jeune femme de 18 ans a subi des violences de la part de son ancien petit ami, de nouveaux amendements à la Loi sur la protection contre la violence domestique ont été adoptés par la majorité parlementaire lors d’une session extraordinaire du parlement. Ces amendements ont élargi le champ de la protection juridique aux personnes ayant subi des violences dans le cadre d’une relation intime en dehors du mariage ou d’un concubinage.
130. D’autres amendements à la Loi sur la protection contre la violence domestique ont été adoptés pour assurer une protection rapide et effective des victimes de violence domestique. Ils accroissent la portée des mesures de protection contre la violence domestique. Ils facilitent également l’accès à la justice et optimisent les procédures devant les tribunaux en prévoyant notamment une prorogation de compétence dans les affaires de violence domestique. La loi modifiée prévoit en outre la création d’un Système national d’information sur la violence domestique et d’un Conseil national pour la prévention et la protection contre la violence domestique et la mise en place d’un mécanisme de coordination entre les autorités compétentes, les municipalités et le système judiciaire. Par la suite, un service spécialisé a été créé sous l’égide du Secrétaire général pour la prévention et la protection contre la violence domestique, la coopération sur les questions ethniques et d’intégration et l’interaction avec la société civile, au sein de l’administration du Conseil des ministres. Le service fournit un soutien administratif, technique et financier au Conseil national de coopération sur les questions ethniques et d’intégration et il est le centre de coordination au niveau gouvernemental pour la prévention et la protection contre la violence domestique.
131. Ces changements législatifs sont à saluer, car ils viennent également combler certaines des lacunes relevées par la Cour dans son arrêt concernant l’affaire Y et autres c. Bulgarie 
			(123) 
			Requête
n° 9077/18, arrêt du 22 mars 2022., dans laquelle elle a conclu à une violation de l’article 2 de la Convention (droit à la vie) en raison d’une protection inefficace contre la violence domestique ayant conduit au décès de la victime.
132. D’après les statistiques de la police, il y a eu 18 féminicides au cours des trois premiers mois de 2023. Les défenseurs des droits des femmes affirment que ce chiffre est sous-estimé compte tenu de l’insuffisance des signalements et du manque de clarté des statistiques.
133. Les autorités ont indiqué qu’elles avaient pris des mesures de sensibilisation, des mesures législatives et organisationnelles et des mesures de renforcement des capacités pour lutter contre la violence domestique.
134. Un nouveau système d’information automatisé sur la violence domestique et la violence fondée sur le genre fonctionne au sein de la police depuis janvier 2025. En décembre 2023, une application mobile «Aidez-moi» a été mise en place pour encourager le signalement des cas de violence domestique. En 2024, le Programme national de prévention et de protection contre la violence domestique 2024-2026 a été adopté en vue de définir les principaux objectifs et les activités prioritaires pour financer des institutions dans le domaine de la prévention et de la protection contre la violence domestique. Plus de 6,2 millions de BGN sont prévus dans son budget. La plupart des fonds sont alloués à la prévention des agressions à domicile, notamment pour des campagnes d’information nationales, des conférences, des séminaires et des réunions de sensibilisation.
135. La Bulgarie a signé la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») en avril 2016. Cela étant, la question de sa ratification a suscité de vifs débats dans le pays. En février 2018, un groupe de 75 députés (principalement du groupe socialiste) a saisi la Cour constitutionnelle pour obtenir un avis sur la conformité avec la Constitution de notions comme les «rôles socialement construits», les «rôles stéréotypés» et le terme «genre». En juillet 2018, la Cour a déclaré la Convention d’Istanbul contraire à la Constitution. Par conséquent, la Bulgarie n’est pas soumise aux évaluations du GREVIO, qui est l’organe de suivi indépendant rattaché à la Convention d’Istanbul.
136. Durant la visite de septembre 2023, la société civile a attiré l’attention sur l’insuffisance de la base matérielle permettant d’assurer la protection des femmes et sur le manque de financements. Ils ont indiqué qu’il n’y avait que 24 centres d’hébergement pour les victimes de violence domestique. Certains lieux n’accueillaient pas les femmes sans enfants.
137. Les autorités ont réfuté ces allégations, mais ont reconnu que le manque de centres d’hébergement était problématique. Dans leurs dernières observations, elles ont indiqué que les municipalités continueraient de maintenir les 31 centres de crise existant dans le pays, qui pouvaient accueillir un total de 348 femmes et enfants, victimes de violence domestique ou de la traite.

4. Conclusions

138. En mars 2024, après avoir examiné attentivement les progrès réalisés par la Bulgarie dans les six domaines de préoccupation cités dans la Résolution 2296 (2019), la commission de suivi est convenue de proposer à l’Assemblée de clore le dialogue postsuivi avec la Bulgarie.
139. Cela étant, elle a suggéré de consacrer l’un de ses futurs examens périodiques, d’ici quelques années, à la mise en œuvre des réformes relatives à l’État de droit, à la démocratie pluraliste et aux droits humains, réformes qui doivent être irréversibles et pérennes.
140. En raison de nouvelles élections législatives anticipées en Bulgarie, l’Assemblée a reporté l’approbation définitive des propositions de la commission. Après avoir réexaminé la situation dans le pays, nous soutenons pleinement les deux propositions susmentionnées.
141. Néanmoins, nous constatons que, malgré les efforts et les bonnes intentions des autorités, de nombreuses questions restent en suspens. En particulier, la réforme du système judiciaire et du ministère public n’a été que partiellement mise en œuvre et elle a depuis été suspendue en raison de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juillet 2024. Les recommandations des organes du Conseil de l’Europe, telles que celles qui concernent la composition du Conseil supérieur de la magistrature, les pouvoirs du procureur général et les attributions de l’Inspection de la magistrature, doivent encore être mises en œuvre. En outre, bien que les autorités bulgares aient mis en place de nombreuses mesures importantes pour lutter contre la corruption à haut niveau, il n’existe toujours pas de bilan solide en matière de condamnations définitives dans de tels cas, et la majorité des recommandations du GRECO issues du cinquième cycle d’évaluation sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux et des services répressifs ne sont toujours pas mises en œuvre. En outre, malgré certains progrès concernant le respect général de la liberté d’expression, nous sommes préoccupés par la concentration et le manque de transparence de la propriété des médias. Enfin, nous restons profondément préoccupés par la situation fragile de la population rom, par les expulsions forcées et les démolitions de leurs maisons (comme l’illustre l’arrêt de la Cour dans l’affaire Yordanova et autres c. Bulgarie), ainsi que par la non-exécution des arrêts de la Cour concernant le refus d’enregistrer des associations de personnes d’origine macédonienne (UMO Ilinden et autres c. Bulgarie, parmi d’autres).
142. Par conséquent, nous proposons de clore le dialogue postsuivi avec la Bulgarie et de revenir sur les questions non résolues lors d’un prochain examen périodique.
143. Il convient de reconnaître que le rythme des réformes législatives résulte en partie des pressions internationales et de retards provoqués par l’instabilité politique. Comme mentionné précédemment, l’évaluation des progrès accomplis par la Bulgarie dans le respect des normes en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains ne peut être considérée en abstraction des contraintes imposées par les élections successives. Nous avons pleinement conscience des difficultés rencontrées par les autorités bulgares et nous les félicitons une fois de plus pour leur engagement et leur volonté politique de respecter les obligations et les engagements qu’ils ont contractés lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe.