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Rapport | Doc. 16272 | 30 septembre 2025

Russie: nouvelles menaces pour les démocraties européennes

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Iulian BULAI, Roumanie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: débat d’urgence, Renvoi 4906 du 29 septembre 2025. Conformément au Règlement de l’Assemblée, article 50.4, le rapport d’une commission ne comporte pas d’exposé des motifs si le rapport est préparé dans le cadre de la procédure d’urgence. 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 30 septembre
2025.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par la menace croissante et multiforme que représente la Russie pour la sécurité et la stabilité de l'Europe. Les nouvelles menaces militaires et hybrides s'inscrivent dans une longue histoire de violations répétées et généralisées du droit international par la Russie, notamment des violations des droits humains à l'encontre de ses propres citoyen·nes et des tentatives d'affirmer son contrôle de fait et son influence abusive dans les pays voisins. Il est impératif que les États membres du Conseil de l'Europe prennent pleinement conscience de l'ampleur de la menace que représente la Fédération de Russie et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour renforcer leurs capacités de dissuasion, d’anticipation et de résilience à son égard, afin de préserver la sécurité démocratique et l'avenir pacifique de l'Europe.
2. La Fédération de Russie a répondu aux efforts diplomatiques visant à mettre fin à sa guerre d'agression à grande échelle contre l'Ukraine en intensifiant ses attaques. Ces dernières semaines, la multiplication des attaques russes par drones et missiles contre des infrastructures civiles en Ukraine, y compris à Kyiv, a fait des ravages parmi la population civile, détruisant des écoles et des immeubles résidentiels et endommageant des bâtiments diplomatiques. L'Assemblée condamne fermement cette nouvelle escalade de la guerre d'agression illégale, injustifiée et non provoquée contre l'Ukraine, et réitère son appel urgent en faveur d'une paix juste et durable en Ukraine afin de garantir la sécurité à long terme de l'Europe et l'avenir européen de l'Ukraine.
3. De même, l'Assemblée est vivement alarmée par le nombre croissant d'incursions de drones non identifiés et d'avions militaires russes dans l'espace aérien d’États membres du Conseil de l'Europe. En septembre 2025, l'Estonie, la Pologne et la Roumanie ont enregistré des violations intentionnelles et inacceptables de leur espace aérien, qui ont conduit l'Estonie et la Pologne à demander des consultations au titre de l'article 4 du Traité de l'Atlantique Nord. L'activité de drones à proximité d'infrastructures sensibles et de sites militaires dans l'espace aérien danois et allemand a également perturbé l'aviation civile, entraînant notamment la fermeture temporaire d'aéroports au Danemark. Ces provocations délibérées s'inscrivent dans une stratégie plus large visant à tester l'engagement de l'Europe à soutenir l'Ukraine, la cohésion interne de l'Europe et la force des relations euro-atlantiques. Elles augmentent de manière imprudente le risque d'une extension des opérations militaires en Europe.
4. En outre, ces derniers mois, la Russie a intensifié sa guerre hybride – combinant puissance dure et puissance douce – par le biais de cyberattaques sophistiquées, d'opérations de renseignement et de campagnes de désinformation coordonnées. L'intensification des activités militaires et la multiplication des menaces hybrides ont considérablement remis en cause la sécurité et la stabilité de la région de la mer Baltique. La Russie a notamment développé ses attaques hybrides contre les processus électoraux européens. Elle a déployé une combinaison sophistiquée et sans précédent d'ingérence secrète, de guerre de l'information et de tactiques de déstabilisation, en recourant à grande échelle aux réseaux sociaux, à l'achat de votes et aux cyberattaques. Ces méthodes ont été pleinement mises en œuvre lors des élections présidentielles en Roumanie et des élections législatives de 2025 en République de Moldova, où une ingérence étrangère inédite et des réseaux coordonnés de manipulation en ligne ont ciblé les institutions et l’électorat visant à faire dérailler la trajectoire pro-européenne du pays et à le déstabiliser davantage. Le jour même de l’élection, les tentatives de déstabilisation se sont poursuivies avec des alertes à la bombe contre des bureaux de vote en République de Moldova et à l'étranger. Le peuple et les institutions moldaves ont fait preuve d'une résilience et d'une solidarité exceptionnelles pour défendre le processus électoral contre cette ingérence étrangère massive, permettant ainsi au choix pro-européen du peuple de prévaloir. Les risques persistants liés à la désinformation et à l'ingérence étrangère ont également été mis en évidence dans le cadre de l'observation de l'élection présidentielle de 2025 en Pologne.
5. Rappelant sa Résolution 2593 (2025) «L’ingérence étrangère: une menace pour la sécurité démocratique en Europe», l'Assemblée condamne fermement l'ingérence de la Russie dans les processus démocratiques à travers l'Europe et ses tentatives visant à déstabiliser les démocraties européennes, à accroître la polarisation interne et à saper la confiance dans les institutions publiques.
6. L'Assemblée condamne également le recours par la Russie à la guerre de l'information par le biais de médias financés par l'État et de centres culturels russes, utilisés pour déstabiliser les systèmes politiques, fausser l'opinion publique et saper les processus démocratiques dans les États membres du Conseil de l'Europe. Elle rappelle que des oligarques russes et autres acteurs affiliés résidant en Europe ont été impliqués dans l'exercice de pressions financières et politiques, soulignant la nécessité de réponses coordonnées, transparentes et fermes aux niveaux national et international.
7. Dans sa guerre actuelle, la Russie a réécrit le concept d'armement. L'Assemblée a déjà reconnu l'utilisation de la migration comme arme par la Russie et ses tentatives de déstabiliser les sociétés démocratiques en exploitant ou en amplifiant les griefs présumés des minorités et en abusant du statut de la langue russe. Ces attaques ont également sapé la résilience économique et exacerbé les divisions sociétales à travers le continent.
8. En outre, la Russie a intensifié son activité diplomatique dans le monde entier, renforçant ses liens avec des pays non démocratiques qui soutiennent concrètement son agression contre l'Ukraine en fournissant des armes, des troupes ou en mettant leur territoire à disposition pour accueillir des armes russes et lancer des attaques – comme le Bélarus, l'Iran et la Corée du Nord; s'appuyant sur des partenaires économiques, en Europe et ailleurs, pour contourner le système de sanctions; et développant une alliance avec un acteur mondial tel que la Chine pour promouvoir un nouvel ordre mondial.
9. L'Assemblée réaffirme que la stratégie de la Russie, qui vise à déstabiliser les démocraties européennes par la force, la peur et l'influence étrangère, doit être fermement combattue et mise en échec. La Russie doit mettre fin à ses agressions non provoquées et ses provocations et être tenue responsable de ses crimes et violations répétés du droit international. Compte tenu de l'accélération des attaques et des menaces, l'Assemblée, en cette période cruciale, souligne que seule la sécurité démocratique et la résilience permettront d'instaurer une paix durable en Europe.
10. À la lumière de ces considérations, compte tenu de la nécessité d'une paix juste et durable en Ukraine, l'Assemblée:
10.1. se référant à ses résolutions précédentes, en particulier la Résolution 2588 (2025) sur «Engagement européen en faveur d'une paix juste et durable en Ukraine», appelle à un engagement européen sans faille et à une plus grande unité, au-delà de l'Europe, en faveur de l'Ukraine et d'une paix juste et durable, indispensable à son avenir européen et à la sécurité de l'ensemble du continent européen;
10.2. insiste pour que toute négociation de paix implique l'Ukraine et respecte son droit à déterminer son propre avenir, y compris son droit souverain à poursuivre son intégration dans l'Union européenne, ainsi que son adhésion à d'autres organisations internationales; ces négociations doivent également inclure les garanties de sécurité nécessaires;
10.3. considère qu'une paix juste, durable et effective ne peut être obtenue qu'en l'ancrant dans le cadre international des droits humains, comme l'a souligné le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe;
10.4. réaffirme qu'un soutien accru à l'Ukraine est également essentiel pour renforcer sa capacité à défendre efficacement les droits humains, l'État de droit et la démocratie, qui restent essentiels à sa sécurité démocratique, à sa relance et à son processus d'adhésion à l'Union européenne;
10.5. invite les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les institutions européennes et les partenaires internationaux concernés, à accroître leur soutien au plan d'action du Conseil de l'Europe pour l'Ukraine «Résilience, relance et reconstruction» 2023-2026.
11. En ce qui concerne la nécessité de garantir la responsabilité, l’Assemblée:
11.1. rappelant la Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», se félicite de l'arrêt rendu le 9 juillet 2025 par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Ukraine et Pays-Bas c. Russie, qui a déclaré la Fédération de Russie responsable de violations généralisées et flagrantes des droits humains en Ukraine, notamment le crash du vol Malaysian Airlines MH17, la torture, le viol comme arme de guerre, les exécutions sommaires et les détentions illégales et arbitraires;
11.2. se félicite de la signature historique, le 25 juin 2025, de l'accord entre le Conseil de l'Europe et l'Ukraine sur la création d'un Tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine, ainsi que de la finalisation d'un projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l'Ukraine;
11.3. souligne la nécessité d'accélérer la mise en place d'un système complet de responsabilisation, en gardant à l'esprit que les réparations doivent rester un élément central de tout accord de paix;
11.4. demande aux États membres et observateurs du Conseil de l'Europe et aux pays partageant les mêmes idées:
11.4.1. d’œuvrer sans délai à la mise en place de l'Accord partiel élargi sur le Comité de gestion du Tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine et d’adhérer dès que possible à l'Accord partiel élargi, conformément à leurs procédures nationales;
11.4.2. de conclure des accords de coopération avec le futur Tribunal spécial;
11.4.3. d’œuvrer à l'adoption et à l'ouverture à la signature de la Convention instituant une Commission internationale des réclamations pour l'Ukraine, en tenant compte de l'avis n° [...] de l'Assemblée;
11.4.4. d’intensifier les efforts visant à mettre en place le troisième volet du mécanisme international d'indemnisation, à savoir un fonds international d'indemnisation, qui pourrait être financé par la réaffectation et le transfert des avoirs gelés de l'État russe;
11.5. rappelle la nécessité de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les tentatives délibérées et systématiques d'effacer l'identité culturelle ukrainienne et pour tous les crimes de guerre;
11.6. invite les parlements nationaux à renforcer la diplomatie parlementaire afin de mobiliser un soutien plus large en faveur de l'Ukraine, en particulier pour les mécanismes de responsabilité et pour son processus d'adhésion à l'Union européenne.
12. Compte tenu de la nécessité d'exercer une pression accrue sur la Russie, l'Assemblée invite les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les institutions européennes et les partenaires internationaux concernés:
12.1. à renforcer le régime actuel de sanctions à l'encontre de la Russie, de ses alliés et de leurs dirigeants politiques et militaires, notamment:
12.1.1. en renouvelant les efforts visant à réduire le contournement des sanctions, notamment par des sanctions secondaires à l'encontre des pays tiers et des autres acteurs économiques qui le facilitent;
12.1.2. en élargissant la liste des personnes et entités visées, y compris tous les hauts responsables financiers, toutes les banques russes et tous les navires de la flotte fantôme;
12.1.3. en élargissant la portée sectorielle des sanctions, en ciblant la chaîne d'approvisionnement des grands groupes de matériaux, de machines et de technologies à double usage;
12.1.4. en abaissant davantage les plafonds des prix du pétrole et en renforçant les sanctions liées à l'énergie;
12.1.5. en renforçant la coordination entre les autorités nationales en matière d'application des sanctions;
12.2. à poursuivre l'isolement diplomatique de la Russie par des efforts coordonnés visant à exclure Moscou des forums clés et rallier les partenaires mondiaux à la défense du droit international; ces efforts devraient inclure la diplomatie sportive, largement utilisée par la Russie pour projeter son influence;
12.3. à renforcer les mécanismes d’établissement des responsabilités pour toutes les violations par la Russie du droit international et de leurs règles respectives.
13. En ce qui concerne l'intensification de la guerre hybride, l'Assemblée invite les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les institutions européennes et les partenaires internationaux concernés:
13.1. à développer des réponses non militaires aux violations de l'espace aérien et aux menaces connexes – parallèlement à des réponses militaires adéquates lorsque cela est nécessaire – grâce à une stratégie globale et à des actions transversales, combinant des mesures de dissuasion, d’anticipation, de protection et de réactivité, tant pour les infrastructures que pour les populations, afin de renforcer la résilience des sociétés démocratiques. Une telle stratégie globale de résilience devrait permettre d'assurer la coordination entre les autorités publiques de tous les secteurs, y compris les législateurs, les forces de l'ordre, les services d'éducation et de santé, selon les besoins. Elle devrait également viser à préserver l'unité nationale, alors que la Russie cherche à polariser et à diviser les pays européens et leurs sociétés;
13.2. à mettre en œuvre des contre-mesures solides contre les ingérences étrangères, en particulier dans le contexte de l'intégrité électorale, notamment en actualisant les cadres juridiques nationaux afin de criminaliser l'implication secrète de pays étrangers dans le financement politique, les campagnes électorales et les opérations d'information, et à renforcer la transparence et la surveillance des médias et des flux financiers;
13.3. à proposer des contre-discours solides à la propagande russe qui cherche à saper les valeurs fondamentales européennes, notamment en soutenant les médias libres tels que Radio Free Europe / Radio Liberty;
13.4. à travailler en étroite collaboration avec les États visés par les menaces russes et à leur apporter leur soutien afin de les aider à résister aux tentatives secrètes de la Russie visant à porter atteinte aux élections et à la souveraineté nationale;
13.5. la situation actuelle en matière de sécurité exigeant une réponse unifiée des pays partageant les mêmes valeurs, à renforcer la coopération internationale et les mesures coordonnées pour défendre les démocraties européennes et à développer un multilatéralisme toujours plus fort et plus agile, capable de réagir rapidement aux menaces russes et de garantir la responsabilité;
13.6. à améliorer l'efficacité et la résilience de l'architecture européenne de sécurité.
14. Bien que les questions de défense soient exclues de son champ de compétence, le Conseil de l'Europe devrait contribuer à renforcer la sécurité globale et à long terme de ses États membres dans le cadre de son mandat, en les rendant plus résilients dans la lutte contre les menaces et la prévention des conflits. Dans ce contexte, l'Assemblée:
14.1. se félicite du Nouveau Pacte Démocratique pour l'Europe, lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, qui devrait contribuer à renforcer la sécurité démocratique dans les États membres du Conseil de l'Europe;
14.2. estime que le Conseil de l'Europe devrait renforcer son action en matière de sécurité démocratique afin de tenir compte de l'évolution rapide des menaces et des défis auxquels l'Europe est confrontée, notamment ceux provenant de la Russie. Des projets de lutte contre la désinformation devraient être développés davantage, avec le soutien de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, le cas échéant. Le Conseil de l'Europe devrait également jouer un rôle proactif dans les discussions relatives à l'architecture politique et sécuritaire européenne, dans le cadre de son mandat;
14.3. invite les États membres du Conseil de l'Europe à adopter une approche stratégique à long terme pour définir le soutien du Conseil de l'Europe à l'Ukraine, en réunissant les aspects étroitement liés de la sécurité démocratique, de la résilience et de la reconstruction;
14.4. souligne la nécessité de développer le dialogue interparlementaire et la coopération avec les instances compétentes en matière de sécurité, y compris l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).