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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16272 | 30 septembre 2025
Russie: nouvelles menaces pour les démocraties européennes
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Projet de
résolution 
(open)1. L'Assemblée parlementaire est
profondément préoccupée par la menace croissante et multiforme que représente
la Russie pour la sécurité et la stabilité de l'Europe. Les nouvelles
menaces militaires et hybrides s'inscrivent dans une longue histoire
de violations répétées et généralisées du droit international par
la Russie, notamment des violations des droits humains à l'encontre
de ses propres citoyen·nes et des tentatives d'affirmer son contrôle
de fait et son influence abusive dans les pays voisins. Il est impératif
que les États membres du Conseil de l'Europe prennent pleinement
conscience de l'ampleur de la menace que représente la Fédération
de Russie et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour renforcer
leurs capacités de dissuasion, d’anticipation et de résilience à
son égard, afin de préserver la sécurité démocratique et l'avenir
pacifique de l'Europe.
2. La Fédération de Russie a répondu aux efforts diplomatiques
visant à mettre fin à sa guerre d'agression à grande échelle contre
l'Ukraine en intensifiant ses attaques. Ces dernières semaines,
la multiplication des attaques russes par drones et missiles contre
des infrastructures civiles en Ukraine, y compris à Kyiv, a fait des
ravages parmi la population civile, détruisant des écoles et des
immeubles résidentiels et endommageant des bâtiments diplomatiques.
L'Assemblée condamne fermement cette nouvelle escalade de la guerre d'agression
illégale, injustifiée et non provoquée contre l'Ukraine, et réitère
son appel urgent en faveur d'une paix juste et durable en Ukraine
afin de garantir la sécurité à long terme de l'Europe et l'avenir
européen de l'Ukraine.
3. De même, l'Assemblée est vivement alarmée par le nombre croissant
d'incursions de drones non identifiés et d'avions militaires russes
dans l'espace aérien d’États membres du Conseil de l'Europe. En septembre
2025, l'Estonie, la Pologne et la Roumanie ont enregistré des violations
intentionnelles et inacceptables de leur espace aérien, qui ont
conduit l'Estonie et la Pologne à demander des consultations au titre
de l'article 4 du Traité de l'Atlantique Nord. L'activité de drones
à proximité d'infrastructures sensibles et de sites militaires dans
l'espace aérien danois et allemand a également perturbé l'aviation
civile, entraînant notamment la fermeture temporaire d'aéroports
au Danemark. Ces provocations délibérées s'inscrivent dans une stratégie
plus large visant à tester l'engagement de l'Europe à soutenir l'Ukraine,
la cohésion interne de l'Europe et la force des relations euro-atlantiques.
Elles augmentent de manière imprudente le risque d'une extension
des opérations militaires en Europe.
4. En outre, ces derniers mois, la Russie a intensifié sa guerre
hybride – combinant puissance dure et puissance douce – par le biais
de cyberattaques sophistiquées, d'opérations de renseignement et
de campagnes de désinformation coordonnées. L'intensification des
activités militaires et la multiplication des menaces hybrides ont
considérablement remis en cause la sécurité et la stabilité de la
région de la mer Baltique. La Russie a notamment développé ses attaques
hybrides contre les processus électoraux européens. Elle a déployé
une combinaison sophistiquée et sans précédent d'ingérence secrète,
de guerre de l'information et de tactiques de déstabilisation, en
recourant à grande échelle aux réseaux sociaux, à l'achat de votes
et aux cyberattaques. Ces méthodes ont été pleinement mises en œuvre
lors des élections présidentielles en Roumanie et des élections
législatives de 2025 en République de Moldova, où une ingérence
étrangère inédite et des réseaux coordonnés de manipulation en ligne
ont ciblé les institutions et l’électorat visant à faire dérailler
la trajectoire pro-européenne du pays et à le déstabiliser davantage.
Le jour même de l’élection, les tentatives de déstabilisation se
sont poursuivies avec des alertes à la bombe contre des bureaux
de vote en République de Moldova et à l'étranger. Le peuple et les
institutions moldaves ont fait preuve d'une résilience et d'une
solidarité exceptionnelles pour défendre le processus électoral
contre cette ingérence étrangère massive, permettant ainsi au choix
pro-européen du peuple de prévaloir. Les risques persistants liés
à la désinformation et à l'ingérence étrangère ont également été
mis en évidence dans le cadre de l'observation de l'élection présidentielle
de 2025 en Pologne.
5. Rappelant sa Résolution
2593 (2025) «L’ingérence étrangère: une menace pour la sécurité démocratique
en Europe», l'Assemblée condamne fermement l'ingérence de la Russie
dans les processus démocratiques à travers l'Europe et ses tentatives
visant à déstabiliser les démocraties européennes, à accroître la
polarisation interne et à saper la confiance dans les institutions
publiques.
6. L'Assemblée condamne également le recours par la Russie à
la guerre de l'information par le biais de médias financés par l'État
et de centres culturels russes, utilisés pour déstabiliser les systèmes
politiques, fausser l'opinion publique et saper les processus démocratiques
dans les États membres du Conseil de l'Europe. Elle rappelle que
des oligarques russes et autres acteurs affiliés résidant en Europe
ont été impliqués dans l'exercice de pressions financières et politiques,
soulignant la nécessité de réponses coordonnées, transparentes et
fermes aux niveaux national et international.
7. Dans sa guerre actuelle, la Russie a réécrit le concept d'armement.
L'Assemblée a déjà reconnu l'utilisation de la migration comme arme
par la Russie et ses tentatives de déstabiliser les sociétés démocratiques
en exploitant ou en amplifiant les griefs présumés des minorités
et en abusant du statut de la langue russe. Ces attaques ont également
sapé la résilience économique et exacerbé les divisions sociétales à
travers le continent.
8. En outre, la Russie a intensifié son activité diplomatique
dans le monde entier, renforçant ses liens avec des pays non démocratiques
qui soutiennent concrètement son agression contre l'Ukraine en fournissant
des armes, des troupes ou en mettant leur territoire à disposition
pour accueillir des armes russes et lancer des attaques – comme
le Bélarus, l'Iran et la Corée du Nord; s'appuyant sur des partenaires
économiques, en Europe et ailleurs, pour contourner le système de
sanctions; et développant une alliance avec un acteur mondial tel
que la Chine pour promouvoir un nouvel ordre mondial.
9. L'Assemblée réaffirme que la stratégie de la Russie, qui vise
à déstabiliser les démocraties européennes par la force, la peur
et l'influence étrangère, doit être fermement combattue et mise
en échec. La Russie doit mettre fin à ses agressions non provoquées
et ses provocations et être tenue responsable de ses crimes et violations
répétés du droit international. Compte tenu de l'accélération des
attaques et des menaces, l'Assemblée, en cette période cruciale,
souligne que seule la sécurité démocratique et la résilience permettront d'instaurer
une paix durable en Europe.
10. À la lumière de ces considérations, compte tenu de la nécessité
d'une paix juste et durable en Ukraine, l'Assemblée:
10.1. se référant à ses résolutions
précédentes, en particulier la
Résolution 2588 (2025) sur «Engagement européen en faveur d'une paix juste
et durable en Ukraine», appelle à un engagement européen sans faille
et à une plus grande unité, au-delà de l'Europe, en faveur de l'Ukraine
et d'une paix juste et durable, indispensable à son avenir européen
et à la sécurité de l'ensemble du continent européen;
10.2. insiste pour que toute négociation de paix implique l'Ukraine
et respecte son droit à déterminer son propre avenir, y compris
son droit souverain à poursuivre son intégration dans l'Union européenne, ainsi
que son adhésion à d'autres organisations internationales; ces négociations
doivent également inclure les garanties de sécurité nécessaires;
10.3. considère qu'une paix juste, durable et effective ne peut
être obtenue qu'en l'ancrant dans le cadre international des droits
humains, comme l'a souligné le Commissaire aux droits de l'homme
du Conseil de l'Europe;
10.4. réaffirme qu'un soutien accru à l'Ukraine est également
essentiel pour renforcer sa capacité à défendre efficacement les
droits humains, l'État de droit et la démocratie, qui restent essentiels
à sa sécurité démocratique, à sa relance et à son processus d'adhésion
à l'Union européenne;
10.5. invite les États membres et observateurs du Conseil de
l'Europe, ainsi que les institutions européennes et les partenaires
internationaux concernés, à accroître leur soutien au plan d'action
du Conseil de l'Europe pour l'Ukraine «Résilience, relance et reconstruction»
2023-2026.
11. En ce qui concerne la nécessité de garantir la responsabilité,
l’Assemblée:
11.1. rappelant la Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des
droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie
contre l’Ukraine», se félicite de l'arrêt rendu le 9 juillet 2025 par
la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Ukraine et Pays-Bas c. Russie, qui
a déclaré la Fédération de Russie responsable de violations généralisées
et flagrantes des droits humains en Ukraine, notamment le crash
du vol Malaysian Airlines MH17, la torture, le viol comme arme de guerre,
les exécutions sommaires et les détentions illégales et arbitraires;
11.2. se félicite de la signature historique, le 25 juin 2025,
de l'accord entre le Conseil de l'Europe et l'Ukraine sur la création
d'un Tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine,
ainsi que de la finalisation d'un projet de convention établissant
une commission internationale des réclamations pour l'Ukraine;
11.3. souligne la nécessité d'accélérer la mise en place d'un
système complet de responsabilisation, en gardant à l'esprit que
les réparations doivent rester un élément central de tout accord
de paix;
11.4. demande aux États membres et observateurs du Conseil de
l'Europe et aux pays partageant les mêmes idées:
11.4.1. d’œuvrer sans délai à la mise
en place de l'Accord partiel élargi sur le Comité de gestion du
Tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine et d’adhérer
dès que possible à l'Accord partiel élargi, conformément à leurs
procédures nationales;
11.4.2. de conclure des accords de coopération avec le futur Tribunal
spécial;
11.4.3. d’œuvrer à l'adoption et à l'ouverture à la signature
de la Convention instituant une Commission internationale des réclamations
pour l'Ukraine, en tenant compte de l'avis n° [...] de l'Assemblée;
11.4.4. d’intensifier les efforts visant à mettre en place le
troisième volet du mécanisme international d'indemnisation, à savoir
un fonds international d'indemnisation, qui pourrait être financé
par la réaffectation et le transfert des avoirs gelés de l'État
russe;
11.5. rappelle la nécessité de garantir l’obligation de rendre
des comptes pour les tentatives délibérées et systématiques d'effacer
l'identité culturelle ukrainienne et pour tous les crimes de guerre;
11.6. invite les parlements nationaux à renforcer la diplomatie
parlementaire afin de mobiliser un soutien plus large en faveur
de l'Ukraine, en particulier pour les mécanismes de responsabilité
et pour son processus d'adhésion à l'Union européenne.
12. Compte tenu de la nécessité d'exercer une pression accrue
sur la Russie, l'Assemblée invite les États membres et observateurs
du Conseil de l'Europe, ainsi que les institutions européennes et
les partenaires internationaux concernés:
12.1. à renforcer le régime actuel de sanctions à l'encontre
de la Russie, de ses alliés et de leurs dirigeants politiques et
militaires, notamment:
12.1.1. en renouvelant
les efforts visant à réduire le contournement des sanctions, notamment par
des sanctions secondaires à l'encontre des pays tiers et des autres
acteurs économiques qui le facilitent;
12.1.2. en élargissant la liste des personnes et entités visées,
y compris tous les hauts responsables financiers, toutes les banques
russes et tous les navires de la flotte fantôme;
12.1.3. en élargissant la portée sectorielle des sanctions, en
ciblant la chaîne d'approvisionnement des grands groupes de matériaux,
de machines et de technologies à double usage;
12.1.4. en abaissant davantage les plafonds des prix du pétrole
et en renforçant les sanctions liées à l'énergie;
12.1.5. en renforçant la coordination entre les autorités nationales
en matière d'application des sanctions;
12.2. à poursuivre l'isolement diplomatique de la Russie par
des efforts coordonnés visant à exclure Moscou des forums clés et
rallier les partenaires mondiaux à la défense du droit international;
ces efforts devraient inclure la diplomatie sportive, largement
utilisée par la Russie pour projeter son influence;
12.3. à renforcer les mécanismes d’établissement des responsabilités
pour toutes les violations par la Russie du droit international
et de leurs règles respectives.
13. En ce qui concerne l'intensification de la guerre hybride,
l'Assemblée invite les États membres et observateurs du Conseil
de l'Europe, ainsi que les institutions européennes et les partenaires
internationaux concernés:
13.1. à
développer des réponses non militaires aux violations de l'espace
aérien et aux menaces connexes – parallèlement à des réponses militaires
adéquates lorsque cela est nécessaire – grâce à une stratégie globale
et à des actions transversales, combinant des mesures de dissuasion, d’anticipation,
de protection et de réactivité, tant pour les infrastructures que
pour les populations, afin de renforcer la résilience des sociétés
démocratiques. Une telle stratégie globale de résilience devrait permettre
d'assurer la coordination entre les autorités publiques de tous
les secteurs, y compris les législateurs, les forces de l'ordre,
les services d'éducation et de santé, selon les besoins. Elle devrait également
viser à préserver l'unité nationale, alors que la Russie cherche
à polariser et à diviser les pays européens et leurs sociétés;
13.2. à mettre en œuvre des contre-mesures solides contre les
ingérences étrangères, en particulier dans le contexte de l'intégrité
électorale, notamment en actualisant les cadres juridiques nationaux
afin de criminaliser l'implication secrète de pays étrangers dans
le financement politique, les campagnes électorales et les opérations
d'information, et à renforcer la transparence et la surveillance
des médias et des flux financiers;
13.3. à proposer des contre-discours solides à la propagande
russe qui cherche à saper les valeurs fondamentales européennes,
notamment en soutenant les médias libres tels que Radio Free Europe
/ Radio Liberty;
13.4. à travailler en étroite collaboration avec les États visés
par les menaces russes et à leur apporter leur soutien afin de les
aider à résister aux tentatives secrètes de la Russie visant à porter
atteinte aux élections et à la souveraineté nationale;
13.5. la situation actuelle en matière de sécurité exigeant
une réponse unifiée des pays partageant les mêmes valeurs, à renforcer
la coopération internationale et les mesures coordonnées pour défendre
les démocraties européennes et à développer un multilatéralisme
toujours plus fort et plus agile, capable de réagir rapidement aux
menaces russes et de garantir la responsabilité;
13.6. à améliorer l'efficacité et la résilience de l'architecture
européenne de sécurité.
14. Bien que les questions de défense soient exclues de son champ
de compétence, le Conseil de l'Europe devrait contribuer à renforcer
la sécurité globale et à long terme de ses États membres dans le
cadre de son mandat, en les rendant plus résilients dans la lutte
contre les menaces et la prévention des conflits. Dans ce contexte,
l'Assemblée:
14.1. se félicite du
Nouveau Pacte Démocratique pour l'Europe, lancé par le Secrétaire
Général du Conseil de l'Europe, qui devrait contribuer à renforcer
la sécurité démocratique dans les États membres du Conseil de l'Europe;
14.2. estime que le Conseil de l'Europe devrait renforcer son
action en matière de sécurité démocratique afin de tenir compte
de l'évolution rapide des menaces et des défis auxquels l'Europe
est confrontée, notamment ceux provenant de la Russie. Des projets
de lutte contre la désinformation devraient être développés davantage,
avec le soutien de la Banque de développement du Conseil de l'Europe,
le cas échéant. Le Conseil de l'Europe devrait également jouer un
rôle proactif dans les discussions relatives à l'architecture politique
et sécuritaire européenne, dans le cadre de son mandat;
14.3. invite les États membres du Conseil de l'Europe à adopter
une approche stratégique à long terme pour définir le soutien du
Conseil de l'Europe à l'Ukraine, en réunissant les aspects étroitement
liés de la sécurité démocratique, de la résilience et de la reconstruction;
14.4. souligne la nécessité de développer le dialogue interparlementaire
et la coopération avec les instances compétentes en matière de sécurité,
y compris l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité
de l'Atlantique nord (OTAN).