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Rapport | Doc. 16270 | 30 septembre 2025

Projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : Lord Richard KEEN, Royaume-Uni, CEPA

Origine - Renvoi en commission: débat d’urgence, Renvoi 4905 du 29 septembre 2025. 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet d’avis adopté
à l’unanimité par la commission le 30 septembre 2025.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire considère que la Fédération de Russie doit assumer les conséquences juridiques de tous ses faits internationalement illicites commis en Ukraine et contre l’Ukraine, y compris son agression en violation de la Charte des Nations Unies, ainsi que toute violation du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Ces faits englobent les violations de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) commises jusqu’au 16 septembre 2022. La Fédération de Russie doit réparer intégralement tous les dommages, pertes ou préjudices causés par ces violations du droit international à l’État ukrainien et à toutes les personnes physiques et morales concernées. Cette position est conforme aux principes de la responsabilité de l’État en vertu du droit international et à la Résolution ES-11/5 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 novembre 2022. L’Assemblée réaffirme que bon nombre des faits internationalement illicites commis par la Fédération de Russie violent des obligations erga omnes et des normes impératives du droit international général, et portent ainsi atteinte à la communauté internationale dans son ensemble.
2. L’Assemblée a déjà abordé l'exigence d’un mécanisme d’indemnisation pour l’Ukraine dans le cadre de la guerre d’agression en cours contre ce pays. Dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée a appelé les États membres à mettre en place un mécanisme international d’indemnisation pour l’Ukraine, composé d’un registre des dommages, d’une commission d’indemnisation et d’un fonds d’indemnisation. Elle a également estimé que l’Organisation devait jouer un rôle de premier plan dans l’établissement et la gestion d’un tel mécanisme. Après la création, le 12 mai 2023, du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine (“Registre des dommages”) sous la forme d’un accord partiel élargi, lequel a démarré ses activités en 2024, l’Assemblée a réitéré, dans plusieurs résolutions, son appel en faveur de la création d’une commission internationale des réclamations et d’un fonds international d’indemnisation, qui constitueraient les deuxième et troisième éléments du mécanisme d’indemnisation. Dans sa Résolution 2598 (2025) «Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité d’établir les responsabilités et d’empêcher l’impunité», l’Assemblée a estimé que le meilleur modèle pour établir une commission des réclamations serait une convention ouverte du Conseil de l’Europe, qui pourrait assurer le soutien transrégional nécessaire tout en tirant profit de la position de premier plan et de l’expertise de l’Organisation dans ce domaine. Dans sa Recommandation 2294 (2025) connexe, l’Assemblée a appelé le Comité des Ministres à œuvrer sans tarder à la création d’une commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine, notamment en mettant en place un comité ad hoc chargé de rédiger une convention ouverte du Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée se réjouit vivement de la finalisation du projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine («projet de convention») par le Comité ad hoc pour l’établissement d’une Commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine (CAHEC). Ce travail s’est inscrit dans la continuité des négociations officielles menées en dehors du Conseil de l’Europe, sous les auspices d’un Comité intergouvernemental de négociation, qui regroupait plus de 50 États, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Le projet de convention marque une nouvelle étape dans les mesures générales prises par le Conseil de l’Europe pour demander à la Fédération de Russie de rendre des comptes pour son agression contre l’Ukraine. Elle crée un nouvel outil juridique innovant (la Commission internationale des réclamations pour l’Ukraine, ci-après “la Commission”) afin de garantir que la Fédération de Russie assume les conséquences juridiques et économiques de tous les dommages causés. La Commission complétera le travail d’autres organes juridictionnels internationaux, cours et tribunaux chargés de traiter les conséquences de l’agression, tels que la Cour européenne des droits de l’homme et le futur tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine. La justice et l’obligation de rendre des comptes ne sauraient être complètes en l’absence de réparation pour les victimes de l’agression, l’État ukrainien et les particuliers concernés. En créant la Commission, le Conseil de l’Europe soutient l’Ukraine dans ses efforts pour garantir la justice, le redressement et la reconstruction, tout en défendant l’État de droit et l’ordre juridique international qui a été ouvertement violé par la Fédération de Russie. L’Assemblée salue la capacité du Conseil de l’Europe à innover et à combler les lacunes de la réponse juridique internationale à l’agression, et réaffirme que tout futur accord de paix destiné à mettre fin à l’agression devra prévoir des mesures de réparation et de redressement, ou tout au moins ne pas faire obstacle aux mécanismes existants.
4. La création d’une commission des réclamations dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe est la suite logique de la mise en place du Registre des dommages lors du Sommet de Reykjavík en mai 2023. L’Assemblée réaffirme son plein appui au Registre des dommages, qui a déjà reçu plus de 60 000 demandes d’indemnisation réparties en 13 catégories. Les travaux du Registre seront transférés à la Commission, conformément aux modalités prévues par le projet de convention, et les demandes d’indemnisation continueront d’être soumises à la Commission. Le fait que le Registre des dommages et la Commission s’inscrivent tous deux dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe favorisera une transition efficace sans interruption des travaux.
5. L’Assemblée se félicite de ce que le projet de convention repose sur une approche centrée sur les victimes, qui garantit que les personnes physiques et morales lésées par l’agression aient qualité pour soumettre une demande au mécanisme d’indemnisation, conformément aux règles en vigueur relatives au Registre des dommages. Pour ce qui est de la structure organisationnelle de la Commission, l’Assemblée note qu’elle s’inspire de précédents bien connus en droit international. L’Assemblée considère que, dans l’ensemble, elle garantit l’indépendance et l’impartialité nécessaires des organes décisionnels, tout en permettant – avec certaines garanties – la participation de l’Ukraine et de la Fédération de Russie si celles-ci deviennent membres de la Commission. L’Assemblée se félicite en outre du fait que le projet de convention comprenne des dispositions spécifiques sur l’indépendance des commissaires, du directeur exécutif et du Secrétariat, ainsi que sur les normes procédurales, telles que l’équité, l’objectivité et la transparence.
6. Toutefois, l’Assemblée regrette que le projet de convention ne réglemente pas plus clairement le financement des indemnités accordées, leur exécution et leur paiement. L’existence future d’un fonds d’indemnisation n’est mentionnée qu’à titre de possibilité dans le préambule et à l’article 22. Sans la participation de la Fédération de Russie à la Commission – un scénario qui semble assez irréaliste dans le contexte actuel et compte tenu des conditions énoncées à l’article 28 –, l’efficacité du mécanisme d’indemnisation peut être remise en question. Si l’octroi d’indemnités est une première étape nécessaire vers la justice et la réparation, il convient ensuite de procéder à l’exécution de ces indemnités et à leur paiement aux demandeurs individuels. Tout en prenant acte de l’approche progressive suivie par les États qui ont participé aux négociations sur le projet de convention, l’Assemblée les exhorte à œuvrer sans délai à la création d’un fonds international d’indemnisation chargé de verser des indemnités aux demandeurs qui auront obtenu gain de cause. Conformément aux résolutions antérieures de l’Assemblée (Résolution 2539 (2024) «Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité d’établir les responsabilités et d’empêcher l’impunité» et Résolution (2556) 2024 «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine») et au droit international, les États membres et les autres États détenteurs d’avoirs gelés de l’État russe devraient envisager de réaffecter ces avoirs au futur fonds d’indemnisation.
7. L’Assemblée regrette par ailleurs que le champ d’application temporel de la Commission se limite actuellement aux dommages causés par les violations du droit international commises le 24 février 2022 et depuis lors. L’Assemblée a toujours considéré que la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine avait débuté le 20 février 2014 et qu’elle s’était transformée en une invasion à grande échelle le 24 février 2022. Elle estime donc que toutes les victimes de l’agression russe depuis 2014 devraient avoir droit à une indemnisation. L’Assemblée appelle les futures parties à la convention à réexaminer cette question et à envisager un amendement à cet égard, comme le prévoient le préambule et l’article 33.2 du projet de convention.
8. L’Assemblée note que l’article 19 du projet de convention traite en termes très généraux de la relation avec les jugements ou sentences rendus par des cours, tribunaux ou d’autres organes juridictionnels internationaux. Compte tenu du chevauchement de compétences entre la future Commission et la Cour européenne des droits de l’homme pour la période comprise entre le 24 février 2022 et le 16 septembre 2022, l’Assemblée invite les futurs organes de la Commission à clarifier ce point dans leur règlement, en consultant la Cour.
9. L’Assemblée reconnaît que la convention devrait chercher à attirer le plus grand nombre possible d’États non européens, afin de renforcer la légitimité et la représentativité internationales de la Commission. Toutefois, comme il s’agit d’une convention du Conseil de l’Europe, l’Assemblée estime que le Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1) et les résolutions pertinentes de l’Assemblée devraient être cités dans le préambule afin de renforcer son fondement juridique et de reconnaître le rôle de premier plan de l’Organisation dans ce domaine. Dès lors, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’apporter les amendements ci-après au projet de convention:
9.1. dans le préambule, ajouter un nouveau quatrième paragraphe qui serait libellé comme suit: «Vu le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), qui souligne dans son préambule la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale»;
9.2. dans le préambule, ajouter un nouveau paragraphe avant l’actuel onzième paragraphe, qui serait libellé comme suit: «Notant que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», a appelé les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place un mécanisme international d’indemnisation, qui comprend un registre des dommages, une commission des réclamations et un fonds d’indemnisation, et qu’elle a réitéré son appel à créer une commission internationale des réclamations et un fonds international d’indemnisation dans sa Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de l’Ukraine», sa Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», et sa Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»».
10. L’Assemblée est d’avis que le projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine peut être adopté et ouvert à la signature dès que possible.

B. Exposé des motifs par Lord Richard Keen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 17 septembre 2025, le Comité des Ministres a transmis le projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine («projet de convention») à l’Assemblée parlementaire pour avis dès que possible. Le texte du projet de convention a été provisoirement approuvé par le Comité ad hoc pour l’établissement d’une Commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine (CAHEC) lors de sa première réunion, qui s’est tenue du 9 au 12 septembre 2025 à La Haye. Avant la création du CAHEC par le Comité des Ministres le 3 septembre 2025, le texte du projet de convention a été officiellement négocié en dehors du Conseil de l’Europe, sous les auspices d’un Comité intergouvernemental de négociation (CIN), qui regroupait plus de 50 États, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe 
			(2) 
			<a href='https://rd4u.coe.int/en/-/formal-negotiations-begin-on-treaty-to-establish-aclaims-commission-for-ukraine'>Formal
Negotiations Begin on Treaty to Establish a Claims Commission for
Ukraine – Register of Damage for Ukraine</a>; <a href='https://rd4u.coe.int/en/-/second-round-of-negotiations-moves-treaty-on-claims-commission-for-ukraine-forward'>Second
Round of Negotiations Moves Treaty on Claims Commission for Ukraine
Forward – Register of Damage for Ukraine</a> (anglais uniquement). Avant ces négociations officielles,
plusieurs réunions préparatoires ont été organisées en 2024-2025
pour échanger sur un premier projet élaboré par le Registre des
dommages et sur les versions révisées par la suite.. Lors de sa réunion de juillet 2025, le CIN est convenu que la future Commission des réclamations devait être créée sous les auspices du Conseil de l’Europe et que la convention devait prendre la forme d’une convention ouverte du Conseil de l’Europe 
			(3) 
			<a href='https://rd4u.coe.int/en/-/third-round-of-negotiations-on-claims-commission'>Progress
Continues in Third Round of Negotiations on Claims Commission for
Ukraine – Register of Damage for Ukraine</a> (anglais uniquement). Parmi les autres options envisagées,
on peut citer un instrument international autonome instituant la
Commission des réclamations ou un instrument international autonome
instituant la commission des réclamations, qui s’appuierait néanmoins
sur le soutien du Conseil de l’Europe pour les tâches de secrétariat
(«modèle hybride»).. Le CIN et le CAHEC étaient tous deux présidés par M. René Lefeber, conseiller juridique et directeur de la division du droit international au ministère des Affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas.
2. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a désigné rapporteur lors de sa réunion du 8 septembre 2025 tenue à Paris, sous réserve de la transmission de la demande d’avis par le Comité des Ministres et du renvoi à la commission des questions juridiques et des droits de l'homme. Afin de permettre l’adoption et l’ouverture à la signature de la convention par une conférence diplomatique le 16 décembre 2025 à La Haye, l’avis statutaire de l’Assemblée parlementaire doit être adopté selon la procédure d’urgence au cours de la quatrième partie de session 2025. Conformément à l’article 51.1 du Règlement de l’Assemblée, la procédure d’urgence ne devrait pas être utilisée pour un avis statutaire, «à moins que des circonstances exceptionnelles ne le justifient». À la lumière des précédentes résolutions et recommandations de l’Assemblée relatives à la responsabilité de la Russie dans l’agression contre l’Ukraine, qui soulignent l’importance et l’urgence de créer une Commission des réclamations pour l’Ukraine, je considère que la présente demande d’avis relève des «circonstances exceptionnelles» prévues par le Règlement.
3. Le 29 septembre 2025, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a tenu une audition à laquelle ont participé M. René Lefeber, président du CAHEC, et M. Markiyan Kliuchkovskyi, directeur exécutif du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine (“Registre des dommages”). Conformément à son propre statut, le Registre des dommages participe aux travaux engagés pour créer la commission des réclamations et les facilite.
4. Dans mon exposé des motifs, je commencerai par présenter les travaux antérieurs de l’Assemblée sur un mécanisme d’indemnisation pour l’Ukraine (chapitre 2). Je décrirai ensuite dans les grandes lignes les principales composantes du projet de convention (chapitre 3). Enfin, je donnerai ma propre appréciation du projet de convention et proposerai quelques modifications qui pourraient être intégrées dans l’avis de l’Assemblée afin d’améliorer la version finale du texte de la convention (chapitre 4). Si elles ne sont pas prises en compte à ce stade, ces propositions pourraient également être examinées dans le cadre d’éventuelles modifications futures de la convention, dont la possibilité est explicitement mentionnée dans son texte.

2. Les travaux antérieurs de l’Assemblée sur un mécanisme d’indemnisation pour l’Ukraine

5. Depuis le début de l’agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l’Ukraine en février 2022, l’Assemblée a adopté de nombreuses résolutions et recommandations relatives aux conséquences de cette agression sur le plan juridique et des droits humains et a réclamé la mise en place d’un système complet d’établissement des responsabilités pour toutes les violations du droit international commises à l’encontre de l’Ukraine 
			(4) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ukraine'>Guerre
d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine: page spéciale</a>.. Si l’Assemblée a été la première institution internationale à réclamer la création d’un tribunal spécial chargé d’enquêter et de poursuivre les auteurs du crime d’agression en avril 2022, elle s’est aussi immédiatement penchée sur la question des dommages causés par l’agression. Elle a souligné l’importance de voir la Russie assumer les conséquences juridiques de tous ses actes internationalement illicites et de réparer les dommages causés, conformément aux principes de la responsabilité de l’État en vertu du droit international. Déjà dans sa Résolution 2463 (2022) «Nouvelle escalade de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», adoptée le 13 octobre 2022, l’Assemblée avait appelé les États membres à établir un mécanisme international complet d’indemnisation assorti d’un registre international des dommages. Puis, dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée s’était félicitée de l’adoption le 14 novembre 2022 par l’Assemblée générale des Nations Unies de la résolution intitulée «Agression contre l’Ukraine: recours et réparation» (citée dans le préambule du projet de convention), qui reconnaît la nécessité de mettre en place un mécanisme international pour la réparation des dommages causés et recommande la création d’un registre international des dommages. À cet égard, l’Assemblée a estimé que le Conseil de l’Europe devrait jouer un rôle de premier plan dans la mise en place et la gestion d’un mécanisme international d’indemnisation, qui devrait présenter les caractéristiques suivantes:
  • être établi par un traité ou un accord multilatéral ouvert à tous les États qui partagent les mêmes idées, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et d’autres organisations internationales;
  • comprendre, dans un premier temps, un registre des dommages, qui servirait à recenser les éléments de preuve et les demandes relatives aux dommages, aux pertes ou aux préjudices causés à toutes les personnes physiques et morales en Ukraine, ainsi qu’à l’État ukrainien, par des violations du droit international découlant de l’agression commise;
  • comprendre, à un stade ultérieur, une commission internationale d’indemnisation, chargée d’examiner et d’évaluer les demandes présentées et recensées par le registre, ainsi qu’un fonds d’indemnisation destiné à dédommager les demandeurs qui auront obtenu gain de cause. Le traité ou l’accord fondateur réglementerait des questions telles que le financement du fonds d’indemnisation, l’exécution des indemnisations accordées et la manière dont les décisions prises par d’autres organes et tribunaux internationaux, comme les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, pourraient être exécutées par le biais de ce mécanisme.
6. La Résolution 2482 (2023) est la première résolution dans laquelle l’Assemblée mentionne expressément la mise en place d’une commission d’indemnisation dans le cadre du mécanisme international d’indemnisation. Depuis lors, et à la suite de la création du Registre des dommages sous la forme d’un accord partiel élargi par le Comité des Ministres en mai 2023, l’Assemblée n’a eu de cesse de promouvoir la mise en place d’une commission des réclamations pour l’Ukraine, deuxième élément du mécanisme d’indemnisation. Elle a également toujours soutenu sa création sous les auspices du Conseil de l’Europe 
			(5) 
			Voir aussi la Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de l’Ukraine»..
7. Dans sa Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée a demandé la mise en place d’«une commission internationale indépendante chargée d’examiner et de statuer sur les demandes d’indemnisation, y compris celles enregistrées par le Registre». Elle a également insisté sur le fait que le mécanisme d’indemnisation devait être en principe établi sous les auspices du Conseil de l’Europe, étant donné que le Registre des dommages est un accord partiel élargi du Conseil de l’Europe et que l’Organisation joue un rôle de premier plan dans ce domaine («sans exclure d’autres options si celles-ci garantissent un soutien plus interrégional»). Plus important encore, ce mécanisme devrait «couvrir les dommages causés par l’agression depuis février 2014, en particulier en ce qui concerne les violations du droit international confirmées par les tribunaux et organes juridictionnels internationaux, tels que la Cour européenne des droits de l’homme». Il convient de rappeler que l’Assemblée a toujours considéré que la guerre d’agression contre l’Ukraine a débuté le 20 février 2014 et qu’elle s’est transformée en une invasion à grande échelle le 24 février 2022.
8. Dans sa Résolution 2598 (2025) «Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité d’établir les responsabilités et d’empêcher l’impunité», l’Assemblée s’est félicitée de l’ouverture de négociations officielles à La Haye (du 24 au 26 mars 2025) sur un traité international visant à établir une commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine. Elle a de nouveau affirmé que le meilleur modèle pour établir une telle commission serait «une convention ouverte du Conseil de l’Europe, qui pourrait assurer le soutien transrégional nécessaire tout en tirant profit de la position de premier plan et de l’expertise de l’Organisation dans ce domaine». En ce qui concerne la date des premiers dommages admissibles (2022 ou 2014), l’Assemblée a appelé les membres du Registre des dommages à étendre l’admissibilité des demandes d’indemnisation afin d’inclure les dommages causés depuis 2014, plutôt que de la limiter aux seuls dommages causés à compter du 24 février 2022. Dans sa Recommandation 2294 (2025) connexe, l’Assemblée a appelé le Comité des Ministres à œuvrer sans tarder à la création d’une commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine, notamment en mettant en place un comité ad hoc chargé de rédiger une convention ouverte du Conseil de l’Europe.
9. Enfin, dans sa dernière résolution sur l’établissement des responsabilités pour les crimes commis en Ukraine, à savoir la Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée a réaffirmé que le Registre et le mécanisme d’indemnisation devraient couvrir les demandes relatives aux dommages causés depuis février 2014. Plus généralement, elle a souligné que toute négociation de paix future devrait inclure un système complet et juste de réparation des dommages causés. Selon l’Assemblée, les États devraient veiller à ce que «les réparations restent une composante essentielle de tout règlement de paix».
10. Le troisième élément du mécanisme international d’indemnisation, à savoir le fonds d’indemnisation chargé de verser les réparations accordées par la commission des réclamations, a également été au cœur des travaux de l’Assemblée sur l’établissement des responsabilités pour l’agression. Ainsi, dans sa dernière résolution (la Résolution 2605 (2025)), l’Assemblée a souligné qu’il convenait d’intensifier les discussions sur les mécanismes destinés à contribuer à un futur fonds d’indemnisation, en tenant compte du potentiel de réaffectation des avoirs russes gelés. Les Résolutions antérieures 2556 (2024) et 2539 (2024) abordent de façon extrêmement détaillée le fonds d’indemnisation et la question connexe de l’utilisation des avoirs gelés de l’État russe. L’Assemblée a estimé que la réaffectation des avoirs gelés de l’État russe constituerait une contre-mesure légale contre l’agression au regard du droit international et a exhorté les États à prendre de telles mesures au niveau national afin de transférer ces avoirs à un futur fonds international d’indemnisation. Tous les avoirs de l’État russe détenus par les États membres et non membres du Conseil de l’Europe devraient être déposés dans ce fonds, dans le respect de la transparence, de l’obligation de rendre des comptes et de l’équité dans le versement des fonds qui devront être utilisés à des fins d’indemnisation et/ou de reconstruction. La question de savoir si le futur fonds d’indemnisation devrait également être créé dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe reste ouverte, même si plusieurs résolutions de l’Assemblée vont dans ce sens (voir la Résolution 2539 (2024), paragraphe 9).

3. Les principales caractéristiques du projet de convention

11. Le titre du projet de convention ne mentionne pas le Conseil de l’Europe, bien que son préambule indique qu’il s’agit d’une «convention ouverte du Conseil de l’Europe» et que son article 2 énonce que la Commission internationale des réclamations pour l’Ukraine («la Commission») est établie «en tant qu’organe indépendant dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe». Le CAHEC a précisé que, afin de donner à la convention un caractère international aussi large que possible, il avait été convenu que cette référence ne figurerait que dans le préambule, par dérogation à la pratique habituelle du Conseil de l’Europe qui inclut son nom dans le titre des conventions adoptées sous ses auspices.
12. Le préambule comprend de nombreuses références à des textes des Nations Unies, notamment la Charte des Nations Unies et les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), en particulier la Résolution ES-11/5 de l’AGNU du 14 novembre 2022, qui reconnaît la nécessité d’établir un mécanisme international de réparation des dommages, pertes ou préjudices résultant des faits internationalement illicites commis par la Fédération de Russie en Ukraine ou à l’encontre de celle-ci, et recommande la création d’un registre international des dommages. Le préambule rappelle en outre la création du registre des dommages par la Résolution CM/Res(2023)3 du Comité des Ministres, conçu comme le premier élément d’un futur mécanisme international d’indemnisation. Il note que la convention établit la Commission en tant que deuxième élément de ce mécanisme, «lequel pourra aussi comprendre un troisième élément qui prendra la forme d’un fonds d’indemnisation chargé de verser des réparations». Le préambule comprend par ailleurs un paragraphe sur le champ d’application temporelle de la convention: s’il est admis que la Commission ne sera compétente que pour traiter les dommages causés par les violations du droit international commises par la Russie le 24 février 2022 et depuis lors (voir également l’article 3.1(a)), il est précisé que «la Fédération de Russie n’est en rien exonérée de sa responsabilité pour les faits internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine le 20 février 2014 ou à partir de cette date et la possibilité d’un amendement ultérieur à la présente convention, qui en étendrait l’application temporelle à partir du 20 février 2014, n’est pas exclue» (voir également l’article 33.2). Le champ d’application temporel de la convention s’aligne ainsi sur l’application temporelle du Statut du Registre des dommages, qui se limite également aux dommages survenus après le 24 février 2022.
13. Après le chapitre I, qui comprend une disposition sur la définition des termes utilisés dans la convention (par exemple, réclamation, Commission, membre, etc.), le chapitre II énonce des dispositions générales sur l’établissement, le mandat et les fonctions de la Commission. La Commission est définie comme «un organe administratif habilité à statuer sur les réclamations pour les dommages, pertes ou préjudices causés par les faits internationalement illicites commis par la Fédération de Russie en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris par l’agression commise contre ce pays en violation de la Charte des Nations Unies, ainsi que par toute violation du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme» (article 3.1). Le mandat de la Commission porte sur les dommages causés «le 24 février 2022 ou à partir de cette date»; «sur le territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues […]» (ainsi que dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, de même qu’à tout aéronef ou navire placé sous juridiction ukrainienne); et «à toute personne physique et morale concernée, ainsi qu’à l’État ukrainien, y compris à ses autorités régionales et locales, et aux entités qui lui appartiennent ou qu’il contrôle» (article 3.1 (a), (b) et (c)). Ce champ d’application temporel, géographique et personnel est similaire à celui du Registre des dommages. La Commission aura pour fonction d’examiner et d’évaluer les réclamations, de statuer sur ces dernières et de déterminer le montant de l’indemnisation éventuelle due dans chacun des cas (article 3.2). Les décisions de la Commission sont définitives et il est entendu par tous les membres de la Commission que les décisions de cette dernière règlent de manière définitive toutes les questions factuelles et juridiques afférentes aux réclamations (articles 3.5 et 3.6).
14. Le chapitre III traite du statut juridique et du siège de la Commission. Contrairement à d’autres organes créés par les traités du Conseil de l’Europe, la Commission est dotée de la personnalité juridique internationale (article 4). Son siège est situé sur le territoire de l’une des parties à la convention (article 5), même si l’on sait déjà que les Pays-Bas, qui accueilleront la conférence diplomatique chargée d’adopter la convention et de l’ouvrir à la signature en décembre 2025, et qui hébergent par ailleurs le siège du Registre des dommages, seront très probablement son État hôte. L’article 6 oblige les membres à appliquer sur leur territoire les règles prévues par l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe (STE n° 2) en ce qui concerne la Commission et les personnes concernées.
15. Le chapitre IV décrit la structure organisationnelle de la Commission: l’Assemblée (article 7), le Comité des finances (article 8), le Conseil exécutif (article 10), les commissaires (article 11), les groupes de commissaires (article 12), le Secrétariat (article 13) et le directeur exécutif (article 14). L’Assemblée est composée de tous les membres 
			(6) 
			On
entend par «membre» tout État ou toute organisation d’intégration
régionale qui a adhéré à la Commission en devenant partie à la Convention. de la Commission. Elle assume la responsabilité globale de l’exécution du mandat de la Commission et supervise les travaux des organes de la Commission. Entre autres fonctions, elle approuve le règlement régissant les travaux de la Commission (adopté par le Conseil exécutif), élit les membres du Conseil exécutif, élit le directeur exécutif ou la directrice exécutive (en vue de sa nomination par le/la Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe), approuve la liste des candidat·es aux fonctions de commissaire, adopte le barème annuel des contributions et le budget annuel de la Commission. Elle dispose d’un pouvoir décisionnel très important qui détermine le début des travaux décisionnels de la Commission: elle autorise le directeur exécutif ou la directrice exécutive à procéder au transfert des activités du Registre des dommages à la Commission; et elle autorise le Conseil exécutif à mettre en place des groupes de commissaires et à nommer les commissaires à cette fin (article 7.4 (g) et (h)). Pour ces deux décisions, l’Assemblée prend en considération les conséquences pour les contributions annuelles des membres et la majorité requise est une majorité des deux tiers des voix exprimées, y compris les votes favorables des principaux contributeurs (article 9.2). Le Comité des finances est un organe subsidiaire de l’Assemblée qui détermine les contributions annuelles des membres et s’acquitte des tâches relatives aux questions financières. Le Conseil exécutif est composé de 9 à 15 membres issus d’une liste de membres qui ont exprimé leur intérêt à siéger dans cette instance, cette liste étant établie dans l’ordre chronologique de leur adhésion à la Commission. Il nomme les commissaires à partir de la liste de candidat·es approuvée par l’Assemblée; établit les groupes de commissaires; adopte le règlement régissant les travaux de la Commission (y compris les règles et procédures de dépôt, d’examen et d’évaluation des réclamations et celles régissant la fixation du montant de l’indemnité due dans chaque cas; les normes et exigences relatives aux preuves; l’ordre de priorité; et les règles d’évaluation des dommages); et, plus important encore, a toute autorité pour adopter ou renvoyer les recommandations de décision des groupes pour les montants des indemnités. Il convient de noter que, pour la plupart de ces décisions, si l’Ukraine ou la Fédération de Russie siègent au Conseil exécutif, elles s’abstiennent de voter (article 10.1 (d)). Les commissaires sont nommés en tenant compte de la nécessité de s’assurer de leur indépendance, de leur impartialité, de leur intégrité, de leur haute moralité, de leur expérience, de leurs compétences professionnelles et de leur multidisciplinarité, ainsi que de la nécessité de garantir une large représentation géographique et l’équilibre entre les femmes et les hommes. Ils doivent posséder une expertise dans des domaines tels que le droit international, le règlement des litiges, les finances, la comptabilité, l’assurance ou l’évaluation des dommages. Le Conseil exécutif fixe leurs conditions d’engagement, y compris leur rémunération. Les commissaires siègent dans des groupes de commissaires et chaque groupe est composé de trois commissaires. Ces groupes sont établis par le Conseil exécutif pour examiner et évaluer les réclamations et déterminer le montant des indemnités. Ils émettent des recommandations de décision pour adoption par le Conseil exécutif.
16. Le directeur exécutif ou la directrice exécutive représente la Commission et est habilité à agir en son nom. Elle ou il est responsable de la supervision et de l’administration courantes du Secrétariat et apporte un soutien fonctionnel, technique, administratif et organisationnel aux travaux de la Commission. Dès son élection par l’Assemblée, la directrice exécutive ou le directeur exécutif est nommé par le/la Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe pour un mandat de quatre ans renouvelable. Le Secrétariat possède ou se procure l’expertise nécessaire à l’exercice de ses fonctions, notamment «l’expertise suffisante du droit national concerné et la maîtrise des langues pertinentes» (article 13.3). Le Statut du personnel et les Arrêtés relatifs au personnel du Conseil de l’Europe s’appliquent au Secrétariat.
17. L’article 15 prévoit certaines garanties pour l’indépendance des commissaires, du directeur exécutif ou de la directrice exécutive et des autres membres du Secrétariat, notamment via l’adoption par le Conseil exécutif d’éventuelles règles relatives aux conflits d’intérêts.
18. Le chapitre V régit la procédure d’examen des réclamations (articles 16 à 20). Les groupes de commissaires examinent les réclamations, déterminent le montant de l’indemnisation et adressent des recommandations de décision au Conseil. Ces recommandations doivent être motivées. Une recommandation est réputée approuvée par le Conseil à moins que celui-ci ne décide, pour des raisons prévues par le Règlement, de la renvoyer au groupe, qui formule une nouvelle recommandation, le cas échéant. Dans certaines situations exceptionnelles, le Conseil peut renvoyer la recommandation d’un groupe devant un comité de révision ad hoc (composé de trois présidents de groupe) qu’il établit à cette fin. Si le Conseil n’est pas d’accord avec la nouvelle recommandation du comité de révision ad hoc, il renvoie la question à l’Assemblée, qui statue en dernier ressort. L’article 19 traite spécifiquement de la manière dont la Commission doit tenir compte des jugements ou des sentences rendus par des cours, tribunaux ou d’autres organes décisionnels. Il existe une obligation de tenir compte, le cas échéant, des jugements et sentences pertinents rendus par des juridictions ou d’autres organes juridictionnels établis en droit international. Bien que cela ne soit pas précisé, ces jugements et sentences incluent les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (pour les violations de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) survenues jusqu’au 16 septembre 2022, date à laquelle la Russie a cessé d’être un État partie), ainsi que les décisions de la Cour internationale de justice et d’autres organes des Nations Unies ou organes créés en vertu d’un traité. La Commission peut également prendre en compte les jugements et sentences pertinents rendus par des juridictions nationales. Elle prend les mesures appropriées pour garantir qu’aucun demandeur ne soit indemnisé deux fois pour la même perte, le même dommage ou le même préjudice. L’article 20 impose à la Commission l’obligation de fonctionner selon des normes procédurales appropriées, dans la transparence et dans le respect des critères les plus élevés d’indépendance, d’impartialité, d’équité et d’objectivité.
19. Les articles 21 et 22 (chapitre V) portent sur le financement et le paiement des indemnités. Compte tenu du fait que la Russie doit assumer les conséquences juridiques de toutes ses violations du droit international, elle est tenue de financer les indemnités fixées et accordées par la Commission. Les membres ne sont pas tenus de payer les indemnités accordées. L’exécution des décisions de la Commission ne peut pas être ordonnée par les tribunaux ou autres institutions judiciaires ou quasi judiciaires d’un membre, à moins que le droit national dudit membre ne le permette expressément. Bien que le projet de convention ne régisse pas le fonds d’indemnisation dans le cadre du mécanisme d’indemnisation, il n’exclut pas la possibilité de créer un fonds d’indemnisation à l’avenir. L’article 22 énonce que l’Assemblée «est habilitée à statuer sur les modalités de paiement des indemnités accordées lorsque les fonds auront été mis à disposition, y compris sur la possibilité que ce paiement soit effectué par un fonds d’indemnisation qui pourra être créé ou désigné à cette fin».
20. Le chapitre VI régit le financement de la Commission. Jusqu’à ce que la Fédération de Russie prenne en charge les coûts afférents à la Commission (si elle en devient membre), celle-ci sera financée par les contributions annuelles obligatoires des membres et par des contributions volontaires. Le chapitre VII comprend deux dispositions sur le Registre des dommages: l’article 24 traite du transfert des activités du Registre à la Commission, qui deviendra le successeur légal du Registre; et l’article 25 prévoit la poursuite des activités du Registre dans le cadre de la Commission.
21. Le chapitre VIII du projet de convention comporte des clauses finales qui ressemblent à celles que l’on trouve dans d’autres conventions ouvertes, ainsi que certaines clauses spécifiques adaptées aux particularités de cette convention. Par exemple, l’article 28 précise les conditions qui doivent être remplies pour que la Fédération de Russie puisse devenir membre de la Commission. Ainsi, la Russie devrait joindre à son instrument d’adhésion une déclaration dans laquelle elle accepterait toute sa responsabilité en droit international pour les dommages, pertes ou préjudices causés par son agression et les actes internationalement illicites en Ukraine ou contre l’Ukraine qui en dérivent, y compris ses violations du droit international humanitaire et du droit international des droits humains. Dans cette déclaration, la Russie devrait également accepter d’honorer les décisions d’indemnisation rendues par la Commission, «de mettre à disposition les moyens nécessaires pour le paiement des indemnités accordées ou d’un autre montant auquel l’Ukraine aura consenti» et de rembourser aux membres les coûts afférents à la Commission. L’article 30.3 subordonne l’entrée en vigueur de la convention à l’atteinte d’un nombre élevé de signataires – 25 ratifications (ou consentements ou approbations) – assorti de la condition selon laquelle la somme des contributions individuelles de ces signataires au budget du Registre pour 2025 couvre au moins 50 % du total du budget du Registre pour 2025. Lors des négociations, d’autres seuils avaient été discutés (jusqu’à 35 signataires) avant de trouver un compromis sur le nombre de 25. Le seuil des contributions financières minimales au budget du Registre vise à garantir la viabilité financière de la nouvelle institution, ainsi qu’à s’assurer de la participation des principaux contributeurs. L’article 33.2 évoque spécifiquement la possibilité de proposer un amendement à la convention qui étendrait son application temporelle à la période postérieure au 20 février 2014, conformément au préambule (voir plus haut). Enfin, l’article 36 régit la durée et l’abrogation de la convention en fixant une durée minimale de dix ans à compter de son entrée en vigueur et en définissant les conditions de son abrogation (par exemple, les dénonciations qui ramènent le nombre de parties en dessous du seuil d’adhésion susmentionné) et les possibilités de prolongation.

4. Évaluation du projet de convention

4.1. Une commission internationale de réclamations pour l'Ukraine: un nouveau mécanisme juridique de responsabilité et de réparation

22. Tout d’abord, la convention sera le premier traité du Conseil de l’Europe à établir un mécanisme spécifiquement chargé de statuer sur les demandes d’indemnisation individuelles résultant de violations du droit international, y compris du droit international humanitaire et du droit international des droits humains, commises dans le cadre d’un conflit armé spécifique et d’une agression contre l’un de ses États membres. La Cour européenne des droits de l’homme a une compétence générale pour connaître des violations de la Convention européenne des droits de l’homme commises sur le territoire des États membres ou dans les zones placées sous leur juridiction, y compris dans le cadre de conflits armés. Elle est donc la seule juridiction internationale à statuer sur les violations des droits humains, notamment les demandes de satisfaction équitable au titre de l’article 41 de la Convention, qui résultent de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Toutefois, étant donné que l’État responsable de ces violations a cessé d’être partie à la Convention le 16 septembre 2022 à la suite de son expulsion du Conseil de l’Europe, la compétence de la Cour se limite aux violations alléguées de la Convention par la Russie qui ont eu lieu avant cette date, comme le montre le récent arrêt du 9 juillet 2025 dans l’affaire interétatique Ukraine et Pays-Bas c. Russie. La “Commission internationale des réclamations pour l’Ukraine”, dont le mandat couvre tous les dommages causés le 24 février 2022 et à partir de cette date, comblera ainsi une lacune dans le cadre du Conseil de l’Europe et du droit international et deviendra un élément essentiel du système d’établissement des responsabilités pour l’agression de la Russie contre l’Ukraine.
23. Il s’agit d’une avancée significative non seulement pour le Conseil de l’Europe et ses États membres qui soutiennent l’Ukraine, mais aussi pour le reste des États non européens alignés sur les mêmes valeurs qui ont participé aux négociations du projet de convention et sont susceptibles de devenir membres ou observateurs de la Commission. Cet instrument constitue également une mesure importante prise par une partie de la communauté internationale pour rétablir l’ordre juridique international, que la Fédération de Russie a ouvertement violé en menant sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, le Conseil de l’Europe a non seulement mobilisé tous les instruments à sa disposition, mais il a aussi proposé et créé de nouveaux outils juridiques (par exemple, le Tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine) afin de garantir que la Russie réponde pleinement de son agression contre l’un de ses États membres. Ce faisant, le Conseil de l’Europe a démontré sa valeur ajoutée et sa capacité à innover et à adapter son action face aux menaces que l’agression russe fait peser sur l’ordre juridique international. Comme l’Assemblée l’a déjà souligné, le Conseil de l’Europe ne se contente pas d’apporter son soutien à son État membre l’Ukraine dans ses efforts pour garantir la justice, les réparations et la reconstruction, mais vise à défendre l’ordre juridique international dans son ensemble, en partant du principe que la consolidation de la paix doit être fondée sur la justice et la coopération internationale (préambule du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1)). Dans le cas de la Commission, le Conseil de l’Europe cherche à faire respecter le principe de la responsabilité des États en droit international, à savoir que les États doivent assumer les conséquences juridiques de tous leurs actes internationalement illicites, notamment en réparant intégralement les dommages causés par ces actes. Ces éléments transparaissent dans le préambule du projet de convention, qui énonce très clairement le fondement juridique sur lequel reposent l’objet et le but de la convention: l’article 2 de la Charte des Nations Unies et son interdiction de recourir à la menace ou à l’emploi de la force; les différentes résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies qui condamnent l’agression contre l’Ukraine; et les articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, qui sont largement considérés comme reflétant le droit international coutumier. L’article 3.4 du projet de convention énonce en outre que «la Commission se fonde sur le principe selon lequel la Fédération de Russie est responsable, en droit international, de la totalité des dommages, pertes ou préjudices résultant des faits internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine» 
			(7) 
			Voir aussi l’article 21:
«Les membres reconnaissent que la Fédération de Russie doit assumer
les conséquences juridiques de tous ses faits internationalement
illicites, y compris réparer le préjudice, dont tout dommage, causé
par ces faits»..
24. S’il est regrettable que le nom du Conseil de l’Europe ait disparu du titre du projet de convention, contrairement à ce qui se fait habituellement pour toutes les conventions ouvertes récentes du Conseil de l’Europe, je comprends que, comme l’a souligné le CAHEC, cette décision a été prise afin d’obtenir le soutien international et interrégional le plus large possible pour la convention. Ce choix peut également être le résultat des négociations qui se sont déroulées jusqu’à un stade très avancé en dehors du Conseil de l’Europe, avant la création du CAHEC en septembre 2025. Comme pour le Tribunal spécial pour le crime d’agression, le Conseil de l’Europe doit inciter autant de partenaires internationaux que possible à adhérer aux nouveaux instruments et organes juridiques, afin de maximiser leur légitimité internationale. Dans le même temps, il est important de veiller à ce que ces organes restent institutionnellement rattachés au Conseil de l’Europe, l’Organisation qui a pris l’initiative de réagir à l’agression en mettant en place de nouveaux mécanismes de reddition de comptes. À cet égard, je me réjouis que la convention soit présentée comme une «convention ouverte du Conseil de l’Europe» dans son préambule (bien que cela ne soit pas dans son titre) et que le cadre et les règles du Conseil de l’Europe soient mentionnés dans de nombreuses dispositions (par exemple, les articles 2, 6.2 et 6.3, 13, 14, 23, 29 et 37).
25. Il est important de noter que les demandeurs devant la Commission seront non seulement l’État ukrainien, mais aussi «toute personne physique et morale concernée» (article 3.1 (c)), quelle que soit sa nationalité. Cette applicabilité est similaire à celle du Registre des dommages existant, qui s’étend à toutes les personnes physiques et morales concernées par les dommages causés par l’agression à compter de février 2022, ainsi qu’à celle des récentes commissions internationales d’indemnisation qui permettent généralement aux particuliers d’avoir qualité pour soumettre leurs demandes d’indemnisation à l’encontre des États 
			(8) 
			<a href='https://www.biicl.org/blog/83/international-claims-commissions-balancing-state-responsibility-and-individual-rights?cookiesset=1&ts=1758965634'>«International
Claims Commissions: Balancing State Responsibility and Individual
Rights</a>» (anglais uniquement).. Cette caractéristique mérite d’être soulignée, car elle s’inscrit dans l’approche centrée sur les victimes en matière de reddition de comptes et de reconstruction préconisée par différentes parties prenantes, notamment par l’Assemblée et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe 
			(9) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/id/287150921?_com_liferay_asset_publisher_web_portlet_AssetPublisherPortlet_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_languageId=fr_FR'>«Le
Commissaire O’Flaherty appelle à placer les droits humains au cœur
des discussions sur la paix en Ukraine», Commissaire aux droits
de l’homme</a>.. Dans une organisation telle que le Conseil de l’Europe, qui repose sur la protection des droits humains individuels, il ne pouvait en être autrement.
26. En ce qui concerne la structure organisationnelle de la Commission et la procédure, je note que certains aspects sont similaires à ceux de la Commission d’indemnisation des Nations Unies, aujourd’hui disparue 
			(10) 
			Créée
en 1991 en tant qu’organe subsidiaire du Conseil de sécurité des
Nations Unies, elle avait pour mandat de traiter les demandes d’indemnisation
et de verser des compensations pour les pertes et dommages subis
directement du fait de l’invasion et de l’occupation illégales du
Koweït par l’Iraq.. Les demandes seront examinées par les groupes de commissaires, chacun composé de trois commissaires indépendants nommés par le Conseil (articles 10.2 (b), 12, 16, 17). Les recommandations adoptées par les groupes seront soumises pour approbation au Conseil, composé de 9 à 15 représentants des membres ou des parties à la convention (articles 10 et 18). Afin de garantir l’indépendance et l’impartialité du Conseil, si l’Ukraine ou la Fédération de Russie en sont membres, ces deux pays s’abstiennent de voter sur des décisions telles que la nomination des commissaires; l’adoption des règles et procédures de dépôt, d’examen et d’évaluation des réclamations et celles régissant la détermination du montant de l’indemnité due dans chaque cas; l’adoption des règles d’évaluation des dommages; et surtout, l’adoption ou le renvoi des recommandations de décision des groupes en ce qui concerne les demandes d’indemnisation (article 10.1(d)). Dans le même temps, lorsque ces deux États ne siègent pas au Conseil, ils sont invités à participer aux réunions de ce dernier et à y présenter leur position, mais sans avoir le droit de vote. Je pense qu’il s’agit là d’un bon compromis qui garantit à l’État ukrainien la possibilité de présenter sa position au sein du Conseil, que ce soit de façon générale ou sur des demandes spécifiques.
27. Bien que les procédures engagées par les demandeurs devant la Commission ne puissent être qualifiées de judiciaires et que la Commission ne soit clairement pas une juridiction (ni même un tribunal arbitral comme le Tribunal irano-américain de réclamations) 
			(11) 
			L’article 3.1 du projet
de convention définit la Commission comme un «organe administratif»., deux dispositions du projet de convention prévoient certaines garanties. L’article 20 énonce certaines normes et garanties relatives au fonctionnement et aux procédures de la Commission, telles que des critères d’indépendance, d’impartialité, d’équité, d’objectivité, de transparence, de protection des données et de confidentialité, ainsi que des garanties procédurales appropriées. L’article 15 vise à garantir l’indépendance des commissaires, ainsi que celle du directeur exécutif ou de la directrice exécutive et des autres membres du Secrétariat. En outre, l’indépendance et l’impartialité sont deux des critères requis pour la nomination des commissaires (article 11.1). Cependant, l’article 11.4 précise que «[l]es candidatures ne peuvent pas être rejetées sur la seule base de la nationalité», ce qui signifie qu’en théorie, des ressortissants ukrainiens ou russes pourraient être nommés. À ce propos, j’aurais préféré une exclusion claire des ressortissants des deux États concernés à l’instar de ce qui se faisait au sein de la Commission d’indemnisation Érythrée-Éthiopie, où chaque partie pouvait nommer deux membres, à condition que ceux-ci ne soient ni ressortissants ni résidents permanents de la partie concernée 
			(12) 
			Accord entre le Gouvernement
de l’État d’Érythrée et le Gouvernement de la République fédérale
démocratique d’Éthiopie, 12 décembre 2000, article 5.2. Voir: <a href='https://peacemaker.un.org/fr/node/9574'>«Accord
entre le Gouvernement de l’État d’Érythrée et le Gouvernement de
la République fédérale démocratique d’Éthiopie», Peacemaker</a>.. En ce qui concerne le directeur exécutif ou la directrice exécutive, rien n’est dit sur sa nationalité. Contrairement au directeur exécutif du Registre des dommages, qui devait être proposé par le Gouvernement ukrainien, dans ce cas, tous les membres sont invités à proposer des candidat·es. La présence de ressortissants ukrainiens au sein du Secrétariat peut s’avérer nécessaire pour le fonctionnement de la Commission, comme le sous-entend l’article 13.3 qui exige une «expertise suffisante du droit national concerné et la maîtrise des langues pertinentes».
28. En ce qui concerne l’entrée en vigueur et la mise en fonctionnement progressive de la Commission, le compromis atteint semble raisonnable. La double exigence de l’obtention de 25 signataires et d’un montant cumulé de contributions équivalent à au moins 50 % du budget du Registre des dommages pour 2025 (article 30.3) vise à garantir la viabilité financière de la future Commission. La compétence de l’Assemblée pour autoriser le transfert du Registre des dommages et la création de groupes/la nomination de commissaires va dans le même sens, puisqu’elle requiert une majorité des deux tiers des voix exprimées, y compris les votes favorables de tous les principaux contributeurs (article 9.2).

4.2. Préoccupations et éventuels amendements

29. Ma principale préoccupation concernant le projet de convention est qu’elle porte sur une commission internationale d’indemnisation qui aura été créée avant la cessation des hostilités et sans la participation de l’État responsable des dommages causés. Elle ne sera pas établie par un accord bilatéral entre les deux États concernés, comme l’était la Commission d’indemnisation Érythrée-Éthiopie, ni par une résolution contraignante du Conseil de sécurité adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, comme la Commission d’indemnisation des Nations Unies. La plupart, sinon la totalité, des commissions internationales d’indemnisation précédentes ont été créées après le conflit armé concerné pour déterminer les indemnités à verser après le conflit. En l’espèce, cette circonstance exceptionnelle pourrait bien limiter l’efficacité de la Commission, du moins jusqu’à ce que la situation évolue de manière significative. Si l’article 28 du projet de convention prévoit la possibilité d’une participation future de la Fédération de Russie, il semble assez irréaliste, dans le contexte actuel, d’espérer que la Russie remplisse les conditions énoncées par cette disposition. Ces conditions sont les suivantes: la Russie doit admettre, par une déclaration, sa responsabilité en vertu du droit international pour les dommages, pertes et préjudices causés par ses actes internationalement illicites en Ukraine ou contre celle-ci, y compris son agression commise en violation de la Charte des Nations Unies; et accepter d’honorer les décisions d’indemnisation rendues par la Commission et de mettre à disposition les moyens nécessaires pour le paiement des indemnités accordées («ou d’un autre montant auquel l’Ukraine aura consenti»). Un tel scénario ne semble possible que si la Russie perdait la guerre et qu’un accord de paix assorti de clauses de réparation était conclu.
30. Cette question est également nécessairement liée au financement de l’indemnisation accordée. L’article 21.1 indique qu’«il est attendu de la Fédération de Russie qu’elle finance les indemnités fixées et accordées par la Commission en vertu de la présente convention». Toutefois, cette disposition semble difficile à mettre en œuvre sans la participation de la Russie ou sans la création d’un fonds d’indemnisation à cette fin. Les commissions internationales d’indemnisation précédentes ont été mises en place en même temps que le fonds d’indemnisation (Commission d’indemnisation des Nations Unies) ou, du moins, lorsqu’il était clair que les fonds nécessaires au paiement des indemnités accordées étaient disponibles 
			(13) 
			Toutefois,
si l’on prend l’exemple de la Commission d’indemnisation Érythrée-Éthiopie,
celle-ci ne disposait pas d’un fonds centralisé spécifique pour
verser les indemnités, qui devaient être mises en œuvre par les
parties en vertu des obligations de leur accord bilatéral (Accord
d’Alger). Dans la pratique, il semble que les indemnités n’aient
été versées par aucune des deux parties.. Le projet de convention prévoit la création ultérieure d’un fonds d’indemnisation comme troisième élément du mécanisme international d’indemnisation. Ce projet est évoqué comme une possibilité dans le préambule, qui énonce que le mécanisme international d’indemnisation «pourra aussi comprendre un troisième élément qui prendra la forme d’un fonds d’indemnisation chargé de verser des réparations pour les pertes, dommages ou préjudices». Ce fonds est également mentionné à l’article 22 (modalités de paiement des indemnités accordées), qui parle d’«un fonds d’indemnisation qui pourra être créé ou désigné à cette fin». Il aurait été préférable que le fonds d’indemnisation soit déjà régi par le projet de convention, ou au moins que les parties à la convention aient l’obligation juridique de travailler sans délai à la création d’un fonds d’indemnisation, pendant la mise en place de la Commission. L’Assemblée avait initialement préconisé de réglementer le fonds d’indemnisation dans le traité fondateur du mécanisme d’indemnisation (voir la Résolution 2482 (2023)), mais dans ses dernières résolutions, elle s’est plutôt penchée sur la nécessité absolue de créer une commission d’indemnisation. Bien que je comprenne parfaitement l’approche progressive suivie par les États qui ont participé aux négociations, l’Assemblée devrait maintenant appeler à nouveau tous les États membres et les autres États participants à œuvrer à la création d’un fonds d’indemnisation afin de garantir le paiement des futures indemnités. Ce fonds pourrait être créé en partie en réaffectant les avoirs gelés de l’État russe détenus par certains de ces États, une idée que l’Assemblée a toujours défendue, sans exclure d’autres possibilités 
			(14) 
			Toutefois, selon les
dernières informations, la Commission européenne travaille sur un
projet qui vise à utiliser les avoirs russes gelés pour accorder
un prêt à l’Ukraine afin de répondre à ses besoins immédiats en
matière de reconstruction et de défense: <a href='https://www.politico.eu/article/european-commission-loan-ukraine-frozen-russian-assets/'>«Commission
proposes €140B loan to Ukraine using Russian frozen assets» – POLITICO</a>; <a href='https://www.belganewsagency.eu/belgium-sceptical-but-constructive-about-new-eu-plan-for-frozen-russian-assets'>«Belgium
‘sceptical but constructive’ about new EU plan for frozen Russian
assets»</a> (anglais uniquement). Dans ce cas, l’Ukraine ne rembourserait
le prêt qu’une fois que la Russie aurait mis fin à la guerre et
versé des réparations d’après-guerre..
31. En ce qui concerne le champ d’application temporel de la Commission, je regrette qu’elle se limite actuellement aux dommages causés par les violations du droit international commises le 24 février 2022 et à partir de cette date. Comme indiqué plus haut, l’Assemblée a toujours soutenu que l’agression russe contre l’Ukraine avait commencé en 2014 et a demandé à ce que le champ d’application temporel du Registre des dommages soit étendu de façon à inclure les dommages survenus entre février 2014 et février 2022. Je comprends que cette limitation dans le projet de convention résulte d’un compromis passé avec certains États non-membres, qui considèrent que l’agression n’a commencé qu’après février 2022, comme en témoigne leur vote sur la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies en mars 2022. Pour cette raison, et parce que la réouverture de cette question avec tous les partenaires pourrait retarder la création de la Commission, je ne proposerai pas d’amendement au projet de convention sur ce point. Toutefois, je me réjouis du fait que le préambule et l’article 33.2 du projet de convention prévoient la possibilité d’apporter un éventuel amendement à cet égard à une date ultérieure. Je propose donc d’inclure dans l’avis de l’Assemblée une invitation à tous les États membres et États non-membres qui deviendront parties à la future convention à réexaminer cette question dans un avenir proche, une fois que la Commission sera opérationnelle.
32. La question de la relation entre la Commission et les jugements ou sentences rendus par les juridictions internationales ou d’autres organes juridictionnels internationaux est complexe. L’article 19 du projet de convention impose à la Commission l’obligation de prendre en compte ces jugements et sentences, le cas échéant, ainsi que celle de veiller à ce qu’aucun demandeur ne soit indemnisé deux fois pour le même dommage. Je pense que la question de la manière dont les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs à la guerre d’agression contre l’Ukraine seront pris en compte par la future Commission mériterait une réglementation explicite et plus claire. Il existe un chevauchement entre la compétence de la Commission et celle de la Cour pour la période comprise entre le 24 février 2022 et le 16 septembre 2022. L’arrêt rendu par la Cour le 9 juillet 2025 dans l’affaire interétatique Ukraine et Pays-Bas c. Russie soulève précisément cette question dans le cadre de l’article 41 de la Convention (demandes de satisfaction équitable). La Cour, estimant que la phase d’indemnisation «ne se trouve pas en état», a brièvement mentionné le Registre des dommages/futur mécanisme d’indemnisation comme suit: «la Cour considère […] que toute indemnité qui viendrait à être allouée au gouvernement requérant ukrainien dans cette affaire au titre de l’article 41 de la Convention devrait tenir dûment compte de l’établissement du Registre des dommages et des discussions en cours concernant un futur mécanisme d’indemnisation» (paragraphe 1650 de l’arrêt). J’espère que les règles relatives à l’évaluation des réclamations et aux décisions rendues à leur sujet que la Commission adoptera par la suite préciseront la relation de ces décisions avec les arrêts rendus par la Cour et les indemnités accordées par elle, si possible après consultation de la Cour elle-même.
33. Enfin, je regrette l’absence totale de toute mention du Statut du Conseil de l’Europe ou des résolutions de l’Assemblée dans le préambule. Ce parti pris peut s’expliquer par la nécessité d’assurer une portée mondiale maximale. Toutefois, comme la convention reste une convention du Conseil de l’Europe (comme l’indique le préambule), il me paraît logique et raisonnable d’inclure une mention du Statut et des résolutions pertinentes de l’Assemblée. Je propose donc que le Comité des Ministres apporte les modifications suivantes au préambule du projet de convention:
33.1. dans le préambule, ajouter un nouveau quatrième paragraphe qui serait libellé comme suit: «Vu le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), qui souligne dans son préambule la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale»;
33.2. dans le préambule, ajouter un nouveau paragraphe avant l’actuel onzième paragraphe, qui serait libellé comme suit: «Notant que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», a appelé les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place un mécanisme international d’indemnisation, qui comprend un registre des dommages, une commission des réclamations et un fonds d’indemnisation, et qu’elle a réitéré son appel à créer une commission internationale des réclamations et un fonds international d’indemnisation dans sa Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de l’Ukraine», sa Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», et sa Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»»;

5. Conclusions

34. Le projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine marque une nouvelle étape dans les mesures générales prises par le Conseil de l’Europe pour demander des comptes à la Russie à propos de son agression contre l’Ukraine. Il s’agit également d’une conséquence logique de la création du Registre des dommages lors du sommet de Reykjavik en 2023. L’Assemblée devrait souscrire pleinement au projet de convention en vue de son adoption rapide et de son ouverture à la signature avant la fin de l’année 2025. Après la signature de l’accord bilatéral entre le Conseil de l’Europe et l’Ukraine relatif à la création du Tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine en juin 2025, la Commission des réclamations constituera un outil juridique supplémentaire pour garantir que la Russie rende compte de ses violations graves du droit international à l’encontre de l’Ukraine, et notamment qu’elle assume les conséquences juridiques et économiques de tous les dommages causés par l’agression. Dans le même temps, cet outil contribuera à faire respecter l’ordre juridique international qui est ouvertement violé depuis février 2022.
35. Idéalement, l’Assemblée aurait préféré inclure dans le projet de convention le fonds d’indemnisation et un champ d’application temporel plus large (à partir de 2014). Toutefois, certains compromis politiques ont été consentis afin d’attirer des partenaires internationaux au-delà de l’Europe et de progresser sans plus tarder vers la création de la Commission. Il serait extrêmement difficile de rouvrir ces questions avec tous les partenaires non européens à ce stade. Néanmoins, l’Assemblée devrait insister dans son avis sur l’importance de réexaminer ces questions dans un avenir proche. Si l’octroi d’indemnités est une étape importante vers la réparation et la justice, il convient ensuite de procéder à leur exécution et à leur paiement aux demandeurs individuels. Conformément aux résolutions précédentes, l’Assemblée devrait continuer à faire pression sur les États pour qu’ils trouvent des moyens de financer les indemnisations accordées tant que la Russie n’accepte pas son entière responsabilité et ne paie pas.
36. Enfin, comme la convention sera une convention du Conseil de l’Europe, l’Assemblée pourrait proposer d’ajouter dans le préambule une brève mention du Statut du Conseil de l’Europe et des résolutions pertinentes de l’Assemblée. Un tel ajout renforcerait, au lieu de l’affaiblir, le fondement juridique solide du préambule qui repose sur le droit international et les principes des Nations Unies, tout en reconnaissant le rôle de premier plan joué par l’Organisation pour demander à la Russie des comptes sur son agression de l’Ukraine.