Recueil des amendements écrits (Version finale)
- Doc. 13078
- L'état de la liberté des médias en Europe
Projet de résolution
1L’Assemblée parlementaire souligne que la liberté d’expression et d’information constitue la pierre angulaire de la bonne gouvernance et d’une démocratie florissante, ainsi qu’une obligation fondamentale pour tout Etat membre en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention»). Les Etats membres ont notamment une obligation positive, au titre des articles 2 et 10 de la Convention, de protéger les journalistes de toute atteinte à leur vie et à leur liberté d’expression et de prévenir l’impunité des auteurs d’infractions.
2L’Assemblée condamne les nombreuses attaques à l’encontre des journalistes d’investigation ainsi que les menaces proférées à l’encontre des personnes travaillant avec les médias d’investigation, comme Sergei Magnitsky, torturé et assassiné dans une prison russe en 2009. L’Assemblée invite les autorités compétentes à enquêter véritablement sur ces cas afin d’en traduire en justice les commanditaires.
3Concernant l’assassinat de Rafiq Tagi en Azerbaïdjan en 2011, l’Assemblée condamne une nouvelle fois, comme en 2007, le fait qu’une fatwa de mort ait été émise à son encontre en Iran parce qu’il avait réimprimé les caricatures de Mahomet du Jyllands-Posten dans un quotidien azerbaïdjanais. Se félicitant de l’arrestation et du jugement au Danemark, en juin 2012, d’un groupe de criminels islamistes qui avaient prévu un attentat de grande envergure contre le bureau de Copenhague du quotidien Jyllands-Posten, l’Assemblée condamne la récente fatwa de mort iranienne contre Shahin Najafi en Allemagne et souligne que les autorités des Etats membres doivent veiller à ce que le terrorisme de nature religieuse ou autre ne puisse pas menacer des vies humaines ni la liberté d’expression.
4Renvoyant aux paragraphes 4 et 5 de sa Recommandation 1897 (2010) sur le respect de la liberté des médias, l’Assemblée se réjouit que les assassins respectifs d’Ivo Pukanic et de Niko Franjic en Croatie et d’Anastasia Babourova et Stanislav Markelov en Russie, ainsi que de Hrant Dink en Turquie, aient été arrêtés et jugés par des tribunaux nationaux. Il est cependant nécessaire de mener des enquêtes supplémentaires concernant l’environnement personnel de ces assassins afin de retrouver d’éventuels collaborateurs et de lutter efficacement contre ces milieux hostiles à la liberté des médias.
5Compte tenu des nombreux meurtres et atteintes graves à l’intégrité physique de journalistes en Russie, l’Assemblée prend acte de la création, en 2011, de la Commission d’enquête de la Fédération de Russie sous la direction du Président russe. L’Assemblée exhorte cette commission à poursuivre les travaux des précédents organismes d’enquête, à publier périodiquement l’avancement de ses travaux et à créer des règles relatives à sa bonne gouvernance et à sa surveillance judiciaire. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l'homme à élaborer un rapport sur les efforts déployés par les autorités russes pour lutter efficacement contre l’impunité de fait des nombreux meurtres de journalistes et de militants des droits de l’homme en Russie.
6L’Assemblée est choquée par le nombre extrêmement élevé de journalistes emprisonnés, arrêtés ou poursuivis en Turquie pour avoir exprimé leurs opinions politiques et contribué au débat politique nécessaire dans une démocratie dynamique. Le très grand nombre de cas a un effet paralysant sur l’environnement médiatique et les journalistes turcs.
7Si elle se réjouit à l’idée que le «troisième train de réformes judiciaires» adopté par le Parlement turc le 2 juillet 2012 puisse empêcher des détentions excessivement longues à l’avenir, l’Assemblée note avec préoccupation que les détentions précédemment imposées se poursuivent et que les procès en cours se déroulent toujours devant les anciens tribunaux spéciaux. L’Assemblée demande instamment que les conclusions du rapport du 12 juillet 2011 du Commissaire aux droits de l’homme soient pleinement et immédiatement mises en œuvre par le gouvernement turc.
8La révision législative en 2008 de l’article 301 du Code pénal turc n’a pas résolu le problème et cet article peut être appliqué de manière indue à des journalistes et autres personnes, comme l’a constaté la Cour européenne des droits de l'homme dans l’affaire Altug Taner Akçam c. Turquie du 25 octobre 2011. Par conséquent, l’Assemblée invite la Turquie à abroger immédiatement l’article 301.
9L’Assemblée fait également part de sa vive inquiétude concernant le grand nombre d’enquêtes pénales ouvertes à l’encontre de journalistes en vertu des articles 285 et 288 du Code pénal turc, de l’article 6 de la loi anti-terroriste turque et de dispositions juridiques connexes, notamment pour avoir rendu compte des procès massifs relatifs à la prétendue conspiration d’«Ergenekon». Un tel nombre de cas est en soi un signe qu’il y a eu une grave violation de la liberté des médias, à la lumière également de la Recommandation Rec(2003)13 du Comité des Ministres sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales.
10Saluant les projets d’assistance et de coopération mis en place par le Conseil de l'Europe avec la Turquie à l’invitation du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, en avril 2011, l’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe à évaluer l’impact de cette action et à revoir et si possible accroître les activités de coopération dans le domaine de la liberté des médias.
11L’Assemblée prend acte des amendements apportés en mai 2012 aux lois sur les médias adoptées en Hongrie en 2010, mais regrette que ces amendements ne portent que sur un petit nombre des préoccupations soulevées par le Commissaire aux droits de l'homme dans son avis du 25 février 2011 et n’empêchent pas d’abuser de ces lois pour restreindre la liberté des médias. En conséquence, l’Assemblée demande que les conclusions du Commissaire soient pleinement mises en œuvre par le Gouvernement hongrois.
12L’Assemblée condamne la violation systématique et persistante de la liberté des médias au Bélarus et rappelle au gouvernement ses obligations au titre des articles 9, 19 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Bélarus étant candidat à l'adhésion au Conseil de l'Europe et Partie à la Convention culturelle européenne (STE no 18), l’acquis du Conseil de l'Europe, y compris la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, constitue un cadre de référence pertinent pour les autorités du Bélarus. Dans ce contexte, l’Assemblée salue la création récente par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans la République du Bélarus et invite ce rapporteur à coopérer avec les commissions compétentes de l’Assemblée.
13L’Assemblée exhorte les autorités du Bélarus à mener une véritable enquête sur la disparition du photojournaliste Dmitry Zavadsky en 2000 et la mort du fondateur du site internet d’actualités «Charte 97», Aleh Byabenine, en 2010; à libérer immédiatement Ales Bialiatski de prison et Anton Souryapine de détention; à lever les peines d’Iryna Khalip, Andrzej Poczobut, Pavel Sverdlov, Ioulia Dorochkevitch et Iryna Kozlik; à abandonner les chefs d’inculpation contre Natalya Radina, Andrzej Poczobut, Pavel Yevtikheev, Andrey Tkachev, Roman Protasevich, Oleg Shramuk et Sergei Bespalov; et à mettre fin à leur pratique consistant à émettre des avertissements administratifs aux médias et associations, dans le respect des avis du 17-18 décembre 2010 et 17-18 juin 2011 adoptés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
14La multiplication considérable des médias sur internet a fortement accru les possibilités pour chacun de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière, conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. L’Assemblée condamne la poursuite, l’arrestation et l’emprisonnement des internautes pour avoir exprimé des critiques politiques vis-à-vis du gouvernement, comme en Azerbaïdjan, en Russie et en Turquie, ainsi qu’au Bélarus.
15Se référant à sa Résolution 1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation», l’Assemblée déplore l’application excessive des lois pénales sur la diffamation en Azerbaïdjan et en Turquie, ainsi que les procédures civiles excessives en la matière en Arménie, Bulgarie et République de Moldova.
- Amendement 10
- Sous-amendement 1 à l'amendement 10
- Amendement 9
- Amendement 1
- Amendement 4
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16L’Assemblée rappelle l'importance cruciale de la liberté d'expression et d’information à travers les médias avant et pendant les élections. Par conséquent, elle invite en particulier l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Russie, la Turquie et l’Ukraine, où de récents rapports d’observation des élections ont dénoncé la partialité de l’environnement médiatique et d’autres lacunes, à prendre des mesures concrètes pour remédier à ces lacunes. Il est rappelé aux Etats membres les Recommandations CM/Rec(2007)15 et No. R (1999) 15 du Comité des Ministres sur des mesures concernant la couverture des campagnes électorales par les médias.
17L'Assemblée regrette que l'appartenance des médias ne soit pas transparente dans tous les Etats membres et leur demande de prendre les dispositions nécessaires à cette fin. Le manque de transparence est un moyen typiquement utilisé pour masquer des intérêts politiques ou commerciaux dans le contrôle des grands groupes de médias. L'Assemblée exhorte les Etats membres à prendre les mesures appropriées pour garantir la transparence et le pluralisme des médias et promouvoir des normes journalistiques.
18L'Assemblée note avec préoccupation les cas récents de collusion des médias et propriétaires de médias avec des responsables politiques et des fonctionnaires, ce qui porte atteinte à la confiance de l'opinion publique dans un gouvernement démocratique et dans l'indépendance des médias. Les responsables politiques et les fonctionnaires de l'Etat doivent éviter toute relation avec les médias pouvant conduire à un conflit d'intérêts, les lois anticorruption devraient être mises en œuvre et les médias et les journalistes devraient respecter la déontologie de leur profession. Dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de l'ouverture en 2011 par le Gouvernement britannique d'une enquête publique conduite par le Lord Justice Leveson sur les pratiques et la déontologie des médias britanniques, à la suite du scandale de corruption de la police et des écoutes téléphoniques du groupe News International.
19Malgré la multiplication des médias numériques, les services publics de radiodiffusion demeurent une source majeure d'information en Europe. L'Assemblée constate avec préoccupation les récentes informations relatives à des pressions politiques exercées sur les radiodiffuseurs publics en Bosnie-Herzégovine, Croatie, Espagne, Hongrie, Italie, Roumanie, République slovaque, Serbie et Ukraine; elle invite l'Union européenne de radio-télévision à coopérer avec le Conseil de l'Europe en la matière. Elle rappelle aux Etats membres les paragraphes 8.20 et 8.21 de sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie: les radiodiffuseurs de service public doivent être protégés des ingérences politiques dans leur administration et leur travail éditorial quotidiens; les postes de direction devraient être refusés aux personnes ayant des affiliations politiques claires; les radiodiffuseurs de service public devraient élaborer des codes internes de conduite des journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des influences politiques.
20L'Assemblée regrette que de nombreux journalistes européens travaillent dans des situations précaires résultant d'une augmentation des emplois indépendants, du manque de respect des droits sociaux et de revenus généralement peu élevés. Si la profession de journaliste s'affaiblit en raison de ces circonstances, la qualité professionnelle et l'éthique sont en danger. L’Assemblée rappelle aux Etats membres la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et invite les journalistes à faire usage de leurs droits collectifs afin d'améliorer leurs conditions de travail.
Projet de recommandation
1Faisant référence à sa Résolution … (2013) sur l'état de la liberté des médias en Europe, l’Assemblée parlementaire demande au Conseil de l'Europe dans son ensemble et aux Etats membres individuellement de redoubler d'efforts afin de protéger la liberté d'expression et d'information à travers les médias.
2L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1de renforcer son travail intergouvernemental relatif au respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5);
2.2d’adresser une invitation ouverte à la Fédération européenne des journalistes (Bruxelles), l’Association des journalistes européens (Bruxelles), l’Institut international de la presse (Vienne), Reporters sans frontières (Paris), Article 19 (Londres), PEN International (Londres) et d'autres organisations de défense de la liberté des médias intéressées à rendre compte régulièrement des violations graves de la liberté des médias au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, et de demander à ce dernier de rendre ces informations disponibles pour tous les organes compétents du Conseil de l'Europe;
2.3d’envisager la possibilité de créer une plateforme basée sur internet pour le traitement et la diffusion des informations collectées en vertu du paragraphe 2.2 ci-dessus;
2.4de coopérer avec l'Union européenne de radio-télévision pour renforcer l'indépendance politique des médias de service public en Europe;
2.5d’attribuer annuellement le Prix des médias jeunesse en tant que reconnaissance d’un journalisme de qualité sur les questions des droits de l’homme, donnant ainsi suite à l’expérience très positive du concours organisé pour ce prix en 2011;
2.6de transmettre cette recommandation et la Résolution ... (2013) sur l’état de la liberté des médias en Europe aux ministres nationaux compétents, en particulier ceux responsables des médias, de la justice et de la coopération internationale.