Recueil des amendements écrits (Version finale)
- Doc. 13293
- La sécurité nationale et l'accès à l’information
Projet de résolution
1L’Assemblée parlementaire rappelle l’importance du principe de transparence, notamment l’accès à l’information détenue par les autorités publiques, pour la démocratie et la bonne gouvernance en général, et pour la lutte contre la corruption en particulier.
2Elle note avec satisfaction que le Conseil de l’Europe a été la première organisation intergouvernementale à élaborer un instrument juridique international sur l’accès à l’information, à savoir la Convention du Conseil de l'Europe sur l'accès aux documents publics (STCE n° 205), tout en rappelant son Avis 270 (2008) sur le projet de convention dans lequel l’Assemblée avait encouragé le Comité des Ministres à améliorer le texte en vue d’assurer une transparence encore plus grande. La convention doit encore obtenir quatre ratifications pour entrer en vigueur.
3L’Assemblée considère les intérêts de sécurité nationale légitimes et clairement définis comme des raisons suffisantes pour retenir l’information détenue par les autorités publiques. En même temps, l’accès à l’information représente une composante essentielle de la sécurité nationale, en favorisant la participation démocratique, l’élaboration de politiques solides et le droit de regard du public sur l’action de l’Etat.
4Rappelant sa Résolution 1838 (2011) sur les recours abusifs au secret d’Etat et à la sécurité nationale: obstacles au contrôle parlementaire et judiciaire des violations des droits de l’homme et sa Résolution 1675 (2009) sur la situation des droits de l’homme en Europe: la nécessité d’éradiquer l’impunité, l’Assemblée souligne la nécessité de fixer des limites raisonnables à l’invocation de la sécurité nationale comme motif de restriction de l’accès à l’information.
5En particulier, l’Assemblée confirme sa position, exprimée au paragraphe 4 de sa Résolution 1838 (2011), selon laquelle des informations concernant la responsabilité d’agents de l’Etat ayant commis de graves violations des droits de l’homme, comme des assassinats, des disparitions forcées, des actes de torture ou des enlèvements ne sont pas des secrets dignes d’être protégés. Le «secret d’Etat» ne doit pas être invoqué pour soustraire de telles informations à un contrôle judiciaire ou parlementaire.
6L’Assemblée se félicite de l’adoption, le 12 juin 2013, par une large assemblée d’experts d’organisations internationales et de la société civile, d’universitaires et de praticiens de la sécurité nationale, des «Principes globaux de la sécurité nationale et du droit à l’information» (ci-après «les Principes globaux»), qui sont basés sur les normes existantes et les bonnes pratiques des Etats et des institutions internationales. Les Principes globaux visent à fournir des orientations aux législateurs et aux responsables concernés dans le monde entier en vue de parvenir à un juste équilibre entre l’intérêt public en matière de sécurité nationale et en termes d’accès à l’information.
7L’Assemblée adhère aux Principes globaux et demande aux autorités compétentes de l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe de les prendre en compte en modernisant leur législation et pratique concernant l’accès à l’information.
8L’Assemblée souhaite insister, en particulier, sur les principes suivants:
8.1En règle générale, l’ensemble des informations détenues par les autorités publiques doivent être librement accessibles; de plus, les entreprises, notamment les sociétés privées de services militaires ou de sécurité, ont la responsabilité de divulguer l’information sur des situations, activités ou pratiques dont il y a raisonnablement lieu de croire qu’elles ont un effet sur l’exercice des droits de l’homme.
8.2Les exceptions à la règle de libre accès à l’information qui sont basées sur la sécurité nationale, ou d’autres intérêts publics d’égale importance, tels que la protection des relations internationales, la santé et la sûreté ou l’environnement, ou des intérêts privés, doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique.
8.3Les limitations à la règle du libre accès à l’information, y compris la règle de la neutralité d’internet, doivent être interprétées de manière restrictive. La charge de prouver la légitimité de toute restriction incombe à l’autorité publique qui souhaite retenir l’information.
8.4Les règles sur la procédure de classification et de déclassification de l’information et la désignation des personnes autorisées à exécuter cette tâche doivent être claires et publiquement accessibles. L’information peut être retenue pour des raisons liées à la sécurité nationale uniquement pendant le temps nécessaire pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale.
8.5En tant que correctif par rapport aux exceptions trop générales, l’accès à l’information doit être accordé même s’il fait en principe l’objet d’une exception légitime, dès lors que l'intérêt général que commande la communication de cette information revêt une importance supérieure à la défense des intérêts qui conduisent l’administration à la tenir secrète. Cet intérêt général prime habituellement lorsque la publication de l’information en question:
8.5.1apporte d’importants éléments de réflexion à un débat public en cours;
8.5.2favorise la participation des citoyens au débat politique;
8.5.3fait état de graves abus, notamment de violations des droits de l’homme, d’autres infractions pénales, d’abus de fonctions publiques et de dissimulation intentionnelle d’actes répréhensibles graves;
8.5.4renforce l’obligation de rendre des comptes dans la gestion des affaires publiques en général et dans l’utilisation des fonds publics en particulier;
8.5.5présente un avantage pour la santé publique ou la sécurité publique.
8.6L’information concernant des violations graves des droits de l’homme ou du droit humanitaire ne doit en aucun cas être retenue pour des raisons de sécurité nationale.
8.7Toute personne qui signale des abus dans l’intérêt général (donneur d’alerte) doit être protégée de tout type de représailles, dans la mesure où il ou elle a agi de bonne foi et a suivi les procédures applicables.
8.8Les demandes d’accès à l’information doivent être traitées dans un délai raisonnable. Les décisions de refuser l’accès doivent être dûment motivées, susceptibles de recours devant un organisme indépendant et soumises en dernier ressort à un contrôle juridictionnel. Dès réception d’une demande d’information, une autorité publique doit en principe confirmer ou infirmer qu’elle détient l’information demandée.
8.9Les instances publiques de surveillance chargées de contrôler les activités des services de sécurité doivent être indépendantes du pouvoir exécutif et disposer de compétences pertinentes, de solides pouvoirs d’investigation et du plein accès aux informations protégées.
9L’Assemblée encourage tous les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics et à la mettre en œuvre et, en temps utile, à l’améliorer dans l’esprit des Principes globaux.
Projet de recommandation
1L’Assemblée se réfère à sa Résolution ... (2013) sur la sécurité nationale et l’accès à l’information et invite le Comité des Ministres:
1.1à étudier les moyens de promouvoir l’entrée en vigueur et la mise en œuvre rapide de la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics (STCE n° 205);
1.2à revoir les politiques du Conseil de l’Europe concernant l’accès à l’information et la classification et déclassification des documents au regard de la résolution de l’Assemblée;
1.3à encourager les Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre en considération les «Principes globaux de la sécurité nationale et du droit à l’information», adoptés le 12 juin 2013 par une assemblée d’experts d’organisations internationales et de la société civile, d’universitaires et de praticiens de la sécurité nationale, en particulier concernant les points mis en avant dans la résolution ci-dessus mentionnée, en modernisant leur législation et leur pratique.