Recueil des amendements écrits (Version finale)
- Doc. 15029
- Tourisme pour la transplantation d'organes
Projet de résolution
1Le tourisme pour la transplantation d’organes est l’une des activités illégales la plus lucrative à l’échelle mondiale et de ce fait extrêmement difficile à éradiquer. La raison est que la transplantation d’organe est le meilleur traitement, et souvent le seul, qui permette de sauver la vie de patients atteints d’une défaillance organique en phase terminale. Pendant que le nombre de transplantations réalisées dans le monde n’a cessé d’augmenter, les besoins en greffons sont également à la hausse. La demande est nettement supérieure à l’offre.
2Le décalage entre l’offre et la demande d’organes amène certains patients à tenter d’acheter un organe obtenu de façon illicite, souvent en se rendant à l’étranger pour acheter un organe dans les États où l’interdiction de commercialisation est peu appliquée ou dont la législation en matière de transplantation présente des lacunes. Cette pratique a été systématiquement et unanimement condamnée par le Conseil de l’Europe, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et des organisations professionnelles comme l’Association médicale mondiale et la Société de transplantation.
3La Déclaration d’Istanbul définit le «tourisme de transplantation» comme un voyage pour transplantation impliquant: le trafic de personnes en vue de prélèvements d’organes; le trafic d’organes; ou lorsque des ressources (organes, professionnels et centres de transplantation) dédiées à fournir des greffons à des patients non-résidents empêchent les pays de fournir des greffons à sa propre population.
4Au niveau international et européen, des conventions très largement ratifiées et assorties de mécanismes de suivi efficaces sont en vigueur, qui luttent contre la traite des êtres humains y compris à des fins de prélèvement d’organes. Le Conseil de l’Europe a également élaboré la Convention contre le trafic d’organes humains (STCE n° 216, 2015), qui constitue le seul cadre international de droit pénal pour la lutte contre le trafic d’organes. Elle est entrée en vigueur le 1er mars 2018 mais a, pour le moment, été uniquement ratifiée par neuf États membres et son Comité des parties doit encore être mis en place. Les conventions précitées ne visent pas expressément l’utilisation des ressources en matière de transplantation qui diminue la capacité du pays à fournir des greffons à sa propre population. La Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (STE n° 164) et son Protocole additionnel relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine (STE n° 186) posent pour principe que le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit.
5Malheureusement, malgré ce solide cadre juridique, le tourisme pour la transplantation d’organes subsiste, y compris en Europe et en Chine, bien qu’on n’en connaisse mal l’étendue. Le tourisme pour la transplantation d’organes peut impliquer l’utilisation d’organes provenant de personnes décédées (qui peuvent ne pas avoir donné leur consentement, comme dans le cas de prisonniers exécutés en Chine, ou dont les organes, correctement donnés au départ, ont été détournés par la suite par des médecins vers des patients qui ne sont pas aptes à les recevoir dans le cadre de programmes nationaux ou vers des établissements au service des «touristes pour transplantation») ou, dans la forme la plus répandue et ignoble, de personnes vivantes. Les vendeurs d’organes proviennent souvent des couches les plus pauvres de la société (y compris les migrants et les réfugiés). Généralement, ils coopèrent uniquement en raison de leur situation financière désespérée et parce qu’ils sont trompés sur la nature de l’intervention chirurgicale et les conséquences du renoncement à un organe. Les rapports médicaux établis sur l’état de santé des touristes transplantés à leur retour, soulignent que ce tourisme est aussi, bien souvent, préjudiciable aux intérêts des receveurs, de leur famille et de la collectivité. Si l’on ajoute les sacrifices financiers qu’ils doivent consentir pour obtenir un organe, les touristes aux fins d’une transplantation courent, par conséquent, un risque réel d’être eux-mêmes exploités et de souffrir de conséquences graves pour leur santé. Les seuls profits réalisés sont ceux des professionnels de santé corrompus, des intermédiaires et autres délinquants. Mais ces profits sont énormes et le risque de sanction est bien souvent faible.
6Adopter une approche globale s’impose pour résoudre le problème du tourisme pour la transplantation d’organes. À la base, il convient de combler l’écart entre l’offre et la demande, face à des personnes en attente d’organes désespérées dont le nombre ne fera que croître à l’avenir.
7L’Assemblée parlementaire recommande, par conséquent, aux États membres du Conseil de l’Europe:
7.1de signer, de ratifier et de mettre en œuvre l’ensemble des conventions internationales et des conventions du Conseil de l’Europe pertinentes: le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants; la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine et son Protocole additionnel relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine; la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n°197) et la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic des organes humains;
7.2d’élaborer et d’améliorer les programmes de transplantation existants conformément aux exemples de bonnes pratiques, grâce à un enseignement et à une formation professionnels et à une collaboration entre les pays, en vue d’assurer l’autosuffisance nationale en termes de don et de greffe d’organes: cela peut passer par la mise en place et le financement d’organisations nationales de transplantation, la formation de professionnels en soins intensifs en ce qui concerne les dons post-mortem de manière à détecter le plus grand nombre possible de donneurs éventuels d’organes, la nomination de coordinateurs de transplantation dans chaque hôpital doté d’une unité de soins intensifs, ainsi que par l’élaboration et l’optimisation de programmes de dons provenant de donneurs vivants et conformes à l’éthique;
7.3d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de prévention centrées sur la population, afin de prévenir (et de traiter) en premier lieu les défaillances organiques en promouvant, par exemple, un mode de vie sain et en assurant la prestation de soins de santé universels;
7.4d’améliorer le contrôle des transplantations grâce à des initiatives intergouvernementales en Europe et dans le monde, en mettant en place des mécanismes globaux de traçabilité des donneurs et des receveurs, notamment à l’échelle transnationale; en consignant les informations relatives aux activités de transplantation transnationales, y compris en rejoignant le Réseau international de points de contact nationaux pour les voyages aux fins d’une transplantation et en fournissant des informations à la base de données internationale sur le voyage en vue d’une transplantation; en veillant au respect des systèmes d’orientation internationaux avant tout voyage effectué à des fins de transplantation, ainsi qu’en informant les professionnels de santé, de justice et autres du rôle qu’ils ont à jouer en matière de détection, de prévention du tourisme pour transplantation et de lutte contre ce phénomène et en les formant en ce sens;
7.5de lutter efficacement contre la traite des êtres humains à des fins de prélèvement d’organes et de trafic d’organes, notamment par une coopération transnationale et internationale, tout en veillant à ce que les victimes bénéficient d’une protection, d’une indemnisation et d’une assistance adéquates (comme le prévoient notamment les conventions sur la lutte contre la traite des êtres humains et contre le trafic d’organes humains), y compris en comblant les lacunes juridiques et en introduisant des sanctions légales dissuasives, en étendant la collaboration entre les organes de contrôle, les organisations professionnelles et les services répressifs, et en renforçant les partenariats entre les acteurs mondiaux (par exemple, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’OMS et Interpol), les acteurs régionaux (par exemple, le Conseil de l’Europe, OSCE, Europol, Eurojust), les acteurs professionnels (l’Association médicale mondiale, la Société de transplantation, la Société internationale de néphrologie), les ONG et autres (par exemple, le Groupe des dépositaires de la Déclaration d’Istanbul).
8À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée affirme qu’il y a un besoin urgent de renforcer le rôle des parlements nationaux dans la lutte contre le tourisme pour la transplantation d’organes. Elle les invite à promouvoir la sensibilisation du public, à adopter les lois pertinentes et à ratifier les instruments juridiques internationaux qui s’imposent, et suivre leur mise en œuvre effective.
9Compte tenu de la dimension mondiale du phénomène du tourisme pour la transplantation d’organes, l’Assemblée invite tous les États désireux de s’associer à cette lutte, mais plus particulièrement les États observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont les parlements jouissent du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée, à faire de même et, en particulier, à adhérer aux conventions pertinentes du Conseil de l’Europe qui leur sont ouvertes.
10Finalement, l’Assemblée recommande que les États parties fassent preuve d’une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec le «China Organ Transplant Response System» (Système de réponse des greffes d'organes en Chine) et la Croix- Rouge chinoise, à la lumière d’une étude récente qui jette le doute sur la crédibilité de la réforme du système chinois de transplantation d’organes.