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Recommandation 1908 (2010) Version finale
Le lobbying dans une société démocratique (code européen de bonne conduite en matière de lobbying)
1. L’Assemblée parlementaire constate
que, durant ces dernières décennies, les activités de différents groupes
d’intérêt ont été en augmentation constante. Ce phénomène est avéré
aussi bien au niveau des Etats membres du Conseil de l’Europe qu’à
celui des institutions européennes. Par ailleurs, avec le processus d’unification
et l’élargissement de l’Union européenne, on a également pu constater
une forte augmentation et concentration des activités de lobbying
tant à Bruxelles qu’à Strasbourg. Aujourd’hui, on estime que plus
de 15 000 groupes d’intérêt travaillent à Bruxelles dont plus de
2 600 y disposent de bureaux permanents et mènent des activités
de lobbying auprès des institutions de l’Union européenne.
2. L’Assemblée est convaincue que le pluralisme des intérêts
est une caractéristique importante de la démocratie et qu’il est
parfaitement légitime que des membres de la société s’organisent
et fassent progresser leurs causes. Cependant, le lobbying non réglementé
et occulte, en tant que tel, peut miner les principes démocratiques
et la bonne gouvernance. Dans une démocratie, les intérêts de tous
devraient être dûment pris en compte et tous les citoyens devraient
avoir un même accès à la justice et à la prise de décision.
3. L’Assemblée constate que très peu d’Etats membres du Conseil
de l’Europe ont, d’une manière ou d’une autre, réglementé les activités
de lobbying. Ainsi, les études montrent que, parmi les 14 pays où
les activités de lobbying ont été réglementées ou examinées par
les parlements, seulement quatre pays européens ont voté une loi
en la matière.
4. L’Assemblée est préoccupée par le fait que dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe aux traditions démocratiques peu
enracinées, où l’absence de vrais contrepoids et de mécanismes de
contrôle exercés par la société civile constitue un danger, une
telle situation peut saper les principes démocratiques et la bonne
gouvernance.
5. L’Assemblée se félicite du fait que le Parlement européen
soit la première institution européenne à avoir réglementé les activités
de lobbying la concernant. Un registre du lobbying a été instauré,
ainsi qu’un code de déontologie que les lobbyistes doivent respecter.
L’ouverture par la Commission européenne du premier registre des
lobbyistes européens le 23 juin 2008 constitue, de plus, un pas
important car il permet de normaliser ces activités au niveau européen,
de renforcer la culture de dialogue et de consultation, d’augmenter
la transparence et également, à terme, d’améliorer l’image négative
des lobbyistes dans l’opinion publique.
6. L’Assemblée constate que les Etats-Unis et le Canada ont tous
deux réglementé les activités de lobbying. Elle considère que l’expérience
législative de ces deux pays en la matière, ainsi que les problèmes résultant
de la mise en œuvre de leur législation pourraient inspirer les
Etats membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, il n’existe pas
de réponses identiques à toutes les interrogations concernant les
activités de lobbying.
7. L’Assemblée rappelle ses recommandations et résolutions concernant
le rôle des parlements dansla lutte
contre la corruption (Résolution
1214 (2000)), le financement des partis politiques (Recommandation 1516 (2001)),
la bonne conduite en matière électorale et concernant les partis
politiques (Résolution
1264 (2001) et Résolution
1546 (2007)), l’éthique d’entreprise en Europe (Résolution 1392 (2004)),
le conflit d’intérêts (Résolution
1554 (2007)) et la situation de la démocratie et des
droits de l’homme en Europe (Résolution
1547 (2007) et Recommandation
1791 (2007)), textes auxquels viennent s’ajouter une
série de rapports de l’Assemblée sur les Etats membres, au titre
de la procédure de suivi de leurs obligations et engagements.
8. L’Assemblée note avec une certaine préoccupation que ces dernières
décennies témoignent d’une chute de confiance dramatique des citoyens
vis-à-vis de la politique dans un grand nombre d’Etats membres du
Conseil de l’Europe. Le manque de transparence dans les activités
de lobbying politique et économique peut être considéré comme l’une
des causes de ce phénomène.
9. L’Assemblée est convaincue que, dans une société démocratique,
les citoyens ont le droit de savoir quelles sont les organisations
de lobbying qui influencent les décisions des acteurs politiques
et économiques, et les votes des parlementaires. Par conséquent,
une plus grande transparence dans les activités de lobbying peut
responsabiliser davantage encore les acteurs politiques et économiques,
et restaurer la confiance des citoyens dans le fonctionnement démocratique
des pouvoirs publics.
10. Les citoyens considèrent l’accès aux décideurs politiques
afin de les informer et d’essayer d’influencer leurs décisions comme
un de leurs droits démocratiques. Encore faut-il que cet accès ou
cette possibilité de lobbying soit équitable, transparent(e) et
conforme aux règles démocratiques. Si les citoyens ont le sentiment de
ne pas pouvoir réellement influencer les décideurs politiques, la
démocratie peut être fragilisée.
11. Compte tenu de l’importance des activités des différents groupes
d’intérêt dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée
recommande que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe élabore
un code européen de bonne conduite en matière de lobbying fondé
sur les principes suivants:
11.1. les
activités de lobbying devraient être définies très clairement, en
faisant une distinction entre les activités professionnelles rémunérées
et les activités des organisations de la société civile, sans oublier
les entités qui pratiquent l’autorégulation dans différents secteurs
économiques;
11.2. la transparence dans les activités de lobbying devrait
être renforcée;
11.3. des normes applicables aux responsables politiques, aux
fonctionnaires, aux membres des groupes de pression et aux entreprises
devraient être établies, y compris le principe des conflits d’intérêts
potentiels et la durée de la période, après la fin de mandat, durant
laquelle il est interdit d’exercer des activités de lobbying;
11.4. les entités impliquées dans les activités de lobbying
devraient s’enregistrer;
11.5. les organisations de lobbyistes devraient être préalablement
consultées sur tout projet de texte de loi en la matière;
11.6. des activités de lobbying bien définies, transparentes
et honnêtes devraient être encouragées afin de valoriser l’image
des personnes impliquées dans les activités de lobbying.