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Rapport | Doc. 11841 | 24 février 2009

La situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Holger HAIBACH, Allemagne

Origine - Renvoi en commission: Doc. 10985, Renvoi n° 3281 du 6 octobre 2006. 2009 - Deuxième partie de session

Résumé

Les défenseurs des droits de l’homme sont souvent confrontés à des obstacles. Dans les cas les plus extrêmes, ils sont enlevés et maltraités et certains sont même assassinés.

Toute violation de leurs droits est inacceptable et doit être fermement condamnée. Ils sont une source d’inspiration et méritent soutien et protection afin de pouvoir poursuivre leur lutte en faveur des droits de l’homme sans avoir à craindre agressions ou représailles.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe, et en particulier leurs parlements, sont exhortés à respecter leur obligation de protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur travail. Ils sont également appelés à protéger ceux d’entre eux exposés à un danger imminent dans des pays tiers, par exemple en délivrant des visas d’urgence ou en mettant en place des programmes d’assistance.

Par ailleurs, l’Assemblée devrait soutenir pleinement le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, spécifiquement mandaté pour protéger les défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et pour intervenir dans les situations graves. L’Assemblée, en étroite coordination avec le Commissaire, devrait rester saisie de cette question et renforcer son soutien aux défenseurs des droits de l’homme, notamment en décernant son nouveau prix annuel des droits de l’homme, en associant les défenseurs des droits de l’homme à ses travaux et, le cas échéant, en utilisant les mécanismes de la diplomatie parlementaire.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire salue l’inestimable contribution que les défenseurs des droits de l’homme apportent à la protection des droits de l’homme, à l’état de droit, à la démocratie, ainsi qu’à la prévention des conflits, parfois au risque de leur propre sécurité.
2. L’Assemblée considère comme défenseurs des droits de l’homme toutes les personnes qui, individuellement ou en association avec d’autres, agissent pour promouvoir et protéger les droits de l’homme. Ce sont leurs activités de défense des droits de l’homme qui font d’eux des défenseurs des droits de l’homme.
3. Les Etats ont l’obligation et la responsabilité de protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur travail en créant un environnement favorable et, si nécessaire, en établissant des mécanismes de protection afin de préserver l’intégrité physique des défenseurs exposés à des menaces spécifiques. Les parlementaires ont une responsabilité essentielle en la matière, qui est de façonner de manière appropriée le contexte politique et l’environnement de travail des défenseurs des droits de l’homme et de suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme.
4. Dans nombre de pays, les défenseurs des droits de l’homme sont en général bien protégés en droit et en pratique. L’Assemblée déplore toutefois que, dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe, les défenseurs des droits de l’homme doivent parfois faire face à un environnement difficile et à de nombreux obstacles et restrictions. Il peut s’agir de violences physiques, mais aussi de mesures plus subtiles et plus insidieuses, telles que des obstacles administratifs. Dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, les défenseurs font l’objet de campagnes de diffamation visant à les discréditer ou sont accusés d’être de mauvais patriotes, des traîtres, des «espions» ou des «extrémistes». Dans les cas les plus extrêmes, les défenseurs des droits de l’homme reçoivent des menaces de mort, sont enlevés, sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires, de procès inéquitables et sont maltraités, voire assassinés. Dans certains cas, leur entourage familial et professionnel est aussi visé.
5. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation des défenseurs des droits de l’homme qui sont les plus exposés aux attaques et aux exactions en raison de leur identité et/ou parce qu’ils travaillent sur des questions «impopulaires» ou sensibles. Les défenseurs particulièrement menacés sont ceux qui luttent contre l’impunité des crimes graves et contre la corruption, ainsi que ceux qui travaillent sur les droits économiques, sociaux ou culturels, sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et sur les droits des migrants et des minorités nationales ou ethniques. Les femmes défenseurs des droits de l’homme sont aussi confrontées à des menaces et à des obstacles spécifiques. La situation des défenseurs des droits de l’homme est particulièrement critique dans le Caucase, où certains subissent une répression violente, qui peut prendre la forme d’assassinats, d’enlèvements et d’arrestations ou de détentions arbitraires.
6. L’Assemblée estime que toutes les attaques contre des défenseurs des droits de l’homme et toutes les violations de leurs droits dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, qu’elles soient perpétrées par des acteurs étatiques ou autres, sont inacceptables et doivent être fermement condamnées. Elle souligne que la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association, qui sont d’une importance cruciale pour le travail des défenseurs des droits de l’homme, sont des droits fondamentaux protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
7. L’Assemblée rappelle la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée en 1998 par l’Assemblée générale des Nations Unies, et elle salue la mise en place récente, par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE, du point focal pour les défenseurs des droits de l’homme, et les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme.
8. L’Assemblée demande instamment au Conseil de l’Europe, le principal gardien des droits de l’homme en Europe, qui dispose d’une panoplie unique d’instruments et d’organes dans le domaine des droits de l’homme, de renforcer encore sa contribution à la protection des défenseurs des droits de l’homme et de leur travail, tant dans une perspective à long terme que dans des cas spécifiques nécessitant une action urgente.
9. Par conséquent, l’Assemblée se félicite vivement de la déclaration adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 6 février 2008 qui invite le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à renforcer le rôle et la compétence de son Bureau afin d’assurer une protection forte et efficace des défenseurs des droits de l’homme, et à intervenir dans les situations graves dans lesquelles des mesures d’urgence s’imposent. La déclaration appelle aussi les autres instances du Conseil de l’Europe à être particulièrement attentive aux questions relatives aux défenseurs des droits de l’homme.
10. Etant donné que les parlementaires ont une responsabilité primordiale dans la mise en place d’un environnement favorable aux défenseurs des droits de l’homme, l’Assemblée envisage de renforcer son soutien aux défenseurs des droits de l’homme sur l’ensemble du continent, afin de compléter – sans faire double emploi – le rôle du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. A cet égard, l’Assemblée rappelle qu’elle a mis en place récemment un prix des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire pour récompenser chaque année une contribution exceptionnelle de la société civile à la défense des droits de l’homme en Europe.
11. Enfin, l’Assemblée souligne qu’une large gamme de mesures de protection constitue souvent le moyen le plus efficace de garantir une protection adéquate aux défenseurs des droits de l’homme. Ces mesures doivent impliquer les autorités politiques et judiciaires, les structures nationales consacrées aux droits de l’homme, les défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes et leurs réseaux, les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, la communauté diplomatique ainsi que les médias.
12. Dans ce contexte, l’Assemblée exhorte les Etats membres:
12.1. à mettre pleinement en œuvre les dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits de l’homme, telles qu’elles sont interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment le droit à la vie, la protection contre l’arrestation et la détention arbitraires et contre la torture et les mauvais traitements, la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif;
12.2. à mettre pleinement en œuvre les déclarations des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme, qui appellent à créer un environnement favorable à leur travail et à les protéger et à promouvoir leur action, y compris par les moyens suivants:
12.2.1. soutenir leurs activités publiquement et fermement, et garantir en toutes circonstances leur intégrité physique et psychologique;
12.2.2. condamner promptement et fermement, au plus haut niveau, les menaces et les attaques dirigées contre des défenseurs des droits de l’homme, leurs organisations et/ou leurs proches, faire cesser ces pratiques inacceptables et veiller à ce que les forces de l’ordre mènent des enquêtes effectives, impartiales et transparentes et poursuivent les auteurs de ces pratiques;
12.2.3. garantir aux défenseurs des droits de l’homme un accès effectif aux mécanismes de protection internationaux, en particulier à la Cour européenne des droits de l’homme.
13. L’Assemblée appelle également les Etats membres:
13.1. à mettre en place des infrastructures et des programmes d’assistance appropriés pour les défenseurs des droits de l’homme menacés;
13.2. à établir des programmes de visas humanitaires ou prendre toute autre mesure appropriée pour les défenseurs des droits de l’homme exposés à un danger imminent ou ayant besoin d’un répit parce qu’ils sont soumis à une persécution constante dans des pays tiers, ou du moins à leur faciliter la délivrance de visas d’urgence dans ces situations;
13.3. à exploiter pleinement, s’ils sont membres de l’Union européenne, les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme dans les pays tiers, et à appliquer les principes contenus dans ces orientations sur leur propre territoire.
14. Plus particulièrement, l’Assemblée appelle les parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre, au niveau parlementaire, les déclarations de l’ONU et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme; les parlements devraient notamment veiller à ce que la législation relative aux défenseurs et à leur travail soit en conformité avec les normes internationales;
14.2. à adopter des textes non législatifs sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, dans lesquels il serait notamment demandé au gouvernement de renforcer la protection des défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de sa politique intérieure et de sa politique étrangère, et à procéder à l’examen minutieux des politiques et mesures gouvernementales concernant les défenseurs des droits de l’homme;
14.3. à développer et maintenir des contacts réguliers avec les défenseurs des droits de l’homme;
14.4. à promouvoir auprès du public le travail des défenseurs des droits de l’homme, en organisant des auditions et des débats parlementaires et en décernant des prix aux défenseurs des droits de l’homme;
14.5. à soutenir les mesures d’assistance et de protection destinées aux défenseurs des droits de l’homme menacés, telles que la délivrance de visas d’urgence, l’observation de procès et la participation à des réseaux de parlementaires soutenant les défenseurs des droits de l’homme;
14.6. à faire mieux connaître les mécanismes de protection existants, y compris les déclarations des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme, et en particulier le nouveau mandat du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe;
14.7. à assurer le suivi du travail du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme;
14.8. à faire de la situation des défenseurs des droits de l’homme l’un des principaux thèmes des réunions parlementaires internationales, telles que la réunion annuelle des commissions des droits de l’homme des parlements des Etats membres de l’Union européenne.
15. L’Assemblée rend hommage à l’action du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en faveur des défenseurs des droits de l’homme et l’invite:
15.1. à mettre pleinement en œuvre son mandat renforcé concernant le soutien et la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ce qui suppose de mener des activités de suivi et d’information, d’intervenir dans les situations d’urgence où des défenseurs des droits de l’homme sont en danger, de sensibiliser le public et de créer des réseaux, ainsi que d’assurer la coopération et la coordination avec les partenaires et acteurs clés;
15.2. à reconnaître et exploiter pleinement la contribution spécifique de l’Assemblée et de la diplomatie parlementaire, à la fois dans une perspective à long terme, pour améliorer les conditions de travail des défenseurs des droits de l’homme, et dans les situations graves dans lesquelles des mesures d’urgence s’imposent.
16. L’Assemblée décide également:
16.1. de soutenir pleinement le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans les efforts qu’il déploie pour s’acquitter de son mandat renforcé;
16.2. de rester saisie de la question, en étroite coordination avec le Commissaire aux droits de l’homme, afin de compléter et de renforcer l’action de ce dernier dans ce domaine;
16.3. de continuer à soutenir le développement de sociétés civiles dynamiques et le travail des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment en décernant le nouveau prix annuel des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire, en associant les défenseurs des droits de l’homme à ses travaux et, le cas échéant, en utilisant le mécanisme de la diplomatie parlementaire.

B. Projet de recommandation

(open)
1. Renvoyant à sa Résolution … (2009) sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire félicite le Comité des Ministres d’avoir élaboré promptement sa Déclaration sur l’action du Conseil de l’Europe pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme, adoptée le 6 février 2008. Elle note avec satisfaction que le Comité des Ministres a décidé de suivre la question en vue de mesures supplémentaires du Conseil de l’Europe dans ce domaine.
2. L’Assemblée salue également l’adoption par le Comité des Ministres, le 10 octobre 2007, de la Recommandation sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe, et la création ultérieure d’un Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG par la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe, qui dispose d’une gamme complète d’instruments et d’organes dans le domaine des droits de l’homme, devrait renforcer encore sa contribution à la protection des défenseurs des droits de l’homme et de leur travail, tant dans une perspective à long terme que dans des cas spécifiques nécessitant une action urgente.
4. L’Assemblée se félicite du mandat renforcé confié au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection et du soutien des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, et soutient pleinement les efforts qu’il déploie pour s’acquitter de ce mandat. L’Assemblée est également prête à jouer un rôle actif, à coopérer avec le Commissaire et à l’aider dans cette tâche le cas échéant.
5. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
5.1. d’appeler tous les Etats membres à donner dûment suite aux questions soulevées dans la Résolution … (2009), notamment à celles qui concernent la délivrance de visas d’urgence ou toute autre mesure appropriée de soutien et de protection des défenseurs des droits de l’homme qui sont menacés ou se trouvent dans une situation nécessitant une action urgente;
5.2. de continuer à apporter le soutien politique nécessaire à l’institution du Commissaire aux droits de l’homme et de mettre à sa disposition les ressources nécessaires;
5.3. de donner dûment suite à l’action du Commissaire aux droits de l’homme et d’autres mécanismes de protection pertinents qui ont été invoqués avec succès par des défenseurs des droits de l’homme;
5.4. d’intensifier ses propres efforts visant à éradiquer les violations des droits des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, en particulier les violations les plus graves, telles que les assassinats, les enlèvements, les arrestations et les détentions arbitraires, les procès inéquitables et les mauvais traitements, et à mettre fin à l’impunité de ces violations;
5.5. de mettre davantage l’accent sur les défenseurs des droits de l’homme dans le cadre des activités de sensibilisation et de formation aux droits de l’homme menées par le Conseil de l’Europe, notamment celles qui concernent les forces de l’ordre et les médias;
5.6. de continuer à soutenir la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe et le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG, et de donner des suites concrètes à leurs travaux et conclusions;
5.7. de prêter une attention accrue à la question des défenseurs des droits de l’homme et au rôle du Conseil de l’Europe en matière de promotion et de protection de ces défenseurs dans ses relations avec d’autres organisations intergouvernementales.

C. Exposé des motifs par M. Holger Haibach, rapporteur

(open)

1. Introduction

«Les défenseurs des droits de l’homme, parce qu’ils témoignent d’un véritable engagement en faveur des idéaux des droits de l’homme et des droits de la femme et se montrent prêts à certains sacrifices personnels pour la réalisation de ces buts, sont une source d’inspiration et méritent soutien, sécurité et protection afin de pouvoir poursuivre leur lutte en faveur des droits de l’homme sans avoir à craindre agressions ou représailles» 
			(1) 
			Front Line lors de l’audition organisée
par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
de l’Assemblée parlementaire le 17 avril 2008.

1. Les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle essentiel dans l’instauration et le renforcement de l’état de droit, de la démocratie et de la protection des droits de l’homme, ainsi que dans la prévention des conflits. Malheureusement, dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe (CdE), ils sont parfois confrontés à un environnement difficile et sont devenus la cible d’une répression multiforme.
2. Le présent rapport, issu d’une proposition de résolution 
			(2) 
			Doc. 10985 de l’Assemblée parlementaire présentée par M. Txueka et plusieurs de ses collègues, a pour but d’examiner les défis et les difficultés rencontrés par les défenseurs des droits de l’homme et d’identifier les mesures concrètes que le CdE, et en particulier l’Assemblée parlementaire, pourraient prendre pour les soutenir et les protéger.
3. Afin de mieux cerner, à l’aide de témoignages directs, les problèmes et les risques que rencontrent les défenseurs des droits de l’homme sur le terrain et de recueillir l’avis des personnes directement concernées sur les mesures éventuelles pour améliorer, le cas échéant, la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du CdE, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a organisé le 17 avril 2008 un échange de vues («audition») au sujet des défenseurs des droits de l’homme avec la participation de:
  • Mme Rachel Denber, Human Rights Watch (HRW), directrice adjointe de la Division Europe et Asie centrale;
  • Mme Ekaterina Sokirianskaya, Centre «Mémorial» des droits de l’homme, chef du Bureau de Grozny (Fédération de Russie);
  • Mme Caitriona Rice, Front Line – Fondation internationale pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, coordinatrice des activités de protection / chercheuse;
  • Mme Delphine Reculeau, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, FIDH/OMCT, coordinatrice;
  • M. Johannes Heiler, Amnesty International, conseiller;
  • M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
4. Pour prolonger l’audition de la commission, Amnesty International a organisé le même jour une Table ronde, que j’ai parrainée en tant que rapporteur, avec un groupe élargi de défenseurs des droits de l’homme.
5. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, j’ai aussi participé à un colloque sur les défenseurs des droits de l’homme organisé par le CdE en novembre 2006 et, plus récemment, à une table ronde organisée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe les 3 et 4 novembre 2008 avec des défenseurs de tout le continent. Cette table ronde a été une excellente occasion de recueillir des informations récentes auprès des défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes et de discuter de leurs besoins, ainsi que des actions de soutien qui pourraient être menées par le CdE.
6. Compte tenu du rôle essentiel attribué au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe par la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en février 2008, le présent rapport examine quelle pourrait être la plus-value qui pourrait résulter d’une implication parlementaire à cet égard ainsi que les moyens les mieux à même de développer les synergies dans le cadre d’un mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme opérationnel et permanent.

2. Qu’est-ce qu’un défenseur des droits de l’homme? 
			(3) 
			Se reporter à la Fiche
d’information n° 29 de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme
(2007).

7. Selon la déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, l’expression sert à désigner les personnes qui, individuellement ou en association avec d’autres, agissent pour promouvoir ou protéger les droits de l’homme. 
			(4) 
			Cf. Assemblée générale
des Nations Unies, Déclaration sur le
droit et la responsabilité des individus, des groupes et des organes
de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et
les libertés fondamentales universellement reconnus,
09.12.1998, A/RES/53/144. Les «défenseurs des droits de l’homme» sont définis avant tout par ce qu’ils font; c’est la description de leur action et du contexte dans lequel ils œuvrent qui permet d’en donner la meilleure définition. Il est généralement admis qu’une définition plus précise est impossible voire indésirable car elle risquerait d’être restrictive.
8. Les défenseurs des droits de l’homme œuvrent à la concrétisation de tout ou partie des droits consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et d’autres instruments internationaux. Ils travaillent par conséquent à promouvoir et à protéger les droits civils et politiques ainsi qu’à promouvoir, protéger et mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels. Les défenseurs des droits de l’homme s’occupent en fait de toutes les questions touchant aux droits de l’homme, c’est-à-dire de questions aussi variées que, par exemple:
  • les exécutions sommaires;
  • la torture;
  • les arrestations et détentions arbitraires;
  • les mutilations génitales imposées aux femmes;
  • les violations de la liberté d’expression et de la liberté de réunion et d’association;
  • la discrimination;
  • les questions relatives à l’emploi;
  • les évictions forcées;
  • l’accès aux soins de santé;
  • les déchets toxiques et leur impact sur la santé et sur l’environnement.
9. Les personnes qui doivent manifestement être reconnues comme des défenseurs des droits de l’homme sont celles qui s’occupent expressément, au quotidien, de la promotion et de la protection des droits de l’homme, par exemple les «moniteurs» des droits de l’homme travaillant pour les organisations des droits de l’homme, les médiateurs chargés spécifiquement de la protection des droits de l’homme ou les avocats travaillant dans le secteur des droits de l’homme. Les journalistes qui révèlent des actes illégaux ou des violations des droits de l’homme perpétrés par l’Etat ou des «acteurs non étatiques» jouent également un rôle fondamental. Néanmoins, il n’est pas nécessaire pour être un défenseur des droits de l’homme d’être considéré comme un «militant des droits de l’homme» ou de travailler pour une organisation dont le nom inclut explicitement les «droits de l’homme». Encore une fois, le plus important pour déterminer si un individu est un défenseur des droits de l’homme n’est pas son titre ou le nom de l’organisation pour laquelle il/elle travaille mais le fait de savoir si le travail effectué se rapporte à la défense des droits de l’homme.
10. De nombreuses personnes travaillent à titre professionnel comme défenseurs des droits de l’homme et reçoivent un salaire ou des rémunérations pour ce travail. Beaucoup d’autres sont des bénévoles qui ne reçoivent aucune rémunération.
11. La déclaration de l’ONU de 1998 indique aussi que les défenseurs des droits de l’homme ont à la fois des responsabilités et des droits. Les défenseurs des droits de l’homme doivent reconnaître le caractère universel des droits de l’homme tels que définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
12. En outre, afin de satisfaire aux conditions énoncées dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, les actions entreprises par les défenseurs des droits de l’homme doivent être de nature pacifique, c’est-à-dire non violente.
13. Les médiateurs ou structures nationales des droits de l’homme (investis d’une compétence nationale ou régionale/locale, générale ou thématique) occupent également une place très importante dans le système des droits de l’homme européen. Leur indépendance doit être protégée par la loi et dans la pratique 
			(5) 
			Cf. le Point de vue
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, «Les
médiateurs sont les principaux défenseurs des droits de l’homme.
Leur indépendance doit être respectée», 18.09.2006. (voir également ci-dessous).
14. Les défenseurs des droits de l’homme (individus, groupes, organisations non gouvernementales (ONG), avocats spécialisés dans la défense des droits de l’homme, journalistes, médiateurs, etc.) jouent un rôle crucial dans la protection et la promotion des droits de l’homme. Ils sont souvent soutenus par des organisations intergouvernementales, parmi lesquelles le CdE.

3. Difficultés rencontrées par les défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

15. Dans beaucoup de pays, les défenseurs des droits de l’homme sont en général bien protégés en droit et en pratique. De nombreux défenseurs des droits de l’homme mènent leurs activités sans rencontrer d’obstacles majeurs. Malheureusement, ce n’est pas le cas partout en Europe. Un certain nombre d’ONG expriment de graves préoccupations sur les difficultés rencontrées par les défenseurs des droits de l’homme dans certains Etats membres du CdE, et prétendent même que la situation des défenseurs des droits des l’homme se détériore dans un certain nombre de pays. L’échange de vues tenu par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme avec les défenseurs des droits de l’homme le 17 avril 2008, ainsi que la Table ronde des 3-4 novembre 2008, ont permis de recueillir des informations détaillées à cet égard. Ils ont montré en particulier que certains défenseurs des droits de l’homme se heurtent – occasionnellement ou de façon plus systématique – à des obstacles ou à un environnement hostile dans plusieurs Etats membres du CdE, notamment en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie, dans la Fédération de Russie, en Serbie et en Turquie.
16. Les défenseurs des droits de l’homme ne forment pas une catégorie particulière de personnes vulnérables qui devraient disposer de droits spécifiques. Cependant, ils défendent les droits fondamentaux d’autres personnes et sont, par conséquent, plus visibles, en première ligne. Les prendre pour cibles est un moyen insidieux d’attaquer les personnes dont ils défendent les droits. Réduire l’un d’eux au silence peut aussi permettre de faire taire nombre des personnes qui comptent sur eux. Les agressions physiques contre les défenseurs des droits de l’homme, y compris contre les plus connus, sont fortement susceptibles d’entretenir un climat de peur. En outre, devant la difficulté croissante des défenseurs des droits de l’homme à se défendre eux-mêmes, le citoyen ordinaire ne peut que s’interroger sur leur capacité de le protéger.

3.1. Obstacles et restrictions allant de l’usage direct de la violence à des pratiques plus insidieuses

17. Dans certains Etats membres du CdE, les défenseurs des droits de l’homme sont confrontés à des obstacles et à des restrictions qui vont de l’usage direct de la violence jusqu’à des pratiques plus insidieuses. Des autorités étatiques sont encore les auteurs les plus fréquents des violations dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, alors que la responsabilité de leur protection leur incombe en premier lieu. Par «autorités étatiques», il faut entendre ici diverses autorités de nature administrative et politique, en y incluant aussi bien les autorités locales que régionales et nationales. En outre, divers «acteurs non étatiques» (groupes armés, crime organisé, sociétés transnationales, individus et groupes ultranationalistes faisant l’apologie de la haine et de l’intolérance) commettent aussi – ou sont impliqués dans – des actes à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, parfois avec la complicité d’organes de l’Etat. 
			(6) 
			Pour plus de précisions,
se reporter à la Fiche d’information n° 29 de l’ONU sur les défenseurs
des droits de l’homme.
18. Les violations visent le plus souvent les défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes ou les organisations et mécanismes dans le cadre desquels ils travaillent. Les bureaux et/ou domiciles des défenseurs des droits de l’homme font l’objet d’attentats, de cambriolages ou de perquisitions illégales et des pressions sont exercées à l’encontre des personnes ou des entreprises qui soutiennent leur travail, par exemple en leur fournissant des fonds ou des locaux. Les défenseurs des droits de l’homme qui sont menacés craignent pour leur propre sécurité mais aussi pour celle de leurs familles et de leur entourage professionnel. La regrettable pratique consistant à viser les proches des défenseurs des droits de l’homme est souvent qualifiée de «prise d’otage familiale» («family hostage taking»).
19. Dans les cas les plus extrêmes, les défenseurs des droits de l’homme reçoivent des menaces de mort ou sont effectivement assassinés, comme les journalistes Hrant Dink en Turquie en 2007, Anna Politkovskaïa en Russie en 2006 et cette année Stanislav Markelov, célèbre avocat défenseur des droits de l’homme, abattu à Moscou avec une journaliste stagiaire.
20. Dans nombre d’Etats membres du CdE, les défenseurs des droits de l’homme voient remettre en cause leur légitimité. Des acteurs étatiques et non étatiques cherchent fréquemment à discréditer le travail des défenseurs des droits de l’homme en les diffamant publiquement afin d’agir sur l’opinion publique. Dans certains cas, les défenseurs des droits de l’homme sont accusés d’être des «ennemis», des «traîtres», des «espions» ou des «extrémistes» pour avoir dénoncé des violations des droits de l’homme ou communiqué avec des organisations internationales ou des médias nationaux et étrangers 
			(7) 
			De ce point de vue,
ils partagent le sort des « donneurs d’alerte », dont la protection
fait l’objet d’un rapport distinct qui est en cours d’élaboration
par M. Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC)., ou ils sont accusés d’être financièrement dépendants d’Etats étrangers ou d’organisations internationales. Des représentants d’ONG que j’ai rencontrés dénonçaient aussi l’action délétère des «ONG gouvernementales» (c’est-à-dire des ONG créées et manipulées par les autorités, dites «GONGOS»), dont le but est de remettre en cause la légitimité des véritables ONG et des véritables défenseurs des droits de l’homme.
21. Dans d’autres cas, les défenseurs des droits de l’homme sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires et de procès inéquitables. Les atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire et la lenteur et le fonctionnement inefficace de la justice représentent également des obstacles majeurs au travail des défenseurs des droits de l’homme et sont utilisés contre eux.
22. En outre, dans certains cas, les autorités exercent des pressions illicites sur les avocats qui défendent les requérants devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(8) 
			L’arrêt rendu récemment
par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Ryabov c. Russie (arrêt
devenu définitif le 07.07.2008) illustre les cas de pressions sur
des requérants devant la Cour européenne des droits de l'homme (ou
Cour de Strasbourg) et sur les avocats qui les représentent (dans
cette affaire, Mme Moskalenko était l’une
des personnes qui représentaient le requérant). et qui aident les victimes de violations des droits de l’homme à épuiser les voies de recours internes avant de se tourner vers la Cour. Dans ce contexte, l’Assemblée a insisté à plusieurs occasions sur le devoir des Etats membres de coopérer avec la Cour européenne des droits de l’homme et sur la nécessité de protéger les requérants, les témoins et les personnes qui représentent les requérants en justice 
			(9) 
			Cf. Assemblée
parlementaire, Résolution
1571 (2007) et Recommandation1809
(2007) intitulées «Devoir des Etats membres de coopérer avec
la Cour européenne des droits de l'homme» et Doc. 11183..
23. Les méthodes de persécution et de harcèlement des défenseurs des droits de l’homme qu’emploient les auteurs de violations des droits de l’homme gagnent en sophistication et le recours à des mesures légales contre les personnes engagées dans la défense des droits d’autrui est de plus en plus fréquent. Les mesures les plus souvent employées consistent à empêcher l’enregistrement légal des organisations et à saisir la justice pour des motifs fallacieux, notamment à engager des poursuites pénales sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir accéder à des moyens de défense efficaces. Il est donc particulièrement important de veiller à ce que de tels procès se déroulent de manière équitable. En conséquence, les défenseurs des droits de l’homme ont souligné combien il importe qu’un observateur indépendant puisse assister au procès et rendre compte du caractère équitable de la procédure. La présence d’un tel observateur peut contribuer à la transparence du procès et attirer l’attention des médias internationaux sur le cas du défenseur des droits de l’homme concerné.
24. La responsabilité de certains médias et autorités publiques qui propagent, tolèrent ou soutiennent les discours de haine 
			(10) 
			Voir dans ce contexte
la Recommandation du Comité des Ministres du CdE sur le «discours
de haine» (Recommandation n° R (97) 20). à l’encontre de certains défenseurs ou d’organisations des droits de l’homme ne doit pas être sous-estimée.
25. Les obstacles administratifs, notamment lors des procédures d’enregistrement des associations de défense des droits de l’homme, et les lois restrictives, en particulier celles qui imposent des contraintes administratives ou des obligations de déclaration ou de traduction excessives, peuvent avoir un impact tout aussi négatif sur la capacité des ONG et des individus à promouvoir et à défendre les droits de l’homme.
26. Dans certains cas, en vue de rendre leur travail plus difficile, on accuse les ONG d’infractions à la législation nationale – aux lois fiscales par exemple – qui n’ont rien à voir avec leurs activités essentielles. Selon l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, un programme développé conjointement par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), l’utilisation abusive de la législation nationale à des fins répressives est source de graves inquiétudes et illustre une tendance à l’aggravation de la répression, qui prend des formes plus subtiles. On note également des tentatives de rayer du barreau certains avocats.
27. La poursuite de défenseurs des droits de l’homme pour violation alléguée du secret d’Etat ou pour espionnage («espionnite») est aussi particulièrement inquiétante. L’Assemblée parlementaire a déjà souligné à plusieurs reprises que «l’intérêt légitime de l’Etat de protéger les secrets officiels ne doit pas devenir un prétexte pour restreindre indûment la liberté d’expression et d’information, la coopération scientifique internationale et le travail des avocats et d’autres défenseurs des droits de l’homme». 
			(11) 
			Cf. Assemblée parlementaire, Résolution 1551 (2007), § 1. Je voudrais mentionner à cet égard le cas de M. Grigory Pasko, un ancien officier de marine russe qui travaillait comme journaliste: après la publication d’une série d’articles d’investigation sur le déversement illégal de déchets nucléaires dans l’océan par des navires militaires de la flotte du Pacifique, M. Pasko a été arrêté en 1997 et accusé de divulgation de secrets d’Etat. Il a été condamné pour trahison à quatre ans de travaux forcés et a purgé les deux tiers de sa peine. En 2003, M. Pasko a été libéré de prison sur décision d’un tribunal civil – fait extrêmement rare – cassant le verdict du tribunal militaire. Cette affaire illustre entre autres la nécessité d’une définition publique claire de toutes les infractions pénales relatives au secret d’Etat. 
			(12) 
			Le rapporteur a appris
que M. Pasko, qui continue à se battre pour faire reconnaître son
innocence, a déposé une requête devant la Cour européenne des droits
de l’homme.
28. Les restrictions en matière de financement et à l’accès à l’information, aux médias et à Internet représentent également des obstacles importants au travail des défenseurs des droits de l’homme. Des restrictions de la liberté de mouvement 
			(13) 
			Voir le communiqué
de presse du CdE daté du 21.02.2008 et intitulé «Le rapporteur sur
les défenseurs des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire
demande à la Russie d’accorder un visa à un défenseur des droits
de l’homme de renom.» et des droits syndicaux sont également relevées.
29. Lors de l’audition organisée par la commission de l’Assemblée le 17 avril 2008 et de la Table ronde de novembre 2008, les ONG ont souligné que, dans la Fédération de Russie, les défenseurs des droits de l’homme se heurtent à de graves problèmes illustrant la plupart des difficultés évoquées ci-dessus, en particulier depuis deux ans (voir le chapitre suivant concernant les défenseurs des droits de l’homme particulièrement menacés). Dans le même temps, les ONG ont fait remarquer que certains des obstacles que rencontrent les défenseurs des droits de l’homme en Fédération de Russie s’observent aussi dans d’autres pays (voir ci-dessus).
30. Selon les ONG, la législation de 2006 sur les ONG dans la Fédération de Russie 
			(14) 
			Depuis
2005, le CdE a travaillé à deux reprises avec les autorités russes,
en faisant évaluer par ses experts la loi sur les associations et
les ONG. A ces deux occasions, il a été indiqué clairement que la
loi présentait des insuffisances, que ses dispositions étaient trop
vagues et que les ONG étaient soumises à une réglementation excessive. a été utilisée, en sus des obstacles administratifs – et dans certains cas conjointement avec la nouvelle législation antiterrorisme et la législation sur la lutte contre l’extrémisme, telle qu’amendée en 2007 
			(15) 
			Parmi les
organisations de défense des droits de l'homme faisant l'objet de
persécutions sous le prétexte de participation à des activités de
nature extrémiste figurent les «Mères de Beslan», le Comité tchétchène
de salut national (ChCNS), basé à Nazran (Ingouchie), l'Association
d'amitié russo-tchétchène, basée à Nijni Novgorod, qui est soumise
à des pressions constantes depuis près de trois ans, et le Centre
de protection internationale, basé à Moscou.–, pour harceler les organisations qui s’attaquent à des questions controversées, reçoivent un financement de l’étranger ou dont les activités risqueraient de favoriser l’opposition politique. Cette situation a été illustrée récemment par la perquisition faite dans les bureaux du centre pour les droits de l’homme Memorial à Saint-Pétersbourg. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Présidence de l’Union européenne (de l’époque) ont exprimé leur vive inquiétude et demandé instamment aux autorités russes de garantir la liberté d’action de cette organisation. L’Union européenne s’est aussi déclarée très préoccupée par l’utilisation de la loi sur l’extrémisme contre cette association. Dans une résolution adoptée en décembre 2008 portant sur «les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme en Russie et le procès pour le meurtre d’Anna Politkovskaya», le Parlement européen demande notamment aux autorités russes de restituer sans délai à Memorial le matériel saisi lors de la descente de police. En outre, le Parlement européen se déclare «vivement préoccupé par l’attentat commis en octobre 2008 contre l’avocate spécialiste des droits de l’homme Karinna Moskalenko et sa famille» et conjure «les autorités aussi bien françaises que russes d’identifier les auteurs et leurs motifs» 
			(16) 
			Une
petite quantité de mercure a été trouvée dans sa voiture à Strasbourg
en octobre 2008. L'enquête de la police française se poursuit.. Mme Moskalenko est une avocate éminente spécialisée dans le domaine des droits de l’homme qui a porté avec succès un certain nombre d’affaires devant la Cour européenne des droits de l’homme (voir note de bas de page n°8) et qui est également membre du groupe de travail (Task force) sur les défenseurs des droits de l’homme du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Sa propre organisation, le Centre de protection internationale, aurait également été soumise à des pressions constantes ces dernières années.

3.2. Défenseurs des droits de l’homme particulièrement menacés

31. Certains défenseurs des droits de l’homme rencontrent des difficultés particulières en raison de leur identité et/ou des problèmes qu’ils traitent, en particulier ceux qui sont considérés comme «impopulaires» ou sensibles. Sont particulièrement exposés les défenseurs des droits de l’homme qui travaillent sur les droits économiques, sociaux ou culturels, pour la protection et la promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles (LGBT), ainsi que des droits des migrants et des minorités nationales ou ethniques. Plus généralement, il est fréquent que les défenseurs des droits de l’homme qui luttent contre la discrimination soient en butte à l’hostilité et soient visés par les autorités et/ou même par des parties de la société. En particulier, ceux qui luttent contre l’impunité des crimes graves et des pratiques de corruption sont souvent la cible d’actes de violence, qui sont perpétrés notamment par les personnes ou les groupes dont ils dénoncent les agissements.
32. L’activité des défenseurs des droits de l’homme œuvrant pour les droits des personnes LGBT s’est fortement intensifiée depuis quelques années dans les Etats membres du CdE. Cette évolution a rencontré une très forte opposition, les militants intervenant dans ce domaine étant fréquemment l’objet de persécutions. D’autres personnes (militants, hommes politiques, avocats, syndicalistes, etc.) sont aussi parfois prises pour cible parce qu’elles aident à promouvoir ou à défendre les droits des personnes LGBT ou sont elles-mêmes «accusées» d’homosexualité dans un but de discrédit. Ceci se produit tout particulièrement lorsque les problèmes soulevés mettent en jeu la liberté d’expression, d’association et de réunion, certains gouvernements interdisant toute discussion publique de l’homosexualité, notamment dans les médias, ainsi que les manifestations ou réunions en faveur des droits des personnes LGBT. 
			(17) 
			Cf.
aussi la résolution adoptée par la Conférence des OING du Conseil
de l’Europe le 23.01.2008, OING D(2008) RES 1: «Les défenseurs des
droits de l’homme œuvrant pour les droits des personnes lesbiennes,
gays, bisexuelles et transsexuelles».
33. Les femmes défenseurs des droits de l’homme sont confrontées à des menaces particulières et à des obstacles spécifiques dans leur travail en faveur des droits fondamentaux. Elles sont doublement exposées: en tant que femmes et en tant que personnes actives dans le domaine des droits de l’homme. Par conséquent, tous les mécanismes régionaux et internationaux devraient veiller à ce que les questions concernant les femmes, et en particulier les femmes défenseurs des droits de l’homme, soient effectivement prises en compte afin d’assurer la protection des femmes dans les pays où le patriarcat reste ouvertement prédominant. Comme l’a déclaré Mme Sonja Biserko, défenseur serbe des droits de l’homme, à propos de la campagne médiatique lancée contre elle et d’autres femmes défenseurs des droits de l’homme en Serbie: «La campagne que les médias ont lancée contre nous repose uniquement sur des insultes visant à nous déshumaniser en nous qualifiant de «femmes laides et grosses» ou de «lesbiennes» et à diaboliser notre action. On fait de nous des effigies au lieu d’êtres humains. La communauté internationale devrait prendre conscience de ce qui se cache derrière cette volonté de donner de nous une vision caricaturale et réfléchir aux raisons pour lesquelles nous sommes perçues comme des ennemies». 
			(18) 
			Table
ronde organisée par Amnesty International le 17.04.2008, citation
tirée de l’intervention de Frontline. Il s’agit là d’un exemple concret de stratégie fréquemment utilisée contre les femmes défenseurs des droits de l’homme.
34. Le discours de haine, notamment de la part des pouvoirs publics, et l’impunité, ou l’impunité perçue, de ceux qui portent atteinte aux droits des défenseurs des droits de l’homme augmentent les risques auxquels ces derniers sont exposés.
35. Pour ce qui est des Etats membres du CdE, la situation des défenseurs des droits de l’homme est jugée particulièrement critique dans le Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie), et notamment dans le Caucase du Nord (Fédération de Russie), puisque certains défenseurs y subissent une répression violente, qui peut prendre la forme d’assassinats, d’enlèvements et d’arrestations ou de détentions arbitraires 
			(19) 
			Concernant en particulier
le Caucase du Nord : en Ingouchie, le directeur exécutif de «Memorial»
et trois journalistes ont été enlevés en 2007, et un défenseur des
droits de l'homme ayant introduit une requête devant la Cour européenne des
droits de l’homme, M. Zurab Tsetchoev, a été enlevé en juillet 2008.
Au Daghestan, M. Babaev, un défenseur des droits de l'homme qui
dirigeait la liste régionale du parti d’opposition Yabloko, a été
abattu en novembre 2007. Concernant la République tchétchène, j’ai
été informé par des représentants de l’ONG Memorial que le Président
de la République tchétchène, M. Kadyrov, avait proposé à Memorial
une forme de coopération avec son gouvernement qui aurait pratiquement
mis un terme à l'indépendance de cette organisation. Cet exemple
montre l'ampleur des pressions auxquelles sont soumises les ONG.
Mémorial a rejeté l'offre en question et, en mars 2008, le Président
a cessé toute coopération avec ses représentants, qui se trouvent
maintenant dans une situation particulièrement délicate. 
			(19) 
			Concernant
l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, voir notamment les derniers
rapports de suivi de l’Assemblée parlementaire et les rapports du
Commissaire aux droits de l'homme du CdE..

3.3. Manque de compréhension de la notion de société civile

36. Dans certains cas, le rôle des défenseurs des droits de l’homme dans une société démocratique demande à être mieux compris afin d’être pleinement apprécié. Parfois, les autorités considèrent à tort la société civile comme une sorte de «nid» ou de «foyer» d’où risqueraient de surgir des menées antiétatiques et des actions terroristes et appliquent une législation restrictive pour empêcher l’émergence d’une société civile efficace.
37. Les activités des défenseurs des droits de l’homme englobent souvent une critique des politiques publiques. Or, des débats libres et ouverts sur les politiques gouvernementales sont au cœur d’une démocratie effective. De plus, les défenseurs des droits de l’homme peuvent aider les pouvoirs publics à promouvoir les droits de l’homme, à élaborer la législation nécessaire et à concevoir les politiques correspondantes. Ils devraient être considérés comme des partenaires et des «amis critiques», et non pas comme des ennemis.

3.4. Violations de la liberté d’expression et de la liberté de réunion et d’association

38. Dans ce contexte, la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association sont d’une importance cruciale pour le travail des défenseurs des droits de l’homme puisqu’elles sont au cœur d’une société civile active. 
			(20) 
			Sur ce point, cf. Recommandation
Rec(2007)14 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le statut
juridique des organisations non gouvernementales en Europe. Les défenseurs des droits de l’homme doivent être autorisés à émettre des critiques. Ils devraient pouvoir mener à bien leurs activités de suivi et d’information concernant les violations des droits de l’homme. Lors de la table ronde organisée à Strasbourg en novembre 2008, les participants venus de Géorgie et de la République tchétchène (Fédération de Russie) ont aussi souligné que les défenseurs des droits de l’homme devraient notamment être autorisés à se rendre dans les lieux de détention et dans les zones «post-conflit» et à rendre compte des violations des droits de l’homme qui y ont été perpétrées.
39. Or, répétons-le, il arrive bien trop souvent que les procédures d’enregistrement, les formalités administratives, les restrictions en matière de financement et les contrôles fiscaux servent à entraver l’exercice de la liberté de réunion et d’association. Les autorités tirent fréquemment prétexte de la nécessité de protéger la morale ou la sûreté publique pour priver une organisation de la liberté de réunion et d’association et de la liberté d’expression.
40. De toute évidence, il est grandement nécessaire de rappeler les normes en vigueur en la matière et d’exhorter les autorités concernées à les mettre en œuvre. En effet, la liberté d’expression et la liberté d’association sont inscrites dans la Convention européenne des droits de l’homme (articles 10 et 11), qui a été ratifiée par tous les Etats membres du CdE.
41. Les restrictions apportées à l’exercice des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion doivent être prévues par la loi et constituer des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre ou à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d’autrui.
42. C’est principalement aux pouvoirs publics qu’il incombe de faire respecter les droits des citoyens à la liberté de réunion et à la liberté d’expression. D’où l’obligation positive, pour l’Etat, de prévoir une protection effective des personnes qui souhaitent se réunir et s’exprimer et de veiller à ce qu’elles soient respectées, même si leurs opinions sont impopulaires ou ne sont pas partagées par la majeure partie de la société.
43. Dans un arrêt fréquemment cité, celui qu’elle a rendu en l’affaire Handyside du 7 décembre 1976, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que la liberté d’expression s’appliquait non seulement aux informations et aux idées recevant un accueil favorable ou considérées comme inoffensives ou neutres, mais également à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Récemment, en 2007, dans l’affaire Bączkowski et autres c. Pologne 
			(21) 
			Requête
n° 1543/06, arrêt devenu définitif le 24.09.2007., qui concernait la liberté de réunion et la liberté d’expression, la Cour des droits de l’homme a attiré l’attention sur l’obligation positive où se trouve l’Etat de veiller au respect effectif des droits inscrits dans la Convention et souligné que cette obligation revêt une importance particulière pour les personnes ayant des opinions impopulaires ou appartenant à des minorités, et ce parce qu’elles sont plus susceptibles d’être victimes de discrimination. La Cour a aussi insisté sur le fait que, s’agissant de personnalités politiques élues, l’exercice de la liberté d’expression comporte des responsabilités particulières.

3.5. Manquement des pouvoirs publics à leur obligation de protéger les défenseurs des droits de l’homme et leurs activités

44. Les Etats ont l’obligation et la responsabilité de protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur travail en créant les conditions permettant à ceux-ci d’exercer pleinement leurs activités de défense, de suivi et d’information sur les droits de l’homme et, si nécessaire, en établissant des mécanismes de protection afin de préserver l’intégrité physique des défenseurs des droits de l’homme confrontés à des menaces spécifiques.
45. Dans de nombreux Etats, l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’homme est en général effectivement respectée. Dans tous les Etats, en outre, il existe au sein des diverses autorités et des forces de l’ordre des individus qui font le maximum pour protéger les droits de l’homme et ceux qui les défendent.
46. Toutefois, comme cela a été souligné pendant l’audition organisée par la commission de l’Assemblée en avril 2008, l’attitude à l’égard des mouvements des droits de l’homme diffère selon les gouvernements. Certains d’entre eux introduisent des changements institutionnels, par exemple la mise en œuvre de politiques des droits de l’homme, qui sont ensuite appliquées à des degrés divers; d’autres reconnaissent l’existence de cas individuels d’abus mais ne prennent aucune mesure ou bien des mesures insuffisantes.
47. La plupart des gouvernements coupables de telles violations préfèrent en nier l’existence, ou bien les décrivent comme des cas exceptionnels, ou encore défendent les actes de répression en invoquant la sécurité de l’Etat (surtout depuis le 11 septembre 2001) ou des raisons culturelles, religieuses, morales ou de santé publique. Certains gouvernements réagissent aussi à la critique en serrant les rangs puis en lançant des invectives à l’encontre de ceux qui les critiquent au lieu de prendre effectivement des mesures contre les violations des droits de l’homme qui sont dénoncées. Dans l’optique des gouvernements répressifs, les personnes qui dénoncent les violations des droits de l’homme – et non ces violations elles‑mêmes – deviennent le problème à «résoudre».
48. Dans certains Etats membres du CdE, une protection, y compris une protection de nature physique, devrait être assurée aux défenseurs des droits de l’homme confrontés à des menaces. 
			(22) 
			Cf. en particulier
des rapports et communiqués de presse d’Amnesty International, de
Human Rights Watch et de l’Observatoire pour la protection des défenseurs
des droits de l’homme.
49. De plus, il est fréquent que les agressions visant des défenseurs des droits de l’homme ne donnent pas lieu à une véritable enquête; beaucoup d’auteurs, d’organisateurs ou d’instigateurs de tels actes ne sont jamais poursuivis (voir également ci-après).

4. Améliorer la situation des défenseurs des droits de l’homme au niveau national: le rôle clé des parlementaires

4.1. Faire de la responsabilité des Etats une réalité

50. Ainsi que l’ont souligné des représentants du mécanisme de l’ONU et de mécanismes régionaux en décembre 2008, à l’occasion du dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, les Etats devraient reconnaître que les activités des défenseurs des droits de l’homme constituent un travail légitime en faveur des droits de l’homme, veiller à ce que tous les obstacles soient levés et prendre des mesures proactives pour soutenir le travail des défenseurs des droits de l’homme. Les représentants ont ajouté que, bien souvent, si les défenseurs des droits de l’homme reçoivent publiquement un soutien sans réserve, ils deviennent moins vulnérables et sont alors en mesure d’agir véritablement.
51. Les attaques visant des défenseurs des droits de l’homme devraient également être condamnées au plus haut niveau de l’Etat et faire l’objet d’enquêtes et de poursuites résolues. A cet égard, le rapporteur de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme a déclaré qu’il est essentiel de briser le cercle vicieux de l’impunité pour mieux protéger les défenseurs des droits de l’homme, et donc les droits de l’homme.
52. C’est pourquoi la Déclaration du Comité des Ministres sur l’action du CdE pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités 
			(23) 
			Déclaration adoptée
par le Comité des Ministres le 6 février 2008 lors de la 1017e réunion
des Délégués des Ministres appelle les Etats membres:
i. à créer un environnement propice au travail des défenseurs des droits de l’homme, en permettant aux individus, groupes et associations d’exercer librement des activités, légalement et conformément aux standards internationaux, afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et libertés fondamentales, sans restrictions qui ne soient autorisées par la Convention européenne des droits de l’homme;
ii. à prendre des mesures efficaces pour protéger, promouvoir et respecter les défenseurs des droits de l’homme ainsi que pour assurer le respect de leurs activités;
iii. à renforcer leurs systèmes judiciaires et veiller à ce qu’il existe des recours efficaces pour ceux dont les droits et libertés ont été violés;
iv. à prendre des mesures efficaces pour empêcher les attaques et le harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, à assurer une enquête indépendante et efficace sur de tels actes et à sanctionner les responsables par des mesures administratives et/ou des procédures pénales;
v. à réfléchir à la possibilité de donner compétence et capacité aux commissions indépendantes, médiateurs ou institutions nationales des droits de l’homme, ou, le cas échéant, de renforcer leurs compétence et capacité existantes de recevoir, d’examiner et de faire des recommandations pour la résolution des plaintes de la part des défenseurs des droits de l’homme concernant des violations de leurs droits;
vi. à veiller à ce que la législation nationale, concernant en particulier la liberté d’association, de réunion pacifique et d’expression, soit conforme aux standards internationalement reconnus en matière de droits de l’homme et, le cas échéant, à solliciter l’avis du Conseil de l’Europe à ce sujet;
vii. à garantir aux défenseurs des droits de l’homme l’accès effectif à la Cour européenne des droits de l’homme, au Comité européen des droits sociaux et à d’autres mécanismes de protection dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux procédures applicables;
viii. à coopérer avec les mécanismes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, notamment avec la Cour européenne des droits de l’homme, conformément à la CEDH, ainsi qu’avec le Commissaire aux droits de l’homme, en facilitant ses visites, en fournissant des réponses adéquates et en engageant un dialogue sur la situation des défenseurs des droits de l’homme lorsqu’ils y sont invités;
ix. à étudier la possibilité de signer et ratifier la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (STE n° 124);
x. à étudier la possibilité de signer et ratifier le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne de 1995, et à étudier la possibilité de reconnaître le droit des ONG nationales qui remplissent les critères mentionnés dans ledit Protocole d’introduire des réclamations collectives auprès du Comité européen des droits sociaux.
53. A cet égard, il est aussi utile de rappeler que, dans sa Recommandation sur le «discours de haine» 
			(24) 
			Recommandation
n° R (97) 20., le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe affirme qu’une responsabilité particulière incombe aux autorités et institutions publiques, «qui devraient s’abstenir d’effectuer des déclarations, en particulier à travers les médias, pouvant raisonnablement être prises pour un discours de haine ou comme un discours pouvant faire l’effet d’accréditer (…) d’autres formes de discrimination ou de haine fondées sur l’intolérance». En outre, toute ingérence dans la liberté d’expression devrait être «étroitement limitée et appliquée de façon non arbitraire conformément au droit, sur la base de critères objectifs» et «faire l’objet d’un contrôle judiciaire indépendant».

4.2. Mesures transnationales

54. Il faudrait aussi encourager la mise en œuvre de mesures transnationales (voir également, ci-après, «le rôle clé des parlementaires»). La délivrance de visas d’urgence devrait être considérée comme un outil nécessaire à la protection des défenseurs des droits de l’homme exposés à un danger immédiat ou ayant besoin d’un répit.
55. Dans ce contexte, la Déclaration du Comité des Ministres sur l’action du CdE pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités appelle également les Etats membres:
«xi) à prévoir des mesures rapides pour aider et protéger les défenseurs des droits de l’homme en danger dans des pays tiers, par exemple lorsque cela s’avère opportun, assister aux procès et les observer et/ou, si possible, délivrer des visas d’urgence».
56. Front Line a rappelé que la possibilité légale de délivrer des visas d’urgence aux défenseurs des droits de l’homme menacés existe déjà. En effet, les Instructions consulaires communes (ICC) donnent aux Parties contractantes à la Convention de Schengen la possibilité de délivrer pour raisons humanitaires des visas d’urgence, dont la validité territoriale est limitée, aux défenseurs des droits de l’homme menacés. En pratique, les bureaux consulaires peuvent aussi décider d’eux-mêmes d’accélérer le processus normal de délivrance d’un visa uniforme (visa Schengen) mais la nécessité de consulter l’autorité nationale centrale et les autorités d’une ou de plusieurs autres Parties contractantes à propos de certaines demandes de visas empêche souvent la délivrance rapide des documents. Les pratiques informelles actuelles – qui présentent parfois même un caractère confidentiel – relèvent de l’appréciation des autorités consulaires du pays d’origine du défenseur des droits de l’homme.
57. Il semblerait que seules l’Irlande et l’Espagne se soient dotées de programmes de visas humanitaires pour les défenseurs des droits de l’homme exposés à un danger imminent ou ayant besoin d’un répit parce qu’ils sont soumis à une persécution constante. La mise en œuvre de tels programmes devrait être encouragée. Toutefois, lorsqu’ils ont connaissance de la situation difficile de défenseurs des droits de l’homme, la plupart des autres Etats membres de l’Union européenne délivrent au cas par cas des visas, dont la validité territoriale est limitée, aux personnes exposées à un danger immédiat. Quant au Gouvernement norvégien, il a adopté récemment des lignes directrices destinées à systématiser et à renforcer les actions menées par ses services diplomatiques en faveur des défenseurs des droits de l’homme. Ces lignes directrices prévoient explicitement la délivrance de visas à ces personnes. En outre, le Parlement allemand a adopté des résolutions en 2003 et 2008 qui exhortent le gouvernement allemand et ses représentations diplomatiques, à prendre, dans les cas les plus graves, les mesures nécessaires à la protection des défenseurs des droits de l’homme et à les accepter sur le territoire allemand pour une durée donnée et courte, sur la base des dispositions pertinentes du droit des étrangers.
58. Front Line a souligné que la délivrance d’un visa de transfert temporaire est considérée comme une mesure de protection à utiliser dans des circonstances extrêmes, dans le cadre d’une stratégie globale de protection des défenseurs des droits de l’homme. Avant de transférer un défenseur, il faudrait envisager d’autres mesures de protection, par exemple des mesures de protection générales et des actions de défense et de «lobbying». Le but devrait être de soutenir les défenseurs sur le terrain, pour qu’ils puissent continuer à promouvoir et à protéger les droits de l’homme dans la société où ils vivent. Front Line a aussi souligné que l’actuel statut de réfugié n’est guère adapté à la situation spécifique des défenseurs des droits de l’homme menacés, puisque ceux-ci ont l’intention de retourner dans leur pays. En outre, un déplacement à l’intérieur du pays d’origine ou dans un pays voisin n’est pas toujours la bonne solution.
59. Les objectifs premiers du déplacement des défenseurs des droits de l’homme sont les suivants: leur sauver la vie, leur éviter d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, préserver leur santé mentale et leur donner la possibilité de travailler sereinement. Pour atteindre ces objectifs, il peut être nécessaire de déplacer aussi les proches du défenseur.
60. Des inquiétudes se sont exprimées au sujet de la possibilité qu’un programme de visas temporaires délivrés à des fins humanitaires puisse être utilisé abusivement par des demandeurs d’asile cherchant à obtenir le statut de réfugié. Or, lors d’une réunion d’experts organisée par Front Line sur la question des visas humanitaires temporaires délivrés à des défenseurs des droits de l’homme, les représentants de l’Espagne et de l’Irlande, ainsi que des représentants des ONG et des défenseurs des droits de l’homme, ont fait des déclarations dont il ressort que l’écrasante majorité des défenseurs des droits de l’homme qui entrent dans l’Union européenne pour participer à diverses manifestations ne cherchent pas à obtenir le droit d’asile mais retournent dans leur pays afin de poursuivre leur travail.
61. Dans cette perspective, il faudrait aussi encourager la mise en place de centres d’hébergement, de fondations et de programmes d’assistance pour les défenseurs des droits de l’homme, les membres de leur famille et les personnes persécutées pour des raisons politiques; de telles structures fonctionnent par exemple déjà en Allemagne, dans la ville-état de Hambourg. A cet égard, Front Line préconise également d’établir un réseau de «villes-refuges» en Europe et suggère que Strasbourg, symbole de l’Europe, y participe activement. Les défenseurs des droits de l’homme réunis à Strasbourg en novembre 2008 ont souligné la nécessité de prévoir aussi l’infrastructure correspondante (par exemple, une aide apportée par des fondations).

4.3. Le rôle clé des parlementaires

62. Les parlementaires contribuent à façonner le contexte politique et l’environnement de travail des défenseurs des droits de l’homme, et ils devraient suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme dans leurs pays respectifs.
63. Comme l’a souligné Amnesty International au cours de l’audition sur les défenseurs des droits de l’homme organisée par la commission en avril 2008, les parlements nationaux ont un rôle essentiel à jouer dans l’adoption des diverses mesures prévues dans la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme et dans la Déclaration du Comité des Ministres du CdE pour assurer le maintien d’un environnement favorable au travail des défenseurs des droits de l’homme et garantir leur protection. Amnesty International a également appelé les membres de l’Assemblée parlementaire à prendre la tête des efforts dans les 47 Etats membres du CdE.
64. Selon Amnesty, lors de l’audition de la commission, la mise en œuvre concrète des quatre mesures suivantes serait particulièrement importante à cet égard.
  • L’examen systématique de la législation au niveau national, afin de la mettre pleinement en conformité avec les normes internationales, notamment en ce qui concerne la garantie du droit à la liberté d’expression et du droit de réunion et d’association et l’incitation à modifier les pratiques et les politiques des Etats membres du CdE, y compris dans le domaine judiciaire. Je souligne ici, en tant que rapporteur, la nécessité évidente d’examiner la législation en matière de sécurité (lutte contre le terrorisme, définition des infractions pénales relatives au secret d’Etat, par exemple) et de soutenir pleinement le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG du CdE, qui a été créé récemment.
  • Le développement et le maintien de contacts étroits avec les défenseurs des droits de l’homme: en effet, les défenseurs des droits de l’homme reconnaissent que les mécanismes régionaux et internationaux des droits de l’homme et les activités de «lobbying» correspondantes peuvent assurer une réactivité relativement plus satisfaisante pour ce qui concerne les mesures de protection.
  • Les parlementaires pourraient procéder à l’examen minutieux des politiques et mesures gouvernementales susceptibles d’affecter le travail des défenseurs des droits de l’homme et leur protection. Les membres de l’Assemblée parlementaire pourraient s’efforcer, le cas échéant, d’obtenir la modification des politiques et mesures en question et surtout réfléchir à la possibilité de susciter l’élaboration de stratégies et plans d’action parlementaires nationaux afin de créer un environnement favorable.
  • Les parlementaires pourraient faciliter l’assistance et la protection des défenseurs des droits de l’homme de leur pays et d’autres pays quand ils sont menacés (par exemple, délivrer des visas d’urgence aux défenseurs des droits de l’homme qui se trouvent en situation de danger imminent).
65. Le programme du Parlement allemand «Les parlementaires protègent les parlementaires» fait partie des mesures transnationales concrètes visant à protéger les défenseurs des droits de l’homme dans d’autres pays. 
			(25) 
			Voir également la Commission
de l’Union interparlementaire (UIP) pour la protection des droits
de l’homme des parlementaires. Cette initiative a été lancée par la commission du Bundestag pour «les droits de l’homme et l’aide humanitaire» afin d’aider les parlementaires menacés ou poursuivis en justice et de développer les efforts et le soutien en faveur des défenseurs des droits de l’homme. Grâce à la motion «protection des défenseurs des droits de l’homme menacés» émanant de tous les partis, tous les députés du Bundestag sont désormais tenus de soutenir cette initiative et d’assister leurs collègues menacés. 
			(26) 
			Cf. Deutscher Bundestag,
Ausschuss für Menschenrechte und humanitäre Hilfe, Antrag zum « Schutz
von bedrohten Menschenrechtsverteidigern », Drucksache 15/2078. (voir également le paragraphe 57 ci-dessus qui concerne les résolutions adoptées par le Parlement allemand en 2003 et 2008 et la protection des défenseurs des droits de l’homme en danger).
66. En Belgique, la Chambre des représentants et le Sénat ont adopté des résolutions sur les défenseurs des droits de l’homme demandant au gouvernement de renforcer la protection des défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de sa politique étrangère. En juin 2007, une proposition à caractère non législatif sur la protection des défenseurs des droits de l’homme a aussi été approuvée par le Parlement espagnol. En outre, j’ai appris qu’au Royaume-Uni un groupe parlementaire de défense des droits de l’homme, qui rassemble des représentants de tous les partis, recueille des données sur les violations des droits de l’homme dans différents pays, fait part de ses préoccupations aux gouvernements concernés, établit et coordonne les contacts avec des ONG et d’autres groupes parlementaires, organise des missions dans des régions suscitant des inquiétudes et fournit des informations aux parlementaires qui se rendent à l’étranger ou reçoivent des délégations.
67. D’autres initiatives pourraient être prises 
			(27) 
			Voir aussi le site
web de <a href='http://www.protectioninternational.org/'>Protection International</a>., telles que:
  • faire mieux connaître les déclarations de l’ONU et du CdE sur les défenseurs des droits de l’homme, le nouveau mandat du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant la protection des défenseurs dans les Etats membres du CdE, ainsi que les autres mécanismes de protection des défenseurs des droits de l’homme et leurs représentants;
  • assurer le suivi du travail du CdE sur les défenseurs des droits de l’homme;
  • faire de la situation des défenseurs des droits de l’homme l’un des grands thèmes des réunions parlementaires internationales, telles que la réunion annuelle des commissions des droits de l’homme des parlements des Etats membres de l’Union européenne.

5. Mécanismes de protection des défenseurs des droits de l’homme au niveau international

68. Le rôle des organisations internationales n’est pas de remplacer les autorités nationales en les déchargeant de leurs responsabilités mais d’assurer une surveillance et de fournir une assistance et, le cas échéant, d’exercer des pressions pour que les défenseurs des droits de l’homme puissent faire leur travail correctement et émettre des critiques en cas de violations des droits de l’homme.

5.1. Organisation des Nations Unies

69. L’année 2008 a marqué le dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme. En 1998, reconnaissant le rôle crucial des défenseurs des droits de l’homme et les difficultés qu’ils rencontrent, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une «Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus» (la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme). Selon M. Kofi Annan, alors Secrétaire général de l’ONU, cette déclaration repose sur le principe d’après lequel toute violation des droits des défenseurs des droits de l’homme met en danger les droits de tous et représente une menace pour chaque individu. La déclaration est en effet le premier instrument de l’ONU qui reconnaît l’importance et la légitimité des activités que mènent les défenseurs des droits de l’homme.
70. Le mandat du Représentant spécial pour les défenseurs des droits de l’homme a été établi en 2000 par la commission des droits de l’homme d’alors (en tant que Procédure spéciale) pour soutenir la mise en œuvre de la déclaration. En mars 2008, le mandat de Représentant spécial du Secrétaire général pour la question des défenseurs des droits de l’homme a été renouvelé par consensus mais avec le nouveau titre de rapporteur spécial pour la question des défenseurs des droits de l’homme.
71. L’ancienne représentante spéciale, Mme Hina Jilani, a indiqué à maintes reprises que la complémentarité entre les mécanismes internationaux universels et les mécanismes régionaux pouvait offrir des garanties d’efficacité desdits mécanismes à la fois en termes de protection et de prévention. 
			(28) 
			Annuaire de la Convention
européenne des droits de l'homme, 2006, vol. 49A, Protéger et soutenir
les défenseurs des droits de l’homme en Europe. La nouvelle Représentante
spéciale est Mme Margaret Sekaggya, originaire d’Ouganda.

5.2. Mécanismes régionaux en dehors de l’Europe

72. La commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) 
			(29) 
			Cf. <a href='http://www.achpr.org/francais/_info/index_hrd_fr.html'>http://www.achpr.org/francais/_info/index_hrd_fr.html</a>. et la commission interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) 
			(30) 
			Cf. <a href='http://www.cidh.org/defenders/defensores.htm'>http://www.cidh.org/defenders/defensores.htm</a> ont toutes deux élaboré des programmes de protection des défenseurs des droits de l’homme. La CIADH a créé une Unité des défenseurs des droits de l’homme en 2001 et la CADHP a chargé un rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme de promouvoir notamment la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme.

5.3. Europe: les mécanismes existants et leurs limites

5.3.1. OSCE / BIDDH: le nouveau point focal

73. En décembre 2003, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE, basé à Varsovie, a créé un programme spécial sur la liberté d’association; depuis 2006, ce même Bureau a établi un point focal pour les défenseurs des droits de l’homme. Le point focal «surveille étroitement la situation des défenseurs des droits de l’homme, identifie les problèmes préoccupants et cherche à promouvoir et à protéger leurs intérêts». 
			(31) 
			Cf. <a href='http://www.osce.org/odihr/27867.html'>http://www.osce.org/odihr/27867.html</a>. Le BIDDH prépare également des rapports annuels sur les défenseurs des droits de l’homme dans la région de l’OSCE.
74. Toutefois, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, situé à Bruxelles, a souligné la nécessité de développer considérablement les activités du nouveau point focal afin de lui conférer une capacité d’alerte systématique en cas de problème urgent dans certains pays. L’Observatoire considère que ce mécanisme d’alerte pourrait être un bon moyen de surveiller et de garantir l’application des engagements des Etats membres de l’OSCE quant aux droits d’association, de réunion pacifique et d’expression des défenseurs des droits de l’homme. 
			(32) 
			Cf. <a href='http://www.fidh.org/spip.php?article4766'>http://www.fidh.org/spip.php?article4766</a>.

5.3.2. Union européenne: les orientations sur les défenseurs des droits de l’homme

75. En 2004, le Conseil de l’Union européenne a adopté des orientations concernant les défenseurs des droits de l’homme, qui ont été légèrement révisées en décembre 2008. Ces orientations visent à identifier les voies et moyens permettant de travailler efficacement à la promotion et à la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les pays tiers, dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). 
			(33) 
			Cf. «Garantir la protection:
Orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des
droits de l’homme» : <a href='http://ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/GuidelinesDefenders.pdf'>http://ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/GuidelinesDefenders.pdf</a>. Elles recommandent également le renforcement des mécanismes régionaux existants de protection des défenseurs des droits de l’homme.
76. Le groupe de travail du Conseil sur les droits de l’homme (COHOM) a été créé entre autres pour faire des recommandations sur d’éventuelles actions de l’Union européenne «incluant la condamnation des menaces et des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des démarches et des interventions publiques lorsque les défenseurs des droits de l’homme courent un risque immédiat ou sérieux». 
			(34) 
			idem. Pour marquer le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Union européenne a aussi adopté des lignes directrices sur les violences contre les femmes et la lutte contre toutes les formes de discrimination à leur encontre, qui présentent un intérêt pour les femmes défenseurs des droits de l’homme.
77. Les Orientations concernant les défenseurs des droits de l’homme constituent un outil important et prometteur. Cependant, elles ne concernent pas les Etats membres de l’Union européenne puisqu’elles ne s’appliquent qu’aux pays tiers. De plus, elles ne semblent pas encore assez bien connues ni appliquées systématiquement pour l’instant.

5.3.3. Conseil de l’Europe: une forte volonté politique de concevoir un nouveau mécanisme de protection pour ses Etats membres

78. En février 2008, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a fait un grand pas vers la protection effective des défenseurs des droits de l’homme en adoptant la Déclaration sur l’action du Conseil de l’Europe pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités. Par cette déclaration, le Comité des Ministres a reconnu que les fonctions de promotion et de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales exercées par le Commissaire sont conformes à l’engagement pris par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Troisième Sommet du Conseil de l’Europe. Cette reconnaissance était particulièrement importante eu égard au rôle du Commissaire d’intervenir dans les cas d’urgence 
			(35) 
			Voir
CM(2008)5 add, 08.01.2008, Comité directeur pour les droits des
l’homme (CDDH) – Rapport d’activité sur l’action du Conseil de l’Europe
pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme
et promouvoir leurs activités.. Le Commissaire aux droits de l’homme devient donc le «mécanisme régional» de protection des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du CdE. Toutefois, pour que ce mécanisme devienne opérationnel, il est nécessaire d’allouer des ressources supplémentaires au Bureau du Commissaire (voir la partie VI ci-dessous).

6. Vers un mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme du Conseil de l’Europe: le nouveau mandat du Commissaire aux droits de l’homme et la contribution de l’Assemblée parlementaire

6.1. Les défenseurs des droits de l’homme appellent le Conseil de l’Europe à concevoir son propre mécanisme

79. Les défenseurs des droits de l’homme continuent à subir de graves violations de leurs droits fondamentaux, d’où la nécessité de redoubler d’efforts pour les soutenir dans leur travail et les protéger. Cette situation est révélatrice de l’écart qui persiste entre les normes et principes internationaux et la réalité que vivent les défenseurs des droits de l’homme sur le terrain.
80. Toutes les ONG représentées à l’audition organisée par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire en avril 2008 ont d’ailleurs insisté sur la nécessité de renforcer la protection des défenseurs des droits de l’homme, au niveau national, au niveau européen et au niveau de l’ONU. Le CdE devrait jouer un rôle clé dans les actions menées au nom des défenseurs des droits de l’homme menacés et faciliter l’assistance à ces personnes. En conséquence, les ONG ont accueilli favorablement la Déclaration du Comité des Ministres qui fait du Commissaire aux droits de l’homme l’institution du CdE compétente pour s’occuper de la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du CdE, en général et dans les cas où une action urgente est nécessaire.
81. Tous les interlocuteurs présents à l’audition ont aussi souligné qu’il importait d’assurer la complémentarité et la coordination des activités engagées en ce sens afin d’éviter la duplication des efforts et de tirer le meilleur parti des atouts comparatifs des organes et institutions du CdE. Ils ont remercié le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire d’avoir renforcé leur action et les ont appelés à coordonner leurs efforts.
82. Les ONG ont fait un certain nombre de suggestions et souligné que, dans la plupart des cas, la visibilité et la publicité contribuent à leur protection. Elles jugent nécessaire de combiner les mécanismes et mesures de niveau national et de niveau international, ainsi que les actions urgentes et les actions à long terme.
83. Les ONG ont aussi insisté sur le fait que:
  • les défenseurs des droits de l’homme menacés devraient avoir accès au CdE (et ailleurs) à des personnes/numéros de téléphone/lignes directes à contacter en cas d’urgence;
  • toute initiative/réaction en cas d’incident et/ou de menace concernant un défenseur des droits de l’homme devrait être prise en consultation avec la personne et/ou l’ONG des droits de l’homme concernée afin d’éviter d’aboutir à des résultats contraires à l’objectif recherché.

6.2. Conseil de l’Europe: vers un nouveau mécanisme régional de protection des défenseurs des droits de l’homme?

6.2.1. La Déclaration du Comité des Ministres de 2008: le nouveau mandat du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

84. En 2005, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à ce que le CdE joue un rôle plus dynamique pour protéger les droits des individus et promouvoir l’engagement inappréciable des ONG dans la défense active des droits de l’homme.
85. En 2007, le Comité des Ministres a adopté une Recommandation sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe 
			(36) 
			Recommandation
du Comité des Ministres aux Etats membres sur le statut juridique
des organisations non gouvernementales en Europe, 10.10.2007, Rec(2007)14., qui définit les normes minimales à respecter en ce qui concerne la création, la gestion et les activités générales des ONG dans les Etats membres du CdE, et qui rappelle que les ONG doivent jouir de la liberté d’expression et de tous les autres droits et libertés qui sont garantis tant universellement qu’au plan régional.
86. En février 2008, le Comité des Ministres a adopté la Déclaration sur l’action du CdE pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités 
			(37) 
			Déclaration du Comité
des Ministres sur l’action du Conseil de l'Europe pour améliorer
la protection des défenseurs des droits de l'homme et promouvoir
leurs activités, 06.02.2008. grâce, notamment, à l’engagement remarquable de Petter Wille, ambassadeur et Représentant permanent de la Norvège auprès du CdE. Le Comité des Ministres a aussi décidé de suivre la question dans la perspective de mesures supplémentaires du CdE dans ce domaine. Il jouera un rôle essentiel dans le contrôle de la mise en œuvre de la déclaration au niveau intergouvernemental.
87. La Déclaration invite notamment le Commissaire aux droits de l’homme à renforcer le rôle et la compétence de son Bureau afin d’assurer une protection forte et efficace des défenseurs des droits de l’homme, et appelle les organes et institutions du CdE à être particulièrement attentifs aux questions relatives aux défenseurs des droits de l’homme dans leurs travaux respectifs.
88. La Déclaration a donc renforcé et étendu le rôle du Commissaire aux droits de l’homme. Les tâches confiées au Commissaire relèvent en partie de son expérience et de sa pratique actuelle. De nouveaux éléments viennent cependant s’y ajouter, puisque le Commissaire est désormais chargé de faire part au public de la situation des défenseurs des droits de l’homme et d’intervenir dans les situations graves dans lesquelles des mesures d’urgence s’imposent (pour plus de précisions, voir la Déclaration).
89. En vertu de son mandat, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe est aussi explicitement investi de la mission de promouvoir la mise en place de structures nationales de défense des droits de l’homme, de faciliter leur travail et de coopérer avec elles. La déclaration du Comité des Ministres relie clairement ces activités de soutien et de renforcement des structures nationales «droits de l’homme» au rôle plus étendu que le Commissaire est invité à jouer en matière de soutien et de protection des défenseurs des droits de l’homme; elle appelle les Etats membres «à réfléchir à la possibilité de donner compétence et capacité aux commissions indépendantes, médiateurs ou institutions nationales des droits de l’homme, ou, le cas échéant, de renforcer leurs compétence et capacité existantes, de recevoir, d’examiner et de faire des recommandations pour la résolution des plaintes de la part des défenseurs des droits de l’homme concernant des violations de leurs droits» (paragraphe 2. v de la déclaration).

6.2.2. Stratégie du Commissaire pour mettre en œuvre la déclaration

90. A la suite de l’adoption de la déclaration, le Commissaire a entrepris de la mettre en œuvre en intégrant la protection et le soutien des défenseurs des droits de l’homme dans pratiquement toutes les activités de son Bureau et en élaborant une stratégie reposant sur cinq piliers:
  • dans le cadre de toutes les activités, suivre la situation des défenseurs des droits de l’homme aux niveaux national et européen, en vue de déceler, dans les législations, réglementations et pratiques nationales, les lacunes et les insuffisances qui risquent d’être préjudiciables à leurs conditions de travail et à leur sécurité;
  • faire part au public de la situation des défenseurs des droits de l’homme: des rapports sur la situation des défenseurs des droits de l’homme seront publiés chaque année, à compter de 2009;
  • intervenir dans les situations d’urgence où des défenseurs sont en danger, et notamment appeler les gouvernements à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et les aider à trouver des solutions aux problèmes que les défenseurs peuvent rencontrer;
  • sensibiliser le public et créer des réseaux: faire largement connaître les nouvelles attributions du Commissaire par le biais de la participation à diverses manifestations et publications. Le site web du Commissaire comporte une page entièrement consacrée aux défenseurs des droits de l’homme;
  • assurer la coopération, la coordination et la complémentarité avec les partenaires et acteurs clés, tels que le rapporteur spécial de l’ONU pour la question des défenseurs des droits de l’homme, le BIDDH de l’OSCE, l’Union européenne, les organisations non gouvernementales et les structures nationales de défense des droits de l’homme. Le Commissaire a créé une «task force» à cette fin.
91. Les 3-4 novembre 2008, le Bureau du Commissaire a organisé, à Strasbourg, une table ronde qui devait permettre d’examiner les principales difficultés rencontrées par les défenseurs des droits de l’homme en Europe et de réfléchir aux mesures que le Commissaire devrait prendre pour leur venir en aide. Cette manifestation a servi de cadre à un débat sur les obstacles entravant l’action des défenseurs des droits de l’homme et leurs possibilités de travailler en réseau. Elle a contribué à mieux faire connaître le mandat renforcé du Commissaire et la Déclaration du Comité des Ministres sur les défenseurs des droits de l’homme. Les participants ont discuté des suites à donner à la déclaration, des conditions de travail des défenseurs et de leurs besoins en matière de sécurité et de protection. Une soixantaine de participants ont adopté une déclaration dans laquelle ils appellent de leurs vœux un engagement plus actif du Commissaire et l’affectation de ressources supplémentaires à son Bureau. Le Commissaire a annoncé que le Bureau organiserait de nouveau une conférence consacrée aux défenseurs des droits de l’homme en 2009.
92. Afin de mettre en œuvre le paragraphe 4 iv) de la Déclaration du Comité des Ministres, le Bureau du Commissaire a entrepris, en juin 2008, de créer une task force sur les défenseurs des droits de l’homme. Ce groupe réunit le rapporteur spécial de l’ONU pour la question des droits de l’homme, le point focal du BIDDH de l’OSCE pour les défenseurs des droits de l’homme, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, ainsi que des organisations internationales non gouvernementales œuvrant en faveur des défenseurs des droits de l’homme et des défenseurs travaillant dans différents pays européens et dans différents secteurs. Le premier objectif de la task force a été de préparer la table ronde de novembre. Elle continuera à traiter de manière coordonnée les questions qui intéressent ou préoccupent l’ensemble des partenaires et à assurer la complémentarité des activités menées par les divers organismes et mécanismes.
93. Le 19 novembre 2008, le Bureau du Commissaire a organisé une réunion pour communiquer des informations aux «points de contact» des structures nationales «droits de l’homme» sur l’actualité du CdE concernant la protection et la promotion du travail des défenseurs des droits de l’homme. Les participants ont manifesté un vif intérêt pour les possibilités de synergies entre les activités des défenseurs des droits de l’homme et les activités des structures nationales «droits de l’homme». Ils ont approuvé le projet du Bureau d’organiser en 2009 une réunion conjointe entre les deux acteurs.
94. Le Commissaire envisage aussi d’organiser une nouvelle table ronde en 2009, et de présenter au Comité des Ministres un rapport annuel sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en mai/juin 2009. Cela dit, des ressources humaines et financières supplémentaires sont nécessaires à la mise en œuvre effective de ces activités. Le Commissaire a invité le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire à concevoir des modalités de coopération renforcée, compte tenu de son nouveau mandat. L’Assemblée parlementaire apporterait une contribution précieuse, car elle peut notamment agir sur le contexte politique et l’environnement de travail des défenseurs des droits de l’homme au niveau national. Le rôle politique et de «leadership» des parlementaires au niveau européen a aussi été souligné.

6.2.3. La contribution de l’Assemblée parlementaire, et notamment de sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme

95. A cet égard, il est important de souligner que les membres de l’Assemblée parlementaire ont différentes «casquettes» (c’est-à-dire des mandats locaux, nationaux et internationaux), qui leur permettent d’agir à différents niveaux, ce qui rend leur contribution encore plus précieuse. La participation des parlementaires apporte donc indéniablement une valeur ajoutée, qui devrait être exploitée en étroite collaboration avec le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. En conséquence, le groupe de travail du Comité des Ministres sur les défenseurs des droits de l’homme a demandé à l’Assemblée parlementaire de «continuer d’accorder une attention spéciale à la situation et au travail des défenseurs des droits de l’homme» 
			(38) 
			CDDH,
Groupe de spécialistes sur les défenseurs des droits de l'homme,
rapport d’activité, 24.09.2007..
96. L’Assemblée, à la fois comme instance politique et comme organe statutaire du Conseil de l’Europe, qui a concentré son action sur la protection et la promotion des droits de l’homme, a un rôle crucial à jouer dans le soutien et la protection des défenseurs des droits de l’homme sur l’ensemble du continent. Ce rôle peut assurément compléter celui du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sans faire double emploi.
97. Ainsi que l’a souligné Lluís Maria de Puig, Président de l’Assemblée parlementaire, «au fil des ans, les travaux de l’Assemblée parlementaire dans ce domaine se sont de plus en plus diversifiés et ont reconnu le rôle capital joué par les ONG et les défenseurs des droits de l’homme dans le respect et la promotion des droits de l’homme sur le terrain, dans des conditions souvent extrêmement difficiles et dangereuses pour leur sécurité et leur vie.» 
			(39) 
			<a href='http://assembly.coe.int/main.asp?link=http://assembly.coe.int/Committee/JUR/HumanRightsPrize/PrizeIndexf.htm'>Lien
vers le site web du prix des droits de l'homme</a>.
98. En janvier 2007, au cours d’un débat sur les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes, l’Assemblée a demandé la mise en place de nouveaux mécanismes de suivi spécifiques pour identifier et analyser les attaques à l’encontre des journalistes en Europe, ainsi que pour suivre les progrès réalisés par les autorités nationales chargées d’appliquer la loi et par les parlements nationaux dans leurs enquêtes sur ces attaques. 
			(40) 
			Cf. Assemblée parlementaire, Résolution 1535 (2007) et Recommandation
1783 (2007).
99. Par ailleurs, en avril 2007, lorsqu’elle a tenu son premier grand débat sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie en Europe, l’Assemblée a souligné qu’il est essentiel pour la protection et la promotion des droits de l’homme en Europe que les défenseurs des droits de l’homme puissent travailler sans entrave 
			(41) 
			Cf. Assemblée parlementaire, Résolution 1547 (2007), Situation des droits de
l’homme et de la démocratie en Europe et Doc. 11202. Voir aussi Assemblée parlementaire, Résolution 1589 (2007) et Recommandation
1820 (2007), Coopération entre l’Assemblée
et la Conférence des OING. et a décidé de remettre un Prix annuel des droits de l’homme (de l’Assemblée parlementaire) afin d’honorer des actions exceptionnelles de la société civile dans la défense des droits de l’homme. Ce prix est conçu comme un moyen de reconnaître la contribution significative de la société civile, défenseurs des droits de l’homme inclus, à la promotion et à la protection des droits de l’homme. Le premier prix sera décerné lors d’une cérémonie à Strasbourg pendant la partie de session d’été de l’Assemblée parlementaire (22-26 juin 2009).
100. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme possède notamment une longue tradition de coopération avec les défenseurs des droits de l’homme. Cette commission, par l’intermédiaire de ses présidents, de ses rapporteurs et/ou de sa sous-commission des droits de l’homme, s’est toujours efforcée de soutenir les défenseurs des droits de l’homme dans les situations difficiles en émettant des déclarations ad hoc, des communiqués de presse et/ou en s’adressant aux autorités compétentes par écrit. Cependant, elle est consciente que ce type de réponse au cas par cas n’est pas pleinement satisfaisant. La nécessité d’un mécanisme plus systématique se fait sentir. En octobre 2005, la sous-commission des droits de l’homme a tenu un échange de vues avec Mme Louise Arbour, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, et ses collaborateurs, ainsi qu’avec les ONG des droits de l’homme présentes à Genève (commission internationale des juristes, Fédération internationale des droits de l’homme, International Service for Human Rights, Human Rights Watch, Association pour la prévention de la torture, Bureau Quaker auprès de l’ONU). La sous-commission a soulevé la question de l’assouplissement des régimes de visa pour les défenseurs des droits de l’homme et la nécessité d’un mécanisme efficace en cas de menace pour leur intégrité physique; les représentants des ONG présents ont indiqué qu’ils n’étaient pas satisfaits du texte actuel de la déclaration de l’Union européenne à cet égard.
101. Lors de l’audition organisée en avril 2008 par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Amnesty International a salué le rôle moteur du Commissaire et appelé les parlementaires à renforcer leur contribution, au sein de l’Assemblée parlementaire, à la protection des défenseurs des droits de l’homme.
102. En tant que rapporteur, j’estime que l’Assemblée devrait en effet soutenir pleinement le Commissaire aux droits de l’homme dans sa fonction de «mécanisme de protection régional» pour les Etats membres du CdE, tout en jouant son rôle à elle dans le domaine du soutien et de la protection des défenseurs des droits de l’homme sur l’ensemble du continent, en étroite collaboration avec le Commissaire. Le rôle de l’Assemblée devrait englober à la fois les actions à long terme et les interventions d’urgence.
103. Il ressort de mes entretiens réguliers avec le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et de mes contacts avec ses collaborateurs que nous sommes tous d’accord pour considérer que l’Assemblée, et plus particulièrement sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme, a de toute évidence un rôle complémentaire à jouer dans les situations graves, à condition que ses réactions soient coordonnées avec celles du Commissaire. En outre, j’ai souligné la nécessité d’assurer la continuité et la durabilité de la coopération parlementaire.
104. A cet égard, il importe au plus haut point que l’Assemblée et sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme/son rapporteur disposent d’un mandat approprié et de la légitimité requise pour pouvoir réagir à des situations d’urgence, en pleine coordination avec le Commissaire aux droits de l’homme, et pouvoir s’associer aux efforts des autres mécanismes de protection des défenseurs, chaque fois que c’est nécessaire (par l’intermédiaire de la «task force», par exemple).
105. En conséquence, l’Assemblée devrait rester saisie de la question et continuer à soutenir le développement de sociétés civiles dynamiques et le travail des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du CdE, notamment en mettant en œuvre ses nouvelles initiatives, à savoir ses débats sur les droits de l’homme et son prix des droits de l’homme, en associant les défenseurs des droits de l’homme à ses travaux, en entretenant des contacts avec les autorités des Etats membres et, au besoin, en utilisant le mécanisme de la diplomatie parlementaire.
106. Concernant plus particulièrement les cas urgents et l’aide aux défenseurs menacés, l’Assemblée, par l’intermédiaire de sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme, devrait, en étroite coordination avec le Commissaire aux droits de l’homme, continuer:
  • à inviter les défenseurs à des échanges de vues ou «parrainer» ces échanges de vues;
  • à diffuser des informations sur l’affaire et/ou dénoncer les propos diffamatoires et les fausses accusations dirigés contre des défenseurs;
  • à s’adresser aux autorités.
Les parlementaires, en particulier le rapporteur, devraient alerter leurs propres réseaux (collègues parlementaires, ministère des Affaires étrangères/ambassade dans le pays concerné, etc.) dans les cas appropriés.
107. En tant que rapporteur de la commission chargé de la question des défenseurs des droits de l’homme, j’ai déjà répondu à plusieurs appels urgents d’ONG œuvrant pour les droits de l’homme ou de personnes isolées, en adressant des lettres confidentielles aux autorités compétentes, en coordination avec le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme. Je considère que ce sont des exemples de diplomatie parlementaire.
108. Je tiens cependant à rappeler qu’il faudrait faire précéder toute initiative ou réaction en cas d’incident ou de menace concernant un défenseur des droits de l’homme de la consultation du défenseur lui-même ou des personnes qui sont en contact direct avec lui et/ou des ONG concernées, pour éviter d’aboutir à des résultats contraires à l’objectif recherché.
109. S’agissant de la proposition d’Amnesty Internationald’organiser une campagne du CdE pour promouvoir le rôle et le travail des défenseurs des droits de l’homme, l’Assemblée ne manquera pas de soutenir une telle campagne et d’y participer activement si elle est organisée et conduite par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Cette proposition ne pourra toutefois être mise en œuvre qu’à condition que le Bureau du Commissaire se voie allouer les ressources nécessaires.

6.2.4. Renforcer l’action du Conseil de l’Europe: mieux utiliser la panoplie unique d’instruments et d’organes dont dispose le Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme

110. Le CdE dispose d’une panoplie unique d’instruments consacrés aux droits de l’homme pour créer et promouvoir un environnement favorable au travail des défenseurs des droits de l’homme. En outre, les organes et organismes du CdE devraient prêter plus d’attention à la question des défenseurs des droits de l’homme.

Mécanismes de contrôle/suivi du Conseil de l’Europe

111. Le CdE possède notamment une panoplie unique d’instruments juridiquement contraignants qui sont dotés de systèmes de contrôle/suivi accessibles aux défenseurs des droits de l’homme. Ces mécanismes comprennent la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et le Comité européen des droits sociaux, qui examine les réclamations collectives. La commission contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qui ne résulte pas d’un traité, est aussi une instance particulièrement pertinente pour les défenseurs des droits de l’homme.
112. Le devoir des Etats membres de coopérer avec la Cour européenne des droits de l’homme a déjà été mentionné 
			(42) 
			Paragraphe 22 ci-dessus.. Il faut garder à l’esprit la possibilité, pour la Cour, d’indiquer des «mesures provisoires» (article 39 du Règlement de la Cour). Leur application se limite normalement aux situations dans lesquelles il y a un risque pour la vie, la santé ou l’équilibre d’un requérant. Des mesures provisoires ont déjà été indiquées dans des cas de danger imminent de dommage irréparable et dans des affaires relatives à une procédure d’expulsion ou d’extradition dans lesquelles il y avait de bonnes raisons de croire que l’intéressé risquait réellement d’être tué ou maltraité dans le pays concerné. Il semble qu’à ce jour l’article 39 n’ait pas encore été appliqué à des cas de militants des droits de l’homme harcelés ou menacés.

Le Conseil de l’Europe et la société civile

113. Les organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes constituent un élément vital de la société européenne garantissant la liberté d’expression et d’association, toutes deux fondamentales pour la démocratie. Le CdE a reconnu leur rôle dès 1952, date à laquelle il a donné la possibilité aux ONG internationales (OING) d’acquérir un statut consultatif. Depuis 2003, ce «statut consultatif» a été remplacé par un «statut participatif». 
			(43) 
			<a href='http://www.coe.int/T/F/ONG/Public/Fresolution2003_8.asp'>Résolution
(2003)8</a> adoptée par le Comité des Ministres le 19.11.2003. Toutes
les ONG bénéficiant du statut consultatif se sont vu conférer automatiquement
le statut participatif. Les comités directeurs, les comités d’experts gouvernementaux et les autres instances du Comité des Ministres peuvent faire participer les OING jouissant de ce statut à la définition des politiques, des programmes et des actions du CdE. En outre, le CdE dispose d’une structure permanente de coopération avec les OING: la commission de liaison avec les ONG et la Conférence plénière annuelle des ONG. 
			(44) 
			En 1976, une <a href='http://www.coe.int/T/f/ONG/Public/Commission_de_liaison/'>commission
de liaison</a> d'ONG dotées du statut consultatif, désormais participatif,
auprès du CdE a été créée – sous la responsabilité des organisations
non gouvernementales elles-mêmes, mais en étroite collaboration
avec le Secrétariat du CdE – afin d’améliorer les méthodes de coopération
avec le CdE. Par ailleurs, une Conférence plénière, à laquelle toutes
les ONG dotées du statut consultatif, désormais participatif, auprès
du CdE sont invitées, a également été créée en 1977. Elle détermine
les orientations pour améliorer l'efficacité du statut participatif
et, à la lumière de celles-ci, les objectifs de la commission de
liaison. Voir également la Résolution
1589 (2007), et la Recommandation
1820 (2007) de l’Assemblée parlementaire et le Doc. 11441 sur la coopération entre l’Assemblée parlementaire et
la Conférence des OING.
114. Il convient encore de rappeler l’existence de la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des ONG internationales, de 1986, qui vise à faciliter les activités des ONG au niveau international. En 2002, un groupe d’experts du CdE a approuvé les Principes fondamentaux sur le statut des ONG en Europe, qui couvrent des sujets tels que la personnalité juridique, le statut, la gestion, la collecte de fonds, la transparence et la responsabilité des ONG. Ces principes complètent la Convention susmentionnée et guident les Etats qui réforment actuellement leur législation sur les ONG. Ils contribuent ainsi à l’harmonisation européenne en la matière.
115. Par ailleurs, l’article 36 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit la possibilité, pour des représentants de la société civile ou des associations, de participer à la procédure devant la Cour en qualité de «tiers intervenant». A ce titre, des ONG et des associations peuvent présenter des observations écrites à l’invitation du président d’une chambre. Les occasions pour les ONG d’intervenir devant la Cour dans le cadre de la «tierce intervention» sont devenues de plus en plus nombreuses ces dernières années.
116. Enfin, en janvier 2008, à la suite de l’adoption de la recommandation du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe (voir ci-dessus), la Conférence du CdE des organisations internationales non gouvernementales (OING) a créé un Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG. En vertu de son mandat, le Conseil d’experts vise à contribuer à la création d’un environnement favorable aux ONG dans toute l’Europe par l’examen de la législation nationale relative aux ONG et sa mise en œuvre, et par la promotion du respect des normes du Conseil de l’Europe et des bonnes pratiques européennes en la matière. Il conseillera sur la manière de mettre la législation et les pratiques nationales en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe et les bonnes pratiques européennes et proposera des moyens de développer les normes du Conseil de l’Europe. Le premier rapport du Conseil d’experts a été examiné lors de la session plénière de la Conférence des OING en octobre 2008.

6.2.5. Rôle des médias et de la société civile

117. Les médias peuvent jouer un rôle décisif dans le soutien à apporter aux défenseurs des droits de l’homme en faisant connaître les violations de droits dont sont victimes ces personnes et en favorisant le soutien public à leur travail, notamment en s’opposant aux déclarations diffamatoires à leur encontre, y compris celles les qualifiant à tort de terroristes, de criminels ou d’ennemis de l’Etat. 
			(45) 
			Pour
plus de précisions, se reporter à la Fiche d’information n° 29 de
l’ONU.
118. La société civile devrait aussi développer ses propres réseaux à l’échelon local, national et européen, y compris en établissant des liens avec les acteurs internationaux pertinents comme les OING des droits de l’homme.
119. L’ONG Protection International propose aussi de mettre en place sur un site Internet un forum interparlementaire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme qui recueillerait l’ensemble des instruments et mécanismes de protection, émanant d’ONG ou d’institutions intergouvernementales, ainsi que les bonnes pratiques en ce domaine 
			(46) 
			voir <a href='http://www.protectionline.org/-Accueil-.html'>http://www.protectionline.org/-Accueil-.html</a>.

_________________

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Renvoi en commission: Doc. 10985, Renvoi n° 3281 du 6 octobre 2006

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 27 janvier 2009

Membres de la commission: Mme Herta Däubler-Gmelin (Présidente), M. Christos Pourgourides, M. Pietro Marcenaro, M. Rafael Huseynov (Vice-présidents), M. José Luis Arnaut, Mme Meritxell Batet Lamaña, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, Mme Anna Benaki, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Ingrīda Circene, Mme Ann Clwyd, Mme Alma Čolo, M. Joe Costello, Mme Lydie Err, M. Renato Farina, M. Valeriy Fedorov, M. Joseph Fenech Adami, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Jószef Gedei, Mme Svetlana Goryacheva, Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Serhiy Holovaty, M. Johannes Hübner, M. Michel Hunault, Mme Fatme Ilyaz, M. Kastriot Islami, M. Želiko Ivanji, Mme Iglica Ivanova, Mme Kateřina Jacques, M. András Kelemen, Mme Kateřina Konečná, M. Franz Eduard Kühnel, M. Eduard Kukan, Mme Darja Lavtižar-Bebler, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Aleksei Lotman, M. Humfrey Malins (remplaçant: M. Christopher Chope), M. Andrija Mandic, M. Alberto Martins, M. Dick Marty, Mme Ermira Mehmeti, M. Morten Messerschmidt, M. Akaki Minashvili, M. Philippe Monfils, M. Alejandro Muñoz Alonso, M. Felix Müri, M. Philippe Nachbar (remplaçant: M. René Rouquet), M. Tomislav Nikolić, M. Valery Parfenov, Mme Maria Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Valeriy Pysarenko (remplaçant: M. Hryhoriy Omelchenko), M. Janusz Rachoń, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. Paul Rowen, M. Armen Rustamyan, M. Kimmo Sasi, M. Ellert Schram, M. Dimitrios Stamatis (remplaçant: M. Emmanouil Kefaloyiannis), M. Fiorenzo Stolfi, M. Christoph Strässer, Lord John Tomlinson, M. Mihai Tudose, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Viktor Tykhonov, M. Øyvind Vaksdal, M. Giuseppe Valentino, M. Hugo Vandenberghe, M. Egidijus Vareikis, M. Luigi VItali, M. Klaas de Vries (remplaçant: M. Pieter Omtzigt), M. Dimitry Vyatkin, Mme Renate Wohlwend, M. Jordi Xuclà I Costa (remplaçant: M. Arcadio Díaz Tejera)

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras.

Secrétariat de la commission: M. Drzemczewski, M. Schirmer, Mme Maffucci-Hugel, Mme Heurtin