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Rapport | Doc. 919 | 18 décembre 1958

Activité de l'Assemblée Commune du 1er juillet 1957 au 18 mars 1958 et de l'Assemblée Parlementaire Européenne du 19 mars au 31 décembre 1958

Rapporteur : M. Hans FURLER, Allemagne

Introduction - 3

Chapitre Ier : SITUATION DU MARCHÉ COMMUN DU CHARBON ET DE L'ACIER A LA FIN DE LA PÉRIODE DE TRANSITION - 7

A. Mesures de sauvegarde de la période de transition — suppression et résultats. - 7

B. Évolution des marchés nationaux vers un marché commun du charbon et de l'acier. - 9

C. Développement à long terme et élaboration d'une politique à long terme - 15

D. Marché commun du charbon et de l'acier et conjoncture mondiale - 18

E . Les travailleurs et le marché commun du charbon et de l'acier - 20

Chapitre II : CONTRIBUTION MATÉRIELLE DE L'ASSEMBLÉE COMMUNE A L'ÉLARGISSEMENT ET L'INTÉGRATION ÉCONOMIQUE - 25

A. Politique charbonnière et sidérurgique à long terme — Son insertion dans la politique économique à long terme des six États membres - 25

B. Coordination de la politique énergétique. - 27

C. Coordination des transports européens. - 28

D. Premiers jalons d'une politique sociale européenne - 30

Chapitre III : L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE EUROPÉENNE ET LES PREMIERS TRAVAUX DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE ET DE L'EURATOM - 32

A. Préparation et établissement du marché commun général - 32

B. Ébauche d'une politique agricole commune. - 37

C. L'association des pays et territoires d'outremer - 38

D. Développement de l'industrie nucléaire en Europe - 39

Chapitre IV : ACTIVITÉ DE L'ASSEMBLÉE COMMUNE ET DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE EUROPÉENNE SOUS L'ANGLE DE LA POLITIQUE GÉNÉRALE - 41

A. Collaboration de l'Assemblée Commune à la réalisation des deux nouvelles Communautés - 41

B. Relations entre l'Assemblée et les autres institutions de la Communauté - 42

C. Révision du traité de la C.E.C.A - 44

D. Formation d'une tradition parlementaire européenne - 45

E. Questions budgétaires des Communautés. - 47

G. Nécessité de coordonner les travaux des institutions européennes — Missions de coordination de l'Assemblée - 51

H. Caractère ouvert de la Communauté des Six - 52

Chapitre V : POLITIQUE COMMERCIALE ET INTENSIFICATION DE LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE - 53

A. Relations extérieures des Communautés européennes - 53

B. Relations extérieures de la C.E.C.A. - 56

C. Politique commerciale commune - 57

D. Association Économique Européenne (zone de libre-échange) - 58

E. Relations des Communautés européennes avec le G.A.T.T - 63

F. Relations extérieures de l'Euratom. - 64

Chapitre VI : ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE EUROPÉENNE ET ASSEMBLÉE CONSULTATIVE DU CONSEIL DE L'EUROPE - 65

1.

Poursuivant la tradition établie par l'Assemblée Commune dans les relations avec l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe, le Comité des Présidents de l'Assemblée Parlementaire Européenne a désigné, le 13 mai 1958, M. Furler comme rapporteur général chargé de rédiger le rapport à l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe, sur l'activité de l'Assemblée Commune du 1er juillet 1957 au 18 mars 1958 et de l'Assemblée Parlementaire Européenne du 19 mars au 31 décembre 1958.

L'Assemblée Parlementaire Européenne, a confirmé cette désignation le 21 juin 1958.

Le Comité des Présidents a examiné et adopté à l'unanimité le présent rapport, le 16 décembre 1958.

Étaient présents : Bureau de l'Assemblée :

M. Schuman, Président,

MM. Fohrmann, Cantalupo, Furler, Vanrullen, Janssens, Battista et Kalbitzer, Vice- Présidents ;

Présidents de commission :

MM. Battaglia, Bertrand, Burgbacher, van der Goes van Naters, Illerhaus, Margue, Margulies, Martinelli, Scheel, Storch et Mme Strobel.

Présidents des groupes politiques :

MM. Poher et Birkelbach.

L'Assemblée a approuvé le rapport à l'unanimité dans sa séance du 17 décembre 1958.

2. Introduction

1. C'est la première fois que l'Assemblée Parlementaire Européenne des trois Communautés (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, Communauté Économique Européenne, Euratom) présente un rapport à l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe. L'idée n'est cependant pas nouvelle ; l'Assemblée Parlementaire Européenne reprend entièrement à son compte une procédure instituée par l'Assemblée Commune de la C.E.C.A. en 1954. Le but en était d'ouvrir, chaque année, sur l'activité et les objectifs de la Communauté des Six, une discussion publique, en réunion jointe des membres des deux Assemblées, avec les parlementaires des autres pays membres du Conseil de l'Europe.

La réunion jointe des membres de l'Assemblée Consultative et de l'Assemblée Parlementaire Européenne n'a pas eu lieu à la session d'octobre comme les autres années. Elle a été reportée à la première Session de 1959 de l'Assemblée Consultative. Ce n'est pas là un effet du hasard ni le signe d'un retard des travaux. Le motif en est plus profond.

Depuis qu'a été discuté le rapport de M. Gozard, en automne 1957, l'intégration européenne a franchi une étape marquante. La C.E.E. 
			(1) 
			Dans le présent document l'abréviation C.E.E. désigne
la Communauté Economique Européenne et non la Commission
Économique pour l'Europe des Nations Unies. et l'Euratom sont venus flanquer la C.E.C.A. et l'Assemblée Commune s'est transformée en Assemblée Parlementaire Européenne, dont le pouvoir de contrôle et l'action politique embrassent le domaine des trois Communautés. L'Assemblée n'est donc plus tenue de suivre uniquement le calendrier qui était en vigueur au temps de la Communauté du Charbon et de l'Acier. Aussi a-t-elle estimé opportun de faire coïncider l'année parlementaire avec l'année civile, de façon que les rapports d'activités des trois Communautés soient examinés dans le cours d'une seule et même année parlementaire. Des négociations sont en cours entre l'Assemblée et les exécutifs à propos des dates les plus favorables pour la présentation des rapports d'activité à l'Assemblée, c'est-à-dire des dates permettant la répartition la plus rationnelle des sessions dans l'année parlementaire. Voilà pourquoi le présent rapport a trait à une période qui ne s'arrête qu'après la session de décembre 1958. Son objet sera donc, non seulement l'activité de l'Assemblée Commune du 1er juillet 1957 au 18 mars 1958, mais encore les premiers mois d'activité de l'Assemblée Parlementaire Européenne, constituée le 19 mars 1958 en application des Traités de Rome.

Ces dates suffisent à montrer l'importance de la période dont rend compte le présent rapport.

2. Au cours de la seconde moitié de l'année 1957, alors que les parlements nationaux discutaient la ratification des Traités de Rome, signés le 25 mars 1957, l'Assemblée Commune ne ralentissait en rien le rythme de ses travaux et elle tenait deux sessions qui allaient marquer l'avenir de leur empreinte.

La première de ces sessions s'est tenue en novembre 1957 à Rome; elle a été spécialement digne d'intérêt en ce que, pour la première fois, les problèmes généraux de l'intégration économique de l'Europe ont donné lieu à un échange de vues, en séance publique, avec les ministres des Affaires Économiques représentant les six pays au Conseil de Ministres de la C.E.C.A.

La seconde de ces sessions a été la dernière de l'Assemblée Commune. Elle a eu lieu en février 1958 et a coïncidé avec la fin de la période transitoire de cinq ans, prévue par le traité instituant la C.E.C.A. Le rapport reviendra (chapitre II) plus en détail sur l'importance de la date à laquelle le traité C.E.C.A. est devenu applicable dans son intégralité.

L'Assemblée Commune a examiné la situation telle qu'elle se présentait alors et les possibilités qu'elle contenait en germe. Dans cette optique, elle a étudié les dispositions du traité C.E.C.A. qu'après cinq ans d'expérience il devenait nécessaire de réviser ou de compléter.

Passant en revue son activité passée, l'Assemblée a, en outre, essayé de circonscrire avec le maximum de précision le champ de son expérience et de déterminer dans quelles conditions s'est développée, à partir de l'esprit du traité, une tradition démocratique qui se révélait efficace, en même temps qu'elle constituait une ligne de conduite politique.

Bien que cette session de février ait été la dernière manifestation publique de l'Assemblée Commune, celle-ci a pourtant poursuivi intensivement son activité dans ses commissions, afin d'assurer la continuité du travail politique, social et économique, ainsi qu'une transition organique vers la nouvelle Assemblée.

3. C'est précisément à cette époque que le travail des groupes politiques de l'Assemblée Commune a été particulièrement appréciable. La transformation de l'Assemblée Commune en un parlement compétent pour les trois Communautés imposait au Bureau de l'Assemblée une tâche lourde de responsabilités. Le Bureau a eu la chance de pouvoir compter sur le ferme appui des trois groupes politiques, dont la coopération et l'aide lui ont été extrêmement précieuses.

4. L'Assemblée Parlementaire Européenne s'est constituée le 19 mars 1958 et s'est donné comme Président M. Robert Schuman, un des plus grands parmi les pionniers de l'idée européenne. Elle a marqué par son choix sa volonté de faire l'unité, non seulement économique, mais encore politique. L'importance de cette date pour l'évolution politique de l'Europe a été soulignée dans les déclarations solennelles des Présidents de toutes les institutions et de ceux des groupes politiques.

La détermination de la nouvelle Assemblée de poursuivre la tradition créée par l'Assemblée Commune s'est immédiatement manifestée dans l'adoption du règlement, à peine modifié, dont cinq ans d'application avaient confirmé la valeur. Les commissions ont été constituées de telle façon que, malgré l'extension de la compétence de l'Assemblée à trois Communautés aux tâches diverses, les problèmes comparables posés par l'application des trois traités ressortissent à la compétence d'une seule et même commission. L'objectif poursuivi était d'encourager, sur le plan parlementaire, la conception uniforme d'une politique économique, sociale, financière ou des transports.

Bien que l'Assemblée Parlementaire Européenne fonctionne depuis un an à peine, on peut dire que la pratique a confirmé l'opportunité de ces mesures d'organisation. En procédant constamment à des échanges de vues avec les exécutifs, l'Assemblée a réussi à contribuer à l'évolution de la politique et des programmes de travail des Communautés. Les rapports de l'Assemblée en sont le témoignage fidèle et vivant.

5. L'Assemblée n'a jamais négligé le fait que la Communauté des Six était une Communauté ouverte ; c'est pourquoi elle s'est toujours efforcée d'encourager toutes les initiatives tendant à resserrer les relations avec les autres organisations et pays d'Europe. Le présent rapport reviendra sur les efforts accomplis en vue de la constitution d'une zone de libre-échange (Association Économique Européenne), il exposera les vues de l'Assemblée au sujet des négociations menées dans le cadre du G.A.T.T. et de l'O.E.C.E., et il répondra aux questions que pose la coopération avec l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe.

6. Le présent rapport sera donc bâti sur le modèle de la multiplicité des travaux de l'Assemblée Commune et de l'Assemblée Parlementaire Européenne. Il comprendra dès lors les chapitres suivants :

Chapitre Ier. — Situation du marché commun du charbon et de l'acier à la fin de la période de transition ;

Chapitre II. — Travaux de l'Assemblée Commune concernant l'intégration économique plus large de l'Europe ;

Chapitre III. — Avis de l'Assemblée Parlementaire Européenne sur les premiers travaux des deux nouvelles Communautés ;

Chapitre IV. — Activité politique générale de l'Assemblée Commune et de l'Assemblée Parlementaire Européenne ;

Chapitre V. — Politique commerciale et efforts tendant à élargir la coopération économique européenne ;

Chapitre VI. — Relations entre l'Assemblée Parlementaire Européenne et l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe.

7. L'Assemblée Parlementaire Européenne est convaincue que ce rapport, en permettant un échange de vues fructueux, contribuera à resserrer les liens qui unissent les pays européens et servira ainsi la cause d'une vaste intégration européenne.

3. CHAPITRE Ier - Situation du marché commun du charbon et de l'acier à la fin de la période de transition

3.1. A. Mesures de sauvegarde de la période de transition — Suppression et résultats

8. Il y a près de six ans qu'a été ouvert, en février et en mai 1953, le marché commun du charbon d'abord, de la ferraille, du minerai et de l'acier ensuite. Les auteurs du traité savaient cependant que les règles et les interdictions du traité ne pouvaient s'appliquer pleinement et immédiatement à toutes les entreprises relevant de la Communauté du Charbon et de l'Acier et à tous les territoires constituant désormais le marché commun. C'est pourquoi la Convention relative aux dispositions transitoires a établi une série d'exceptions aux règles du traité, ainsi que des mesures de sauvegarde en faveur des industries ou des territoires qui ne pouvaient supporter immédiatement la concurrence sur le marché commun. Pendant cinq ans, la transition serait progressive et souple.

Ces mesures prévues par la convention consistaient surtout dans l'autorisation de maintenir temporairement des barrières douanières pour certains produits, dans l'attribution d'aides financières par la Communauté, dans l'autorisation, pour les gouvernements, de continuer à accorder des subventions, par dérogation au traité qui porte interdiction générale des subventions, enfin dans la possibilité, pour la Communauté, d'accorder les aides à la réadaptation en suivant des règles plus larges que celles du traité.

9. A l'expiration de la période de transition, le 10 février 1958, on a pu constater, de façon générale, que les dispositions transitoires avaient atteint leur but, tout comme les dérogations et autorisations qu'elles prévoyaient. Les derniers droits de douane, perçus à la frontière italienne pour les produits de la Communauté en provenance des cinq autres pays, ont été supprimés le 10 février 1958, sans donner lieu à la crainte de voir l'industrie charbonnière et sidérurgique italienne incapable de supporter la concurrence des industries des autres pays. Les subventions encore accordées dans plusieurs pays de la Communauté ont pu être supprimées pour la même date. Le bassin charbonnier italien de Sulcis, qui avait obtenu une aide particulière de la Communauté pour sa modernisation et sa reconversion, est en voie d'assainissement. Les aides à la réadaptation ont pu être accordées par la Haute Autorité dans tous les cas qui semblaient les exiger et quand les gouvernements les avaient sollicitées.

10. Une exception importante doit, toutefois être signalée. Il s'agit de l'intégration des charbonnages belges dans le marché commun. Ainsi que la commission du Marché l'a indiqué dans son dernier rapport 
			(2) 
			Rapport de M. Korthals sur les parties du sixième
rapport général sur l'activité de la C.E.C.A. ressortissant
à la compétence de la commission ; chapitre I e r (Doc. n° 12,
1958). Résolution adoptée par l'Assemblée le 27 juin 1958. , l'objectif est encore loin d'être atteint. Les écarts qui existaient entre les charbonnages belges et les autres bassins de la Communauté lors de l'ouverture du marché commun se sont même partiellement creusés au désavantage des producteurs belges. L'Assemblée a fait siennes les constatations et les propositions de la commission et elle a constaté avec regret que l'on avait négligé; dans ce domaine, d'utiliser pleinement les possibilités de la période de transition. Elle a réclamé une réorganisation, une rationalisation et une modernisation qui rendent les charbonnages belges compétitifs au regard des charbonnages des autres pays et qui leur permettent de s'intégrer complètement dans le marché commun. Elle a également demandé l'établissement rapide de propositions concrètes, sur la base des études d'un comité d'experts créé par le Gouvernement belge ; le contrôle et l'accélération par la Haute Autorité de l'adoption de ces mesures, dont elle peut influencer l'application en l'assortissant de conditions et de recommandations ; l'autorisation de subventions accordées aux charbonnages par le Gouvernement ; une protection contre les répercussions de la fermeture de certains puits, non pas seulement par l'application des dispositions du traité C.E.C.A. sur l'aide à la réadaptation, mais également par la création, en collaboration avec la Commission de la Communauté Économique Européenne, de nouveaux emplois pour la main-d'oeuvre devenue disponible 
			(3) 
			Résolution sur les problèmes du marché intérieur,
adoptée par l'Assemblée Parlementaire Européenne le
27 juin 1958..

C'est précisément sur ce dernier point que doit être soulignée la possibilité d'une collaboration efficace entre les deux exécutifs européens.

3.2. B. Évolution des marchés nationaux vers un marché commun du charbon et de l'acier

11. Même après la période de transition, il reste beaucoup à faire pour créer un marché commun. La réunion des marchés nationaux en un véritable espace économique homogène est un processus de longue haleine qui s'est heurté à divers obstacles et qui rencontre encore des difficultés. Il sera très important, en harmonisant l'activité et la politique des trois exécutifs, de veiller à ce que, dans la période initiale du marché commun général, les inconvénients et les limitations qui découlent pour la C.E.C.A. du caractère partiel de l'intégration soient rapidement supprimés et que, par ailleurs, l'expérience des six années d'activité de la Haute Autorité profite aux autres Communautés.

Cependant, abstraction faite de cette limitation au charbon et à l'acier, il existe encore d'autres motifs qui font que la fusion dans un marché commun ne se réalise que petit à petit. L'opération n'est pas, en effet, une métamorphose aussi rapide que spectaculaire ; c'est un processus organique de croissance et il est impossible de tenir l'inventaire permanent et de dresser exactement la courbe des progrès du marché commun.

12. Ainsi, on pourrait être tenté de juger du degré d'interpénétration sur le marché commun du charbon et de l'acier en se basant uniquement sur l'accroissement des échanges commerciaux. Il est certain que le volume des échanges dans la Communauté est une indication du niveau atteint par l'intégration, mais ce n'est pas le seul instrument de mesure. Comme le souligne dans son rapport la commission du Marché intérieur 
			(4) 
			Rapport Korthals, juin 1958. , les échanges doivent se maintenir dans certaines limites. Le charbon et l'acier sont des produits dont les prix sont très sensibles aux coûts des transports ; dès lors, chaque entreprise, chaque bassin dessert une région, sauf exceptions toujours très rares. On a également constaté que, pour le charbon, les courants commerciaux sont relativement invariables et ne s'écartent que lentement des voies traditionnelles. En conséquence, les échanges de produits sidérurgiques ont augmenté beaucoup plus que les échanges de charbon. Par rapport à 1952 = indice 100, en 1957, l'indice des échanges Jde charbon est passé à 119,2 et celui des échanges d'acier à 177,5. Des comparaisons montrent que, pour l'acier, les échanges ont accusé une plus forte augmentation que pour des produits comparables qui ne relèvent pas de la C.E.C.A., tandis que pour le charbon les échanges, après avoir fortement augmenté pendant les premières années, se maintiennent à un niveau à peu près fixe.

13. Le degré d'intégration ressort aussi de la réalité de la concurrence. Si, de l'été 1954 a l'été 1957, on n'a guère constaté de souplesse des prix, c'est que la Communauté a connu alors une période de haute conjoncture. Avec la régression de la conjoncture, qui s'est manifestée à partir de l'automne 1957 dans les pays de la Communauté, on a constaté en particulier des fluctuations des prix de l'acier. Ces fluctuations se traduisent, non pas t a n t par une modification des barèmes des prix, bien que ceux-ci aient été en général abaissés, que par leur alignement, possible en vertu du traité C.E.C.A. 
			(5) 
			Article 60-2 (b). Les aciéries peuvent effectivement aligner leurs prix sur ceux de leurs concurrents, pour les livraisons en un lieu déterminé ; au cours des douze derniers mois, les aciéries de la Communauté ont parfois fait largement usage de cette faculté : en effet, pour nombre de transactions, elles ont aligné leurs prix sur les prix les plus bas, à savoir ceux de la sidérurgie française. Cette interaction des prix est en elle-même un phénomène heureux. Dans le cas présent, elle ne va cependant pas sans susciter quelque inquiétude : en effet, c'est par suite de la dévaluation du franc français que les prix français sont devenus subitement les prix de beaucoup les plus bas de la Communauté ; cela veut dire que les rapports concurrentiels ont été fortement modifiés par une mesure monétaire unilatérale, qui échappait complètement à l'influence de la Communauté et des institutions de celle-ci 
			(6) 
			Nous examinerons encore plus loin, aux pages 25
à 27, les questions de principe que soulèvent de telles
mesures unilatérales des gouvernements des États membres..

Nous ne pouvons pas exposer en détail ici le problème que posent les prix du charbon, qui n'a jamais cessé de retenir l'attention des commissions compétentes et de l'Assemblée. C'est une question à traiter dans le cadre général de l'économie énergétique, si on veut l'aborder et la juger correctement.

14. D'autres phénomènes encore font apparaître l'interpénétration croissante des relations commerciales dans le cadre du marché commun. Un important facteur intervient ici, à savoir l'existence et l'application de règles communes, la publication de décisions et de prescriptions qui sont applicables sur tout le territoire auquel s'étend le marché commun et qui donnent une base de plus en plus solide au fait économique que constitue le marché commun du charbon et de l'acier.

Certaines de ces règles et décisions sont particulièrement importantes parce qu'elles touchent au développement structurel des industries du charbon et de l'acier : ce sont les dispositions relatives aux ententes et aux concentrations. Le problème a déjà été traité longuement dans les rapports antérieurs à l'Assemblée Consultative. L'intérêt qu'on lui accorde est toujours resté aussi vif, même pendant la période qui fait l'objet du présent rapport. L'Assemblée s'est félicitée de voir la Haute Autorité donner pour la première fois, dans son sixième rapport général, des précisions touchant son activité dans ce domaine.

15. Une double tâche incombait à la Haute Autorité envers les ententes : d'une part, elle devait dissoudre ou transformer les organisations existantes constituant des ententes ou recourant à des pratiques concertées, et, d'autre part, elle devait empêcher la formation d'ententes de nature à fausser le jeu normal de la concurrence et le recours à des pratiques concertées. L'expérience a montré que la première de ces tâches est de loin la plus difficile, car, dans les cas les plus importants, il s'agissait de groupements puissants, souvent établis de longue date, qu'il est très délicat de réorganiser. Leur dissolution brutale aurait pu avoir des répercussions très graves pour la Communauté. La plus importante de ces organisations cartellistes était l'organisation de vente du charbon allemand (GEORG) ; elle a été remplacée depuis avril 1955 par trois comptoirs de vente indépendants dont quelques rouages sont commmuns. A l'époque, l'Assemblée Commune n'avait pas approuvé sans réserves la réorganisation, comme M. Struye l'avait déjà indiqué dans son rapport. 
			(7) 
			Troisième rapport à l'Assemblée Consultative, présenté
par M. Struye, octobre 1956. Alors que le groupe socialiste estimait insuffisante la réorganisation, les groupes démocrate-chrétien et libéral se réservaient le droit d'émettre un juge ment définitif à la lumière des expériences faites avec le nouveau système.

La commission compétente a constaté 
			(8) 
			Rapport Korthals, juin 1958, pages 19 et suivantes., dans le fonctionnement du système, des insuffisances qui allaient à l'encontre des décisions de la Haute Autorité et des dispositions du traité et qui concernaient avant tout l'approvisionnement des grossistes de la Communauté. Mais on a pu constater que, dans ces cas, la Haute Autorité s'est toujours efforcée de mettre rapidement fin aux procédés inadmissibles des comptoirs. En revanche, la commission n'a pas été d'accord avec la Haute Autorité, et l'Assemblée a partagé l'opinion de la commission, lorsqu'en présence de la majoration des prix appliquée en commun par les trois comptoirs de vente en automne 1957, la Haute Autorité a estimé que l'on pouvait admettre que ceux-ci avaient cru de bonne foi ne pas fausser ainsi le jeu normal de la concurrence. 
			(9) 
			Résolution du 27 juin 1958. On touche ici à la question fondamentale ; il s'agit de savoir si les trois comptoirs de vente sont indépendants les uns des autres et si, par suite, ils sont réellement concurrents ou peuvent le devenir. L'Assemblée s'est félicitée d'apprendre que la Haute Autorité réexamine à fond tout le fonctionnement du système de vente du charbon de la Ruhr, étant donné que la réglementation actuelle n'est applicable que pendant trois ans. L'Assemblée espère que, sur la base des résultats de son enquête, la Haute Autorité prendra toutes les mesures propres à rendre la situation conforme au traité, compte tenu des nécessités économiques.

16. La question de l'A.T.I.C. n'a pas fait de progrès depuis la présentation du dernier rapport à l'Assemblée Consultative ; la Cour de Justice est actuellement saisie d'un recours et, pour cette raison, l'Assemblée et sa commission compétente se sont abstenues de revenir sur le fond de la question et de prendre position.

L'Assemblée a relevé en outre le fait que le système des prix uniformément fixés par les entreprises d'un bassin ou d'un pays entier — système encouragé par l'intervention des gouvernements en matière de fixation des prix — ne saurait être accepté sans être suspect de nonconformité à l'interdiction des mesures restrictives de la concurrence. L'Assemblée a donc invité la Haute Autorité à approfondir le problème.

17. La question des concentrations a également été traitée dans le dernier rapport présenté par M. Gozard. Dans la résolution qu'elle a adoptée au sujet de cet important problème, 
			(10) 
			Résolution n° 85, adoptée par l'Assemblée Commune
le 26 février 1958. l'Assemblée Commune a invité la Haute Autorité à s'attacher avant tout aux tâches suivantes : développer une action cohérente dans le domaine des concentrations, dans le cadre de sa politique charbonnière et sidérurgique ; orienter le mouvement des concentrations dans un sens qui corresponde aux buts de la Communauté ; examiner quelles seront les limites au-delà desquelles une concentration ne serait pas souhaitable ; tenir compte des répercussions politiques éventuelles du développement des concentrations de manière à éviter la concentration d'une trop grande puissance économique et, par là, politique, dans les mains de certains particuliers.

L'Assemblée et ses commissions devront continuer à suivre attentivement le développement des concentrations qui est encore loin d'être arrivé à son terme et qui, avec l'entrée en vigueur du marché commun, va aussi s'intensifier dans d'autres secteurs.

18. Pour les ferrailles importées de pays tiers, en particulier des États-Unis, il existe depuis plusieurs années déjà un mécanisme d'importation et de péréquation destiné à éviter que les fluctuations des prix des ferrailles d'importation, fluctuations qui sont dues en partie aux frets et en partie aux cotations américaines, se répercutent sur la structure des prix dans la Communauté. Ce système a été modifié et amendé à diverses reprises. A la suite d'une des modifications ainsi intervenues, plusieurs entreprises ont porté plainte contre la Haute Autorité. L'arrêt de la Cour de Justice formule quelques remarques fort pertinentes au sujet du fonctionnement de la Communauté et des institutions de celle-ci. En effet, la Cour constate que, si la Haute Autorité a le droit de déléguer certains de ses pouvoirs, le contrôle de l'exercice de ceuxci ne peut pas appartenir à des organisations tierces, mais continue à incomber à la Haute Autorité elle-même. Cet arrêt influera fortement sur le développement ultérieur de la Communauté et des institutions de celle-ci. La durée du mandat de la Caisse de péréquation des ferrailles importées a été provisoirement prorogée au 1er décembre 1958 ; la question de savoir si et, le cas échéant, sous quelle forme la Caisse subsistera, n'a pas encore été tranchée.

19. Les transports 
			(11) 
			Rapport de M. Kapteyn sur les transports dans la
C.E.C.A. (Doc. n° 16, 1958), juin 1958. jouent manifestement un grand rôle pour les marchandises pondéreuses et sensibles aux variations des frets, comme le charbon et l'acier. C'est pourquoi l'activité de la Haute Autorité dans le secteur dés transports a contribué dans une mesure appréciable à une interpénétration croissante des marchés nationaux. Si au début la Haute Autorité a pu réaliser des progrès relativement rapides, elle s'est heurtée par la suite à des obstacles de plus en plus forts. Pour la navigation sur le Rhin, les gouvernements sont parvenus, en été 1957, à conclure un accord qui prévoit une harmonisation des frets intérieurs réglementés par l'État avec les frets internationaux librement établis conformément à l'Acte de Mannheim. Cet accord est entré en vigueur le 1er mai 1958. Il reste à voir s'il éliminera les disparités entre les frets internationaux et les frets intérieurs. En outre, la réglementation des frets pour la navigation intérieure à l'ouest du Rhin fait actuellement l'objet de discussions auxquelles la Haute Autorité prend également part.

Ces problèmes sont encore beaucoup plus difficiles à résoudre dans le secteur des transports routiers de marchandises. Les réglementations nationales et la structure de l'industrie des transports automobiles présentent de grandes différences d'un pays à l'autre. Cependant, les transports routiers de produits sidérurgiques et de ferrailles se sont constamment développés depuis la création de la C.E.C.A. Les principales difficultés se présentent en matière de formation des prix et de publication des tarifs. De longues négociations n'ayant abouti à aucun accord, la Haute Autorité a maintenant invité formellement les gouvernements à trouver et à appliquer d'ici la fin de l'année 1958 une solution conforme aux dispositions du traité.

Un problème très délicat se pose également pour les tarifs de soutien, dont il a déjà été question dans le dernier rapport à l'Assemblée Consultative. La commission des Transports et l'Assemblée avec elle avaient demandé instamment que cette question soit rapidement réglée, car l'octroi de subventions indirectes incluses dans les tarifs n'est conforme, ni aux dispositions formelles du traité C.E.C.A., ni à l'esprit et au but d'un marchécommun. On n'a évidemment pas méconnu le fait que la suppression des tarifs de soutien peut entraîner pour les entreprises qui en sont victimes des difficultés passagères. La suppression progressive des réductions tarifaires, telle qu'elle est prévue dans les décisions de la Haute Autorité, est conforme aux suggestions de l'Assemblée. Étant donné cependant que ces décisions de la Haute Autorité étaient attaquées devant la Cour et que celle-ci n'avait pas encore statué, l'Assemblée ne s'est pas prononcée sur cette question au cours de ses dernières sessions.

Tous les efforts ainsi faits par la Haute Autorité ont reçu l'appui de la commission des Transports et de l'Assemblée. 
			(12) 
			Résolution sur les transports, adoptée par l'Assemblée
Parlementaire Européenne le 27 juin 1958. L'accroissement des échanges portant sur les produits de la Communauté s'explique notamment par la suppression des discriminations et l'instauration de tarifs directs.

3.3. C. Développement à long terme et élaboration d'une politique à long terme

20. Peu après sa constitution, l'Assemblée Commune a déjà donné à entendre clairement qu'une politique qui ne serait définie qu'à court terme, à la petite semaine, ne permettrait pas d'atteindre le but auquel vise la création du marché commun du charbon et de l'acier. Si les efforts faits pour le développement économique se poursuivaient dans des sens divergents selon les pays et les bassins, si le développement des capacités de production n'était pas orienté dans la bonne direction, il serait impossible de réaliser les conditions d'une économie bénéficiant d'une meilleure division du travail sur un marché plus étendu ; en outre, une politique pareille pourrait avoir de funestes répercussions pour la Communauté, vu le retard de l'Europe par rapport à l'économie américaine ainsi que les grands efforts des pays du bloc oriental. Il importait donc d'avoir un aperçu à long terme des possibilités offertes et de dégager une ligne de conduite uniforme, afin de pouvoir utiliser au mieux, du point de vue économique, les ressources de la Communauté.

L'Assemblée n'entendait pas préconiser par là un programme rigide et un plan immuable, mais elle pensait qu'il était indispensable que la Haute Autorité indique la direction à suivre, donne les éclaircissements nécessaires et, au besoin, intervienne ou accorde son aide.

21. Une telle action s'impose tout d'abord dans le secteur des investissements, qui exigent presque toujours des capitaux très élevés pour le charbon et l'acier et qui déterminent le développement des entreprises pendant une période relativement longue.

Les investissements à long terme sont encouragés lorsque les « objectifs généraux » renseignent les intéressés sur les nécessités de la production et le développement des capacités de production. Le quatrième rapport à l'Assemblée Consultative a déjà indiqué la position de l'Assemblée Commune sur la dernière définition des objectifs généraux. 
			(13) 
			Rapport de M. Gozard, octobre 1957. A la demande instante de l'Assemblée, la Haute Autorité a fait usage d'une disposition facultative du traité (troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 54) relative à la coordination des investissements ; ce texte permet à la Haute Autorité d'obtenir régulièrement communication préalable des programmes d'investissements, ce qui la met en mesure de formuler des avis motivés, d'encourager certains investissements et d'en déconseiller d'autres.

La commission compétente a constaté avec satisfaction que la Haute Autorité a obtenu ainsi des résultats absolument positifs. 
			(14) 
			Rapport de M. van Campen sur les chapitres du
sixième rapport général sur l'activité de la C.E.C.A.
qui relèvent de la compétence de la commission (Doc.
n° 22, 1958), juin 1958 . En ce qui concerne les industries de la Communauté du Charbon et de l'Acier, les investissements ont effectivement été affectés en ordre principal aux secteurs qu'il était nécessaire de développer, afin de réduire les dépenses pour les branches de la production dont le développement aurait eu des effets fâcheux pour la Communauté . 
			(15) 
			C'est ainsi qu'un développement excessif de la capacité
des entreprises dont la production exige des ferrailles,
c'est-à-dire des entreprises produisant des aciers S. Martin
et des aciers électriques, aurait pu avoir pour conséquence
de rendre la Communauté davantage tributaire des importations
de ferrailles des pays tiers.

Enfin, cette politique consciente de l'objectif a atteindre se manifeste encore par l'aide financière accordée directement par la Communauté pour des investissements judicieux. Les fonds que la Haute Autorité s'est procurés par voie d'emprunt ont toujours contribué à la réalisation de tels programmes des industries du charbon et de l'acier. C'est pourquoi l'Assemblée a dit sa satisfaction du dernier emprunt de 50 millions de dollars, contracté aux États-Unis, en juin 1958.

Bien que les entreprises gardent la responsabilité exclusive de leurs investissements, il n'en reste pas moins qu'une politique positive de la Communauté a fait la preuve de son utilité.

22. La nécessité d'une politique à long terme et continue s'est également manifestée pour tout le secteur charbonnier. Les premiers travaux de la Haute Autorité remontent déjà à plusieurs années. Ainsi que l'Assemblée Consultative l'a déjà appris par le rapport précédent, la Haute Autorité a publié, en été 1957, un mémorandum sur sa politique charbonnière. Mais au cours des mois qui ont suivi, il devint évident que cette politique devait être précisée et complétée sur certains points. Les commissions compétentes et l'Assemblée elle-même ont tenu tout particulièrement à demander avec insistance que ce soit fait rapidement. Il apparut de plus en plus clairement qu'une politique charbonnière efficace ne peut répondre aux besoins de l'industrie minière et contribuer en même temps au développement de toute l'économie que si elle s'insère dans le cadre général d'une politique globale de l'énergie. 
			(16) 
			Ce point sera examiné plus loin, chapitre II-B.

23. La Haute Autorité n'a abordé que plus tard l'élaboration d'une politique sidérurgique. Ici aussi, l'Assemblée a constamment demandé avec insistance à la Haute Autorité de grouper d'après un plan d'ensemble les mesures qu'elle envisageait déjà d'appliquer, parfois à long terme, à quelques secteurs. Les commissions de l'Assemblée Commune ont pu prendre connaissance, peu avant de devenir des commissions de l'Assemblée Parlementaire Européenne, d'un mémorandum de la Haute Autorité sur la politique sidérurgique. Ce mémorandum fut publié ensuite dans le sixième rapport général sur l'activité de la C.E.C.A. L'Assemblée s'est félicitée de la parution de ce premier document sur la politique sidérurgique, mais elle a cependant cru devoir émettre quelques critiques et quelques recommandations à son sujet. Elle a notamment invité la Haute Autorité à préciser plus nettement sa politique à long terme dans le secteur de la ferraille, à motiver davantage ses recommandations relatives à la cokéfaction et à l'approvisionnement en coke, à étudier à fond la question de l'approvisionnement en minerai provenant de gisements de la Communauté et de gisements d'outre-mer et à formuler d'une manière plus concrète son avis sur la structure de l'industrie sidérurgique. L'Assemblée a été d'accord avec sa commission compétente pour estimer 
			(17) 
			Résolution sur la politique à long terme, les investissements
et les questions financières, adoptée par l'Assemblée
Parlementaire Européenne le 27 juin 1958. que la politique sidérurgique exposée dans le sixième rapport général constitue une utile contribution au développement de cette industrie-clé dans le cadre du marché commun, mais que sur certains points elle a encore un caractère provisoire ou incomplet.

Nous avons dit au paragraphe précédent que l'Assemblée a invité la Haute Autorité à élaborer une doctrine nette et homogène quant à la politique qu'elle entend suivre à l'égard des concentrations. Cette politique, qui intéresse directement la politique charbonnière et sidérurgique, est un élément essentiel de la politique générale de la Haute Autorité.

24. En résumé, il apparaît que l'Assemblée Commune, de même que l'Assemblée Parlementaire Européenne, s'est toujours préoccupée de rassembler dans le cadre plus large d'une véritable politique les mesures que la Haute Autorité a prises de cas en cas. L'Assemblée estime que, ce faisant, elle s'acquitte d'une de ses tâches les plus importantes.

3.4. D. Marché commun du charbon et de l'acier et conjoncture mondiale

25. Depuis l'entrée en vigueur du traité de la C.E.C.A., en 1952, jusqu'en été 1957, l'économie des pays de la Communauté a traversé une période de haute conjoncture presque ininterrompue ; celle-ci s'explique tant par la situation favorable de la conjoncture mondiale en général que par des impulsions venues de la Communauté elle-même : couverture de la demande qui n'avait pas pu être satisfaite en temps de guerre, travaux de reconstruction, etc. La conjoncture favorable a certainement aidé la Communauté à se développer sans désagréments. La Communauté n'a pas ou n'a guère connu les difficultés qui se seraient probablement produites si la situation économique avait été moins favorable. En revanche, la conjoncture favorable a fait obstacle à des processus de reconversion qui s'imposaient avec plus ou moins d'urgence. Les charbonnages belges en sont un exemple 
			(18) 
			Rapport Korthals, chapitre Ier, juin 1958..

Le fléchissement de la conjoncture, peu après la période de transition, n'a pas tardé à donner du relief à un certain nombre de problèmes. On peut en conclure, comme la Haute Autorité dans l'introduction au premier chapitre de son sixième rapport général, que la transition du régime des marchés nationaux à celui du marché commun sera plus facile et plus rapide si l'économie est en expansion continue. Il faut cependant prendre garde à ne pas se laisser bercer par la conjoncture favorable et à ne pas remettre au lendemain ni traîner en longueur des réadaptations ou des reconversions dont la nécessité est admise.

26. Il est intéressant d'observer le comportement du marché commun du charbon et de l'acier en face des fluctuations que subit la conjoncture dans d'autres espaces économiques très étendus. Durant le second semestre de 1953, l'industrie sidérurgique américaine connut une dépression très grave qui n'eut toutefois pas, sur l'industrie sidérurgique de la Communauté, des répercussions aussi sensibles qu'on aurait pu le craindre. Le fléchissement général, beaucoup plus net, de la conjoncture aux États-Unis durant l'été de 1957, n'est pas resté sans effets sur l'économie de la Communauté, mais sa répercussion a été beaucoup moins grave qu'aux États-Unis. La situation de la sidérurgie dans la Communauté ne doit pas être actuellement considérée comme inquiétante, quoique le rythme de l'expansion se soit ralenti.

27. L'industrie charbonnière a été plus fortement touchée par le fléchissement de la conjoncture. L'accroissement considérable des stocks à peu près dans tous les bassins houillers de la Communauté en est une preuve. Cette réaction de l'industrie charbonnière européenne ne saurait être déterminée par la seule conjoncture. En effet, l'intérêt grandissant que manifeste le consommateur pour les autres formes d'énergie, en particulier pour le mazout, n'est certainement pas un phénomène uniquement conjoncturel ; il a plutôt un aspect structurel 
			(19) 
			Voir chapitre II-B, « Coordination de la politique
énergétique »..

Un des effets de la crise de Suez fut aussi d'inciter les consommateurs à constituer d'importants stocks tandis qu'on passait des contrats d'importation d'abondants tonnages de charbon américain. La baisse des frets incita d'ailleurs les importateurs à conclure avec les États-Unis d'autres contrats de livraison de charbon. Ce concours de circonstances défavorables exigea des mesures d'urgence, destinées à prévenir une aggravation de la situation. Après en avoir délibéré avec les commissions parlementaires compétentes, la Haute Autorité transmit au Conseil de Ministres des propositions, suggérant en particulier d'assouplir les prix du charbon indigène, de stabiliser les débouchés et de contribuer au financement des stocks excédant un volume déterminé. En octobre 1958, M. Finet, Président de la Haute Autorité, déclara devant l'Assemblée que la Haute Autorité s'était efforcée d'utiliser toutes les possibilités que le traité de la C.E.C.A. pouvait offrir pour résoudre les problèmes actuels du marché charbonnier. En tout état de cause, il ne suffira pas de mesures à court terme pour arriver à une solution satisfaisante. Comme il a été déclaré devant l'Assemblée au cours de la discussion de la déclaration de la Haute Autorité, il faut voir dans la situation actuelle un motif de s'attaquer également aux problèmes structurels et à long terme, ce qui suppose notamment l'élaboration et l'application d'une politique énergétique coordonnée pour toutes les formes d'énergie 
			(20) 
			Résolution relative à la situation du marché du
charbon, adoptée le 16 décembre 1958..

28. En cas de marasme ou de fléchissement de la conjoncture, les investissements acquièrent une importance particulière. Le fait de ne pas se laisser arrêter par la basse conjoncture pour réaliser son programme d'investissements est une contribution à la stabilisation. On peut aller jusqu'à dire que la continuité des investissements est un élément décisif du développement économique de nos pays.

Alors que jusqu'ici on admettait facilement qu'à l'instar de la crise économique mondiale des années 1929 à 1932 la conjoncture européenne dépend étroitement de celle des États-Unis, les expériences récentes infirment la thèse de l'influence automatique, qualitative et quantitative, de la situation économique d'outre-Atlantique sur celle de notre Communauté. Il incombe à la C.E.C.A. et, plus généralement, aux trois Communautés européennes, de donner à l'économie des pays réunis en marché commun une orientation telle que de ce territoire partent des impulsions capables de le protéger efficacement des faiblesses de conjoncture que connaissent d'autres espaces économiques. L'Assemblée Parlementaire et ses commissions compétentes insistent, de ce point de vue, sur l'importance toute spéciale de la coopération des exécutifs des Communautés européennes et des gouvernements des États membres et elles appelleront constamment leur attention sur cette coopération.

3.5. E. Les travailleurs et le marché commun du charbon et de Vacier

29. Les premiers articles du traité prouvent à eux seuls que la C.E.C.A. poursuit des objectifs sociaux aussi bien qu'économiques et politiques. Ces articles font aux institutions de la Communauté une obligation d'élever le niveau de vie et d'améliorer les conditions de travail de la main-d'oeuvre. Raison de plus pour l'Assemblée Commune de regretter dès l'abord que les dispositions concernant les travailleurs et la politique sociale n'accordent aux institutions de la Communauté que des moyens très limités pour atteindre les objectifs en question. Aussi faut-il relever avec intérêt le fait que la commission des Affaires sociales mentionne dans son rapport 
			(21) 
			Rapport de M. Bertrand, juin 1958 (Doc. n° 21,
1958). qu'en aucun domaine l'action de la Communauté n'a été aussi fructueuse que dans le domaine social, et que la Haute Autorité mérite des éloges pour ses efforts et les résultats qu'elle a obtenus en dépit du fait que sa compétence était limitée.

Si de tels progrès ont pu être obtenus en cinq ans et demi malgré l'insuffisance du traité, il est indubitable que les efforts constants, les propositions et les initiatives de l'Assemblée Commune et de sa commission des Affaires sociales y ont contribué. L'Assemblée s'efforçait de suivre la vie de la Communauté, non seulement d'après les indices de production, des volumes d'échanges et des montants d'investissements, mais aussi d'après la situation des travailleurs dans le cadre social et humain du marché commun, sans donc se limiter aux rubriques explicites du traité.

Les rapports que la commission des Affaires sociales a soumis à l'Assemblée Commune et à l'Assemblée Parlementaire Européenne depuis un an et demi et les résolutions adoptées en conclusion de ces rapports 
			(22) 
			2. Rapport de M. Bertrand, novembre 1957 (Doc. n° 5,
1957-1958) ; Rapport de M. Nederhorst, février 1958 (Doc.
n° 19, 1957-1958) ; Résolution n° 80, du 9 novembre 1957 ;
Résolution n° 87, du 26 février 1958. donnent un aperçu remarquable des travaux effectués dans ce domaine si important.

30. L'évolution de l'emploi dans les industries de la Communauté a retenu depuis quelques années, à juste titre d'ailleurs, l'attention particulière de la commission. Le plus grave problème de la Communauté, dans les premières années de son existence, était de satisfaire l'impérieux besoin de main-d'oeuvre des industries alors en pleine expansion. Depuis quelque temps, un certain équilibre s'est cependant établi sur le marché du travail. Ce n'était d'ailleurs pas l'industrie sidérurgique qui rencontrait les plus grandes difficultés, car elle n'avait généralement aucune peine à couvrir ses besoins de maind'oeuvre ; c'étaient plutôt les charbonnages qui souffraient d'un manque quasi chronique de maind'oeuvre et d'un grave flottement des effectifs. C'est pourquoi l'Assemblée Commune et l'Assemblée Parlementaire Européenne ont proposé à la Haute Autorité de préparer une conférence à laquelle participeraient les délégués des gouvernements, des travailleurs et des employeurs, et qui aurait pour mission d'élaborer un statut européen du mineur. Ce statut serait appelé à revaloriser et à protéger le pénible métier dé mineur. De plus, il est permis d'espérer qu'il exercera une influence modératrice sur les fluctuations de la main-d'oeuvre minière. Il fut en outre suggéré à la Haute Autorité de s'attacher, avec les gouvernements, à stabiliser autant que possible le niveau de l'emploi. Il fut demandé notamment de procéder aux enquêtes nécessaires et de prendre toutes dispositions utiles pour éviter que les travailleurs ne subissent dans l'immédiat les répercussions néfastes de la situation défavorable que les charbonnages connaissent aujourd'hui et qui a provoqué le gonflement des stocks et le chômage partiel.

31. Le problème de l'emploi est étroitement lié à celui de la libre circulation et des migrations de main-d'oeuvre 
			(23) 
			Rapport de M. Bertrand (Doc. n° 5, 1957-1958).. Le traité de la C.E.C.A. prévoit bien une libre circulation dont le bénéfice est réservé, en vertu de la décision mise en vigueur trois ans après que le Conseil de Ministres l'eut prise le 8 décembre 1954, aux travailleurs qualifiés, c'est-à-dire à une catégorie relativement restreinte de travailleurs qui normalement trouvent sans difficulté du travail dans leur pays. La commission des Affaires sociales et l'Assemblée ont donc estimé que l'article 69 du traité, qui a trait à la libre circulation, devait être interprété et appliqué dans l'esprit des dispositions parallèles du traité de la C.E.E., en particulier de l'article 48. Aussi la commission sait-elle gré à la Haute Autorité d'envisager de soumettre aux gouvernements une nouvelle liste des professions bénéficiaires de la libre circulation.

A côté de cette libre circulation que prévoit le traité, la migration d'ouvriers non qualifiés dans la Communauté joue un rôle important. C'est d'Italie que viennent la plupart des travailleurs migrants. Ce problème ne tombe pas sous le coup de dispositions spéciales du traité, mais se situe toutefois dans la ligne des objectifs généraux et des dispositions générales du traité. A ce titre, il a retenu depuis toujours l'attention de la commission des Affaires sociales et de l'Assemblée Commune. Les principales difficultés provenant de ces migrations de maind'oeuvre résident dans l'insuffisance des logements destinés aux immigrants, dans un manque de formation professionnelle auquel s'ajoute l'ignorance de la langue du pays d'accueil. La Haute Autorité a donc été invitée à s'occuper précisément de ces deux points et à prendre des mesures efficaces d'encouragement de la formation professionnelle et de la construction d'habitations. L'Assemblée Parlementaire a constaté avec satisfaction que, quelques mois seulement après ces propositions, la Haute Autorité a pris les premières mesures concrètes et a établi un programme de travail qui envisage la création de centres-pilote de formation professionnelle tant dans les pays d'émigration que dans les pays d'accueil. De plus, une partie des habitations ouvrières construites avec l'aide financière de la Haute Autorité seront réservées aux travailleurs migrants.

32. Les problèmes de la réadaptation de la main-d'oeuvre rendue disponible par suite de la reconversion ou de la fermeture d'entreprises sont étroitement liés à ceux de l'emploi. Dans le passé, la Haute Autorité a contribué largement à la réadaptation de la main-d'oeuvre en question. Au cours des dix-huit derniers mois, elle a accueilli favorablement plusieurs demandes d'aide à la réadaptation, qu'elle a reçues des Gouvernements français, belge et italien. Le nombre de ces demandes a toutefois été moins élevé qu'on l'aurait cru. Il est cependant improbable qu'après la période de transition, le nombre des cas de reconversion d'entreprises et, corrélativement, le nombre des cas de réadaptation soient en sensible diminution. La commission des Affaires sociales et l'Assemblée Parlementaire pensent donc que les moyens financiers que la Haute Autorité affecte à la réadaptation ne devraient pas être inférieurs à un minimum, et que les critères selon lesquels elle accorde son aide ne devraient pas être trop restrictifs. Il est vrai que le paragraphe 23 de la Convention relative aux dispositions transitoires assouplit les modalités d'octroi de l'aide à la réadaptation et qu'il reste applicable deux ans après la fin de la période de transition, avec l'accord du Conseil de Ministres ; il faut toutefois obtenir que, même passé ce délai, l'octroi des aides à la réadaptation ne se heurte pas à la lettre des dispositions.

Après bientôt six ans d'existence de la C.E.C.A., on peut conclure que la réadaptation est un des facteurs les plus importants du marché commun. A défaut de l'aide à la réadaptation, le risque qu'entraînent les reconversions d'entreprises, les déplacements de production, avec leurs inconvénients, est, trop grand, même pour la main-d'oeuvre, et la transition du marché national au marché européen ne se fera pas dans l'harmonie.

33. La formation de la main-d'oeuvre, précisément dans les mines et la sidérurgie, est une des conditions primordiales qui doivent permettre d'augmenter la productivité, d'éviter les accidents du travail et surtout aussi d'améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs 
			(24) 
			Rapport de M. Bertrand (Doc. n° 21, 1958), juin
1958.. Il y a là, dans le traité, une lacune qui a pu être comblée pour une bonne part grâce à l'initiative de l'Assemblée et de la Haute Autorité. La formation professionnelle n'a pas encore atteint un niveau égal dans tous les pays de la Communauté, mais on essaie par divers moyens, notamment par l'échange de matériel didactique, par des cours de formation en commun, etc., d'obtenir un alignement dans le progrès. Le rôle essentiel que la formation professionnelle joue dans la migration des travailleurs a déjà été mentionné. L'Assemblée est d'avis que la question ne peut être résolue que si l'on conjugue tous les efforts et si l'on organise, le cas échéant, un financement en commun. De plus, l'Assemblée a attiré l'attention de la Haute Autorité sur le recul inquiétant et régulier du nombre des apprentis dans les industries de la Communauté.

34. La construction d'habitations ouvrières a retenu toute l'attention de la commission des Affaires sociales dès les premiers mois d'existence de l'Assemblée Commune. Dans une Europe qui n'avait pas encore pansé les blessures d'une guerre qui avait détruit des millions d'habitations, ce souci était compréhensible. Le traité comportait également à cet égard une lacune que seule la collaboration de l'Assemblée et de la Haute Autorité pouvait combler rapidement. La commission et l'Assemblée ont noté avec satisfaction qu'un troisième programme de construction d'habitations ouvrières doté de 30 millions de dollars allait être exécuté 
			(25) 
			Rapport de M. Bertrand, juin 1958, paragraphe 74. . Bien que la Haute Autorité contribuât au financement d'un grand nombre d'habitations, en accordant des prêts et des aides à fonds perdu, les besoins restaient élevés. L'Assemblée soutiendra sans faiblir l'action de la Haute Autorité. Au surplus, elle a invité les autorités locales à participer activement à la réalisation des programmes de construction de la Haute Autorité.

35. Il est enfin un aspect qui importe essentiellement pour les travailleurs : c'est la protection du travail. Après la catastrophe tragique de Marcinelle, il fut créé une commission spéciale de la sécurité et du sauvetage dans les mines. Lorsque se constitua l'Assemblée Européenne, a dite commission devint la commission permanente de la Sécurité, de l'Hygiène du Travail et de la Protection sanitaire. En même temps que la commission des Affaires sociales, elle a examiné de près les travaux de la Haute Autorité et ceux de la conférence gouvernementale que celle-ci avait pris l'initiative d'organiser pour mettre à l'étude la sécurité dans les mines de houille. L'Assemblée a fait siennes 
			(26) 
			Résolution n° 81, adoptée par l'Assemblée Commune
le 9 novembre 1957 ; rapport Vanrullen, novembre 1958
(Doc. n° 4, 1957-58) ; rapport Sabass, novembre 1958
(Doc. n° 3, 1957-58) ; rapport Carboni, novembre 1958
(Doc. n° 2, 1957-58). les conclusions des commissions, déclarant notamment que le système de rémunération du mineur doit tenir compte du temps utilisé pour assurer la sécurité et qu'il y avait lieu de vérifier l'existence d'une relation éventuelle entre le nombre des accidents et la structure de la rémunération. Elle propose également de donner plus d'amplitude à la campagne de prévention des accidents et de constituer un corps international d'inspecteurs de la sécurité dans les mines. De plus, elle insiste sur la nécessité de favoriser l'unification des statistiques d'accidents, de préparer la conclusion d'un accord multilatéral d'aide mutuelle sur le sauvetage dans les mines, et enfin de ne pas limiter l'action de la Communauté à la prévention des accidents dans les mines de houille, mais, au contraire, de l'étendre aux mines de fer et à toute l'industrie sidérurgique.

36. Cet aperçu de l'activité parlementaire en matière sociale confirme 
			(27) 
			La politique salariale et la réduction de la durée du
travail, qui soulèvent des problèmes généraux, seront
examinées au chapitre II-D. que toute mesure économique est liée à un aspect social et, inversement, que des mesures sociales se répercutent fatalement sur l'économie. Il y a là une influence réciproque dont il faut tenir compte dans les travaux des institutions de la Communauté.

4. CHAPITRE II - Contribution matérielle de l'Assemblée Commune à l'élargissement de l'intégration économique

4.1. A. Politique charbonnière et sidérurgique à long terme Son insertion dans la politique économique à long terme des six États membres

37. L'Assemblée Commune reconnut de bonne heure la nécessité de pratiquer une politique charbonnière et sidérurgique à long terme. Elle contribua de façon très active à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une telle politique. Elle a toujours eu conscience de l'impossibilité d'extraire de la politique économique générale des États membres la politique charbonnière et sidérurgique à long terme. Presque toujours, il y avait conflit entre les compétences «marginales» de la Haute Autorité et celles des gouvernements. Bien souvent, l'action de la Haute Autorité ne put s'exercer de façon conséquente car il eut fallu à la Haute Autorité des pouvoirs excédant sa compétence. En d'autres termes, il devint clair que les limites et les inconvénients de l'intégration partielle exigeaient absolument que les gouvernements coopérassent les uns avec les autres et avec la Haute Autorité, en débordant même le cadre du traité de la C.E.C.A., afin de trouver une solution satisfaisante à nombre de problèmes importants.

38. Or, la politique économique des six pays de la Communauté est encore loin d'être homogène. Même si de nos jours les objectifs d'une politique économique moderne sont presque partout les mêmes, les conceptions de l'économie politique de pays différents se séparent déjà dans leurs points saillants et dans leurs détails. Plus grande encore est la différence dans le choix des moyens appliqués pour réaliser certaines conceptions fondamentales et pour atteindre des objectifs théoriquement concordants. C'est pourquoi il fut suggéré en Assemblée, au cours de l'été 1957, d'inviter le Conseil de Ministres à se prêter à un échange de vues sur la coordination de la politique économique et il fut proposé d'accorder à cet échange de vues une place aussi large que possible dans les travaux de l'Assemblée. Le Conseil de Ministres accueillit favorablement les propositions du Bureau de l'Assemblée et les ministres des Affaires Économiques de chacun des six pays membres prirent part à la session extraordinaire qui eut lieu à Rome, le 8 novembre 1957.

Tous les problèmes essentiels furent traités au cours de ce débat fouillé : la politique monétaire et les changes, la lutte contre les tendances inflationnistes, les problèmes de balance des paiements, la politique de l'emploi, la politique des prix et la politique fiscale, les rapports entre une politique de progrès social et la politique économique, etc. Le débat situa dans une large perspective les problèmes, ainsi que les méthodes et les moyens de les résoudre. Il dégagea les grandes lignes d'une coordination qu'il fallait instaurer tant dans le domaine de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier qu'ultérieurement dans le domaine plus vaste encore de la Communauté Économique Européenne 
			(28) 
			Compte rendu in extenso des séances, n° 32, février
1958, séance du 8 novembre 1957..

Il ne fallait évidemment pas s'attendre dès l'abord à des décisions formelles touchant la coordination des différentes politiques économiques des pays et leur harmonisation avec celle de la Haute Autorité. Ce débat fut néanmoins constructif. Il mit en lumière les tâches à résoudre. Il permit de constater que, s'il est possible de progresser rapidement dans certains secteurs, d'autres objectifs ne peuvent être atteints qu'après de longs travaux préparatoires. D'une manière tout à fait générale, ce débat a posé les bases de départ d'un progrès à réaliser dans ce domaine si difficile de la coordination.

Par ailleurs, l'importance de l'échange de vues qui eut lieu entre l'Assemblée et le Conseil des Ministres, en présence de la Haute Autorité, provient de ce qu'il constitue un précédent dont s'inspirera désormais la coopération des institutions responsables de la politique des Communautés européennes.

4.2. B. Coordination de la politique énergétique

39. Les années précédentes, l'Assemblée Commune et sa commission des Investissements avaient déjà souvent insisté sur le fait que la politique charbonnière ne pouvait être considérée isolément, car s'il est vrai que le charbon occupe toujours une place prépondérante comme source d'énergie, l'importance grandissante des autres sources d'énergie force la conclusion que la production et la distribution d'énergie doivent toujours davantage être considérées et organisées comme un tout unique.

L'Assemblée applaudit chaleureusement à l'idée de mettre à l'étude en Comité mixte formé de représentants du Conseil de Ministres et de la Haute Autorité la structure et les tendances de l'économie énergétique des six pays. Le Comité mixte mit au point un document magistral, bientôt suivi d'un protocole conclu le 8 octobre 1957 entre le Conseil de Ministres et la Haute Autorité pour coordonner la politique énergétique et charger la Haute Autorité d'organiser les travaux en ce domaine. L'étude du Comité mixte et le protocole suscitèrent en commission des Investissements l'examen approfondi de toutes ces questions, dont l'Assemblée délibéra en février 1958.

40. La commission 
			(29) 
			M. de Menthon, rapport intérimaire sur l'activité
de la Haute Autorité dans le domaine de la coordination
des politiques énergétiques (Doc. n° 15, 1957-1958) février
1958. , et l'Assemblée après elle, suggérèrent de parfaire les méthodes de prévision, d'améliorer les prévisions en besoins énergétiques, comme l'exigeait, précisément depuis quelque temps, le développement des différentes formes d'énergie, de dégager les coûts de revient des différentes formes d'énergie, et finalement d'essayer de tirer plus d'énergie utile de l'énergie secondaire. Les travaux parlementaires portèrent également sur la politique énergétique à court terme et sur la politique de conjoncture, sur la politique des importations, sur les répercussions de la politique fiscale et douanière ainsi que sur les investissements et leur financement.

Là encore, l'Assemblée a débordé le cadre de l'intégration partielle et contribué à résoudre les problèmes que posait une intégration économique totale 
			(30) 
			C'est de ce principe qu'est partie l'Assemblée Parlementaire
Européenne en créant une commission chargée
spécialement de suivre la politique énergétique. Cinq mois
seulement après le premier rapport de l'Assemblée Commune,
cette commission élabora et soumit à l'Assemblée
Parlementaire, en juin 1958, un deuxième rapport sur la
politique énergétique de la Haute Autorité (rapport
Posthumus, Doc. n° 23, 1958)..

4.3. C. Coordination des transports européens

41. En matière de transports, la Communauté du Charbon et de l'Acier a bien été dotée de pouvoirs larges et précis, mais ce sont les États membres qui ont conservé la compétence générale en ce qui regarde la politique et la coordination des transports. Comme les transports des produits charbon-acier représentent 40 à 45 % de la totalité du trafic des marchandises, il est évident que les mesures prises par la Communauté en matière de transports ont une très forte incidence sur les transports en général et, inversement, que les mesures s'appliquant aux transports en général ont aussi une très forte répercussion sur les transports des produits charbon-acier.

La commission des Transports de l'Assemblée Commune n'a pas tardé à s'en apercevoir ; elle y insista à plusieurs reprises, en 1954, en 1955, en 1956 
			(31) 
			Rapport de M. Kapteyn, juin 1954 (Doc. n° 14,
1953-1954) ; rapport Kapteyn, mai 1955 (Doc. n° 15,1954-
1955) ; rapport Kapteyn, juin 1956 (Doc. n° 15,1955-1956). , dans des rapports dont l'Assemblée adopta les conclusions 
			(32) 
			Résolution n° 21, du 19 mai 1954 ; Résolution n° 39,
du 24 juin 1955 ; Résolution n° 56, du 22 juin 1956. . Néanmoins, certains problèmes de transports, tout urgents qu'ils fussent, n'ont pas été résolus. De l'avis de l'Assemblée, il est nécessaire d'aller au-delà des limites du traité si l'on veut une politique des transports qui soit organique et efficace.

42. C'est pourquoi la commission des Transports de l'Assemblée Commune, en collaboration avec d'éminents experts des trois modes de transport (rail, route, voie d'eau), étudia les grands principes d'une coordination européenne des transports. Ses travaux ont duré plus d'un an et les conclusions firent l'objet, en novembre 1957, d'un rapport circonstancié 
			(33) 
			Rapport de M. Kapteyn, novembre 1957 (Doc. n° 6,
1957-1958). sur la coordination des transports européens. L'Assemblée a repris à son compte les principes et les tendances du rapport de sa commission des Transports.

Les travaux firent apparaître que les conditions de concurrence dans le secteur des transports peuvent provoquer des perturbations sur le marché commun, qu'une coordination limitée au charbon et à l'acier est impossible, ou du moins très difficile à réaliser, et qu'il ne suffit pas, pour arriver à une coordination européenne des transports, de faire la somme des mesures d'harmonisation prises sur le plan national. Quelques grands principes ont été énoncés : libre choix du moyen de transport par l'utilisateur ; limitation aussi grande que possible des coûts du transport, sans atteinte aux prestations des transports ; prix reflétant les coûts ; prévention de la concurrence excessive. Il fut admis que les prix formés en fonction des coûts doivent être connus de l'utilisateur. La commission et l'Assemblée se déclarèrent par là favorables au principe de la publicité des prix des transports. Il fut également conclu à la nécessité d'encourager et de coordonner les investissements destinés à instaurer un régime des transports qui soit capable de répondre aux besoins dans les meilleurs conditions de coût, sans aucune diminution des prestations.

Une étude des aspects institutionnels a finalement permis de constater que ces propositions pouvaient également être mises en pratique dans le cadre du traité de la C.E.E. L'objectif final doit être la création d'un Commissariat dans le cadre de la C.E.E., compte tenu des expériences faites aux États-Unis par l'Interstale Commerce Commission.

Ces travaux de l'Assemblée Commune et de sa commission compétente au sujet de l'ensemble du secteur des transports ont été considérés, dans les milieux spécialisés, comme une première contribution importante à la mise en oeuvre de cette politique commune des transports que prévoit l'article 74 du traité de la C.E.E. C'est pourquoi la commission des Transports de l'Assemblée Parlementaire Européenne a décidé de reprendre à son compte ces travaux préparatoires pour s'en servir par la suite.

4.4. D. Premiers falons d'une politique sociale européenne

43. Le chapitre précèdent a déjà fait état du grand travail accompli en matière sociale par l'Assemblée Commune et sa commission compétente. Certes, les problèmes de politique de l'emploi, de formation professionnelle, de libre circulation de la main-d'oeuvre, etc., ont tous un caractère général. Toutefois, ils ont été essentiellement étudiés et traités du point de vue des charbonnages et de l'industrie sidérurgique. Dans deux domaines très importants et d'une actualité toute particulière, les travaux de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée Commune ont cependant débordé largement le cadre de la Communauté du Charbon et de l'Acier ; ils ont essayé d'être une contribution à la mise en oeuvre d'une politique sociale européenne ; il s'agit de la politique salariale et de la réduction de la durée du travail.

Le rapport 
			(34) 
			Rapport intérimaire de M. Nederhorst sur l'évolution
des salaires et la politique salariale dans les industries de
la Communauté (Doc. n° 19, 1957-1958), février 1958. présenté par la commission des Affaires sociales en février 1958, lors de la dernière session de l'Assemblée Commune, montre clairement le caractère général des travaux parlementaire en question lorsqu'il dit : « En étudiant la politique des salaires, en général, le présent rapport acquiert aussi un caractère plus général et il déborde le cadre des problèmes sociaux qui se posent à la C.E.C.A. Ce faisant, il pourra servir de base à la discussion du problème de la nouvelle Assemblée de la Communauté Économique Européenne. »

Le rapport donne d'abord un aperçu du mode de fixation des salaires dans les différents pays de la Communauté et des facteurs qui l'influencent. Il tente ensuite de tirer de cette enquête quelques conclusions et suggestions pour l'étude ultérieure des problèmes de salaires. Dans tous les pays de la Communauté, les libres pourparlers des partenaires sociaux constituent un élément essentiel de la détermination des salaires. Par ailleurs, il est très rare que les gouvernements n'exercent aucune influence sur les salaires, mais ce sont l'étendue, la forme et l'intensité de cette influence qui diffèrent selon les pays.

Le rapport existant entre les salaires et le coût de la vie et le problème de la fixation, par l'État, des salaires minimum garantis incitent la commission à proposer l'unification, dans les six pays, des méthodes de calcul du coût de la vie qui ne diffèrent pas seulement entre elles, mais dont la précision est elle-même inégale. L'étude des compléments du salaire, dont l'importance est souvent considérable dans le revenu global du salarié, montre que les modalités d'attribution de ces compléments peuvent influer sur les conditions de concurrence. C'est pourquoi la commission demande aux six pays de se concerter pour bien mettre au point les principes, la forme, les objectifs et le financement des compléments du salaire. En outre, il y aurait lieu de mettre à l'étude la question des subventions directes et indirectes, tendant, par exemple, à faire baisser les prix de certains biens de consommation.

Une autre constatation est que des tendances au nivellement et à la différenciation se manifestent dans la politique salariale et s'expriment par l'augmentation ou la diminution de l'écart des salaires selon la région ou l'industrie et selon qu'il s'agit de travailleurs qualifiés ou non, masculins ou féminins. Malgré les écarts de pays à pays, on constate que ces tendances ne s'opposent pas, mais bien plutôt qu'elles témoignent d'une évolution comparable jusqu'à un certain point.

Le rapport insiste sur les problèmes que pose une liaison des salaires à la productivité et, en particulier, sur les difficultés que présente cette liaison, par exemple pour les charbonnages. Il mentionne enfin une nouvelle conception de la politique salariale, à savoir la liaison des salaires au revenu national. Cette tendance étant relativement nouvelle et ne se manifestant explicitement que dans deux des six pays, le rapport s'est limité à les énoncer en reprenant les arguments et les objections.

Dans sa conclusion, le rapport constate que, dans les six pays de la Communauté, il s'est déjà produit spontanément un certain alignement des différents systèmes de rémunération et que la politique salariale est en perpétuelle évolution. Il est proposé que les gouvernements et les partenaires sociaux se consultent, sur le plan européen, en ce qui concerne les bases de la politique salariale et cherchent à se mettre d'accord sur certains principes uniformes. A ce sujet, il est cependant indiqué expressément qu'une harmonisation des salaires ne doit pas provoquer une hausse des prix et ainsi risquer d'encourager l'inflation, ni affaiblir la position concurrentielle des entreprises de la Communauté sur le marché mondial, ce qui se répercuterait sur le niveau de l'emploi.

On comprend qu'à propos d'un problème aussi important, mais également aussi complexe que celui de la politique salariale, on ne puisse s'attendre a priori à ce que l'Assemblée adopte une position uniforme. En commission aussi, de sensibles divergences de vues se sont fait jour sur certains points. Ces premiers travaux concernant la politique salariale et l'harmonisation des salaires ont néanmoins jeté les bases sur lesquelles de nouvelles études pourront être poursuivies dans le cadre plus vaste de la C.E.E.

44. La question de la réduction de la durée du travail, qui est étroitement liée à la politique salariale, n'a pas fait l'objet d'un débat à l'Assemblée Commune ni d'une résolution adoptée par elle. Il faut dire toutefois que la commission compétente a accordé une attention particulière à ce problème et a réuni une vaste documentation, prenant à cette fin contact avec des employeurs, des travailleurs et des pouvoirs publics et se rendant sur place, en mission d'étude et d'information.

5. CHAPITRE III - L'Assemblée Parlementaire Européenne et les premiers travaux de la Communauté Économique Européenne et de l'Euratom

5.1. A. Préparation et établissement du marché commun général

45. La première année d'activité des institutions de la Communauté Économique Européenne a été surtout caractérisée par la préparation de différentes mesures qui doivent permettre, à partir de la deuxième année, la fusion des marchés nationaux en un grand marché unifié et une politique européenne commune dans les différents domaines.

5.1.1. (a) Ouverture des marchés

46. Il importe, en premier lieu, de mentionner les travaux qui doivent aboutir à la suppression des entraves à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. Le 1er janvier 1959 doit avoir lieu, selon le traité de la C.E.E., un abaissement général de 10 % des droits de douane entre les pays de la Communauté. Selon toute vraisemblance, cette étape sera franchie sans difficultés. Même si les répercussions de cette première réduction des droits de douane ne seront pas encore très sensibles, dans la plupart des cas, pour les producteurs et les consommateurs, il ne faut cependant pas sous-évaluer l'importance du déclenchement du mécanisme supprimant progressivement les droits de douane. A la même date, les restrictions quantitatives doivent également être réduites. Les États ne peuvent plus revenir sur le degré de libéralisation atteint, sauf recours à l'application des clauses de sauvegarde du traité. De plus, ils doivent ouvrir à tous les États membres de la Communauté leurs contingents bilatéraux et, de façon générale, les élargir de 20 %. Il faut signaler, à propos des mesures concernant les contingents, des difficultés d'ordre pratique, tenant à l'interprétation et à l'application du traité, dont le texte n'est pas toujours clair.

Au sujet de la suppression progressive des limitations du droit d'établissement et de la circulation des services et des capitaux, l'exécutif (la Commission de la C.E.E.) a également entrepris de nombreux travaux préliminaires, dont les résultats pratiques ne seront perceptibles que vers la fin de 1959.

L'Assemblée a constaté avec satisfaction que la Commission de la C.E.E. ne se borne pas à prendre connaissance des mesures adoptées par les gouvernements et à veiller à ce qu'elles soient prises dans les délais impartis, mais qu'elle s'efforce, en vertu de sa compétence générale et d'initiative, en accord avec les gouvernements des États membres, d'assurer la suppression harmonieuse et équilibrée des limitations à la libre circulation.

5.1.2. (b) Règles de concurrence

47. Il ne suffit pas de réaliser progressivement la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et capitaux, il faut aussi veiller à ce que la concurrence puisse se développer sur le marché commun et à ce que les avantages de la libre circulation ne soient pas réduits à néant par des mesures faussant la concurrence : cartels et monopoles, pratiques de dumping, subventions ou mesures d'autorité. L'application des dispositions sur les cartels et les monopoles (articles 85 à 90 du traité de la C.E.E.) a causé des difficultés particulières. La principale difficulté réside dans le fait que, pour la fin de 1960 au plus tard, il doit être édicté, conformément à l'article 87, des règlements d'application sur l'interdiction des cartels susceptibles de fausser la concurrence et de l'exploitation abusive de positions économiques dominantes. Mais il faut éviter d'autre part que, jusqu'au moment où ces dispositions seront édictées, il existe une situation contraire à la lettre et à l'esprit du traité. Comme la Commission de la C.E.E., l'Assemblée a rejeté d'emblée la conception selon laquelle les interdictions des articles 85 et 86 ne seraient que des formules déclaratoires sans effet juridique direct. Il faut espérer que les efforts de la Commission de la C.E.E., à laquelle l'Assemblée accorde son appui, aboutiront bientôt à une réglementation satisfaisante, conforme au traité, de cette question complexe et importante.

5.1.3. (c) Politique économique et financière

48. Le traité de la C.E.E. prévoit, dans ses articles 103 et 105, que les États membres considèrent leur politique de conjoncture comme une question d'intérêt commun et coordonnent leurs politiques économiques. Cela signifie donc que non seulement il faut prendre différentes mesures tendant par exemple à supprimer les droits de douane et les contingents et à garantir le jeu de la concurrence, ainsi que des mesures de politique sociale, mais encore qu'il faut s'efforcer de réaliser une politique économique commune. La Commission de la C.E.E. qui, en vertu des deux articles précités, dispose à cet égard du droit de faire des propositions et d'adresser des recommandations, doit donc coopérer étroitement avec les gouvernements des États membres et avec les deux autres exécutifs européens. Une première condition pour pouvoir préparer et mener une telle politique économique commune est de connaître exactement la situation économique dans les divers pays et secteurs économiques de la Communauté. Le rapport sur la situation économique dans les pays de la Communauté donne cet aperçu et comporte une documentation abondante et clairement ordonnée, dont les instances compétentes peuvent désormais tirer les conséquences utiles.

L'objectif d'une politique économique commune doit se définir comme suit : une expansion économique régulière, jointe à la stabilité des prix et de la monnaie, et la garantie d'un niveau d'emploi optimum et d'une balance des paiements équilibrée. La difficulté principale est que dans les six pays, non seulement les structures économiques sont différentes, mais aussi que les gouvernements mènent une politique économique différente. C'est pourquoi il faut chercher à rapprocher progressivement les voies et moyens par lesquels les objectifs économiques généraux peuvent être atteints.

En ce qui concerne la balance des paiements et la politique monétaire, le Comité monétaire consultatif, essentilleement composé de représentants des banques centrales nationales, aura une fonction importante. Un autre organisme, la Banque européenne d'Investissement, pourra, par sa politique du crédit, apporter une contribution décisive à une politique économique européenne commune, soit en aidant les territoires sous-développés, soit en facilitant d'autres investissements d'intérêt européen. Cependant, la politique économique commune ne doit pas être considérée seulement comme une tâche fixée à longue échéance et ne devenir réalité concrète qu'après plusieurs années. Les difficultés dans lesquelles se trouvent les pays de notre Communauté, par suite de la baisse de la conjoncture, exigent impérieusement une action commune immédiate pour parer aux conséquences, actuelles ou futures, de la détérioration de la conjoncture et, d'autre part, pour empêcher que les gouvernements ne prennent des mesures divergentes ou contradictoires, qui pourraient avoir des effets préjudiciables pour la Communauté tout entière.

5.1.4. (d) Politique énergétique

49. Dans un domaine, celui de la politique énergétique, on constate déjà les résultats positifs de la coopération des trois exécutifs et des gouvernements. 
			(35) 
			Comme il a déjà été mentionné au chapitre II-B,
la Haute Autorité s'est vue confier à ce propos une mission
de coordination des travaux. Les travaux dont le but est de définir une politique énergétique coordonnée ou même commune ont sensiblement progressé au cours des derniers mois. Ces progrès étaient toutefois d'autant plus urgents que, précisément dans ce domaine, il fallait absolument trouver sur-le-champ des solutions communes, en raison de la crise des débouchés dans l'industrie charbonnière et en raison des modifications structurelles dans l'approvisionnement en énergie.

5.1.5. (e) Transports

50. Dans le secteur des transports, une politique commune est également nécessaire. Certes, la Haute Autorité de la C.E.C.A. a déjà obtenu des résultats remarquables, dans des domaines limités, au cours des six années de son existence. Mais les travaux de la Commission de la C.E.E. ont été retardés, notamment parce que les membres du comité d'experts prévu par le traité (article 83) n'avaient pas encore tous été nommés par les gouvernements en novembre 1958. Par suite, abstraction faite de ce que la Commission de la C.E.E. n'a guère fixé que des points tout à fait généraux de sa doctrine, il serait difficile d'en dire davantage. La commission parlementaire des Transports, qui a l'avantage de pouvoir faire fond sur les travaux de la commission des Transports de l'Assemblée Commune, a toutefois commencé, avec l'aide d'experts, à approfondir un certain nombre de problèmes fondamentaux que pose l'élaboration d'une politique européenne des transports. Elle pourra ainsi, quand le moment sera venu, formuler des suggestions concrètes et utiles pour la mise au point et l'application d'une politique européenne.

5.1.6. (f) Politique sociale

51. Il ne suffit pas de souligner l'importance de la politique sociale dans la C.E.E., encore que l'un des objectifs essentiels du marché commun soit de relever le niveau de vie et d'améliorer les conditions de travail. L'absence, dans le traité de la C.E.C.A., de dispositions sociales suffisantes, a toujours été critiquée par l'Assemblée de la C.E.C.A. et sa commission compétente. Le traité de la C.E.E. comporte à ce sujet des dispositions plus explicites qui, certes, demeurent très générales, mais qui permettent de mener une politique sociale active. Dans le domaine social également, il est nécessaire que l'exécutif connaisse, avant d'agir, la situation dans les différents pays de la Communauté. La Commission de la C.E.E. a présenté à ce sujet un rapport en même temps que son premier rapport général. En outre, elle a mis à l'étude un certain nombre d'importants problèmes du travail, afin de dégager les éléments de solution des questions qui se poseront.

Il est tout naturel que la commission des Affaires sociales et, avec elle, l'Assemblée, insistent pour que les dispositions sociales du traité soient appliquées aussi rapidement et aussi largement que possible. On peut considérer comme un premier résultat positif la conclusion de la Convention sur la sécurité sociale des travailleurs migrants. Cette convention, qui est due à une initiative de la Haute Autorité et du Bureau International du Travail, est désormais applicable sur le territoire de la Communauté. La commission des Affaires sociales a poursuivi, dans le cadre de la Communauté Économique Européenne, les travaux qu'elle avait déjà entrepris dans celui de la C.E.C.A., en ce qui concerne l'emploi, la politique salariale et la réduction de la durée du travail. Elle ne s'est pas limitée à des échanges de vues avec l'exécutif, mais a également pris contact avec les intéressés directs : employeurs et travailleurs des six pays. L'Assemblée et la commission des Affaires sociales pensent, de cette manière, pouvoir apporter une contribution substantielle à une politique sociale consciente et efficace.

En outre, l'Assemblée espère que le Fonds social sera bientôt en mesure d'accomplir la tâche qui lui est confiée, c'est-à-dire d'aider financièrement à la réadaptation de la maind'oeuvre devenue disponible. Précisément en raison des déplacements de production auxquels on peut s'attendre dans le marché commun, le Fonds social a un rôle capital.

5.2. B. Ébauche d'une politique agricole commune

52. Une des nouvelles tâches qui réclament l'attention de l'Assemblée Parlementaire Européenne est la définition d'une politique agricole commune. Aux termes de l'article 43 du traité de la C.E.E., la Commission de la C.E.E. doit présenter au Conseil de Ministres, avant le 31 décembre 1959, des « propositions en ce qui concerne l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique agricole commune ». Pour préparer, ces propositions, la Commission de la C.E.E. a réuni, également en application de l'article 43, une conférence des États membres pour «procéder à la confrontation de leurs politiques agricoles en établissant notamment le bilan de leurs ressources et de leurs besoins ». Cette conférence agricole s'est tenue à Stresa, du 3 au 12 juillet 1958.

La commission de l'Agriculture, dès la fin de la conférence, a pris connaissance de ces résultats, qui sont exposés dans le rapport général de la Commission de la C.E.E. sur l'activité de la Communauté Économique Européenne. 
			(36) 
			Premier rapport général sur l'activité de la Communauté
(C.E.E.), paragraphes 97 et suivants. Elle en a retenu quelques points qu'elle examinera avant de faire un rapport à l'Assemblée. Ces points sont les suivants :

politique de marché efficace pour les. produits agricoles ;
structures agricoles ;
relations extérieures.

La commission n'a pas encore achevé ses travaux dans ce domaine, qui est très vaste et complexe, mais elle espère pouvoir en soumettre les premiers résultats à l'Assemblée Parlementaire Européenne dès le début de l'année 1959.

5.3. C. L'association des pays et territoires d'outre-mer

53. Le marché commun n'est pas limité aux territoires européens des six pays. Il s'étend aussi aux pays et territoires d'outre-mer avec lesquels les Etats membres entretiennent des relations particulières et qui sont appelés à s'associer au marché commun.

Les principales des dispositions qui intéressent les pays et territoires d'outre-mer concernent les échanges commerciaux et l'aide financière apportée par la Communauté pour le développement économique et social de ces pays et territoires, grâce au Fonds de développement créé à cet effet.

L'aspiration de plus en plus nette des peuples d'Afrique à une autonomie croissante et, en définitive, à l'indépendance complète, a été un des faits les plus marquants de la politique internationale des dernières années ; il est donc presque inutile de mentionner les motifs qui ont incité l'Assemblée à attacher une importance particulière précisément aux questions concernant l'association des pays et territoires d'outremer.

54. Bien que le traité de la C.E.E. ne soit en vigueur que depuis une année à peine, l'exécutif de la C.E.E. peut déjà faire état d'une vive activité dans ce domaine, activité dont le traité fixe d'ailleurs obligatoirement le rythme. Ainsi, sur proposition de l'exécutif de la C.E.E., le Conseil a déjà approuvé un premier programme d'investissements, inaugurant ainsi là phase initiale du fonctionnement du Fonds de développement.

La solution des problèmes de l'association des pays et territoires d'outre-mer exige des travaux préparatoires forcément touffus. L'Assemblée a souligné l'importance de contacts étroits entre les institutions de la Communauté et les territoires d'outre-mer. En outre, elle a demandé instamment que des représentants de ces pays et territoires soient appelés à participer aux travaux des institutions des Communautés.

55. Il est certes encore trop tôt pour que l'on puisse enregistrer déjà des résultats concrets. La commission de l'Association des pays et territoires d'outre-mer a constamment suivi les travaux de l'exécutif de la C.E.E. et apporté son appui à celle-ci. Les travaux subissent ici la loi de l'évolution politique : pour s'en convaincre, il suffit de songer à la jeune indépendance de la Guinée, qui pose à la Communauté un certain nombre de problèmes difficiles. Il est à prévoir que l'on rencontrera des problèmes particuliers à propos de la Somalie sous tutelle italienne ainsi qu'à propos du Togo et du Cameroun, sous tutelle française, qui accéderont à l'indépendance en 1960.

L'Assemblée se considère comme gravement liée par le préambule du traité de la C.E.E., qui affirme la solidarité liant l'Europe et les pays d'outre-mer et qui assigne notamment à la Communauté la tâche d'assurer le développement de la prospérité de ces pays.

5.4. D. Développement de l'industrie nucléaire en Europe

56. Le champ d'activité de la Communauté européenne de l'Énergie atomique est moins large que ceux de la Communauté Économique Européenne et de la Communauté Européene du Charbon et de l'Acier, mais il ne faut cependant pas perdre de vue combien la coopération des pays européens qui s'engagent ici dans un domaine encore pratiquement inconnu est importante pour le développement de l'Europe. Les populations de nos pays devront bénéficier aussitôt que possible, grâce aux travaux des institutions de l'Euratom, des avantages de l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques. Les travaux de l'Assemblée et de ses commissions ont porté principalement sur quatre points :

développement d'une industrie nucléaire européenne, aux prix compétitifs, qui pourra contribuer peu à peu à l'approvisionnement de l'Europe en énergie ;
collaboration avec des pays tiers et en particulier avec les États-Unis, en vertu du traité conclu avec ceux-ci ;
encouragement des recherches techniques et scientifiques dans le domaine de l'énergie nucléaire ;
établissement de normes de base pour la protection de la population contre les dangers, résultant de la production d'énergie atomique.

57. En ce qui concerne le premier point, les commissions compétentes de l'Assemblée ont. examiné en particulier la question des capacités de production qui pourront être créées au cours des prochaines années, la question des coûts qu'entraîne la production d'énergie eu égard au montant très élevé des investissements, et la question de savoir comment ces coûts pourront être réduits. En outre, les commissions ont recherché dans quelle mesure l'énergie atomique pourra contribuer, par exemple, à la mise en valeur de territoires économiques sous-développés, et comment la production d'énergie atomique doit s'insérer dans une commune politique européenne de l'énergie.

La réalisation des programmes de montage de réacteurs et de construction d'usinés pour la production d'énergie est grandement favorisée par la conclusion de l'accord avec les États-Unis. En réalité, l'emprunt de 130 millions de dollars, que l'Euratom a contracté dans le cadre de cet accord, facilitera et hâtera la construction des installations nécessaires. Les fonds provenant de cet emprunt sont destinés à assurer une. capacité de production d'énergie d'un million de kilowatts installés ; cette capacité de production doit être répartie parmi les centrales d'énergie nucléaire dont le nombre sera de six à huit et le coût global s'élèvera à environ 350 millions de dollars. L'Assemblée sera spécialement attentive à la répartition des fonds provenant de l'emprunt ainsi qu'au choix de l'emplacement des installations.

Avant de pouvoir construire des réacteurs et livrer de l'énergie nucléaire à des prix qui ne diffèrent pas ou ne s'écartent que peu des prix de l'énergie traditionnelle, il faut procéder à des recherches scientifiques et techniques coordonnées en vue de cet objectif, tant dans des laboratoires scientifiques qu'auprès de réacteurs expérimentaux et dans des installations industrielles. Plus les recherches seront actives et mieux on saura éviter des doubles emplois et des dépenses inutiles en ce qui concerne ces recherches, plus aussi sera proche le moment auquel l'énergie nucléaire pourra jouer le rôle qui lui revient parmi les facteurs qui assurent l'approvisionnement énergétique de l'Europe. C'est pourquoi l'Assemblée et ses commissions ont pleinement soutenu les efforts que l'exécutif de l'Euratom a faits en ce domaine.

58. L'Assemblée reconnaît combien le développement industriel de l'énergie atomique en vue de son utilisation pacifique dépend de la mesure dans laquelle il est possible d'assurer la protection de la population et des travailleurs des usines qui produisent de l'énergie atomique. C'est pourquoi la commission compétente de l'Assemblée a été tout spécialement attentive aux questions de la protection sanitaire (articles 30 à 39 du traité de l'Euratom). Elle a soumis à un examen approfondi les normes de base élaborées par l'exécutif de l'Euratom pour protéger les travailleurs et la population contre les dangers des radiations ionisantes. Elle a souligné à ce sujet l'importance que présente dans ce domaine l'adoption d'une législation uniforme par les États membres. La commission a constaté que les normes de base élaborés par l'exécutif de l'Euratom remplissent, compte tenu des expériences faites jusqu'à présent, toutes les conditions requises pour assurer la protection de la population et des travailleurs. La commission parlementaire a invité l'exécutif à suivre de près le développement de la situation et les progrès réalisés en matière de protection sanitaire, afin d'être en tout temps en mesure d'adapter les normes de base à l'état le plus récent des connaissances.

L'Assemblée ne se bornera pas à transmettre son avis au Conseil de Ministres. Elle contrôlera aussi de très près la manière dont les gouvernements des États membres se conforment aux normes de base 
			(37) 
			Avis émis par l'Assemblée, conformément à l'article
31 du traité de l'Euratom, en conclusion du rapport
Bertrand (Doc. 52-1958). Voir procès-verbal de la séance
du 17 décembre 1958. et jusqu'à quel point ils les font appliquer.

6. CHAPITRE IV - Activité de l'Assemblée Commune et de l'Assemblée Parlementaire Européenne sous l'angle de la politique générale

6.1. A. Collaboration de l'Assemblée Commune à la réalisation des deux nouvelles Communautés

59. La période comprise entre le 1er juillet 1957 et le 19 mars 1958, date de la constitution de l'Assemblée Parlementaire, a aussi été très importante pour l'intégration politique de l'Europe

Les Traités de Rome avaient bien été signés dès le 25 mars 1957, mais les procédures de ratification par les parlements nationaux ont encore demandé beaucoup de temps. Les membres de l'Assemblée Commune ont influé d'une manière très positive sur les travaux préparatoires et sur le vote des lois de ratification. L'Assemblée Commune elle-même a suivi avec beaucoup d'attention les débats relatifs à la ratification, mais elle s'est intentionnellement abstenue de prendre position sur les nouveaux traités qu'elle avait si activement contribué à faire rédiger. Elle tenait à éviter d'influencer les travaux des parlements nationaux de quelque manière que ce fût et peut-être à contretemps.

Pour ce qui est du rôle joué auparavant par l'Assemblée Commune, il suffira de rappeler l'activité de son groupe de travail, l'initiative des trois Bureaux des Assemblées européennes et les contacts que le Bureau et le Président (dans la plupart des cas de concert avec les Présidents des groupes politiques) ont établis et maintenus avec M. Paul-Henri Spaak, Président du Comité intérimaire, et avec les six gouvernements. Ces initiatives, inspirées d'une claire vision politique, ont certainement contribué autant à faire adopter définitivement les traités qu'à éviter une prolifération d'institutions européennes. Ainsi, bien que les ministres eussent déjà pris la décision d'instituer une quatrième assemblée parlementaire européenne, il a été possible d'obtenir que le traité confie à une assemblée européenne unique un pouvoir de contrôle parlementaire illimité sur les trois Communautés.

6.2. B. Relations entre l'Assemblée et les autres institutions de la Communauté

60. L'activité de l'Assemblée Commune s'est étendue, pendant la période envisagée dans le présent rapport, à quelques questions politiques particulières. La définition des compétences des institutions de la C.E.E. et de l'Euratom s'écartait, pour un même objet, des dispositions du traité de la C.E.C.A. ; aussi a-t-on pu craindre, en commission et en Assemblée, que les moyens d'action des nouvelles institutions ne fussent étriqués. L'expérience de la C.E.C.A. avait montré que, si l'institution parlementaire s'était développée d'une manière si positive, c'est aussi parce que la Haute Autorité, entièrement responsable de l'application du traité de la C.E.C.A., et l'Assemblée Commune procédaient constamment à des échanges de vues, ce qui a permis à l'Assemblée de suivre pas à pas la politique de la Haute Autorité et d'influer sur elle.

61. L'Assemblée Parlementaire a repris sans restrictions cette méthode des échanges de vues avec les exécutifs de la C.E.E. et de l'Euratom. L'efficacité de cette méthode de travail a été reconnue non seulement par l'Assemblée, mais aussi par les exécutifs. C'est M. Wigny qui écrivait déjà, dans son rapport de février 1958 
			(38) 
			Rapport de M. Wigny : L'Assemblée Parlementaire
dans l'Europe des Six, février 1958., que, dans leur sphère de compétence, les exécutifs entretiendront avec l'institution parlementaire des relations aussi confiantes que celles qui se sont établies entre cette institution et la Haute Autorité de la C.E.C.A. A la session constitutive de l'Assemblée Parlementaire Européenne, c'est M. Hallstein, Président de l'exécutif de la C.E.E., qui confirmait cette prophétie, au moment où, parlant du rôle de l'institution parlementaire de la Communauté et insistant sur la nécessité d'une coopération de l'exécutif et de l'Assemblée Parlementaire, il déclarait : « L'Assemblée n'est pas seulement l'élément supranational, politique et démocratique le plus fort de notre Communauté ; elle en est aussi l'élément le plus dynamique. » 
			(39) 
			Compte rendu in extenso des séances, n° 1, mai 1958.
p. 20.

62. En revanche, des relations directes entre le Conseil de Ministres et l'Assemblée n'ont jamais paru indispensables dans le cadre de la C.E.C.A. L'Assemblée avait comme interlocuteur la Haute Autorité, qui était l'exécutif responsable devant elle. Mais les nouveaux traités ont déplacé les points d'impact de la responsabilité, en confiant aux Conseils, aux Ministres, des attributions plus vastes et surtout un rôle décisif. En présence de cette évolution, l'Assemblée Commune a estimé nécessaire d'établir avec le Conseil de Ministres des relations plus étroites, quand bien même celles-ci n'auraient pas une base institutionnelle. Des négociations spéciales ont été engagées en vue d'arriver à un colloque public entre le Conseil de Ministres et l'Assemblée. Le Conseil de Ministres a accueilli favorablement l'initiative de l'Assemblée, et c'est ainsi qu'a finalement eu lieu à Rome, en novembre 1957, un échange de vues, à la fois animé et approfondi, entre l'Assemblée Commune et les six ministres des Affaires Économiques des pays de la Communauté. Voilà qu'était franchi le premier pas dans la voie d'une orientation commune de la politique économique des pays de la Communauté du Charbon et de l'Acier.

L'Assemblée n'avait naturellement pas eu l'intention de modifier la nature des relations qu'entretenaient entre elles les institutions de la C.E.C.A. ; il n'empêche que le voeu fut exprimé de voir confirmer par la tradition cette procédure d'échanges de vues et de voirie Conseil de Ministres pouvoir être entendu par l'Assemblée, dans la mesure où son règlement le lui permettrait. L'espoir de voir les Conseils de la C.E.E. et de l'Euratom inscrire cette possibilité dans leurs règlements ne s'est malheureusement pas réalisé. Une des tâches qui incomberont à l'Assemblée Parlementaire Européenne sera d'animer et de développer les relations avec les Conseils, dans le cadre des relations entre les diverses institutions.

L'Assemblée pourra invoquer, pour ce faire, les déclarations faites par deux ministres, MM. Larock et Motz, à la session constitutive de mars 1958 
			(40) 
			M. Larock, Président du Conseil de la C.E.E. :
« Nous attachons le plus grand prix à l'étroite coopération
qui doit exister entre la représentation parlementaire européenne et les autres organes des Communautés. Nous
sommes résolus à ne rien négliger pour que cette coopération
s'établisse sans délai, de telle manière qu'étant
solidaires dans notre volonté nous ne tardions pas à l'être
dans nos actes. » Compte rendu in extenso des séances,
n° 1, mai 1958, p. 5.
M. Motz, Président du Conseil de l'Euratom : « Au-delà
des prescriptions du traité, au-delà des avis que votre
Assemblée doit être appelée à formuler, la collaboration
entre le Conseil et l'Assemblée doit être d'autant plus
large et d'autant plus fructueuse que le domaine d'application
du traité est en évolution permanente et d'un intérêt
croissant pour nos États. » Compte rendu in extenso
des séances, n° 1, mai 1958, p. 8..

L'Assemblée Parlementaire Européenne, faisant un premier pas dans cette voie, a inséré dans son règlement un article aux termes duquel les membres de l'Assemblée peuvent adresser au Conseil des questions écrites.

63. Les traités instituant la C.E.E. et l'Euratom prévoient que, dans certains cas, le Conseil doit consulter l'Assemblée. Pendant la période envisagée dans le présent rapport, il s'est déjà présenté un cas dans lequel l'Assemblée Parlementaire Européenne a été appelée à donner son avis, à savoir sur les normes de base élaborées par l'exécutif de l'Euratom pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers des radiations ionisantes 
			(41) 
			Voir chapitre III-D. . A ce propos, la question s'est posée de savoir si l'avis que l'Assemblée est appelée à formuler doit être remis à l'exécutif de l'Euratom ou au Conseil. Le texte du traité 
			(42) 
			Article 31 du traité de l'Euratom. n'est pas clair sur ce point et la question n'a pas encore été élucidée du point de vue juridique. L'Assemblée a cependant estimé incompatible, avec sa souveraineté le fait d'être placée sur pied d'égalité avec des organes consultatifs tels que le Comité économique et social, qui doit également donner son avis sur les normes de base. L'Assemblée est au contraire d'avis qu'elle ne pourra se prononcer qu'après les organes consultatifs de l'exécutif de l'Euratom.

6.3. C. Révision du traité de la C.E.C.A.

64. L'Assemblée s'est encore trouvée placée devant un autre problème politique du fait de la fin de la période de transition prévue par le traité de la C.E.C.A. En effet, il était possible, à ce moment, de réviser le traité. Chacune des commissions avait fait tout un travail préparatoire, selon ses attributions, et le groupe de travail soumit à l'Assemblée un rapport sur la révision du traité . 
			(43) 
			Rapport de M. Kreyssig : La révision du traité instituant
la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier
février 1958. Ce rapport de M. Kreyssig faisait la synthèse des avis des commissions et exposait quelques idées politiques d'ordre général. Sa discussion, à la session de février, fit apparaître qu'il y avait lieu de compléter ou de modifier quelques normes du traité, surtout parmi les dispositions sociales et économiques.

Dans une déclaration, le groupe socialiste a souligné que les amendements proposés dans le rapport ne constituent qu'un minimum de revendications, et que d'autres modifications seraient nécessaires pour atteindre les objectifs de la Communauté. Il sembla pourtant recommandable de ne pas encore présenter trop de propositions de révision. Il fallait en tout cas éviter qu'une révision partielle du traité de la C.E.C.A. fût l'occasion de restreindre les pouvoirs des institutions de la Commuanuté du Charbon et de l'Acier. Il apparut opportun de voir d'abord ce que serait, dans la pratique, l'application des nouveaux traités.

La résolution adoptée le 27 février 1958 par l'Assemblée Commune reflète la manière de voir de celle-ci. En effet, aux termes de cette résolution, l'Assemblée Commune estime nécessaire de modifier et de compléter le traité de la C.E.C.A. dans la mesure où cela permettra aux institutions de la Communauté de mieux remplir leurs tâches et d'atteindre plus rapidement les objectifs assignés par le traité. L'Assemblée Commune déclare expressément à ce sujet «qu'aucune modification du traité ne doit affaiblir l'efficacité de la Communauté, ni notamment affaiblir la position de la Haute Autorité, ni modifier les relations entre la Haute Autorité et l'Assemblée ».

6.4. D. Formation d'une tradition parlementaire européenne

65. L'Assemblée Commune a été particulièrement soucieuse d'exposer fidèlement comment une tradition parlementaire s'est formée au cours des cinq années d'activité de la Communauté du Charbon et de l'Acier, afin d'en tirer des conclusions pour les travaux de la nouvelle Assemblée.

Les quatre précédents rapports à l'Assemblée Consultative 
			(44) 
			Rapport de M. Poher, 1954 (Doc. 319, Conseil de
l'Europe) ; Rapport de M. Motz, 1955 (Doc. 396, Conseil
de l'Europe) ; Rapport de M. Struye, 1956 (Doc. 523,
Conseil de l'Europe) ; Rapport de M. Gozard, 1957 (Doc
705, Conseil de l'Europe). exposent en détail comment une activité typiquement parlementaire a pu se développer nonobstant les dispositions peu explicites que le traité de la C.E.C.A. contient au sujet des attributions de l'institution parlementaire. Ce fut possible parce que l'Assemblée, par ses commissions spécialisées, a toujours, collaboré avec la Haute Autorité, et parce qu'en session ses débats publics se déroulaient sous le signe d'un règlement reprenant les traditions démocratiques des pays libres d'Europe et sous le signe de la coopération constante et féconde des trois groupes politiques. Bien que l'Assemblée ne fût pas dotée de pouvoirs législatifs, elle a pu acquérir une influence telle qu'il lui a été possible de faire entendre son opinion, indiquant ainsi la voie à suivre et dictant aussi souvent la décision à prendre.

66. L'important rapport de M. Wigny 
			(45) 
			M. Wigny : L'Assemblée Parlementaire dans l'Europe
des Six, février 1958. Dans l'introduction, l'auteur écrit
notamment : « Une Assemblée se définit en droit par les
textes qui la fondent, mais se caractérise en fait par sa
composition et ses pouvoirs... On ne saurait exagérer
l'importance de la coutume en droit public. Les constitutions
écrites fournissent l'armature ; mais ce sont les
pratiques qui viennent leur donner les contours de la vie...
Par exemple, l'Assemblée s'est fait reconnaître le droit
d'exercer un contrôle a priori, c'est-à-dire avant que
l'exécutif ait engagé la politique par des décisions définitives.
», qui a été distribué aux membres de l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe, fait l'historique de cette tradition, en remontant aux sources, aussi bien matérielles que juridiques. Ce rapport ne devait pas être seulement une rétrospection ; il devait avant tout procurer à la nouvelle Assemblée une base d'où partir en pleine connaissance de ses droits et de ses possibilités. L'idée qui apparaît au premier plan, c'est que les auteurs du traité ont voulu assurer un contrôle démocratique de la Communauté du Charbon et de l'Acier. Comme l'écrit M. Wigny, il ne suffit pas d'exprimer cette volonté politique dans le texte d'un traité : ce qui importe, c'est de savoir si cette volonté se traduira par une réalité vivante ou si elle demeurera stérile, enclose dans les normes du traité ; cela dépendra du travail accompli en pratique et, à cet égard, on ne peut rien prévoir avec certitude. L'Assemblée Commune a voulu d'emblée transmettre intacte à la nouvelle Assemblée la tradition établie par l'institution parlementaire de la Communauté du Charbon et de l'Acier ; cette tradition, tous s'accordaient à la trouver saine et l'Assemblée Consultative elle-même est allée jusqu'à dire qu'elle pourrait servir de modèle 
			(46) 
			Résolution 133 de l'Assemblée Consultative, en date
du 25 octobre 1957 : « Enfin l'Assemblée tient à exprimer
son admiration pour l'oeuvre qu'a accomplie l'Assemblée
Commune depuis sa création. Abordant une phase entièrement
nouvelle et plus importante encore de son existence,
celle-ci peut éprouver une légitime fierté de ce qu'elle
a fait jusqu'ici pour préfigurer la forme que devra revêtir
le contrôle parlementaire dans une Europe intégrée. «.

6.5. E. Questions budgétaires des Communautés

67. Le texte du traité de la C.E.C.A. limitait les pouvoirs budgétaires reconnus à l'Assemblée Commune. Une excellente collaboration ne tarda cependant pas à s'établir au sein de la Commission des quatre Présidents, créée en vertu de l'article 78. Les institutions de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier coopéraient ainsi, en suivant une procédure à laquelle le traité de la C.E.C.A. avait conféré suffisamment de souplesse pour sauvegarder l'autonomie de chacune des institutions et permettre néanmoins un contrôle efficace des dépenses. En outre, les réunions des quatre Présidents ont été l'occasion d'éliminer les difficultés surgissant lors de l'établissement de l'état prévisionnel général de la Communauté, et d'assurer ainsi l'équilibre des divers projets d'états prévisionnels.

De plus, les échanges de vues constants entre la Haute Autorité et l'Assemblée Commune ont pu aboutir au résultat que l'on dresse un état prévisionnel qui non seulement comprend les dépenses administratives des institutions, mais qui montre exactement l'affectation des ressources de la Communauté à des fins économiques et sociales et à des travaux de recherche.

Enfin, la Haute Autorité a conféré chaque année avec les commissions compétentes de l'Assemblée Commune au sujet du taux du prélèvement. Cette procédure se justifie par le fait que la Communauté du Charbon et de l'Acier dispose en propre de ressources assises sur la production des industries. La Haute Autorité a continué à l'appliquer, en avril 1958, à l'égard cette fois des commissions de l'Assemblée Parlementaire Européenne.

68. Depuis l'entrée en vigueur des traités de la C.E.E. et de l'Euratom, la situation n'est plus la même. Bien que le traité de la C.E.C.A. soit explicitement confirmé par les nouveaux traités, il se présente inévitablement des difficultés, notamment du fait que l'exercice budgétaire de la C.E.C.A. va du 1er juillet au 30 juin tandis que celui de la C.E.E. et de l'Euratom coïncide avec l'année civile. La coordination des budgets est ainsi un problème qui se pose de façon aiguë, d'autant plus que deux institutions — l'Assemblée Parlementaire et la Cour de Justice — sont communes aux trois Communautés.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que les moyens financiers des nouvelles Communautés proviennent des gouvernements et que, dès lors, la procédure d'établissement des budgets n'est pas aussi simple que pour la C.E.C.A. De plus, la nouvelle procédure n'est pas encore rodée et les délais prévus par les traités de la C.E.E. et de l'Euratom sont trop courts pour cette première année d'activité.

Là encore, il se pose des problèmes particuliers à l'Assemblée Parlementaire et à la Cour de Justice, dont les budgets sont alimentés pour un tiers par la Communauté du Charbon et de l'Acier sur les ressources de cette dernière, et pour deux tiers par la C.E.E. et l'Euratom sur les contributions des gouvernements des États membres.

Cette procédure complexe pourrait compromettre surtout le bon fonctionnement des deux nouvelles Communautés.

69. Les traités de la C.E.E. et de l'Euratom 
			(47) 
			Article 203 du traité de la C.E.E. et article 173 du
traité de l'Euratom. accordent cependant à l'Assemblée Parlementaire des pouvoirs budgétaires plus larges qu'en vertu du traité de la C.E.C.A., car l'Assemblée est chargée d'examiner les projets de budget et de remettre son avis un mois après avoir été saisie.. Ce mandat conféré à l'Assemblée Parlementaire constitue une importante extension du contrôle parlementaire.

L'Assemblée Parlementaire a donc pris nettement position lorsque les Conseils arrêtèrent en dehors des délais les budgets pour 1958 et reportèrent à plusieurs mois la fixation des crédits budgétaires pour 1959. Pour l'exercice 1959, le Conseil n'a approuvé que le budget de recherches et d'investissements de l'Euratom.

Il en résultera que les nouvelles Communautés, dont les tâches sont tellement vastes et pour lesquelles les prochains mois seront décisifs, se trouveront privées d'une partie de leurs possibilités et de leurs moyens. L'Assemblée a souligné que les Commissions européennes et les Conseils sont seuls responsables devant l'Assemblée et qu'elle ne peut donc accepter l'introduction d'un comité — non prévu par les traités — d'experts nationaux dans une procédure qui ne relève que de la Communauté 
			(48) 
			Voir résolution relative aux problèmes budgétaires,
adoptée le 17 décembre 1958..

70. Pour ce qui la concerne, l'Assemblée a souligné expressément le fait que sa mission de contrôle parlementaire implique qu'elle soit en mesure d'établir souverainement son budget, afin que son indépendance et l'efficacité de ses travaux ne soient pas mis en cause.

71. Elle fait remarquer en outre que les dispositions financières régissant la C.E.E. et l'Euratom et destinées à faciliter l'établissement des budgets (par exemple l'intervention de la commission de contrôle) devraient être appliquées au plus tôt. A son avis, les Conseils auraient évité, ce faisant,, une partie des difficultés qui se produisent actuellement.

En formulant ses critiques, l'Assemblée n'ignore pas que le budget des dépenses administratives pour 1959 n'a pu être établi qu'après que les nouvelles Communautés eussent élaboré le programme de leurs travaux, en fonction desquels on pouvait évaluer les crédits nécessaires. Elle a tenu à insister fortement pour que les délais fixés par le traité soient respectés l'an prochain. Elle suivra cette question de près et fera en sorte que les éléments qui doivent servir à dresser les budgets soient absolument comparables, que les projets de budget soient établis selon des critères identiques et qu'ils soient présentés sous une forme comparable.

72. L'Assemblée Parlementaire veillera également à ce que les dépenses affectées à des objets comparables ne fassent pas double emploi dans les trois Communautés mais qu'elles se complètent. L'Assemblée souhaite pouvoir considérer les trois budgets comme un tout, c'est-à-dire comme un budget unique de la Communauté européenne des Six.

73. L'Assemblée Parlementaire croit devoir encourager tous les efforts qui tendront à ce que les crédits budgétaires proviennent d'un budget commun des voies et moyens 
			(49) 
			Article 201 du traité de la C.E.E. et 173 du traité de
l'Euratom..

6.6. F. Continuité des travaux parlementaires

74. L'Assemblée Commune savait, lorsque vint la fin de ses activités, que son devoir était d'assurer la continuité des travaux parlementaires. Somme toute, il s'agissait de voir de quelle façon les pouvoirs de contrôle pouvaient s'exercer envers les trois Communautés dissemblables. Fallait-il créer au sein de la nouvelle Assemblée des commissions spécialisées par Communauté et considérer à part les problèmes de la Communauté du Charbon et de l'Acier, ceux du marché commun général et ceux de l'Euratom ? L'Assemblée, les groupes politiques et le Bureau se trouvèrent unanimes : quoique sa compétence s'étende à trois Communautés, la nouvelle Assemblée est une institution homogène dans sa structure et sa conformation. Son unité ne doit pas être démentie, fût-ce par son organisation interne. Une de ses premières tâches sera d'amener les Communautés à ne pas suivre chacune sa voie et à constamment aligner leur politique et leur organisation. Les trois textes de traité doivent donc être considérés comme des moyens variés pour arriver à un but unique : une intégration européenne harmonieuse et homogène.

Abstraction faite de ces motifs politiques, il était évident que, d'un point de vue économique également, les problèmes de chacun des secteurs — politique économique, sociale, financière, des transports, etc. — ne devaient être abordés qu'en restant insérés dans un contexte général, car tout acte d'une Communauté a des répercussions directes ou indirectes sur les intérêts des autres. Cette idée fut notamment mise en relief au cours de la session constitutive de l'Assemblée Parlementaire Européenne, le 19 mars 1958, et elle fut acceptée par les autres institutions des Communautés.

75. La première application de ces principes eut lieu lors de la constitution des commissions parlementaires. Ni le Bureau de l'Assemblée Commune, lors des travaux préparatoires, ni celui de l'Assemblée Parlementaire Européenne ensuite n'ont jamais songé à créer des commissions spécialisées par Communauté. Tout le domaine sur lequel portent les trois traités a été réparti entre treize commissions. Les compétences de chacune s'étendent aux trois Communautés — à l'exception de deux commissions :

Commission des Affaires politiques et des Questions institutionnelles 
			(50) 
			Le 22 octobre 1958, une sous-commission du suffrage
universel a été constituée. Elle est chargée de préparer
les projets prévus à l'article 138-3 du traité de la C.E.E.
et à l'article 108-3 du traité de l'Euratom.;
Commission de la Politique économique à long terme, des Questions financières et des Investissements ;
Commission du Marché intérieur de la Communauté ;
Commission pour la Politique énergétique ;
Commission de la Politique commerciale et de la Coopération économique avec les Pays tiers ;
Commission des Affaires sociales ;
Commission des Transports,
Commission de la Recherche scientifique et technique ;
Commission de la Sécurité, de l'Hygiène du Travail et de la Protection sanitaire ;
Commission de l'Administration de l'Assemblée Parlementaire Européenne et du Budget des Communautés ;
Commission des Questions juridiques, du Règlement et des Immunités ;

Deux des treize commissions font exception :

Commission de l'Association des Pays et Territoires d'outre-mer ;
Commission de l'Agriculture. Dans ces deux domaines, les compétences et les attributions relèvent uniquement du traité de la Communauté Économique Européenne.

6.7. G. Nécessité de coordonner les travaux des institutions européennes Mission de coordination de l'Assemblée

76. L'Assemblée Commune avait insisté, au début et au cours des négociations sur les nouveaux traités, sur le fait que les trois Communautés et leurs institutions ne devaient pas travailler séparément. C'est d'un même souci que s'inspirent les démarches tendant à obtenir que l'institution parlementaire soit unique.

Après avoir marqué à un tel point la structure et les objectifs de l'Assemblée Parlementaire Européenne, l'idée de l'unicité de la politique des trois Communautés ne pouvait manquer de dominer les débats de la session de mai-juin 1958, au cours de laquelle fut soulignée la nécessité de coordonner les travaux des trois exécutifs européens. Ce fut aussi l'occasion de trouver regrettable que les textes des traités ne prévissent aucune liaison organique entre la Haute Autorité et les exécutifs de la C.E.E. et de l'Euratom. Le voeu fut émis de voir ces institutions user de toutes les possibilités de faire toute l'unité possible, en concevant dans l'esprit du traité la nature des institutions européennes.

Puisqu'elle était compétente dans toutes les matières du ressort de la Communauté du Charbon et de l'Acier, de la Communauté ÉconoT mique Européenne et de l'Euratom, l'Assemblée Parlementaire Européenne a mis d'emblée l'accent sur la nécessité de coordonner l'activité des exécutifs. L'Assemblée Parlementaire devait le faire, par vocation. Les sessions et, plus souvent encore, les réunions des commissions seront l'occasion d'attirer sans cesse l'attention des exécutifs sur la nécessité d'une étroite, coopération dans les divers domaines, car telle est la conclusion évidente, de la discussion des divers problèmes que posent les réalités 
			(51) 
			Rapport de M. Janssens sur la coordination des
trois Communautés européennes, juin 1958 (Doc. n° 14,
1958) ; Résolution du 27 juin 1958..

77. Les trois exécutifs n'ont pu rester inaccessibles aux arguments péremptoires de l'Assemblée et des commissions parlementaires. Il y a déjà un début de coordination des travaux des exécutifs. C'est ainsi que les services statistiques, les services de presse et d'information et les services juridiques sont communs.

Une étroite coopération s'est également instaurée en matière de politique énergétique, à la faveur du protocole intervenu le 8 octobre 1957 entre la Haute Autorité et le Conseil spécial de Ministres. Le texte de ce protocole prévoit dès l'abord que la Haute Autorité, les Commissions de la C.E.E. et de l'Euratom et les gouvernements coopéreront, la Haute Autorité étant responsable de l'organisation des travaux 
			(52) 
			Voir chapitre II-B..

En ce qui concerne la politique économique et financière à long terme et plus spécialement la politique de conjoncture, les groupes de travail de la Haute Autorité et ceux de la Commission de la C.E.E. tiennent périodiquement des réunions communes.

Dans le domaine de la politique sociale, l'accord s'est fait sur certains travaux qui seront effectués en commun.

Enfin, la Haute Autorité et la Commission de la C.E.E. coopéreront également dans le secteur des transports.

Tous les mois se réunit un groupe dénommé Comité interexécutif, où les représentants des trois exécutifs discutent les problèmes d'intérêt commun et concertent une position commune.

78. Tout en se félicitant de voir ainsi posés les premiers jalons d'une coopération étroite et, par là, d'une politique commune, l'Assemblée et ses commissions ont dû constater que cette coopération, dont les formes sont parfois bien lâches et qui parfois ne va pas au-delà d'un simple échange d'informations, n'est pas encore suffisante au regard des exigences d'une politique commune aux trois exécutifs. Évidemment, il ne faut pas oublier que la dispersion géographique des institutions rend plus difficile encore la collaboration efficace que l'on souhaiterait. L'Assemblée Commune et l'Assemblée Parlementaire Européenne se sont nettement prononcées en faveur de l'unicité du siège des institutions. L'organisation rationnelle, l'efficacité du travail, l'unité qu'il importe tellement de donner d'urgence à la politique, tout cela est essentiellement conditionné par la concentration, indispensable à l'activité des Communautés, de toutes les institutions en un même lieu.

79. Dans l'organisation des travaux parlementaires, l'Assemblée s'est efforcée, pour sa part, d'encourager la coordination des travaux des trois exécutifs. La plupart du temps, elle invite les représentants de deux ou des trois exécutifs aux réunions des commissions et elle demande en même temps à plusieurs exécutifs de prendre position sur des problèmes déterminés. Ce qui importe à présent, c'est que les exécutifs ne s'arrêtent pas à mi-chemin, car ils doivent aboutir, dans tous les domaines, à une coopération européenne de plus en plus étroite. Si cet objectif n'est pas atteint dès le début de leur activité, les chances d'y arriver plus tard s'amenuiseront toujours.

6.8. H. Caractère ouvert de la Communauté des Six

80. Même depuis un an et demi, l'Assemblée n'a jamais perdu de vue la solidarité de la Communauté des Six et de toute l'Europe 
			(53) 
			M. Wigny : L'Assemblée Parlementaire dans l'Europe
des Six, paragraphe 64 : c ...les Communautés doivent
rester ouvertes. Aux États qui hésitent de prendre toutes
les responsabilités du traité, il faut offrir des accords
d'association qui correspondent à leur situation : zone
de libre-échange, association avec les territoires d'outremer,
avec des nations fraîchement émancipées, tout cela
exigera du courage et de la vision, la volonté de renouveler
les formules et de multiplier sans relâche les invites ». . Elle garde la conviction que cette Communauté doit rester ouverte et bannir toute tendance autarcique.

Dès la première Session de la nouvelle Assemblée Parlementaire, il fut décidé de resserrer, ou tout au moins de laisser subsister dans l'état actuel, les relations traditionnelles avec le Conseil de l'Europe et l'Assemblée Consultative, de tenir la réunion jointe, bien que les traités soient muets à ce sujet, et de faire annuellement rapport à l'Assemblée Consultative sur l'activité de l'Assemblée dans les trois Communautés.

Depuis février 1957, les Bureaux des trois Assemblées européennes ont siégé en commun à plusieurs reprises pour chercher ensemble les moyens de mieux coordonner les travaux parlementaires européens.

81. L'Assemblée s'est également souciée de la création d'une zone de libre-échange. Elle en a discuté une première fois dès novembre 1957, quand elle examina un rapport de M. Pleven et vota la résolution 
			(54) 
			Résolution n° 82 du 9 novembre 1957 : «... souhaite
que la Haute Autorité et les gouvernements aboutissent
à un plein accord sur les problèmes liés à l'inclusion du
charbon et de l'acier dans la zone de libre-échange et
que, de cette façon, la Communauté exprime une position
commune par une seule voix... » qui marqua la clôture de cette session de novembre.

Ce rapide aperçu suffira sans doute à prouver que l'Assemblée Commune et l'Assemblée Parlementaire Européenne, non contentes d'étendre leurs travaux aux différents domaines qui s'ouvraient à leur activité, sont toujours restées conscientes de leur obligation de servir la cause de l'unification européenne. Elles ne l'ont pas servie uniquement par leurs suggestions et leurs avis, elles ont pris certaines initiatives soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs membres.

7. CHAPITRE V - Politique commerciale et intensification de la coopération économique européenne

7.1. A. Relations extérieures des Communautés européennes

82. L'Assemblée Parlementaire Européenne n'ignore pas que les relations extérieures des Communautés européennes intéressent tout particulièrement les membres de l'Assemblée Consultative. L'objet essentiel de la réunion jointe est d'informer lès ressortissants des autres pays européens membres du Conseil de l'Europe de la ligne de conduite de la Communauté des Six envers les pays tiers et envers les organisations européennes et internationales plus vastes encore.

A l'instar des États, les Communautés participent au concert des relations internationales, ne serait-ce que par leur présence et en raison des nécessités qui s'imposent de ce fait. Il importe cependant de dire tout de suite que les; traités précisent explicitement la volonté des six États membres de donner un caractère ouvert à leurs Communautés.

Il sera sans doute superflu de rappeler aux membres de l'Assemblée Consultative les mobiles et les objectifs des efforts d'unification européenne ; c'est d'eux qu'est issu le Conseil de l'Europe et c'est d'eux que sont nées les trois Communautés. Votre rapporteur vous fait grâce de l'historique du mouvement d'unité.

L'Assemblée Commune et l'Assemblée Parlementaire Européenne ont dû rappeler à plusieurs reprises qu'en tout état de cause les Communautés des Six ne sont pas responsables de l'actuelle fragmentation institutionnelle de l'Europe 
			(55) 
			Résolution du 27 juin 1958 sur un traité d'Association
Économique Européenne :
« Considérant que les auteurs du Traité de Rome ont
affirmé dès l'origine leur volonté de contribuer à la suppression
progressive des restrictions aux échanges internationaux
;
Considérant qu'au moment de la signature du traité,
le 25 mars 1957, ils se sont déclarés prêts à conclure avec
les autres pays, dans le cadre des organisations internationales
auxquelles ils participent, des accords permettant
de contribuer, par l'union de leurs marchés, le rapprochement
de leurs économies et la mise sur pied des principes
et des modalités d'une politique commune, non
seulement à leur prospérité mais aussi à celle des autres,
pays,
Approuve le principe d'un accord d'Association Économique
Européenne (zone de libre-échange) associant
à la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier
les autres pays de l'O.E.C.E., englobant les produits,
agricoles aussi bien que les produits industriels, et souhaite
l'heureux résultat des négociations actuellement
en cours;
Considérant, d'autre part, que les autres pays membres
de l'O.E.C.E., pour des raisons multiples qui leur sont
propres, n'ont pas pu souscrire jusqu'ici à l'ensemble des
principes énoncés dans les traités de la C.E.E., de la C.E.E.A.
et de la C.E.C.A., ni accepter la discipline que les États
membres de la Communauté ont librement consentie,
Constate en conséquence, qu'une telle association comporte
des règles de fonctionnement qui peuvent différer
de celles de la Communauté Économique Européenne. ».

Les six États membres fondateurs des Communautés ont prévu, dans les traités, les possibilités les plus diverses de coopération pour d'autres pays, depuis les relations diplomatiques normales jusqu'à l'adhésion, en passant par l'accord d'association. A ce sujet, l'association apparaît particulièrement significative 
			(56) 
			Article 98 C.E.C.A. et paragraphe 14 de la Convention
relative aux dispositions transitoires ; articles 237 et
238 C.E.E. ; articles 205 et 206 Euratom..

83. Cette position est également exprimée dans la Déclaration commune des Six, jointe au traité de la C.E.E. et relative à la coopération avec les États membres des organisations internationales. Il y est dit que les Gouvernements des six pays sont disposés, dès l'entrée en vigueur des Traités de Rome, à conclure avec d'autres pays, notamment dans le cadre des organisations internationales auxquelles ils participent, des accords permettant d'atteindre des objectifs d'intérêt commun et d'assurer le développement harmonieux de l'ensemble des échanges.

A ce sujet, il faut mentionner avant tout que l'initiative des négociations avec les pays européens sur une zone de libre-échange (Association Économique) a été prise à un moment où il était certain que la Communauté Économique Européenne deviendrait une réalité. La création de la C.E.E. a donc été la cause directe des négociations sur l'Association Économique 
			(57) 
			Rapport de M. Blaisse sur l'importance d'une Association
Économique Européenne, juin 1958 (Doc. n° 18,
1958, paragraphe 4)..

84. Les institutions des Communautés sont restées fidèles aux intentions des fondateurs et à l'esprit des traités. L'institution parlementaire a toujours considéré comme son devoir de suivre de très près et de contrôler l'action de la Communauté dans le domaine des relations extérieures. Elle a pu constater, en tant qu'Assemblée Commune de la C.E.C.A. et en tant qu'Assemblée Parlementaire Européenne compétente pour les trois Communautés, que la volonté exprimée dans les traités avait toujours été respectée 
			(58) 
			Rapport de M. Pleven sur les relations extérieures de
la Communauté, juin 1957 (Doc. n° 40, 1956-1957) et
Résolution n° 72 du 27 juin 1957 ;
Rapport de M. Pleven sur la politique commerciale
de la C.E.C.A., novembre 1957 (Doc. n° 1, 1957-1958)
et Résolution n° 82 du 9 novembre 1957 ;
Rapport de M. Kreyssig sur la politique commerciale
et les relations extérieures, juin 1958 (Doc. n° 19, 1958)
et Résolution adoptée le 26 juin 1958 ;
Rapport de M. Blaisse, juin 1958 et Résolution du
27 juin 1958..

Les compétences des Communautés européennes s'exerçant essentiellement dans le domaine économique, les relations extérieures se situent principalement dans ce cadre. Les probèlmes traités dans le présent chapitre sont donc surtout d'ordre économique. Leurs répercussions politiques ne doivent cependant pas être sousestimées.

Compte tenu de l'expérience de l'Assemblée Commune, qui, en février 1957 
			(59) 
			Résolution n° 64 du 14 février 1957., avait constitué une sous-commission de la Politique commerciale, l'Assemblée Parlementaire Européenne, également convaincue de l'opportunité de distinguer les relations extérieures des questions politiques et institutionnelles, a créé une commission de la Politique commerciale et de la Coopération économique avec les Pays tiers.

Les relations politiques entre l'Assemblée Consultative et l'Assemblée Parlementaire Européenne font l'objet d'une étude spéciale au chapitre VI du présent rapport.

7.2. B. Relations extérieures de la C.E.C.A.

85. La période considérée dans le présent rapport se caractérise par la ratification des traités signés le 25 mars 1957 à Rome, par leur entrée en vigueur et par les premières manifestations de la vie et du travail des institutions des nouvelles Communautés.

A côté des questions intéressant les relations extérieures, posées par le traité de la C.E.C.A., telles que l'harmonisation des tarifs extérieurs pour le charbon et l'acier ou l'accord douanier avec le Royaume-Uni, le marché commun général pose à la C.E.C.A. des problèmes d'ensemble. A ce sujet, il n'existe plus, l'Assemblée en est convaincue, aucun problème qui puisse être considéré et traité à part. Toutes les questions, y compris les questions spécifiques de la C.E.C.A., doivent être saisies et résolues dans le cadre du marché commun général.

86. L'harmonisation des droits de douane pour les produits de la Communauté du Charbon et de l'Acier a pris fin, conformément au traité, le 10 février 1958, à l'issue de la période transitoire de cinq ans. En même temps a été conclu avec le Royaume-Uni, au Conseil d'association, un accord sur une réduction correspondante des droits de douane. L'Assemblée Commune s'est particulièrement félicitée de ce résultat 
			(60) 
			Rapport de M. Pleven, juin 1957 ; Rapport de
M. Pleven, novembre 1957 ; Rapport de M. Kreyssig,
juin 1958. . Elle a vu là, non seulement une mesure d'application du traité et un encouragement donné aux échanges de la Communauté avec les autres pays, mais aussi une confirmation du caractère ouvert de la C.E.C.A., à un moment où le projet de Communauté Économique Européenne passait souvent, dans l'opinion publique, comme l'expression du voeu des six pays de créer une communauté autarcique. L'Assemblée s'est aussi félicitée de ce résultat, parce qu'il facilitait l'inclusion du charbon et de l'acier dans une zone de libreéchange.

7.3. C. Politique commerciale commune

87. La politique commerciale fournit des exemples de questions intéressant la C.E.C.A. qui, cependant, doivent être considérées dans le cadre du marché commun général. Le rapport sur la politique commerciale de la C.E.C.A. 
			(61) 
			Rapport de M. Pleven, juin 1957. , de novembre 1957, énumère les possibilités d'intervention données à la Haute Autorité par le traité de la C.E.C.A. et indique comment la Haute Autorité a utilisé ses pouvoirs. La commission, et, après elle, l'Assemblée Commune ont estimé que l'activité de la Haute Autorité avait eu des résultats très positifs.

88. Une seule réserve concerne le concours mutuel que les États membres sont tenus de se prêter, en vertu du troisième alinéa de l'article 71 du traité de la C.E.C.A., en prenant des mesures de politique commerciale. Malgré les efforts de la Haute Autorité, cette règle n'a pas été appliquée.

De l'avis de l'Assemblée Commune, il s'agit cependant plutôt de difficultés théoriques que de difficultés réelles, car le cas pratique du charbon belge a été résolu en 1957, sans qu'il soit recouru à l'article 71. Le problème est devenu à nouveau très actuel, après les mesures prises par l'Allemagne pour favoriser la vente du charbon.

La Haute Autorité s'est efforcée, dans ses propositions au Conseil spécial de Ministres, d'obtenir un compromis sur l'importation, dans la Communauté, de charbon des pays tiers. Toutefois, il faut considérer que le taux de libéralisation des importations et l'action exercée par les pouvoirs publics sur les importations diffèrent d'un pays à l'autre, de telle sorte qu'il sera difficile de parvenir à réaliser une politique d'importation charbonnière uniforme pour la Communauté.

La discussion du rapport de M. Pleven a fourni l'occasion d'évoquer les limites d'une intégration restreinte aux secteurs du charbon et de l'acier. En matière de politique commerciale, le traité s'en tient au principe de la compétence des États membres ; il ne donne à la Haute Autorité que des possibilités d'intervention très limitées. Le traité instituant la C.E.E. habilite cependant les institutions à élaborer et à mener une politique commerciale ; elles doivent uniformiser progressivement cette politique commerciale au cours d'une période de transition. 
			(62) 
			Articles 110 à 116 du traité de la C.E.E.

C'est pourquoi la sous-commission de la Politique commerciale de l'Assemblée Commune s'est posé le problème de la coordination des idées de base du traité de la C.E.C.A. et de celles du nouveau traité. L'Assemblée Parlementaire Européenne poursuivra là, dans un cadre beaucoup plus vaste, le travail de l'Assemblée Commune.

89. Les États membres de la C.E.E. abandonneront, au cours d'une période de transition, leurs compétences en matière de politique commerciale, y compris en ce qui concerne le charbon et l'acier. Selon l'Assemblée Commune, il en résulte que les pouvoirs accordés à la C.E.E. doivent également l'être à la Haute Autorité en ce qui concerne le charbon et l'acier. A ce sujet, une divergence de vues s'est manifestée entre l'Assemblée et la Haute Autorité. Cette dernière semblait penser, et cette opinion a été soutenue par les ministres Gava et Erhard à la séance du 8 novembre 1957 à Rome, que la politique commerciale constituait un tout indivisible et ressortissait, en conséquence, à la seule compétence des institutions de la C.E.E. L'Assemblée a maintenu son point de vue ; elle souhaiterait que cette question fût résolue dans le cadre plus vaste de la coordination des trois Communautés.

7.4. D. Association Économique Européenne (zone de libre-échange)

90. On peut certes dire sans exagération que les négociations sur la zone de libre-échange (les États membres de la Communauté des Six ont proposé de l'appeler Association Économique Européenne) constituent à l'heure actuelle le problème central de la politique européenne. Leur résultat influera profondément sur l'avenir des institutions européennes existantes et sur leurs relations économiques avec les pays tiers. C'est pourquoi l'Assemblée Commune et, après elle, l'Assemblée Parlementaire Européenne, ont voué la plus grande attention à toutes ces questions

Dès le mois de juin 1957, l'Assemblée Commune s'est félicitée de l'initiative de la Grande-Bretagne et a souligné combien l'existence et l'activité de la C.E.C.A. et surtout l'harmonisation des tarifs extérieurs pour le charbon et l'acier facilitent l'institution de la zone de libre-échange. L'Assemblée a invité officiellement les gouvernements des États membres à admettre la Haute Autorité à prendre part aux négociations relatives à la zone de libre-échange, ce qui a été fait par la suite.

Tous les débats de l'Assemblée Commune et de l'Assemblée Parlementaire Européenne sur la zone de libre-échange font apparaître ce désir d'affirmer la compétence de la Haute Autorité et son rôle de porte-parole des six pays de la C.E.C.A.

L'Assemblée Parlementaire Européenne et sa commission de la Politique commerciale ont invité l'exécutif de la C.E.E. à participer activement aux négociations qui se poursuivent entre les représentants des six pays. L'Assemblée Parlementaire a insisté, à ce propos, sur la nécessité d'amener les Six, par l'intermédiaire de l'exécutif, à adopter une attitude commune et elle a constaté avec satisfaction que l'exécutif a déjà élaboré d'importantes propositions.

91. Il faut avoir cette situation présente à l'esprit pour comprendre le cours, souvent confus, des négociations sur la zone de libre-échange au sein de l'O.E.C.E. L'Assemblée Parlementaire Européenne a clairement défini sa position, quand la question a été débattue dans tous les aspects, en commission et en séance, à l'occasion de la présentation du rapport de M. Blaisse sur l'Association Économique Européenne, en juin 1958.

Comme il a été dit, un des principes directeurs de toute l'activité des Communautés, c'est qu'elles restent ouvertes aux autres pays européens. Elles considèrent comme un progrès tout accord avec des pays tiers, toute forme de coopération plus étroite et d'association. Ainsi, l'Assemblée Parlementaire a approuvé, le 27 juin 1958, le principe d'un accord relatif à une Association Économique Européenne unissant la C.E.E. et la C.E.C.A. aux autres pays de l'O.E. CE., et elle a fait des voeux pour une heureuse issue des négociations en cours.

L'Assemblée a affirmé expressément «la nécessité de préserver entièrement la réalité des traités instituant les trois Communautés européennes ». Elle a déclaré qu' « elle ne pourrait accepter de voir se dissoudre ces Communautés dans un ensemble qui leur ferait perdre, ainsi qu'aux pays et territoires d'outre-mer associés, les bénéfices de l'intégration économique et politique actuellement entreprise s . 
			(63) 
			Résolution du 27 juin 1958.

Il ne faut pas oublier que l'intégration croissante des six pays a eu pour point de départ le désir de créer, comme le président Schuman l'a dit le 9 mars 1950, «une solidarité de fait» qui devait précéder l'unification de l'Europe. Pour tout pas en avant, il faut s'inspirer de cette volonté politique fondamentale et en assurer la réalisation.

92. Les institutions européennes ont la tâche de concilier deux tendances, à savoir le désir des Communautés d'admettre tous les autres pays européens qui concluront avec elles des accords d'association sous quelque forme que ce soit, et la nécessité de subordonner l'acquisition de droits à l'acceptation d'obligations correspondantes. Cette tâche permet de comprendre le rôle joué par les institutions des Communautés. C'est pourquoi l'Assemblée a souligné tout particulièrement que l'accord d'association doit être conclu entre les Communautés d'une part, et les autres États européens, d'autre part et non pas entre dix-sept États entre lesquels n'existerait aucun lien et comme si les Six ne formaient pas une Communauté déjà vivante et institutionnalisée. 
			(64) 
			Résolution du 27 juin 1958.

Pour cette raison aussi, l'Assemblée a attaché une importance toute particulière à la question des institutions de la zone de libreéchange. Les partenaires aux négociations ont tout d'abord examiné les aspects économiques et techniques de l'ensemble du problème et essayé d'aboutir à des résultats : ils étaient d'avis que les questions institutionnelles devaient être étudiées ensuite. Mais l'Assemblée a estimé que la solution de ces questions influerait d'une manière déterminante sur l'efficacité de l'accord et elle s'est réservé d'en poursuivre l'examen. Dans sa Résolution de juin 1958, l'Assemblée avait précisé que les Communautés des Six devraient apparaître en cette qualité au sein des institutions créées pour une zone de libre-échange.

Le problème institutionnel n'a toutefois pas encore fait l'objet d'études approfondies dans le cadre de l'O.E.C.E. et l'Assemblée n'a pas encore eu non plus l'occasion de l'examiner de près. Elle se réserve le droit de revenir notamment sur les aspects parlementaires que pourrait offrir la création d'un organisme intergouverne mental régissant l'Association Économique Européenne.

93. L'Assemblée Parlementaire Européenne a dû indiquer très clairement sa position parce que le désir d'affirmer l'autorité des Communautés européennes a été interprété comme une discrimination à l'égard des autres pays européens. Cette prétendue discrimination a été en son temps le principal argument invoqué pour justifier la nécessité d'une zone de libre-échange.

L'Assemblée Commune avait déjà fermement repoussé de telles allégations. En effet, en novembre 1957, elle a montré le manque de fondement de telles craintes et de tels arguments et rappelé la politique de la C.E.C.A. qui, au cours des négociations avec des pays tiers, a montré à maintes reprises que son principe est celui de la porte ouverte. 
			(65) 
			Résolution n° 82 du 9 novembre 1957. M. Hallstein, Président de la Commission de la C.E.E., s'est élevé contre le reproche de la discrimination à l'égard des pays tiers dans le discours qu'il a prononcé le 20 mars 1958 devant l'Assemblée Parlementaire Européenne. Il a dit, à juste titre, qu'il n'y avait de discrimination que si l'on traite différemment des mêmes faits sans avoir de raison suffisante, mais il n'y a pas de discrimination si l'on a des raisons impérieuses de traiter différemment des faits différents. C'est ce qui se passe pour les relations des six pays entre eux par comparaison à leurs relations extérieures.

La Communauté Économique Européenne est en réalité un « accord politique et économique très poussé, comportant pour les États membres tout un réseau de droits et obligations réciproques et vis-à-vis des pays tiers ». 
			(66) 
			Rapport de M. Blaisse, juin 1958. Le marché commun est donc bien plus qu'une union douanière. Il existe entre les obligations et les droits des États membres un équilibre auquel de nouveaux accords ne doivent pas porter atteinte. Les partenaires qui concluront avec la Communauté l'accord sur la zone de libreéchange ne peuvent donc obtenir des avantages déterminés qu'à condition d'assumer des obligations correspondantes.

94. Les dernières négociations du Comité Maudling ont fait nettement apparaître les principales difficultés. Celles-ci tiennent à la différence de structure entre la zone de libre-échange et la Communauté Économique Européenne. Dans la zone de libre-échange, telle qu'elle était prévue jusqu'ici, les pays devaient rester libres de fixer leurs tarifs extérieurs comme ils l'entendaient ; en revanche, les pays de la C.E.E. devront appliquer un tarif extérieur commun. En outre, alors que la C.E.E. doit assurer l'établissement d'une politique commerciale commune, cette obligation n'est pas prévue pour les pays de la zone de libre-échange. Ces différences fondamentales ont suscité une foule de problèmes spéciaux et elles ont fini par provoquer l'actuelle interruption des négociations.

La commission de la Politique commerciale a indiqué dans son rapport 
			(67) 
			Rapport de M. Blaisse, juin 1958. des possibilités de solutions des diverses questions en suspens. Mais elle s'est réservé le droit d'examiner encore plus longuement celles-ci.

95. Soucieuse aussi de prouver la bonne volonté des six pays, la Commission de la C.E.E. a pris l'initiative de proposer une solution provisoire, qui consiste à étendre l'abaissement décidé entre les Six, à partir du 1 e r janvier 1959 et pour une période de dix-huit mois, de 10 % des tarifs douaniers en vigueur aux onze autres pays de l'O.E.C.E., en ce qui concerne leurs échanges mutuels. L'Assemblée a approuvé cette proposition. 
			(68) 
			Résolution du 27 juin 1958.

Cette proposition d'abaisser de 10 % les tarifs douaniers constitue en outre une réponse à l'argument déjà cité de la discrimination. Comme M. Hallstein, Président de la Commission de la C.E.E., l'a mentionné dans la déclaration qu'il a faite à l'Assemblée le 21 octobre 1958, « cette proposition a toutefois trouvé, à une exception près, un accueil étonnemment hésitant et a suscité relativement peu d'intérêt. L'argument tiré de la discrimination, contre lequel nous avions dû nous élever dans le passé, n'a plus été avancé à cette occasion. » Il n'est pourtant pas exclu que cette proposition, peut-être un peu retouchée, devienne un élément inutile pour faire sortir les négociations de l'impasse actuelle.

96. Au moment où le présent rapport a été rédigé, les négociations sur la zone de libreéchange, qui se poursuivaient dans la cadre de l'O.E.C.E. et du Comité Maudling, ont été interrompues. Mais il est probable qu'elles seront reprises et peut-être une autre procédure sera-t-elle alors suivie.

En conséquence, il y a lieu de prévoir que l'Assemblée sera appelée à reprendre toute la discussion de cette importante question et à prendre position dès que l'exécutif de la C.E.E. l'aura exactement renseignée sur le cours des négociations.

7.5. E. Relations des Communautés européennes avec le G.A.T.T.

97. Les Communautés européennes font également l'objet des discussions du G.A.T.T. Les rapports dont l'Assemblée Consultative a été saisie les années précédentes évoquaient déjà les relations entre la C.E.C.A. et le G.A.T.T. En raison de la dérogation prévue au traité de la C.E.C.A. pour les six pays de la Communauté, la Haute Autorité était tenue de remettre annuellement au G.A.T.T. un rapport sur l'application des dispositions du traité.

Cette obligation s'est éteinte le 10 février 1958 avec la période de transition prévue au traité de la C.E.C.A. Le dernier rapport a été remis et examiné. La Haute Autorité négocia également avec des pays tiers, notamment l'Autriche et la Suède, qui se plaignaient des répercussions de l'harmonisation des tarifs extérieurs de la C.E.C.A. 
			(69) 
			Rapport de M. Kreyssig, juin 1958..

98. La signature et l'entrée en vigueur du traité instituant la Communauté Économique Européenne ont donné lieu, au G.A.T.T., à des débats bien plus serrés et plus délicats, qui durent encore. Il s'agit de savoir si ce traité est conciliable avec les engagements qu'ont pris les six pays membres. La question centrale est celle de l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté Économique Européenne.

Ces problèmes sont très difficiles à résoudre sur une base juridique et c'est la raison pour laquelle le G.A.T.T. a décidé de procéder d'une façon pratique. Il commencera par étudier les répercussions de l'association des territoires d'outre-mer à la Communauté sur le volume global des échanges des produits en cause, en se servant de la méthode de consultation en usage au G.A.T.T.

99. Les négociations furent menées par des représentants des six pays et du Comité intérimaire créé par le Conseil après l'entrée en vigueur du traité. La commission de la Politique commerciale concluait dans son rapport que certains principes du G.A.T.T. ne répondaient plus aux exigences de la situation générale actuelle et devaient, par conséquent, être revisés, surtout en ce qui concerne les relations avec les pays sous-développés. La commission soulignait le fait que les prescriptions relatives à l'association des territoires d'outre-mer à la Communauté formaient une des parties capitales du traité de la C.E.E. et qu'il ne pouvait être question de les accommoder aux voeux éventuels du G.A.T.T. La commission considérait également impossible de soumettre la C.E.E. à un contrôle qui aboutirait à permettre au G.A.T.T. de lui dicter sa politique économique.

La commission souhaitait cependant trouver des points de rapprochement et elle pensait que l'accord d'Association Économique, intéressant tous les pays de l'O.E.C.E., pouvait y contribuer.

7.6. F. Relations extérieures de l'Euratom

100. Si, depuis l'entrée en vigueur du traité, la Communauté Économique Européenne fait déjà preuve d'une activité remarquable dans le domaine des relations extérieures, on peut en dire autant, et même bien davantage, de la Communauté de l'Énergie atomique. En effet, celle-ci peut déjà faire état d'un accord passé avec les États-Unis. Cet accord porte sur un programme de construction de réacteurs de puissance en Europe, sur un programme commun de recherches à effectuer aux États-Unis et en Europe, et il règle l'échange et l'expérimentation des connaissances acquises par l'exécution de ces programmes. La Commission de l'Euratom a déjà ouvert avec le Royaume-Uni des négociations en vue d'un accord.

L'Assemblée Parlementaire suivit attentivement le cours des négociations avec les États- Unis. La Commission de l'Euratom l'a tenue régulièrement informée. Le jour même où l'accord était conclu — c'était le 23 juin 1958, pendant la session — le Président de la Commission de l'Euratom fit une déclaration solennelle pour informer l'Assemblée Parlementaire du résultat des négociations. L'Assemblée Parlementaire Européenne vota immédiatement une résolution unanime adressée au Congrès des États-Unis 
			(70) 
			Résolution concernant l'accord conclu entre l'Euratom
et les États-Unis d'Amérique, du 23 juin 1958 :
« ...se félicite qu'un accord ayant comme but la coopération
dans le domaine de l'utilisation exclustivemen pacifique
de l'énergie nucléaire ait été conclu avec les États-Unis
d'Amérique six mois seulement après la création de
l'Euratom ;
Souhaite que cet accord puisse permettre aux pays
membres de l'Euratom et aux États-Unis de joindre leurs
efforts, leurs expériences, leurs capacités d'invention et
leurs moyens pour réaliser ensemble un programme commun
de centrales et de recherches nucléaires, établissant
entre eux une association large et confiante à leur avantage
mutuel... » dans laquelle elle se félicitait de la conclusion de l'accord et du succès rapide des négociations, tout en soulignant les perspectives d'avenir qui en résulteraient.

101. Les commissions compétentes de l'Assemblée Parlementaire s'occupent à présent des différents aspects de cet accord. La commission de la Politique commerciale a procédé à une première discussion à la suite d'un exposé de son rapporteur, M. Alric. La commission a examiné les caractéristiques de l'accord (par exemple conditions d'achat favorables, emprunts avantageux, droits de douane particulièrement bas, rachat de certains sous-produits, facilités concernant la propriété commerciale, etc.) et elle a pu se convaincre qu'il est prévu un contrôle suffisant pour empêcher que les matières fissiles soient, abusivement utilisées à des fins militaires. La commission a constaté avec plaisir que cet accord offre des avantages, non seulement pour l'Euratom, mais aussi pour les États-Unis, qui trouvent ainsi des conditions très intéressantes pour expérimenter l'utilisation industrielle de l'énergie atomique, ce qui, en définitive, pourra accélérer le développement de l'industrie nucléaire aux États-Unis mêmes.

La commission a souhaité obtenir de la Commission de l'Euratom des éclaircissements sur différents points, par exemple sur les modalités des accords financiers, sur le rôle de la Banque d'investissement, etc. La commission souligne à juste titre l'importance de cet accord dont les effets seront décisifs pour l'ensemble de l'économie et la politique énergétique. L'Assemblée estime qu'il lui incombe tout particulièrement de suivre et de contrôler minutieusement l'application de cet accord qui peut avoir une influence marquante' sur l'expansion économique des six pays membres.

8. CHAPITRE VI - Assemblée Parlementaire Européenne et Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe

102. Sans attendre l'issue des négociations qui ont abouti aux Traités de Rome, l'Assemblée Commune avait pris nettement position au sujet des relations de la nouvelle Assemblée avec le Conseil de l'Europe, et votre rapporteur, agissant en qualité de Président de l'Assemblée Commune, a eu l'occasion de commenter, dans une déclaration faite le 14 mai 1957, soit sept mois avant l'entrée en vigueur des nouveaux traités, cet avis que l'Assemblée avait voté à l'unanimité. Voici ce qu'il en disait :

« Cette volonté de collaborer s'est manifestée également sur le plan parlementaire. Les dispositions du Protocole sur les relations avec le Conseil de l'Europe ont été pleinement appliquées. La Haute Autorité se prête à la discussion de son rapport général à l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe. Les recommandations formulées par celle-ci sont examinées attentivement par les commissions compétentes. Le rapport annuel que l'Assemblée Commune fait tenir au Conseil de l'Europe est toujours très apprécié.

Enfin, lors des réunions jointes qui ont lieu chaque année, l'Assemblée Commune donne aux deux autres Assemblées européennes et, par là, aux États qui ne font pas partie de la Communauté des six pays l'occasion de formuler des propositions, d'émettre des suggestions concernant l'action et les objectifs de notre Communauté.

Je crois qu'il faut persévérer dans cette voie et tâcher de faire en sorte que la nouvelle Assemblée recueille le bénéfice d'une expérience aussi heureuse. »

103. Tel était d'ailleurs aussi le voeu des groupes politiques de l'Assemblée. C'est ce que confirme un mémorandum transmis au début de mai 1957 au Comité intérimaire qui a préparé les Traités de Rome. Ce mémorandum, élaboré par le Bureau et les Présidents des groupes politiques de l'Assemblée Commune, suggérait un accord prévoyant une organisation constante et ininterrompue des échanges et des relations organiques dans toute la mesure utile à la consolidation de l'idée européenne. Il proposait aussi de faire de la réunion jointe une solide tradition et, en particulier, de mettre à l'étude la coordination des travaux parlementaires européens, l'organisation des sessions et l'organisation de l'échange de documents et d'informations.

104. Entre la signature des Traités de Rome, en mars 1957, et leur entrée en vigueur, le 1er janvier 1958, la question de l'unification des travaux parlementaires européens fut fréquemment débattue. Divers plans de grande envergure furent élaborés, tels le Grand design britannique et le plan italien, élaboré à la suite de propositions faites à l'Assemblée Consultative, le 3 mai 1957. Ces plans prévoyaient la création d'une sorte d'assemblée générale européenne, qui serait chargée de contrôler toutes les organisations européennes, économiques et politiques.

Bien que le voeu de l'Assemblée Commune, comme, plus tard, de l'Assemblée Parlementaire Européenne, fût et soit incontestablement de collaborer étroitement avec les autres corps délibérants de l'Europe, ces initiatives révolutionnaires rencontrèrent certaines objections. On a soutenu qu'une institution dont les compétences et pouvoirs s'étendraient à des domaines et à des pays aussi nombreux que divers, s'exposerait au danger de perdre de son efficacité. On a rétorqué qu'il importerait bien davantage de définir aussi exactement que possible les compétences et pouvoirs des nouvelles institutions de la Communauté des Six, afin que leurs travaux aient tout le poids qu'ils méritent.

Les membres de l'Assemblée Commune ont estimé qu'une construction de cette envergure n'avait de chance d'aboutir que si l'on procédait progressivement, au fur et à mesure de la réalisation de l'intégration européenne.

105. Pendant la période à laquelle a trait le présent rapport, un premier pas a été franchi dans cette voie. En effet, les Bureaux des trois Assemblées européennes ont tenu plusieurs réunions communes pour discuter ensemble les problèmes d'intérêt commun. En ces occasions, tous les participants ont confirmé leur volonté constructive. Il apparaît toutefois que l'unité des travaux parlementaires se trouve désormais au bout d'un très lent processus de maturation, étant donné que les Assemblées européennes ont des attributions en des domaines fort différents. Tel est le motif pour lequel a été provisoirement ajournée la décision à prendre sur une proposition formulée par l'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale 
			(71) 
			Résolution n° 9 sur la rationalisation des institutions
parlementaires européennes, adoptée le 4 juin 1958 par
l'Assemblée de l'U.E.O., qui suggérait de faire siéger ensemble, non seulement l'Assemblée Consultative et l'Assemblée Parlementaire Européenne, mais aussi l'Assemblée de l'U.E.O. Cette proposition a été examinée en réunion des Bureaux des trois Assemblées, le 20 octobre 1958.

106. Bien que les traités instituant la Communauté Économique Européenne et la Communauté européenne de l'Énergie atomique ne contiennent pas, à l'instar du traité de la C.E.C.A., un protocole réglant les relations avec le Conseil de l'Europe, le Comité des Présidents a désigné, le 13 mai 1958, un rapporteur général chargé de présenter le rapport d'activité à l'Assemblée Consultative. L'Assemblée Parlementaire Européenne a confirmé cette désignation le 21 juin 1958. Ce rapport est la démonstration la plus évidente du fait que l'Assemblée Parlementaire Européenne souhaite demeurer, sans aucune restriction, dans la tradition établie par l'Assemblée Commune en ce qui concerne les relations avec l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe.

Pour ce qui regarde l'organisation de la réunion jointe, des entretiens ont eu lieu entre M. Dehousse, Président de l'Assemblée Consultative, et M. Robert Schuman, Président de l'Assemblée Parlementaire Européenne, tous deux chargés parleurs Bureaux respectifs d'examiner la possibilité de faire durer deux jours la réunion jointe qui, jusqu'ici, n'occupait qu'une journée. De cette façon, les membres des deux Assemblées pourraient procéder à un échange de vues approfondi.

107. La commission des Affaires politiques a inscrit à l'ordre du jour d'une de ses réunions la question des relations entre les nouvelles Communautés européennes et l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe. M. Hallstein, Président de la Commission de la C.E.E., écrivit alors au Président de l'Assemblée Parlementaire Européenne et au Président de la commission des Affaires politiques une lettre dont la teneur suit :

« L a Commission a pris acte de la décision de l'Assemblée Parlementaire Européenne de poursuivre les modes de coopération établis par l'Assemblée Commune de la C.E.C.A. : transmission à l'Assemblée Consultative d'un rapport annuel d'activité et participation à une assemblée jointe. Elle est convenue de prendre les dispositions complémentaires qui donneraient leur plein effet aux mesures arrêtées par l'Assemblée Parlementaire Européenne.

C'est ainsi que la Commission a décidé de communiquer officiellement à l'Assemblée Consultative le rapport général qu'elle publiechaque année en conformité de l'article 156 du traité. Dès à présent, elle a remis officiellement à M. le président Dehousse, Président de l'Assemblée Consultative, le rapport établi pour l'année 1958.

La Commission a également décidé d'assister à l'assemblée jointe et de participer à ses discussions. Je compte être moi-même présent lors de la prochaine assemblée jointe. »

M. Sassen s'associa à cette démarche, au nom de la Commission de l'Euratom, et proposa également que le premier rapport général sur l'activité de l'Euratom soit transmis à l'Assemblée Consultative, suggérant aussi que la Commission européenne se présente à la réunion jointe.

Par conséquent, les deux nouvelles Communautés ont amplement satisfait aux dispositions des traités qui leur prescrivent d'établir avec le Conseil de l'Europe toutes coopérations utiles 
			(72) 
			Article 230 C.E.E. et article 200 Euratom..

108. Votre rapporteur pense que les réunions jointes des membres de l'Assemblée Consultative et de l'Assemblée Parlementaire Européenne constituent une base importante de la collaboration et de l'organisation rationnelle des relations entre les deux Assemblées. Le rapport de l'Assemblée Parlementaire Européenne montrera aux membres de l'Assemblée Consultative en quels domaines l'Assemblée Parlementaire Européenne a été spécialement active, de quelle manière, elle a conçu sa mission parlementaire et sa mission européenne et ce qu'elle a fait pour s'en acquitter. Une discussion libre et large de tous les problèmes qui touchent et intéressent les deux Assemblées servira, non seulement à donner une orientation, mais encore et surtout à mieux faire comprendre les tâches multiples et diverses des institutions parlementaires. Cet échange de vues permettra de réduire au minimum certains chevauchements des compétences et le danger permanent des travaux faisant double emploi.

L'Assemblée Consultative et l'Assemblée Parlementaire Européenne sont au service d'idées qui leur sont communes. Elles doivent contribuer à donner l'efficacité à l'idée parlementaire dans la coopération européenne. Leur rôle doit être d'essayer de regrouper l'Europe pour la mener en définitive à l'unité dont elle a tant besoin. Leur fonction est d'agir sur les gouvernements des États membres et des Communautés et aussi d'exprimer les voeux et les conceptions des peuples de l'Europe et de garder vivant l'intérêt que ces peuples accordent à l'unité européenne.

L'idée parlementaire n'est réalisable que si les pouvoirs sont effectifs et si les travaux sont concrets. L'Assemblée Consultative, où sont représentés les nombreux États membres du Conseil de l'Europe, a déjà, de ce fait, une tâche plus vaste, dont il lui faut cependant s'acquitter sans disposer directement de pouvoirs de décisions et de contrôle. Le champ d'activité de l'Assemblée Parlementaire Européenne est plus restreint, mais en revanche, il est plus concret et il pénètre plus directement dans la vie des populations des six États membres, d'autant plus que l'Assemblée dispose d'importants pouvoirs de décision et de contrôle. Il importe donc que les deux Assemblées utilisent pleinement et développent, chacune dans son domaine, les diverses possibilités d'action qui, de ce fait, sont à sa portée. Votre rapporteur estime qu'il serait inopportun de sacrifier le trait distinctif et le champ d'action effectivement ouvert aux deux institutions parlementaires à une idée d'unité qui, pour l'instant et pendant un certain temps encore, sera impuissante tout au moins à augmenter l'importance de la vie parlementaire européenne. Il croit dès lors que les deux Assemblées devront, dans l'intérêt du bon accomplissement de leurs tâches, vivre d'une vie autonome pendant un temps assez long encore. Elles ont un idéal commun, mais les moyens de l'atteindre diffèrent et cet idéal, c'est de surmonter les divergences historiques, économiques, sociales et politiques qui ont divisé notre continent, souvent par l'effet du hasard, et c'est, en définitive, d'amener l'Europe à l'unité dont elle a si impérieusement besoin.