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Rapport | Doc. 12358 | 20 septembre 2010

Sévices sur des enfants placés en établissement: garantir la protection pleine et entière des victimes

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Marlene RUPPRECHT, Allemagne, SOC

Origine - Origine: Doc. 12238, Renvoi 3682 du 21 juin 2010. 2010 - Quatrième partie de session

Résumé

Plusieurs Etats membres ont récemment été confrontés à des cas de sévices sexuels, physiques et moraux infligés à des enfants qui ont été rapportés concernant diverses institutions, y compris des établissements résidentiels, des écoles publiques et privées et d’autres cadres institutionnels, tels que les associations pour jeunes. Se basant sur une analyse des principaux facteurs facilitant de tels sévices et les réponses à y donner, l’Assemblée parlementaire doit exhorter les Etats membres à renforcer leur action en vue de protéger les enfants de telles maltraitances à l’avenir. Elle insiste également sur l’importance de rendre pleinement justice aux victimes de sévices passés et d’apporter une assistance aux enfants concernés par des sévices récents.

La protection des enfants et adolescents ne pourra être assurée de manière efficace que si des mesures sont prises sur le plan législatif, administratif et politique. Par l’intermédiaire du Comité des Ministres, les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait devraient être invités à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, et à soutenir la Campagne paneuropéenne contre la violence sexuelle à l’égard des enfants qui sera lancée les 29 et 30 novembre 2010 à Rome. Le Comité des Ministres est invité à faire rapport à l’Assemblée d’ici à janvier 2013 sur les mesures mises en œuvre et les résultats atteints.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			. Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 6 septembre 2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se préoccupe vivement de l’ampleur des sévices sexuels, physiques et moraux subis au cours des décennies passées par des enfants et des adolescents des Etats membres du Conseil de l’Europe. Des problèmes d’abus persistent dans divers établissements, y compris des établissements d’enseignement public et privé, des centres d’accueil, des établissements de redressement pour jeunes délinquants, des associations de loisirs et autres. L’Assemblée est, en outre, préoccupée par le manque de détermination parfois observé dans les mesures prises en cas de délits contre des mineurs, qui figurent parmi les membres les plus vulnérables de la société.
2. L’Assemblée est convaincue que toutes les autorités et institutions doivent procéder à un examen critique des actions menées dans le passé et prendre des mesures plus radicales dans le futur pour rendre pleinement justice aux victimes de sévices passés, apporter une assistance aux enfants concernés par des sévices récents et des procédures judiciaires en cours, et protéger les enfants contre des abus futurs. Aucune autorité ou institution ne devrait être exempte de l’examen critique, étant donné que toutes les institutions sans exception sont assujetties à la même législation nationale, en particulier dans le domaine du droit pénal. Les Etats devront dorénavant prendre des actions plus fermes pour renforcer la législation sur les abus contre les enfants et l’appliquer aux différents cadres institutionnels.
3. L’article 34 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant fait obligation à toutes les Parties contractantes de «protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle». Au niveau du Conseil de l’Europe, la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201), qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2010, contient des dispositions claires et exhaustives concernant les abus sexuels sur des enfants. La Convention énonce clairement que chaque Partie contractante prend les mesures législatives ou autres pour ériger en infraction pénale les comportements intentionnels d’abus sexuels commis sur des enfants par des personnes «abusant d’une position reconnue de confiance, d’autorité ou d’influence sur l’enfant». L’Assemblée rappelle, en outre, aux Etats membres la Recommandation Rec(2005)5 du Comité des Ministres relative aux droits des enfants vivant en institution, qui reconnaît aux enfants «le droit au respect de la dignité humaine et à l’intégrité corporelle, et en particulier à des conditions de vie humaines et non dégradantes et à une éducation sans violence, y compris la protection contre les punitions corporelles et toute forme d’abus». L’Assemblée souligne l’importance de renforcer la promotion, la signature, la ratification et la mise en œuvre de ces instruments pour accroître leur impact sur la situation des enfants.
4. Concernant les cas d’abus sur des enfants qui ont été récemment révélés et continuent de l’être, et les normes en vigueur en matière d’abus sexuels, physiques et moraux commis sur des enfants, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de demander aux Etats membres de prendre les mesures suivantes:
4.1. garantir une protection législative, et en particulier:
4.1.1. prévoir des poursuites d’office pour les maltraitances commises sur des enfants dans un cadre quelconque;
4.1.2. mettre en place un système de «graduation des peines» pour les cas d’abus sur des enfants en fonction de la gravité du délit;
4.1.3. veiller à ce que les délais de prescription en matière civile et pénale pour les délits de maltraitance d’enfants soient cohérents et adaptés à la gravité des délits et, qu’en tout état de cause, ils ne prennent pas effet avant que la victime ait atteint l’âge de la majorité;
4.1.4. définir ou réviser les droits et devoirs du personnel éducatif;
4.1.5. définir et réviser les exigences minimales en matière d’habilitation aux établissements de prise en charge d’enfants (tels que les centres d’accueil, les établissements d’enseignement publics et privés, les garderies, etc.) et en matière de conditions à remplir par leurs gestionnaires;
4.1.6. rendre obligatoire les certificats d’habilitation de la police pour tout le personnel professionnel et bénévole travaillant étroitement avec les enfants (qui devront également prendre en compte les délits mineurs commis);
4.1.7. qualifier d’illégales et exclure certaines pratiques utilisées pour punir les mineurs dans les établissements et qui sont contraires à leur dignité et à leurs droits;
4.2. identifier les éventuelles lacunes structurelles dans tous les types d’établissement et adapter les systèmes administratifs existants, en cas de nécessité, par les mesures suivantes:
4.2.1. analyser les facteurs favorisant les sévices sur les enfants placés dans les divers établissements et prendre des mesures spécifiques pour y répondre;
4.2.2. sur la base des connaissances qui seront acquises, développer et assurer le suivi de l’application des directives internes en matière de prévention des abus sur des enfants qui doivent être respectées par toutes les institutions sans aucune exception et s’appliquer à elles;
4.2.3. renforcer les règles et modalités de contrôle externe des différentes institutions, en particulier veiller à ce que la gestion et le contrôle des institutions ne soient jamais confiés à la même autorité, et donner aux organes chargés du contrôle des structures et mandats clairs et précis;
4.2.4. élaborer des programmes spécifiques d’enseignement et de formation continue destinés à tous les professionnels et bénévoles travaillant avec des enfants et des adolescents, pour leur permettre d’identifier des abus potentiels et de réagir de façon adéquate aux situations d’abus; ces programmes et formations doivent également concerner la police, les procureurs et les juges chargés du traitement des cas de maltraitance d’enfants;
4.2.5. faire en sorte que le personnel et les enfants connaissent bien le règlement intérieur de leur établissement (et leurs droits respectifs);
4.2.6. mettre en place des organes neutres et indépendants auxquels les enfants peuvent s’adresser chaque fois qu’ils se sentent menacés, subissent des sévices ou sont témoins d’abus dans leurs institutions;
4.3. appliquer un large éventail de mesures politiques pour soutenir et accompagner les mesures législatives et administratives, notamment:
4.3.1. lancer des procédures et des enquêtes au niveau national sur les délits passés, y compris pour les analyser et les documenter de façon exhaustive, afin de rendre pleinement justice aux victimes, notamment en envisageant certaines formes d’indemnisation et en permettant un accès facile et non bureaucratique des victimes à des soins thérapeutiques;
4.3.2. entreprendre des recherches approfondies sur la question pour comprendre pleinement l’ampleur, la nature et les causes des problèmes rencontrés dans le passé, et en tirer des leçons pour déterminer les actions futures requises;
4.3.3. formuler, mettre en œuvre et superviser des stratégies globales visant à prévenir les abus de toutes sortes sur les enfants, à associer toutes les parties concernées, c’est-à-dire les pouvoirs publics, les organisations privées et religieuses qui gèrent des institutions, les organisations non gouvernementales, les familles et surtout les enfants et les adolescents eux-mêmes, et prendre les mesures suivantes:
4.3.3.1. développer des outils pratiques tels que des plans d’action nationaux, des lignes directrices et des codes de conduite;
4.3.3.2. sensibiliser à l’importance d’offrir aux enfants des environnements familiaux ou de type familial où ils se sentent aimés, soutenus et en confiance, qui les renforcent et qui leur permettent d’identifier la violence ou tout acte non voulu d’ordre sexuel ou physique, comme quelque chose de mal;
4.3.3.3. développer une offre exhaustive de services pour les enfants (réseaux d’organisation d’aide, numéros d’urgence, etc.);
4.3.3.4. formuler des stratégies pour la participation des enfants et des jeunes, afin de les consulter sur leurs besoins;
4.3.3.5. faire en sorte que la prévention puisse également s’exercer au niveau des délinquants potentiels avant qu’ils commettent des abus sur des enfants, notamment en formant des professionnels compétents (personnel médical, psychologues et enseignants) pour les identifier et prendre des mesures appropriées;
4.3.4. d’une manière générale, sensibiliser le public aux sévices que subissent les enfants dans le cadre institutionnel, y compris par le biais de campagnes publiques d’information.
5. L’Assemblée recommande, en outre, au Comité des Ministres:
5.1. d’inviter les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait, à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, et à la mettre en œuvre par des mesures de suivi engagées au niveau national;
5.2. d’inviter les pouvoirs publics et les parlements nationaux, et toutes les autres organisations publiques ou privées concernées, à se joindre, apporter leur soutien et contribuer à la Campagne du Conseil de l’Europe pour mettre un terme à la violence sexuelle contre les enfants, campagne qui sera lancée les 29 et 30 novembre 2010 à Rome;
5.3. de charger les organes intergouvernementaux compétents du Conseil de l’Europe, notamment ceux ayant un lien avec le programme «Construire une Europe pour et avec les enfants» et sa stratégie 2009-2011, de promouvoir la lutte contre les sévices sur les enfants placés en établissement dans les Etats membres, conformément à l’approche large présentée au paragraphe 4 ci-dessus.
6. L’Assemblée invite toutes les parties prenantes concernées d’une manière ou d’une autre par les sévices sur des enfants placés en établissement à coopérer et à procéder rapidement à une révision des situations législatives, structurelles et politiques actuelles, et à renforcer leur action pour lutter contre les sévices sur les enfants placés en établissement, ainsi que contre toutes autres catégories d’abus que subissent les enfants.
7. Enfin, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à lui faire rapport, d’ici à janvier 2013, sur les mesures mises en œuvre et les résultats obtenus dans chaque pays à ce point de la campagne, relativement aux points soulevés dans cette recommandation.

B. Exposé des motifs, par Mme Rupprecht, rapporteuse

(open)

1. Introduction

1. De nombreux pays, dont des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ont été récemment confrontés à des témoignages de sévices sexuels, physiques et moraux commis sur des enfants dans des établissements, y compris des centres d’accueil, des internats ou des orphelinats, des écoles ou dans d’autres cadres institutionnels, tels que des associations de jeunes. Au vu de l’actualité du problème, la rapporteuse souhaite mettre l’accent sur les sévices portés aux enfants dans les institutions, alors qu’elle reste bien consciente du fait que la plupart des cas d’abus se déroulent dans un contexte familial plus large (voir paragraphe 4 ci-dessous). Elle entend, à travers son rapport, exhorter les Etats membres du Conseil de l’Europe et toutes autres parties concernées à se pencher de façon urgente sur cette question cruciale, à surmonter les obstacles qui subsistent dans l’investigation des faits, à débattre ouvertement des causes et conséquences des sévices sur les enfants, à apporter une pleine protection et à rendre justice aux victimes et, aussi, à prévenir de nouveaux cas. Son objectif n’est pas de dénoncer, de manière exhaustive, tous les cas de sévices sur des enfants par une vaste collecte de données, ni de pointer du doigt les institutions «coupables» d’abus sur des enfants. L’objectif majeur de ce rapport est d’identifier les caractéristiques et traits communs des institutions susceptibles de favoriser les sévices sur les enfants qui leur sont confiés.
2. Les sévices sur les enfants dans le cadre institutionnel ne sont pas un phénomène nouveau; des cas se sont produits dans un passé plus ou moins reculé. Le présent rapport s’intéresse exclusivement aux affaires qui ont été mises au jour récemment et qui remontent (pour les plus anciennes) aux années 1950. La rapporteuse fonde, dans la mesure du possible, son rapport sur des données et rapports officiels, mais aussi – compte tenu du fait que beaucoup de rapports sont en cours d’élaboration – sur des informations divulguées par les médias sur des affaires d’abus récemment dévoilées. Etant consciente toutefois de la nature délicate et complexe de la question, elle s’efforcera d’éviter toute généralisation indue fondée sur des stéréotypes. Pour adopter dès le début une approche équilibrée, la rapporteuse avait proposé que des experts de toutes les sphères de la société prennent part au débat. Dans le cadre de sa réunion du 22 juin 2010, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille a donc tenu une audition à laquelle ont participé des représentants d’organes gouvernementaux chargés des enquêtes sur les sévices sur des enfants en établissement (Irlande et Allemagne), le Saint-Siège et le secteur des organisations non gouvernementales. Leurs contributions ont été d’une très grande aide pour la rédaction du présent rapport.
3. Il reviendra à chaque Etat membre de définir des plans d’action nationaux et de décider de la manière d’associer les partenaires concernés par les enquêtes et procédures nationales pertinentes. Au niveau du Conseil de l’Europe, la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201), qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2010, offre une excellente base pour définir des normes communes pour ce type spécifique de sévices sur les enfants. La Recommandation Rec(2005)5 du Comité des Ministres relative aux droits des enfants vivant en institution reconnaît aux enfants «le droit au respect de la dignité humaine et à l’intégrité corporelle, en particulier à des conditions de vie humaines et non dégradantes, et à une éducation sans violence, y compris la protection contre les punitions corporelles et toute forme d’abus». Dans sa Recommandation 1698 (2005) sur les droits des enfants en institutions: un suivi de la Recommandation 1601 (2003), l’Assemblée souligne que la problématique des enfants vivant en institution est commune à l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe et qu’aucun Etat membre ne peut se déclarer au-dessus de toute critique en la matière.
4. Les sévices sur les enfants surviennent dans de nombreux cadres et, de plus en plus, les enfants courent le risque d’être confrontés à de nouvelles formes de violence et d’exploitation telles que la pornographie, en particulier sur l’internet, et à la prostitution souvent perpétrée par des touristes internationaux dans les pays pauvres. Cependant, étant convaincue que, pour prendre des mesures adaptées à un problème, il faut le circonscrire, la rapporteuse limite son rapport à la seule question des sévices sur des enfants placés en établissement, question qui semble avoir été négligée pendant de longues années, ou, du moins, qui n’a pas suffisamment fait l’objet de débat public. Cela s’explique sans doute entre autres par le fait que, statistiquement parlant, la plupart des cas d’abus sur des enfants (sexuel, physique et moral) se produisent au sein de la famille ou dans l’environnement personnel élargi de l’enfant; en effet, dans la plupart des pays, environ 80 % des cas d’abus surviendraient dans ce cadre 
			(2) 
			. Un rapport italien
récent cite un pourcentage de 11 % de cas d’abus qui sont commis
par des sujets entièrement étrangers à la famille. Source: SOS Il
Telefono Azzuro Onlus, Dossier on Pedophilia 2010 (sommaire anglais), www.azzurro.it. . Cependant, il est de plus en plus clair que, dans les décennies passées, un grand nombre d’enfants ont été victimes de sévices, de maltraitances ou ont été confrontés à des situations où des adultes ont «franchi les limites» de leur intégrité, dans des établissements auxquels les enfants, leur famille et la société en général avaient accordé une confiance absolue.
5. La rapporteuse se félicite du fait que ce problème suscite une attention de plus en plus grande, surtout grâce à la presse européenne. Elle invite les Etats membres et autres parties prenantes à examiner de près les trois questions majeures suivantes: 1. Comment rendre pleinement justice aux victimes qui sont aujourd’hui des adultes mais qui ont subi des sévices lorsqu’ils étaient enfants ou adolescents et qui, pour diverses raisons, n’ont pu que récemment dévoiler ce qui leur était arrivé et mettre en cause les auteurs de ces sévices? 2. Comment traiter les affaires les plus récentes de sévices sur les enfants, notamment en ce qui concerne les poursuites pénales des auteurs, et apporter aide et assistance aux victimes? 3. Comment renforcer les mécanismes de contrôle interne et externe existants pour identifier les cas d’abus potentiels et empêcher que de nouveaux délits soient commis à l’avenir? Le présent rapport tente d’apporter des réponses préliminaires à ces questions, sans prétendre les traiter de manière exhaustive, pour apporter une contribution utile aux débats en cours.
6. Dans ce rapport, la rapporteuse examine de près les situations nationales en commençant par l’Irlande où un important rapport bien documenté, présentant des recherches effectuées sur la question, a été finalisé et rendu public en 2009. Ensuite, elle se réfère aux affaires récemment dévoilées et aux débats auxquels elles ont donné lieu en Allemagne, son propre pays, où elle est membre de plusieurs tables rondes traitant des sévices sur des enfants et des adolescents dans différents cadres. Elle présente aussi des exemples spécifiques de cas survenus dans d’autres pays d’Europe où des débats sont en cours. A cet égard, elle tient à remercier ses collègues qui ont bien voulu fournir des informations nationales spécifiques 
			(3) 
			.
La rapporteuse souhaite remercier en particulier ses deux collègues,
Mme Carina Ohlsson (Suède, SOC) et M. Luca Volontè (Italie, PPE/DC),
qui ont activement contribué aux recherches qui ont alimenté ce
rapport.. La rapporteuse fait observer que ses réflexions se fondent en particulier sur les informations obtenues sur l’Allemagne et d’autres pays d’Europe occidentale. Le rapport n’examine pas la situation des enfants dans les pays d’Europe du Sud et de l’Est où des cas de maltraitance d’enfants sont connus depuis un certain temps, tels que ceux d’enfants négligés dans des orphelinats. Toutefois, les recommandations qui sont faites ici s’adressent à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et toute discussion sur la question au niveau européen devra également couvrir les pays d’Europe de l’Est et du Sud.

2. Expériences nationales récentes et premières réponses

7. Il ne fait pas de doute que le problème des sévices sur des enfants placés en établissement concerne l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, mais à des degrés différents et avec des caractéristiques propres à chaque pays. Récemment, un grand nombre de cas de sévices en institutions, notamment dans des internats et des foyers de placement, ont été révélés dans certains pays, suscitant l’attention des médias; les débats dans un pays ont parfois stimulé la même dynamique dans d’autres. Même s’il existe des similitudes entre les cas de sévices survenus dans les différents pays, la rapporteuse est consciente du fait que les cadres national et institutionnel respectifs ainsi que la période à laquelle les situations d’abus sont survenues doivent être pris en compte pour juger des incidences. Toutefois, elle essaiera d’extraire des exemples connus aujourd’hui les caractéristiques générales des sévices sur les enfants en établissement pour définir des lignes d’action appropriées dans le cadre des futures stratégies de prévention. Il convient de rappeler que son objectif n’est pas de pointer du doigt tel type d’établissement plus qu’un autre, mais d’identifier les facteurs favorisant les sévices sur les enfants et les adolescents dans les établissements, et de déterminer les caractéristiques communes des différents établissements.

2.1. Expérience nationale dans le passé: le cas de l’Irlande

8. A la suite des enquêtes qui ont eu lieu dans le cadre du «Rapport Ferns» présenté en 2005 
			(4) 
			. Le «Rapport Ferns»
est le résultat d’une enquête officielle du Gouvernement irlandais
sur les allégations faites à propos d’abus sexuels commis par des
membres du clergé dans le diocèse catholique romain de Ferns dans
le comté de Wexford, Irlande. et du «Rapport Murphy» présenté à la fin de 2009 
			(5) 
			. Le «Rapport Murphy»
publié en novembre 2009 a révélé que plus de 300 enfants ont été
sexuellement abusés par des prêtres dans le diocèse de Dublin entre
1975 et 2004. , les résultats de l’enquête la plus complète sur la question, entreprise dans le cadre du «Rapport Ryan», ont été présentés en mai 2009 après pratiquement dix années de travail de la «Commission d’enquête sur la maltraitance des enfants» 
			(6) 
			. Sauf indication contraire,
toutes les références suivantes sont tirées du Rapport Ryan: Rapport
de la commission d’enquête sur la maltraitance des enfants, Dublin,
mai 2009, www.childabusecommission.ie. mise en place par l’Etat. Ce rapport s’appuie en partie sur d’anciens dossiers de l’Eglise relatifs à des cas de sévices non dévoilés et en partie sur les témoignages anonymes d’anciens élèves de 216 établissements de type divers, pour la plupart dirigés par l’Eglise, qui avaient été créés pour s’occuper d’enfants négligés ou abandonnés ou encore d’orphelins (établissements d’enseignement surveillés, hôpitaux, orphelinats, centres d’accueil d’enfants, écoles professionnelles). Selon le rapport, quelque 30 000 enfants ont été confiés à ce type d’établissement pendant les six décennies (de 1936 à 2009) qui ont fait l’objet de l’étude.
9. Le comité confidentiel mis en place pour enquêter sur la question a entendu les témoignages de 1 090 hommes et femmes qui ont indiqué avoir subi de façon systématique des maltraitances physiques, sexuelles, morales et avoir été négligés par des adultes, aussi bien des religieux que des laïcs, essentiellement entre 1936 et 1970. Près de la moitié de l’ensemble des témoins du comité confidentiel a fait état de sévices d’ordre sexuel ainsi que d’abus sexuels sans contact (voyeurisme) dans le cadre d’agressions isolées et aussi systématiques commises sur de longues périodes. Dans les écoles et les établissements, les sévices étaient perpétrés sur des enfants par le personnel religieux et laïc, les corésidents et autres, y compris des professionnels aussi bien internes qu’externes à l’établissement. Ce sont surtout les jeunes garçons qui étaient victimes de sévices répétés car les abus sexuels étaient un problème endémique dans les établissements de garçons, mais pas dans les établissements de filles. Plus de 90 % des témoins ont indiqué qu’ils avaient subi des sévices physiques lorsqu’ils étaient à l’école ou dans des établissements de placement. Il y aurait aussi eu des cas de harcèlement moral (solitude, absence d’affection, perte de l’identité, privation de contacts avec la famille, humiliation, critiques constantes, dévaluation de la personne, provocation de peurs et menace d’être maltraité). Il s’est avéré que les enfants avec des difficultés d’apprentissage, des handicaps physiques et sensoriels, et les enfants sans contacts familiaux étaient particulièrement vulnérables dans les cadres institutionnels. Des témoins ont indiqué que les sévices dont ils ont été victimes dans leur enfance ont eu un impact persistant sur leur vie. Le Rapport Ryan mentionne les noms des écoles et établissements concernés, mais ne dévoile pas les noms des auteurs présumés de ces sévices, à moins qu’ils aient déjà été reconnus coupables.
10. A part la situation des enfants eux-mêmes telle que décrite par les nombreuses victimes, le Rapport Ryan passe en revue le traitement accordé par les pouvoirs publics aux cas de sévices à des périodes données. Le rapport conclut que, souvent, aucune suite n’était donnée aux plaintes et que, dans certains cas, des mesures ont été prises pour éviter le scandale et la publicité. Apparemment, la sécurité des enfants n’a jamais été une priorité au cours de la période sous examen. Le ministère de l’Enseignement en charge de l’inspection de la plupart des établissements concernés a fait l’objet de critiques sévères dans le rapport qui a d’ailleurs mentionné que l’agence gouvernementale avait fait preuve de «déférence et de soumission» envers les ordres religieux qui dirigeaient les établissements. Son système de contrôle «était défectueux et inefficace» 
			(7) 
			. Le rapport révèle
que des abus ont été commis sur des enfants dans des institutions
irlandaises pendant des décennies, CNN, 20 mai 2009, www.cnn.com.. Même les plaintes déposées par des parents et d’autres personnes auprès du ministère n’ont pas fait l’objet d’enquêtes adéquates. Les institutions elles-mêmes étaient caractérisées par une certaine «culture du silence» et les abus sexuels étaient rarement portés à l’attention du ministère de l’Education par les autorités religieuses. Lorsqu’ils étaient mis devant des preuves d’abus sexuels, la réponse dans beaucoup de cas consistait à transférer les auteurs d’abus dans un autre établissement où ils pouvaient généralement récidiver à leur guise.
11. En plus des principales caractéristiques des situations de maltraitance, le Rapport Ryan donne une liste précise de facteurs qui favorisent ces types de situation, tels que le placement obligatoire des enfants (qui ne pouvaient pas simplement quitter l’établissement) ou l’absence de mécanismes de contrôle efficaces. En outre, les investissements consentis et les ressources financières mises à disposition par les congrégations religieuses semblent avoir beaucoup contribué à perpétuer le système de prise en charge institutionnelle des enfants. Le rapport explique aussi qu’en règle générale le mode opératoire des auteurs de sévices, qui incitaient des enfants à se livrer à des actes sexuels, consistait à reporter la responsabilité sur les enfants qu’ils avaient abusés et à les culpabiliser en laissant entendre qu’ils étaient «complices» de l’acte. Ainsi, dans de nombreux cas, les enfants et les auteurs d’abus ont conjointement couvert ces actes. Les victimes de sexe féminin en particulier, certes moins nombreuses, ont indiqué qu’elles avaient été accusées d’être responsables de l’abus sexuel qu’elles avaient subi, à la fois par les auteurs et les personnes à qui elles l’avaient révélé. Mme Marian Shanley, une des sept commissaires qui ont participé à la préparation du Rapport Ryan, a indiqué qu’une leçon fondamentale à transmettre aux enfants et aux adolescents par le système éducatif est celle qu’ils ne doivent jamais accepter de subir des sévices ou de se sentir coupables lorsqu’ils surviennent 
			(8) 
			. Déclaration de Mme
Marian Shanley, membre de la Commission d’enquête irlandaise sur
la maltraitance des enfants, à l’audition organisée par la commission
des questions sociales, de la santé et de la famille, le 22 juin
2010 à Strasbourg..
12. La rapporteuse est consciente du fait que l’exemple irlandais est très spécifique, surtout en raison du rôle prépondérant joué par l’Eglise catholique dans le secteur de la prise en charge des enfants dans ce pays. L’on ne peut certainement pas comparer la situation irlandaise avec celle des autres pays et nul ne doit présumer que l’ampleur des sévices perpétrés sur des enfants dans des institutions catholiques d’autres pays a une commune mesure avec l’expérience de l’Irlande. Cependant, l’exemple irlandais est utile pour tirer des enseignements, en particulier sur les lacunes structurelles des établissements qui ont favorisé les sévices sur des enfants et pour élucider la manière dont les cas de maltraitance ont été abordés et examinés une fois qu’ils sont survenus. A cette fin, le Rapport Ryan s’achève par une liste complète de recommandations dont les Etats membres pourraient s’inspirer pour traiter la question et sur lesquelles la rapporteuse s’appuiera aussi pour formuler ses propres recommandations (voir chapitre 4 ci-dessous).

2.2. Cas de sévices sur des enfants récemment dévoilés

13. En Allemagne, de nombreux cas de sévices systématiques sur des enfants, qui se seraient notamment produits au cours des années 1970 et 1980, ont été dévoilés à la fin de janvier 2010 au sein du Canisius Kolleg, un lycée privé de jésuites à Berlin. Ces révélations ont été suivies d’allégations de maltraitances perpétrées dans d’autres écoles catholiques ou dans des établissements laïcs. Les cas présumés qui ont été largement couverts par la presse sont ceux de l’abbaye bénédictine d’Ettal (Bavière), du lycée privé Odenwaldschule (Hesse) et de certaines chorales renommées de garçons en Allemagne (Regensburger Domspatzen, Limburger Domsingknaben). Des cas de maltraitances physiques seraient survenus dans une institution du nom de Educon appartenant à la Fondation Graf-Recke-Stiftung à Düsseldorf, où des enfants autistes auraient été abusés et maltraités pendant plusieurs années.
14. A la suite de ces révélations, généralement basées sur des allégations d’anciens élèves, les institutions concernées se sont vivement intéressées à la question. L’abbaye d’Ettal, par exemple, a immédiatement désigné un enquêteur spécial qui a présenté un rapport provisoire en mars 2010. Les investigations menées ont révélé que près de 100 élèves inscrits dans l’abbaye ont été systématiquement victimes de maltraitance sexuelle, physique et morale pendant des décennies. L’enquêteur a en outre déclaré que les «crimes commis (…) n’auraient pas été possibles sans la solidarité malveillante d’autres membres de l’abbaye» et que «dans des conditions normales, chaque auteur aurait été condamné à des peines d’emprisonnement de plusieurs années (si les cas avaient fait l’objet de poursuites avant la fin du délai de prescription)» 
			(9) 
			.
Frederic Pleitgen, CNN: «Des accusations d’abus sur des enfants
touchent les établissements catholiques en Irlande», 12 mars 2010..
15. La table ronde sur les enfants placés en établissement (Runder Tisch Heimerziehung) a commencé ses travaux au début de 2009, après avoir été instituée par le parlement allemand (Bundestag) dans le but d’enquêter sur les maltraitances d’enfants, aussi bien des filles que des garçons, placés dans des institutions publiques ou religieuses dans les années 1950 et 1960. Les premières investigations de cette table ronde ont révélé que, parmi les 700 000 à 800 000 enfants vivant dans des foyers, beaucoup avaient été victimes de violences, de harcèlement moral et parfois de sévices sexuels, et qu’en grandissant ils ont été contraints de travailler durement sans rémunération dans des exploitations agricoles, des blanchisseries, des ateliers de couture ou même dans des usines. L’ampleur du problème a été révélée par les déclarations de nombreuses victimes. Cette situation montre que l’Allemagne n’est pas confrontée à quelques cas isolés de maltraitance ou qu’il ne s’agit pas d’un problème lié à la vision de l’éducation de l’époque, mais d’un problème général de maltraitance systématique d’enfants dans un contexte où des enfants et des adolescents «étaient livrés à des systèmes rigides, violents, où ils étaient physiquement et psychologiquement enfermés et d’où ils ne pouvaient pas s’échapper ou (…) qui ne leur laissaient pas la possibilité de se plaindre à une instance quelconque». Dans sa déclaration intermédiaire, la présidente de cette table ronde, Mme Antje Vollmer, ancienne vice-présidente du Bundestag, a également déclaré qu’il y avait une «chaîne des responsabilités» et qu’aucune des personnes concernées à cette époque ne peut être absoute aujourd’hui 
			(10) 
			. Runder Tisch Heimerziehung
in den 50er und 60er Jahren, Zwischenbericht, Berlin, janvier 2010..
16. Déjà en 2000, lorsque la table ronde a débuté ses travaux, les représentants des Eglises catholique et protestante ont exprimé leurs regrets pour les événements produits et ont manifesté leur ferme volonté de contribuer aux investigations 
			(11) 
			. «Unrecht gegen Heimkinder
– Ich bin hier nicht als Bittstellerin», Der Spiegel (Allemagne),
17 février 2009, www.spiegel.de.. En même temps que la multiplication des révélations de cas (18 des 27 diocèses catholiques allemands avaient fait l’objet d’allégations à la date d’avril 2010 
			(12) 
			.
Ehemalige Heimkinder bemängeln «Runden Tisch», Die Welt, 5 avril
2010, www.welt.de.), les réactions face aux révélations des délits se sont renforcées en 2010: l’Eglise catholique allemande a récemment annoncé son intention de réviser ses directives en matière de traitement des cas d’abus sexuels, et son plus haut représentant, Robert Zollitsch, archevêque de Fribourg-en Brisgau et président de la Conférence épiscopale allemande, a présenté ses excuses aux victimes au nom de l’Eglise allemande pour le tort qui leur a été causé 
			(13) 
			. Voir note de bas
de page 8, CNN..
17. Tout récemment, en avril 2010, le Gouvernement allemand a mis sur pied une nouvelle table ronde pour enquêter plus spécifiquement sur la question des abus sexuels (Runder Tisch Sexueller Missbrauch). Dans le même temps, le gouvernement a désigné le Dr Christine Bergmann, ancienne ministre allemande des Affaires familiales (1998-2002) et membre de la table ronde précitée, représentante spéciale pour les cas d’abus sexuels sur les enfants (Unabhängige Beauftragte zur Aufarbeitung des sexuellen Kindesmissbrauchs). Le Dr Bergmann a apporté une contribution importante à l’audition d’experts organisée par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, le 22 juin 2010, en rappelant, entre autres, que la question de la maltraitance des enfants placés en institution n’est pas un sujet nouveau en Allemagne non plus. Cependant, selon son expérience personnelle, le problème ne peut pas être résolu par la seule application de nouvelles règles, car les mesures législatives ne sont pas automatiquement suivies des actions requises aux différents niveaux. Dans le cadre de sa fonction de représentante spéciale, elle est censée être une interlocutrice neutre des enfants victimes de tous types d’abus sexuels, et contribuer à la formulation de recommandations sur la base des recherches effectuées par son secrétariat.
18. Le cas de l’Allemagne montre clairement que le problème n’est pas spécifique aux établissements de l’Eglise catholique, mais qu’il touche également beaucoup d’autres institutions, y compris les établissements laïcs 
			(14) 
			. «Kindesmissbrauch
– Die Schulen der Schande», 12 avril 2010, www.stern.de.. Il a été également révélé récemment que des cas se seraient produits dans l’Eglise protestante en Allemagne. Par ailleurs, un professeur de judo en Bavière a récemment été condamné à une peine d’emprisonnement de six ans et neuf mois pour avoir abusé d’enfants et de jeunes dans 211 affaires 
			(15) 
			.
«Kindesmissbrauch – Judotrainer zu langer Haftstrafe verurteilt»,
7 janvier 2010, www.stern.de.. Tout récemment, en juillet 2010, trois adolescents allemands âgés de 13 à 16 ans ont admis avoir abusé sexuellement d’enfants plus jeunes dans un camp de vacances sur l’île néerlandaise d’Ameland. Les investigations sont en cours et le procureur présume que les auteurs pourraient même être au nombre de 13. Les 39 adultes en charge du groupe des 170 enfants sont suspectés de n’avoir pas apporté l’assistance nécessaire aux enfants concernés ou à ceux qui se sentaient menacés, bien que certains aient sollicité leur aide au cours du séjour; l’enquête en cours tente de déterminer si ces adultes étaient suffisamment qualifiés pour leur travail ou s’ils n’ont pas été assez consciencieux 
			(16) 
			. «Drei Jugendliche
gestehen Missbrauch auf Ameland», Die Zeit, 22 juillet 2010, www.zeit.de.
«Wir haben das Problem unterschätzt», Der Spiegel, 23 juillet 2010,
www.spiegel.de.. Enfin, en ce qui concerne la situation particulière de l’Allemagne, le pays doit aussi élucider les cas de maltraitance d’enfants qui se sont produits dans des institutions de placement dans l’ancienne République démocratique allemande, cas dénoncés par un certain nombre de victimes qui pourraient être parmi ceux qui réclament des formes de compensation 
			(17) 
			. «Massiver Missbrauch
in DDR-Heimen», Der Tagesspiegel, 1er avril 2010, www.tagesspiegel.de..
19. Toutes les institutions doivent se demander quelles suites sont données aux cas qui ont été révélés et si des procédures judiciaires sont engagées contre les auteurs, car cela n’a pas toujours été le cas dans le passé. D’ailleurs, en Allemagne, des voix se sont élevées pour dénoncer le fait que le problème de maltraitance des enfants placés en établissement et au sein de certaines institutions concernés par des cas d’abus était connu depuis des années. Certains se sont même demandés si les cas d’abus passés n’avaient pas été occultés parce qu’ils concernaient essentiellement des enfants issus de classes sociales défavorisées, et si la question suscitait une plus grande attention politique aujourd’hui parce que le phénomène touchait maintenant des écoles privilégiées et des enfants de familles aisées 
			(18) 
			. «Sexueller
Missbrauch – Runder Tisch bei Emma», Emma, mars 2010, www.emma.de..
20. A part l’Allemagne, d’autres pays européens s’intéressent aussi aujourd’hui à la question des sévices sur des enfants placés en institution. En Autriche, par exemple, des cas d’abus sexuel dans des institutions catholiques remontant aux années 1970 et 1980 ont été dévoilés en mars 2010. Les situations respectives font l’objet d’enquêtes poussées pour déterminer les actions juridiques à prendre pour rendre pleinement justice aux victimes qui sont aujourd’hui des adultes 
			(19) 
			.
«Leutheusser will Recht auf Entschädigung stärken», Die Zeit, 9
mars 2010, www.zeit.de.. L’approche actuelle de la question adoptée par le Gouvernement autrichien comprend une table ronde de 30 experts qui se sont réunis au printemps 2010 pour mener des investigations préliminaires. Dans le cadre du débat national, cette table ronde a été généralement bien accueillie, mais elle a été immédiatement critiquée par certains experts qui ont déclaré que la table ronde ne s’intéressait qu’à la question de la prévention de cas futurs et pas aux traumatismes subis par les victimes de sévices passés. Selon la Fédération nationale de psychothérapie, quelque 700 cas présumés de traumatisme ont été enregistrés. La fédération a souligné l’importance de mettre en place un organe indépendant auquel les victimes peuvent s’adresser, qui pourra les accompagner avec l’aide d’experts pour éviter un «nouveau traumatisme». Certains experts ont demandé que des ressources suffisantes soient mises à disposition pour prendre des mesures en faveur des victimes des décennies passées 
			(20) 
			.
«Kindesmissbrauch: Runder Tisch erntet scharfe Kritik», 13 avril
2010, www.krone.at. .
21. L’exemple de la Belgique montre que les autorités publiques et religieuses devraient collaborer étroitement pour mener des investigations sur la question. Dans ce pays, les forces de l’ordre ont récemment perquisitionné les archives de l’Eglise catholique nationale et ont confisqué 475 dossiers de cas d’abus compilés par la commission d’enquête établie par l’Eglise catholique romaine de Belgique 
			(21) 
			. «Belgian raiders
went to National Archives» (La police belge a perquisitionné les
Archives nationales), Stephen Castle, International Herald Tribune
– The global edition of the New York Times, 1er juillet 2010.. La police a aussi perquisitionné le domicile et le bureau du cardinal Gotfried Daneels qui a démissionné de sa fonction de primat de Belgique en janvier 2010; en juin 2010, des membres et du personnel de la Conférence des évêques belges ont été placés en garde à vue 
			(22) 
			. «Le pape qualifie
de 'déplorable' les perquisitions de la police belge dans les enquêtes
sur des abus sexuels», Rachel Donadio, International Herald Tribune
– The global edition of the New York Times, 28 juin 2010.. La polémique suscitée par ces incidents pose la question de l’efficacité de ce type de procédures pour l’objectif global visé, à savoir révéler la vérité et rendre justice aux victimes qui ont souffert et ont été longtemps traumatisées à cause de ces sévices. D’après les informations les plus récentes, la justice belge a ordonné la restitution des dossiers saisis le 24 juin dernier, répondant ainsi aux protestations de l’archevêché 
			(23) 
			.
«Opération Calice: la justice devra restituer des dossiers», Radiotélévision
belge de la Communauté française (RTBF), 7 septembre 2010, www.rtbf.be.. Malgré ces turbulences, la «Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale» (janvier-juin 2010), mandatée pour enquêter sur la nature et l’envergure des sévices portés aux enfants dans le cadre de l’Eglise, a été en mesure de présenter son rapport final le 10 septembre 2010 
			(24) 
			. «Rapport des activités
de la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels
dans une relation pastorale (communiqué de presse)», 10 septembre
2010, www.commissionabus.be..
22. Récemment en Italie aussi, la question a été abordée avec plus de transparence par les institutions publiques et religieuses. Le chef de la Conférence des évêques italiens, le cardinal Angelo Bagnasco, a ainsi reconnu qu’il était «possible» qu’en Italie des évêques aient couvert des abus; son adjoint a déclaré que dans la décennie passée, 100 prêtres italiens ont été jugés par l’Eglise pour des abus d’ordre sexuel sur des mineurs. Le procureur interne du Vatican, Mgr Charles J. Scicluna, chargé du suivi des cas d’abus pour le compte de la Congrégation du Vatican pour la doctrine de la foi, a déclaré qu’il était préoccupé par «une certaine culture du silence» en Italie. Il a, dans le même temps, résumé la situation juridique en Italie: la dénonciation des abus sexuels n’étant pas obligatoire en vertu du droit italien, les évêques ne sont pas tenus de notifier les cas d’abus aux autorités civiles. Par conséquent, l’Eglise catholique en Italie n’oblige pas les évêques à dénoncer leurs prêtres, mais elle les encourage à contacter les victimes pour les convaincre de dénoncer elles-mêmes les prêtres qui les ont abusées 
			(25) 
			. «Breaking silence
on abuse in Italy – Admissions and charges finally being heard in
the shadow of the Vatican» (Briser le silence sur les abus en Italie
– Aveux et accusations enfin entendus dans le secret du Vatican),
Rachel Donadio, International Herald Tribune – The global edition
of the New York Times, 28 juin 2010..
23. Au mois de mars 2010, plus de 200 victimes présumées d’abus lorsqu’elles étaient enfants dans des établissements de l’Eglise catholique aux Pays-Bas avaient déposé des plaintes auprès d’autorités compétentes et d’organisations de soutien. Selon l’organisation d’aide proche de l’Eglise «Hulp & Recht» (aide et justice), plus de 1 100 références à des cas de sévices sexuels ont été recensées 
			(26) 
			. «Papst wehrt sich
gegen 'belangloses Geschwätz'», Der Spiegel, 28 mars 2010, www.spiegel.de.. Les premiers cas découverts se sont déroulés dans les années 1950 et 1960, souvent dans des écoles qui ont fermé dans les années 1970, ce qui fait que de nombreux délits auront dépassé le délai de prescription. Après les prêtres, des nonnes ont été pour la première fois accusées d’avoir abusé sexuellement d’enfants. Les investigations actuellement en cours auraient été encouragées et favorisées par le débat initié juste avant par l’Allemagne 
			(27) 
			.
«Leutheusser will Recht auf Entschädigung stärken», Die Zeit, 9
mars 2010, www.zeit.de.. L’Eglise catholique a répondu aux affirmations en mettant en place une commission d’enquête indépendante sous la direction de l’ancien ministre et ancien maire de La Haye, Wim Deetman 
			(28) 
			.
«Dutch Bishops launch child abuse investigation», CNN, 10 mars 2010,
www.cnn.com.. En avril 2010, les ministres sortants André Rouvoet (Jeunesse et Famille) et Ernst Hirsch Ballin (Justice) ont annoncé qu’une enquête serait menée pour savoir si des sévices ont été commis sur des enfants dans certaines institutions publiques pendant la seconde moitié du XXe siècle 
			(29) 
			. «Independent investigation
into abuse in children’s homes», Radio Nederland Wereldomroep (RNW),
2 avril 2010, www.rnw.nl..
24. Lors de la finalisation du présent rapport, un tribunal au Portugal a délivré son jugement dans un procès majeur concernant des sévices portés à des enfants: six hommes portugais ont été condamnés après avoir été jugés coupables d’abus sexuel (ou de fournir à d’autres la possibilité de commettre de tels abus) dans le cadre d’un foyer d’enfants géré par l’Etat, la Casa Pia. Les condamnés – comprenant un ancien présentateur de télévision, un ancien ambassadeur, un ancien gouverneur de la Casa Pia, deux médecins, un avocat et un conducteur de la Casa Pia – avaient apparemment abusé de 32 victimes mineures depuis le milieu des années 1970 par le biais d’un réseau de pédophiles choisissant ses victimes parmi les 4 000 enfants nécessiteux de la Casa Pia, les délits n’ayant été seulement découverts qu’en 2002. Pendant le long procès judiciaire, plus de 800 victimes ont été entendues par le tribunal, ce qui a suscité de fortes critiques du système juridique portugais reproché d’être très formel et de permettre à la défense d’essayer de retarder la procédure 
			(30) 
			. «Portugal child sex
abuse draws to close» et «Six men jailed for Portugal child sex
abuse», BBC News Europe, 3 septembre 2010, www.bbc.co.uk..
25. En Suède, un rapport récemment publié par le médiateur pour les enfants indique que le phénomène est relativement répandu dans toute l’Europe 
			(31) 
			.
Rapport du médiateur suédois pour les enfants: «I’m Sorry», röster
från särskilda ungdomshem, barnombudsmannen 2010, www.bo.se/files/publikationer,%20pdf/arsrapport%202010%20imsorry_webb%20hela.pdf. . Le récent rapport intitulé «I’m sorry» (Je suis désolé) analyse des situations de quatre centres de détention pour jeunes délinquants, eux-mêmes auteurs d’agressions sexuelles ou souffrant de problèmes psychologiques. Il fait état en particulier de cas de maltraitance survenus dans ces centres dans les années 1940 et 1950, et établit une comparaison entre l’approche plutôt répressive en Suède (y compris des méthodes telles que l’isolement et les fouilles corporelles) et l’approche norvégienne axée sur l’amélioration de la vie des jeunes au cours de leur détention, en vue de proposer des amendements à la législation suédoise sur la détention des mineurs.

2.3. Réponses des différentes autorités et institutions

26. La rapporteuse salue le fait que presque toutes les parties prenantes concernées aient immédiatement réagi aux cas des sévices révélés en prenant des mesures préliminaires pour réviser les systèmes de protection existants, comme le montrent les exemples nationaux décrits ci-dessus. Suivant l’approche adoptée en Irlande dans la décennie passée, dans plusieurs Etats membres où des cas d’abus venaient d’être révélés, les pouvoirs publics et/ou les institutions concernées (Eglise catholique, institutions privées, etc.) ont lancé des investigations. Plusieurs pays s’efforcent actuellement de déterminer les mesures législatives, administratives et politiques adéquates pour renforcer la protection des enfants contre des maltraitances futures. Plusieurs réactions ont été observées à différents niveaux de l’Eglise catholique car un grand nombre de cas d’abus récemment dévoilés concernait des institutions catholiques et de nombreuses allégations ont été faites à propos de tentatives des institutions de l’Eglise pour couvrir les abus commis par des membres du clergé. Le pape Benoît XVI a personnellement accordé une attention particulière à la question dans sa récente «Lettre aux catholiques d’Irlande» du 19 mars 2010 dans laquelle il fait état de «la honte et du remords de l’Eglise catholique» 
			(32) 
			.
Lettre pastorale du Saint-Père, le pape Benoît XVI, aux catholiques
d’Irlande, www.vatican.va..
27. Dans les récents débats, les représentants de l’Eglise et les experts sur les questions d’Eglise n’ont eu de cesse de souligner que la question de l’abus sur des enfants placés dans des établissements ne touche pas les établissements catholiques uniquement et que le célibat des prêtres catholiques n’est pas un facteur majeur de ce problème. Selon Mgr Charles J. Scicluna, le «promoteur de justice» de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui est chargé d’enquêter sur les delicta graviora (y compris les abus sur des mineurs par un membre du clergé), les affaires de prêtres accusés de pédophilie peuvent se répartir comme suit: «près de 60 % des cas concernent essentiellement l’attirance sexuelle pour des adolescents du même sexe, 30 % concernent des relations hétérosexuelles et les 10 % restants sont des cas de pédophilie au vrai sens du terme» 
			(33) 
			.
Entretien avec Mgr Charles J. Scicluna conduit par Gianni Cardinale
sur la rigueur de l’Eglise dans les affaires de pédophilie, www.vatican.va..
28. La rapporteuse aimerait rappeler que la société doit surtout s’intéresser à la question des mineurs victimes de sévices dans des établissements (y compris les enfants et les adolescents) et réaliser que dans des systèmes institutionnels clos, où les enfants sont tenus de respecter l’autorité de leurs enseignants, directeurs des études et des personnes qui prennent soin d’eux, etc., il est très difficile de différencier les relations sexuelles entre adultes et mineurs, basées sur un consentement mutuel, et celles qui ne le sont pas. C’est pourquoi aucune relation sexuelle (aussi bien de nature hétérosexuelle qu’homosexuelle) entre adultes et mineurs ne doit être autorisée dans les établissements. Une des premières mesures à prendre au niveau national pour traiter cette question sera certainement d’adopter une terminologie commune et d’avoir une même compréhension eu égard à cette question 
			(34) 
			. Une définition est
proposée par un rapport italien récent: «(…) est considérée comme
abus sexuel toute activité sexuelle qui se passe entre un adulte
et un enfant/un adolescent qui, en raison d’immaturité psychologique
ou de dépendence de l’adulte, n’est ni en mesure de comprendre ce
qui se passe ni de faire un choix délibéré dans un but sexuel ou
de comprendre entièrement la signification et la valeur des activités
sexuelles dans lesquelles [il ou elle] est impliqué[e]» – Traduction
d’une citation littérale de SOS Il Telefono Azzuro Onlus, Dossier
on Pedophilia 2010 (sommaire anglais), www.azzurro.it.. La rapporteuse fait observer que l’on tend à exagérer le nombre de pédophiles présumés travaillant dans la sphère de l’Eglise catholique et à suspecter avec trop de facilité les personnes ayant souscrit au principe religieux du célibat, comme les prêtres catholiques, de déviances sexuelles, voire de comportements sexuels répréhensibles. Néanmoins, elle aimerait rappeler que, dans tout contexte institutionnel, les hommes ayant des préférences pédophiles sont bien connus pour choisir des professions qui leur permettent le plus de contacts possibles avec les enfants 
			(35) 
			.
«Sexueller Missbrauch – Wie es geschehen kann» (éditorial par Alice
Schwarzer), Emma, février 2010, www.emma.de..
29. Au niveau national mais aussi local, lorsque des prêtres ayant commis des abus sur des enfants ont été simplement transférés dans d’autres diocèses ou à d’autres fonctions où ils pouvaient récidiver à leur guise, l’Eglise catholique est soupçonnée de couvrir et de protéger les membres de son clergé 
			(36) 
			. Dans le pays de la
rapporteuse, l’Allemagne, l’archevêque Zollitsch, président de la
Conférence épiscopale allemande, a été récemment suspecté d’avoir
essayé de couvrir au moins un cas d’abus sur des enfants où un prêtre d’Oberharmersbach
(Bade-Wurtemberg) aurait abusé d’enfants et d’adolescents pendant
vingt ans. Dans une lettre récemment révélée datée de 1995, l’archevêque
Zollitsch aurait dit qu’une instruction n’aurait été qu’un acte
de vengeance contre un homme âgé et malade, et que cette vengeance
tardive n’aurait été d’aucune utilité pour quiconque, mais qu’elle
anéantirait cette personne. Rétrospectivement, l’archevêque Zollitsch
a exprimé des regrets de ne pas avoir signalé le cas au procureur
général. Voir «Kindesmissbrauch: Hat jetzt auch Robert Zollitsch
vertuscht?», Hamburger Abendblatt, 18 juillet 2010, www.abendblatt.de.. Mgr Charles J. Scicluna, le «promoteur de justice» de la Congrégation de la doctrine de la foi a indirectement confirmé l’idée qui prévaut sur l’Eglise catholique quant au traitement des maltraitances d’enfants en constatant récemment que des procédures pénales ou administratives n’ont été initiées dans les diocèses en question que dans 20 % de cas de prêtres suspectés de pédophilie. Dans 60 % de cas, seules des mesures disciplinaires ont été prises compte tenu de l’âge avancé des prêtres accusés; ces mesures consistaient à leur interdire de célébrer la messe en public ou à les obliger à prendre leur retraite. Dans 20 % des cas considérés comme les plus graves, où les preuves étaient irréfutables, le pape a lui-même pris la responsabilité de révoquer des prêtres de leurs statuts et fonctions 
			(37) 
			. Entretien avec Mgr
Charles J. Scicluna conduit par Gianni Cardinale sur la rigueur
de l’Eglise dans les affaires de pédophilie, www.vatican.va.. La rapporteuse rappelle que même si les institutions catholiques jouissent de la compréhension de la société à cause de leurs fonctions particulières et leur rôle important, les institutions de l’Eglise doivent pour leur part respecter et appliquer rigoureusement la même législation nationale que toutes les autres organisations publiques et privées.
30. Les représentants et les experts de l’Eglise ont déclaré à plusieurs reprises que les cas qui n’ont pas été traités dans la transparence absolue par le passé doivent être considérés comme une mauvaise interprétation des règles en vigueur de l’Eglise. Selon les experts et les représentants de l’Eglise, l’on ne peut invoquer le droit canon pour justifier que des évêques aient mal géré ou couvert des actes; il s’agit simplement d’une mauvaise application du droit canon 
			(38) 
			.
Déclaration du professeur Massimo Introvigne, sociologue de la Cité
du Vatican, à l’audition organisée par la commission des questions
sociales, de la santé et de la famille le 22 juin 2010 à Strasbourg. et les «normes relatives aux abus sexuels n’ont jamais été entendues comme une interdiction de leur dénonciation à la justice civile» 
			(39) 
			. Entretien avec Mgr
Charles J. Scicluna conduit par Gianni Cardinale sur la rigueur
de l’Eglise dans les affaires de pédophilie, www.vatican.va.. Cependant, le Saint-Siège a récemment révisé ses règles en matière d’abus sexuels commis par des membres du clergé afin d’harmoniser les procédures de l’Eglise catholique en la matière. Selon le Révérend Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, les révisions apportées montrent la détermination de l’Eglise de s’attaquer avec «rigueur et transparence» aux abus commis par des membres du clergé. Parmi les nouvelles mesures prises, le délai de prescription pour les abus commis sur des enfants a été étendu de dix à vingt ans; par ailleurs, une disposition particulière permet aujourd’hui d’accélérer les procédures pour traiter plus efficacement les situations urgentes, par exemple en donnant au pape l’autorité de révoquer un prêtre sans procès formel du Vatican 
			(40) 
			.
«New Vatican rules on priest child abuse draw immediate criticisme»
(Les nouvelles règles du Vatican sur la question des abus d’enfants
par des prêtres suscitent immédiatement des critiques), Los Angeles
Times, 15 juillet 2010, www.latimes.com.. La révision des règles de l’Eglise catholique semble être un pas dans la bonne direction. Toutefois, certains experts estiment que les nouvelles règles ne comportent pas de changements majeurs dans la position de l’Eglise, et que celles-ci ne font que codifier des pratiques qui ont été adoptées ces dernières années 
			(41) 
			. «Vatican issues new
rules on abuse by priests; activists call them inadequate» (Le Vatican
édicte de nouvelles règles sur les abus commis par des prêtres:
des militants les qualifient d’inadéquates), The Washington Post,
16 juillet 2010, www.washingtonpost.com.. En outre, dans le cadre des nouvelles règles, par exemple, les évêques ne sont pas tenus responsables des abus commis par les prêtres dont ils ont la charge et ne sont pas obligés de signaler les abus sexuels aux autorités civiles, même si des «directives» édictées au début de cette année les encouragent à le faire si la loi du pays l’exige 
			(42) 
			. «Vatican revises
Abuse Process, but causes Stir» (Le Vatican révise ses règles en
matière d’abus, mais provoque des mécontentements), New York Times,
15 juillet 2010, www.nytimes.com..
31. En plus des parties prenantes publiques et privées déjà mentionnées, différentes ONG nationales et internationales s’intéressent de près aux abus sur les enfants en général, et en particulier aux abus en institutions. Entre autres, une fédération européenne de 26 associations nationales de 21 pays, «Victim Support Europe», qui a récemment contribué au débat en cours, effectue un travail majeur sur cette question 
			(43) 
			. Déclaration du Dr
Helgard van Hüllen, membre du conseil exécutif de l’association
«Victim Support Europe» et de l’association allemande «Weisser Ring
e.V.», à l’audition organisée par la commission des questions sociales,
de la santé et de la famille organisée le 22 juin 2010 à Strasbourg.. La fédération estime qu’il est nécessaire de renforcer davantage encore la protection et l’assistance aux victimes en prenant différentes mesures, y compris la reconnaissance de la victime et de sa souffrance, la mise à disposition de services de soutien appropriés par les organes publics ou par l’intermédiaire de réseaux d’ONG qui devront être mobilisées, la poursuite rigoureuse des auteurs ainsi que la mise à disposition de compensations adéquates.
32. Les victimes d’abus sexuels qui ont été récemment mis au jour, ainsi que celles de cas révélés des années après leur survenance, ont besoin d’être écoutées et soutenues en fonction de leurs besoins spécifiques. Pour le premier groupe, il est essentiel qu’un terme soit mis aux abus et que les victimes soient assistées pendant les procédures judiciaires pertinentes. Pour le deuxième, il s’agit de reconnaître et de traiter l’abus comme un événement traumatisant qui aura eu un impact majeur sur le développement personnel des personnes concernées. Même en tant qu’adultes, les victimes doivent gérer des problèmes personnels de crainte ou d’incapacité à avoir des contacts physiques et à vivre des relations stables. Au moment où elles dévoilent plusieurs années après les abus subis, les victimes vivent «un nouveau traumatisme», ce qui peut avoir des conséquences familiales; d’où l’importance majeure de prendre en considération l’environnement social direct dans le cadre de la protection des victimes.
33. Les principales recommandations faites par les organisations d’aide aux victimes en ce qui concerne les mesures à prendre par les pouvoirs publics ont trait, entre autres, aux aspects suivants: formulation de lignes directrices claires destinées aux institutions (y compris obligation de signaler les cas d’abus aux autorités compétentes), instauration de mécanismes de contrôle efficaces, développement de services de soutien complets (y compris la possibilité de parler de l’abus et de recevoir une aide psychologique et une assistance juridique), renforcement de la stratégie de prévention et poursuite des recherches sur les besoins spécifiques des victimes.
34. La rapporteuse est convaincue que toutes les parties concernées devront déployer des efforts supplémentaires soutenus pour rendre pleinement justice aux personnes victimes d’abus passés, soutenir les enfants qui ont récemment vécu du harcèlement moral et leur apporter une assistance dans les procédures judiciaires, et protéger aussi les enfants des abus qu’ils pourraient subir dans le cadre institutionnel. Pour une action concertée en faveur des enfants placés en institution, les différents partenaires intervenant dans les processus d’enquête et de vérification devraient s’accorder sur la définition du terme «abus sur les enfants», les facteurs favorisant ce type de délits et la manière la plus transparente de traiter la question dans les sociétés démocratiques. La rapporteuse est également convaincue que le secteur des ONG, déjà très actif dans le domaine des services d’assistance aux victimes, doit être considéré comme un partenaire majeur. Les pouvoirs publics devraient donc prendre des mesures pour le renforcer et le soutenir en mettant à sa disposition des ressources. Aussi, les ONG qui, grâce à leur structure décentralisée et à leur travail de terrain, et qui, par ailleurs, sont généralement perçues comme des interlocuteurs de confiance puisqu’elles sont proches des victimes, pourront-elles jouer un rôle encore plus utile.

3. Sévices sur les enfants placés en établissement: un problème structurel concernant différents types d’établissements

35. D’une manière générale, le risque de sévices sur des enfants semble plus élevé dans les systèmes «en vase clos», à savoir les familles fusionnelles, les internats et les orphelinats, quelle que soit l’institution en charge de leur gestion; en effet, le pouvoir et la proximité génèrent le même type de comportements qui peuvent augmenter les risques d’abus. Même si, globalement, dans les institutions les relations se caractérisent par un certain degré de dépendance, les récents témoignages dans les pays ont montré que cette dépendance est plus forte dans certaines institutions que dans d’autres, sans doute parce qu’il est plus «facile» de quitter certaines (par exemple les associations sportives) que d’autres (par exemple les écoles) 
			(44) 
			.
Premiers cas sur l’Allemagne présentés par le Dr Christine Bergmann,
représentante spéciale pour les questions d’abus sexuels sur des
enfants, à l’audition organisée par la commission des questions
sociales, de la santé et de la famille, le 22 juin 2005, à Strasbourg.. En complément de ces facteurs structurels, les enfants et les adolescents généralement ont un grand désir de faire partie d’un groupe et d’être reconnu par celui-ci, et vont souvent «l’idéaliser». Si un membre du groupe commet un délit, le «monde idéal» est détruit et les enfants vont craindre d’être exclus, ce qui les amène eux-mêmes souvent à renier, à cacher ou à justifier ce qui s’est passé. La «pression du groupe» peut donc faciliter l’émergence de sévices portés aux enfants ou parfois être un obstacle à leur découverte 
			(45) 
			. Stellungnahme der
DPV zu sexueller Gewalt gegenüber Kindern und Jugendlichen in institutionellen
Kontexten, Deutsche Psychoanalytische Vereinigung, Zweig der IPV
(Prise de position de la Fédération psychanalytique allemande, branche
de l’Association psychanalytique internationale (API)), août 2010..
36. Les récents débats dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et au niveau européen, qui ont associé des décideurs politiques et des experts, ont montré que d’autres facteurs peuvent favoriser l’abus de la confiance des enfants dans le cadre institutionnel. Dans le passé, la structure hiérarchisée de certains établissements d’enseignement a permis à ses représentants de prendre des dispositions internes pour traiter eux-mêmes les cas d’abus d’enfants dans le but de couvrir les événements embarrassants. Aujourd’hui, grâce à une sensibilisation accrue au problème des sévices sur les enfants et dans la mesure où les hauts représentants des établissements concernés sont disposés à aborder ouvertement la question, on peut espérer convaincre ces derniers d’apporter leur aide pour inciter ces institutions à adopter des mécanismes plus transparents.
37. Les structures à la fois hiérarchisées et autonomes de certaines institutions religieuses en particulier semblent favoriser les situations d’abus en échappant dans une certaine mesure aux mécanismes de contrôle publics. De plus, la confiance particulière que les familles accordent aux personnels éducatifs des établissements religieux leur donne plus de latitude pour abuser de la confiance des familles ou approcher leurs victimes. Les récents débats ont cependant montré que la maltraitance d’enfants en institution n’est pas le problème avant tout de l’Eglise, mais c’est aussi un problème pour les institutions religieuses qui y sont liées. Ce problème est lié à la structure et aux particularités des différentes institutions et à leur mode de fonctionnement. Par conséquent, toutes les parties concernées d’une manière ou d’une autre par la prise en charge de l’éducation des enfants en institution doivent se pencher ensemble sur la question.
38. En outre, les psychologues estiment qu’on devrait s’intéresser davantage à la relation particulière qui lie un auteur d’abus et sa victime; en effet, les enfants ont généralement des relations sociales et émotionnelles étroites avec l’auteur (père, frère, enseignant, prêtre ou formateur). Dans les situations d’abus, la personne qui fait du tort (négatif) à des enfants leur témoigne en même temps de l’affection (positive); les enfants sont donc émotionnellement perturbés par cette situation qui les conduit à garder le silence. Par conséquent, les experts rappellent régulièrement que les enfants qui sont élevés dans des foyers sans amour ni protection peuvent être plus sensibles à l’attention et à l’affection que leur témoignent des personnes de contact qu’ils rencontrent hors de la famille et courent un plus grand risque d’être abusés dans leur confiance 
			(46) 
			. Kindesmissbrauch
in Deutschland: Paradox und vor allem bigott, Entretien avec le
psychologue allemand sur les questions sexuelles, Christoph Joseph
Ahlers, 19 mars 2010, www.n-tv.de.. Cette situation entraîne parfois des cas particulièrement épineux d’enfants que les autorités publiques retirent de leur famille où ils ont parfois subi des abus pour les placer en institution en vue de les protéger, mais où ils sont à nouveau victimes d’abus.
39. Certains experts estiment aussi que les stratégies de prévention en matière d’abus sur les enfants ne s’intéressent pas toujours suffisamment aux délinquants potentiels et à la possibilité d’influencer leur comportement en trouvant par exemple des moyens pour les empêcher de passer du fantasme à l’acte. Les experts en psychologie distinguent trois catégories de délinquants pédophiles: (1) les délinquants sexuels pédophiles qui sont caractérisés par une perversion et une orientation permanentes vers des pratiques pédophiles, qui ont une grande énergie criminelle et démontrent un comportement dangereux sur le long terme; (2) les délinquants ayant un potentiel général de violence ou de traitement sadique envers autrui; et (3) des délinquants dont la personnalité est restée infantile et qui ne sont pas capables d’établir des relations hétéro- ou homosexuelles matures 
			(47) 
			. Stellungnahme der
DPV zu sexueller Gewalt gegenüber Kindern und Jugendlichen in institutionellen
Kontexten, Deutsche Psychoanalytische Vereinigung, Zweig der IPV
(Prise de position de la Fédération psychanalytique allemande, branche
de l’Association psychanalytique internationale (API)), août 2010.. En règle générale, la formation reçue par le personnel médical (médecins spécialisés, psychologues, etc.) en matière de diagnostic et de traitement de la pédophilie est insuffisante. La rapporteuse propose que cet aspect soit également pris en compte dans les stratégies et les plans d’action nationaux qui seront développés et mis en œuvre. Toutefois, estime-t-elle, en ces temps de rareté de ressources publiques à tous les niveaux, le travail en faveur des délinquants (potentiels) ne doit pas être favorisé aux dépens de l’aide dont les victimes (potentielles) ont besoin.
40. Enfin, la rapporteuse voudrait souligner que des cas d’abus sur des enfants ont également été rapportés dans des institutions qui n’ont pas encore été mentionnées, mais qui ne devront pas être occultées dans le cadre de l’action nationale: il s’agit d’organisations d’aide internationale ou d’unités militaires en mission à l’étranger dont des membres ont abusé d’enfants à l’extérieur. La rapporteuse estime donc que toute action visant à combattre les sévices sur des enfants placés en institution doit se fonder sur une compréhension globale des «institutions». Par ailleurs, la question doit être perçue comme un problème structurel spécifique à pratiquement toutes les institutions présentant certains traits. Dans le but de prévenir efficacement les abus sur des enfants dans le futur, toutes les institutions et tous les systèmes (potentiellement) concernés doivent faire l’objet d’un examen approfondi. Par ailleurs, il convient de promouvoir une perception équilibrée des institutions qui abandonne toute idée naïve d’une prise en charge d’enfants leur offrant une vie paradisiaque, mais qui cesse de suspecter systématiquement toutes les institutions qui ont été récemment concernées par des cas d’abus sur des enfants.

4. Recommandations pour l’action future

41. Lorsqu’on analyse tous les cas d’abus d’enfants en institution survenus dans différents Etats membres au cours des décennies passées et dans un passé récent, et les réactions des différents acteurs publics concernés, il est évident que la question doit être abordée à différents niveaux et qu’une approche collective est nécessaire. Tout d’abord, les recommandations de l’Assemblée parlementaire doivent nécessairement être transmises aux Etats membres; ensuite, les autorités nationales doivent convaincre le maximum de partenaires de s’attaquer au problème à sa racine, à savoir la nature même de la prise en charge institutionnelle des enfants et les relations humaines qui règnent dans les cadres institutionnels respectifs. En tant que membre de deux tables rondes sur la question des sévices faits aux enfants en Allemagne, la rapporteuse voudrait proposer la liste suivante, non limitative, de mesures que les pouvoirs publics et d’autres partenaires des Etats membres devraient prendre en considération dans le cadre de leur action future 
			(48) 
			. Les recommandations
suivantes s’inspirent en grande partie des travaux allemands pertinents
sur la question: Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen
und Jugend (2003): Aktionsplan der Bundesregierung zum Schutz von Kindern
und Jugendlichen vor sexueller Gewalt und Ausbeutung; SPD-Positionspapier:
Hinsehen, Handeln, Helfen – Konsequenzen aus den Missbrauchsfällen
in Institutionen, Beschluss der SPD-Bundestagsfraktion vom 6. Juli
2010. Elles s’inspirent également des recommandations présentées
par la Commission irlandaise d’enquête sur la maltraitance des enfants
(Rapport Ryan) en 2009..

4.1. Action législative

42. Au niveau européen, le paragraphe 18 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels prévoit expressément que chaque Partie contractante prend les mesures législatives ou autres pour ériger en infraction pénale les comportements intentionnels d’abus sexuels commis sur des enfants par des personnes «en abusant d’une position reconnue de confiance, d’autorité ou d’influence sur l’enfant». La rapporteuse estime qu’il faut exhorter tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à réviser leurs législations respectives et à prendre immédiatement des mesures pour renforcer leurs dispositions législatives, en cas de nécessité.
43. Même si les Etats membres doivent légiférer pour prévenir, poursuivre et sanctionner tous les types d’abus sur des enfants (physiques et moraux ainsi que sexuels), il importe aussi de les inviter à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, s’ils ne l’ont pas encore fait, et à la mettre en œuvre par des plans d’action nationaux engagés.
44. La période et le cadre couverts par ce rapport ne permettent pas de procéder à une analyse exhaustive de la législation pertinente des Etats membres du Conseil de l’Europe. Cependant, les quelques exemples présentés ci-dessus soulèvent tous une question fondamentale, à savoir: est-ce que la législation nationale fait obligation à toutes les institutions publiques et privées, aux ONG, au personnel médical que les victimes peuvent approcher, de signaler les cas d’abus sexuels aux autorités civiles et notamment à la justice pénale? C’est, semble-t-il, le cas dans certains pays membres du Conseil de l’Europe mais pas dans tous. Même lorsque la législation le prévoit, la question de savoir si la règle est rigoureusement appliquée ou non reste ouverte.
45. Pour rendre pleinement justice aux victimes et apporter une protection maximale aux victimes potentielles, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient adopter des réglementations prévoyant les poursuites ex officio pour les cas de maltraitance sur des mineurs (enfants et adolescents). Cette mesure revêt une importance particulière pour les adolescents d’un âge avancé qui ne sont pas toujours, en particulier dans le cadre des institutions de placement et d’enseignement, en mesure de refuser les avances d’ordre sexuel qui leur sont faites. Il ne faut donc pas présumer que des adolescents ont eu des rapports sexuels consensuels uniquement parce qu’ils sont considérés comme ayant atteint «la maturité sexuelle».
46. Une approche que les experts ne recommandent pas en général pour l’instant est celle des plaintes formelles contre un auteur présumé, étape obligatoire en cas d’abus sur des enfants. Même si cette mesure permet de démarrer immédiatement des procédures judiciaires, elle n’est pas considérée comme étant toujours dans le meilleur intérêt de l’enfant. En effet, certains enfants et adolescents risquent d’être stigmatisés pour avoir porté plainte contre des personnes ayant de l’autorité dans des institutions et de se trouver dans une situation difficile s’ils sont obligés de continuer à y séjourner après avoir dénoncé un abus.
47. Un autre aspect législatif sur lequel les Etats membres doivent se pencher est celui de la prescription pour tous les cas d’abus sur des enfants; cette question est actuellement examinée dans la plupart des pays où des cas d’abus en institution ont été récemment dévoilés et publiquement débattus. En Allemagne, le ministère fédéral de la Justice 
			(49) 
			.
Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, membre de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe jusqu’en décembre 2009., ainsi que plusieurs ministres des Länder allemands envisagent actuellement de prendre des mesures juridiques profondes sur cette question telle que la prolongation de la durée du délai de prescription en matière civile et pénale. Certains experts juridiques sont d’accord pour que le délai de prescription en matière de compensation (droit civil) soit porté à trente ans. Dans le même temps, les experts examinent la possibilité de prolonger la période de prescription pour les poursuites pénales, période qui s’étale actuellement de cinq à dix ans en fonction de la gravité de l’abus et de la peine maximale possible correspondante 
			(50) 
			.
«Leutheusser will Recht auf Entschädigung stärken», Die Zeit, 9
mars 2010, www.zeit.de.. Dans tous les cas, les périodes de prescription ne devraient prendre effet que lorsque la victime a atteint l’âge de la majorité.
48. D’une manière générale, la rapporteuse voudrait recommander aux Etats membres d’introduire des systèmes de «graduation des peines» pour les abus sur des enfants en fonction de la gravité du délit, et de prévoir des sanctions spécifiques pour chaque type d’abus sur des enfants (sexuel, physique et moral). Des mesures législatives pourraient être prises à différents niveaux pour renforcer les droits et la protection des enfants, par exemple en définissant les droits et devoirs du personnel éducatif, en définissant et en révisant les conditions minimales pour accorder la licence aux établissements de prise en charge d’enfants ainsi que les conditions à remplir par les personnes chargées de les diriger ou en rendant obligatoires les certificats d’habilitation de la police pour l’ensemble du personnel éducatif. Certaines pratiques appliquées aux enfants «récalcitrants» ainsi que certaines méthodes de punition dans les centres de détention de jeunes devraient être interdites par la loi et le respect des réglementations pertinentes devrait être étroitement contrôlé. Enfin, un aspect à ne pas négliger est le soutien et l’assistance aux enfants dans les procédures judiciaires. Sans entrer dans le détail de cette question, la rapporteuse souhaite faire référence aux lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants que les organes intergouvernementaux du Conseil de l’Europe sont en train d’élaborer et dont l’adoption par le Comité des Ministres est prévue avant la fin de 2010. La rapporteuse rappelle que de nombreux Etats membres, y compris l’Allemagne, ont déjà une vaste expérience en matière de procédures judiciaires adaptées aux enfants; à cet égard, elle donne l’assurance de la volonté de son pays de partager son expérience dans ce domaine.

4.2. Action administrative

49. C’est au niveau des institutions elles-mêmes qu’il faut identifier les lacunes existantes et prendre ensuite les mesures correctrices. Il importe d’analyser en profondeur, pour bien les comprendre, les facteurs favorisant l’abus sur les enfants, tels qu’ils sont présentés de façon générale ci-dessus. Sur la base des connaissances qui seront acquises, les institutions devront développer des directives internes en vue de renforcer le respect des droits de l’enfant, prévenir les abus sur les enfants et traiter les cas qui surviennent. Chaque catégorie d’institution, au niveau hiérarchique qu’elle jugera approprié, pourra élaborer ces directives, tandis que les pouvoirs publics des Etats membres pourront jouer un rôle de coordinateur à cet égard. Par ailleurs, chaque institution doit veiller à ce que les enfants et les adolescents concernés soient informés des directives et de leurs droits et qu’ils puissent trouver des interlocuteurs chaque fois que leurs droits sont violés. Des recommandations substantielles et complètes «concernant la prévention d’abus sexuel ainsi que le comportement approprié en cas d’abus» viennent d’être éditées par l’association Caritas allemande (Deutscher Caritasverband) en vue de cas d’abus se déroulant dans ses propres institutions accueillant des enfants, des jeunes et des personnes handicapées. Ce document a été pris en considération dans la préparation du présent rapport et des recommandations proposées. La rapporteuse apprécie particulièrement que l’association Caritas allemande mette l’accent de ses lignes directrices sur la prévention et l’identification de risques à un stade très préliminaire, et qu’elle place le bien-être de l’enfant au cœur du problème 
			(51) 
			. «Deutscher Caritasverband:
Empfehlungen zur Prävention von sexuellem Missbrauch sowie zum Verhalten
bei Missbrauchsfällen», Fribourg, 26 avril 2010, www.caritas.de..
50. Les mécanismes d’inspection en vigueur des établissements d’enseignement et de prise en charge d’enfants, en particulier ceux des pouvoirs publics, devraient être renforcés. Ces mécanismes devraient être clairs et faciles à comprendre par tous les professionnels concernés. Il faut aussi prévoir des interlocuteurs pour recueillir les cas avérés ou présumés d’abus, même s’il s’agit de traiter, dans un premier temps, une situation particulière sans la dévoiler entièrement. En outre, le personnel des établissements d’enseignement et de prise en charge d’enfants devrait être tenu de suivre des programmes d’enseignement spécifiques et de formation continue qui devront être développés, en vue de les aider à identifier les abus potentiels et à réagir de manière appropriée aux cas d’abus. Les mêmes obligations de formation devraient s’appliquer mutatis mutandis aux forces de police, aux procureurs et aux juges intervenant dans le domaine des abus sur des enfants.
51. Il importe tout d’abord de mettre à la disposition des enfants et des adolescents des organes indépendants et entièrement neutres auxquels ils peuvent s’adresser chaque fois qu’ils craignent d’être abusés par une personne responsable de leur éducation ou de leur garde, chaque fois qu’ils sont victimes d’abus ou témoins d’abus infligés à d’autres enfants. Les services de conseils et d’assistance devraient être exhaustifs en ce sens qu’ils devraient couvrir toute la gamme des problèmes potentiels et l’ensemble du territoire national, et prendre en considération les besoins particuliers. Il devrait être par exemple possible de développer des services spécifiques ciblant différents groupes, tels que les filles et les garçons, les personnes atteintes de handicaps ou d’origine religieuse différente. Ces organes pourraient être mis en place par les pouvoirs publics, à condition que les ressources nécessaires soient disponibles sur le long terme. Des services indépendants et confidentiels pour les abus sur les enfants pourraient également être développés en collaboration avec les ONG nationales qui, très souvent, apportent déjà une aide précieuse en ce qui concerne les abus d’enfants en toutes circonstances. Il est possible de mobiliser leurs structures, connaissances et ressources en faisant d’elles des partenaires officiels des stratégies nationales pour la protection des victimes et la prévention des abus sur les enfants. D’une manière générale, tous les systèmes et toutes les structures d’assistance devraient être reliés les uns aux autres pour connaître leurs activités respectives (professionnels de la santé et hôpitaux, enseignants et tous les niveaux d’établissements d’enseignement, de la maternelle au lycée, les forces de l’ordre, les services de la jeunesse, l’administration sanitaire, etc.).

4.3. Action politique

52. Un large éventail d’actions politiques pourraient être engagées pour soutenir la mise en œuvre des mesures législatives et des mesures destinées aux établissements en tant que tels, et aux organes et organisations connexes. Les Etats membres devraient dans un premier temps mener des enquêtes et entreprendre des procédures au niveau national pour traiter la question des délits passés, y compris procéder à des recherches approfondies sur la question et examiner la manière d’indemniser d’une façon ou d’une autre les personnes qui ont été victimes d’abus pour les souffrances qui leur ont été infligées. Le principal objectif de cet «examen du passé» serait de rendre pleinement justice aux personnes qui sont disposées à dévoiler ce qui leur est arrivé, mais aussi de tirer des leçons du passé pour définir les actions futures à prendre par une meilleure compréhension des causes des abus sur les enfants en établissement.
53. Les enfants sont les membres les plus vulnérables de la société. Ils ont leurs droits propres qui sont garantis, entre autres, par des instruments internationaux comme la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE). Protéger les enfants de tous types d’abus est donc une question centrale relevant du respect des droits de l’homme. Le fait d’étudier les cas passés et d’écouter les victimes permettra de sensibiliser le public au fait que si, à première vue, la question des abus sur les enfants en institution peut apparaître comme un problème de société, en fait, elle concerne chacun d’entre nous. Ecouter les victimes et reconnaître qu’on leur a causé du «tort» est déjà un premier pas vers une compensation à leur égard. Après avoir été contraints de vivre en silence leur traumatisme pendant des années, le fait de pouvoir enfin en parler ouvertement apporte un grand soulagement, même si le fait de parler des abus fait généralement revivre le traumatisme. Les victimes d’abus passés qui dévoilent leur cas devraient donc recevoir une assistance thérapeutique à laquelle elles doivent pouvoir accéder sans obstacles bureaucratiques pour traiter leur traumatisme.
54. Le principal objectif de l’action politique à entreprendre devrait être de développer des stratégies de prévention exhaustives impliquant toutes les parties concernées, c’est-à-dire les pouvoirs publics, les organisations privées et religieuses, les ONG, mais aussi les familles et les enfants eux-mêmes. Les actions éventuelles pourraient démarrer avec l’élaboration d’outils pratiques (plans d’action nationaux, directives et codes de conduite) suivie de campagnes de sensibilisation à l’importance d’un environnement familial attentif et affectueux, de programmes pour aider les enfants à se prendre en charge, de services d’assistance complets pour les enfants, de stratégies de participation des enfants et des jeunes, mais aussi de mesures pour s’attaquer aux délinquants potentiels qui peuvent, dans certains cas, être identifiés et traités avant qu’ils commettent des délits.

5. Conclusions

55. En conclusion, la rapporteuse aimerait souligner que le problème des abus sur des enfants dans le cadre institutionnel n’est pas imputable aux seuls établissements ou à certains types d’établissements uniquement. C’est un problème qui touche toutes les sphères de la société, qui sont étroitement reliées en cas d’abus commis sur des enfants: en effet, un abus sur un enfant commis dans une école est un problème qui doit aussi être traité avec la famille et dans le cadre familial. La question concerne en outre tous les types d’institutions où des adultes s’occupent d’enfants dans des systèmes plus ou moins clos et surveillés. La prévalence des abus sur des enfants dans certains types d’institutions semble être liée, entre autres, à la place que ces institutions occupent dans un pays. Ainsi, si les institutions catholiques sont particulièrement concernées dans certains pays, c’est sans doute en partie parce que l’Eglise catholique y a la charge d’un grand nombre d’établissements d’enseignement.
56. La rapporteuse estime que les recommandations de l’Assemblée parlementaire ne devraient pas s’ingérer directement dans l’organisation interne de toute Eglise ou d’autres administrations privées. Elle est néanmoins convaincue que l’Eglise, en tant qu’institution centrale faisant partie intégrante des sociétés européennes et principale partie prenante dans de nombreux problèmes et développements dans la société, ne devrait pas être exempte de critiques constructives, pas plus que d’autres organisations. Malgré leur histoire qui remonte loin dans le passé, leurs traditions et leur grand degré d’autonomie, les institutions catholiques, qui sont des partenaires actifs des sociétés modernes, doivent respecter les mêmes règles de transparence et de prééminence du droit que les autres établissements privés ou publics. Elles ne sont pas et ne devraient pas être au-dessus de la loi 
			(52) 
			. Comme
les célébrités qui ne devraient pas être au-dessus de la loi: la
récente décision de la Suisse de ne pas extrader Roman Polanski
a été largement contestée dans le pays et à l’extérieur (Voir «Die
Lex Polanski», Neue Zürcher Zeitung (NZZ), 18 juillet 2010). La
rapporteuse fait également référence à son allocution à l’Assemblée,
le 2 octobre 2009, en tant que rapporteuse sur la question du «viol
des femmes, y compris le viol marital».. Les sociétés européennes et leurs citoyens ont confiance en l’Eglise et en ses institutions. Si cette confiance vient d’être ébranlée par des comportements répréhensibles de certains de ses représentants, l’Eglise se doit de remettre en question et de réviser son mode de fonctionnement et ses mécanismes internes qui ont pu favoriser ou encourager les abus de confiance dans le passé.
57. Sur la base des recommandations préliminaires et très générales formulées ci-dessus (chapitre 4), l’Assemblée devrait inviter les Etats membres à lancer et à coordonner des processus nationaux visant à prendre des mesures législatives, administratives et politiques en faveur de la situation des enfants placés en établissement et à prévenir les abus futurs. D’autres parties prenantes et partenaires dans les pays devraient être invités à contribuer aux bilans pertinents et à s’interroger sur leurs propres actions. La commissaire Marian Shanley a dit lors de l’audition tenue à Strasbourg le 22 juin 2010 que «les pays qui s’attaquent à la question seront le moteur de ce combat. Le problème peut être résolu et le débat actuel est sain parce qu’il relève d’une approche proactive». En reprenant ces mots, la rapporteuse veut encourager les Etats membres à examiner de la manière la plus constructive possible la question des sévices sur les enfants placés en institution.
58. L’Assemblée et sa commission des questions sociales, de la santé et de la famille, ainsi que sa sous-commission sur les enfants continueront de promouvoir la lutte contre les abus commis sur les enfants placés en institution dans le cadre de la campagne du Conseil de l’Europe visant à mettre un terme à la violence contre les enfants, campagne dont le lancement est prévu les 29 et 30 novembre 2010 à Rome. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que les autres parties concernées dans les pays devraient être invités à contribuer à cette campagne par des actions nationales spécifiques pour donner la plus grande visibilité possible aux droits des enfants, et à utiliser les moyens dont ils disposent pour protéger les enfants des abus en toutes circonstances.

Annexe

(open)

Avis divergent de M. Luca Volontè (Italie, PPE/DC) 
			(53) 
			. En application
de l’article 48.4 du Règlement de l’Assemblée («En outre, le rapport
d’une commission comporte un exposé des motifs établi par le rapporteur.
La commission en prend acte. Les avis divergents qui se sont manifestés
au sein de la commission y sont inclus à la demande de leurs auteurs,
de préférence dans le corps même de l’exposé des motifs, sinon en
annexe ou dans une note de bas de page»).

1. Introduction

«Je pense que nous sommes tous d’accord pour estimer que les sévices sexuels infligés aux enfants et aux personnes vulnérables constituent un crime abominable (...) Il n’y a pas lieu de tout imputer à un seul groupe, même si nous avons appris l’existence de cas dans les cercles catholiques. L’Eglise catholique prend cette question très au sérieux (...) Il s’agit d’un phénomène qui se produit à plusieurs niveaux de la société et surtout qui persiste aujourd’hui, sous une forme légèrement différente, avec les mêmes conséquences.» Ces paroles, prononcées par la chancelière Angela Merkel devant le Bundestag (Ansa.it, 10 et 17 mars 2010), résument bien les raisons de notre préoccupation et les véritables motifs de notre «avis divergent».

La recommandation du rapport est globalement positive même si, à condition de disposer d’un temps de réflexion plus long, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille aurait pu examiner la question de manière plus approfondie. L’exposé des motifs, par ailleurs, est incomplet et trop limitatif. Il ne couvre pas les «établissements» mentionnés dans le titre de la proposition de résolution (Doc. 12238 du 4 mai 2010) sur les sévices sur des enfants placés en établissement: garantir la protection pleine et entière des victimes, présentée par M. Omtzigt et plusieurs de ses collègues, et se base à la place sur des événements ou affaires connus ayant donné lieu à des poursuites pénales (sans porter atteinte au principe de la présomption d’innocence des accusés) dans le passé et visant pour la plupart des établissements d’enseignement gérés par des ordres religieux catholiques.

Aurait-il été possible, au contraire, de trouver des sources autorisées dans les statistiques internationales et européennes relatives aux sévices infligés aux enfants? Oui.

Nous disposons de nombreuses études et statistiques importantes sur ce sujet. En particulier, trois documents internationaux fondamentaux méritent d’être cités:

A. L’étude du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence contre les enfants (2006)

Le 11 octobre 2006, les Nations Unies ont rendu publique la première étude du Secrétaire général consacrée à la violence contre les enfants: un document visant la violence exercée contre les enfants au sein de la famille, à l’école, dans les établissements de prise en charge, dans les lieux de détention, au travail et au sein de la communauté.

Il a fallu des années pour mener cette étude à bien grâce au concours de Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (hcdh).

Elle constitue une innovation sur deux points importants:

  • «Première étude détaillée à l’échelle mondiale pour décrire toutes les formes de violence infligée aux enfants»
  • «C’est la première fois que l’on a fait participer les enfants de manière directe et systématique à une étude. Des enfants ont en effet pris part à toutes les consultations régionales qui ont été menées dans le cadre de l’étude et ont décrit avec éloquence tant la violence qu’ils subissent que ce qu’ils proposent pour y mettre fin.» L’étude conclut ceci: «Diverses initiatives, allant des analyses statistiques internationales aux travaux de recherches locaux, donnent une image plus claire de l’ampleur et du caractère omniprésent du problème. Les données produites par ces initiatives montrent que, hormis certains cas imprévus et isolés, la majorité des actes de violence à l’encontre des enfants sont commis par des personnes qui font partie de leur vie: parents, camarades de classe, enseignants, employeurs, petit(e)s ami(e)s, conjoints et partenaires.» (voir la section II.B, no 28). La violence à l’encontre des enfants inclut la violence physique, la violence psychologique (comme les insultes et l’humiliation), la discrimination, la négligence et les mauvais traitements. Bien que les conséquences puissent varier selon la nature et la gravité de la violence infligée, les répercussions à court et à long terme sur les enfants sont souvent profondes et préjudiciables.
  • L’étude (Report UN A/61/299) inclut les statistiques d’ensemble suivantes (section II.B, p. 9-10, avec une référence à des études spécifiques):
    • 150 millions de filles et 73 millions de garçons de moins de 18 ans auraient subi un rapport sexuel imposé ou d’autres formes de violences sexuelles en 2004, 218 millions d’enfants ont dû travailler dont 126 millions dans des emplois dangereux ;
    • selon des estimations datant de 2000, 1,8 million d’enfants étaient soumis à la prostitution et à la pornographie ;
    • 80 % à 98 % des enfants subissent des châtiments corporels à la maison, le tiers ou davantage subissant des châtiments corporels sévères infligés à l’aide d’instruments.

B. L’Organisation mondiale de la santé a terminé en 2002 une étude intitulée «Rapport mondial sur la violence et la santé»

Ce document fait 404 pages et contient un résumé de 52 pages. Le chapitre 3 passe en revue, en citant les sources, de nombreuses études universitaires consacrées à l’ampleur du problème dans divers pays (sans pour autant être exhaustif).

Les principales constatations – telles qu’elles sont énoncées dans le résumé – s’établissent comme suit:

- «le rapport montre non seulement le bilan humain de la violence – plus de 1,6 million de morts chaque année et de nombreuses autres vies brisées sans que ce soit toujours visible – mais aussi (...) les différentes facettes de la violence interpersonnelle, de la violence collective et de la violence dirigée contre soi-même, tout en faisant ressortir les contextes dans lesquels elle survient. Il montre que là où la violence perdure, la santé est sérieusement compromise» (préface);

- «aucun pays et aucune collectivité ne sont à l’abri de la violence. Les images et les récits de violence sont omniprésents dans les médias; la violence est dans la rue, chez nous, à l’école, au travail et ailleurs encore» (p. 1-2);

- «la violence est un fléau universel qui détruit le tissu social et menace la vie, la santé et la prospérité de tous» (p. 1-2);

- «chaque année, la violence dans le monde fait plus de 1,6 million de morts. Pour une personne qui meurt des suites d’un acte de violence, beaucoup d’autres sont blessées ou confrontées à tout un éventail de problèmes physiques, sexuels, génésiques ou mentaux» (p. 1-2);

- «la violence est une question extrêmement délicate. Beaucoup ont du mal à l’affronter dans leur vie professionnelle, car elle soulève des questions incontournables sur leur vie personnelle» (p. 1‑2);

- «parler de la violence suppose que l’on aborde des problèmes complexes de morale, d’idéologie et de culture. Il y a donc bien souvent une résistance aux niveaux tant officiel que personnel à aborder le sujet» (p. 1-2);

- «l’objet [du] premier "Rapport mondial sur la violence et la santé" est de remettre en cause le silence, les interdits et le sentiment d’inéluctabilité qui entoure les comportements violents, et d’encourager le débat pour mieux comprendre ce phénomène extraordinairement complexe».

Le rapport inclut également les statistiques d’ensemble suivantes:

- on ne sait pas combien d’enfants à travers le monde sont victimes de violences sexuelles, mais des travaux de recherche permettent de penser qu’environ 20 % des femmes et entre 5 % et 10 % des hommes ont subi des sévices sexuels dans l’enfance (p. 83-84);

- parmi les études publiées où des adultes parlent rétrospectivement de leur propre enfance, les taux de prévalence de la violence sexuelle chez les hommes vont de 1 % en utilisant une définition restreinte des contacts sexuels avec recours à des pressions ou à la force à 19 % lorsqu’une définition plus générale est employée. Les taux de prévalence des violences sexuelles subies pendant l’enfance et déclarées par des femmes adultes vont de 0,9 %, si l’on utilise le mot «viol» pour définir les violences en question à 45 % si l’on emploie une définition beaucoup plus générale (p. 64);

- en incluant les violences infligées par des pairs dans la définition des violences sexuelles infligées aux enfants, la prévalence augmente de 9 %, et en incluant les cas où il n’y a pas de contacts physiques elle augmente de 16 % environ (p. 64);

dans la plupart des pays, les filles risquent plus que les garçons d’être victimes d’infanticide, de violence sexuelle, de privation sur le plan de l’éducation et de la nutrition, et d’être entraînées dans la prostitution forcée. (...) Les conclusions de plusieurs études internationales montrent que les taux de violence sexuelle sont de 1,5 à 3 fois supérieurs chez les filles. Dans le monde, plus de 130 millions d’enfants âgés de 6 à 11 ans ne sont pas scolarisés, dont 60 % de filles» (p. 66);

- d’une façon générale, ce sont les jeunes enfants qui sont les plus exposés aux risques de violences physiques, alors que c’est parmi les enfants qui ont atteint la puberté ou l’adolescence que les sévices sexuels sont les plus fréquents (p.78, 84-89);

- d’après les données disponibles, il semble que des centaines de milliers de femmes et de jeunes filles dans le monde entier soient achetées et vendues chaque année comme prostituées ou esclaves sexuelles, ou victimes de violence sexuelle à l’école, au travail, dans des établissements de soins ou dans des camps de réfugiés (p.135-140).

C. L’abus sexuel des enfants en Europe

Une étude coordonnée par Corinne May-Chahal et Maria Herczog (286 pages) a été publiée par les Editions du Conseil de l’Europe en 2003 et vise à «donner un aperçu du problème que représente l’abus sexuel d’enfants en Europe; [elle] attire également l’attention sur l’échec des politiques et programmes existants (…)».

Quelques statistiques significatives:

- les abus sexuels et l’exploitation des enfants sont des problèmes importants en Europe aujourd’hui et il est établi que 10 % à 20 % des enfants seraient victimes de violences sexuelles au cours de leur enfance ;

- dans tous les pays d’Europe, les statistiques criminelles offrent une représentation de l’abus sexuel d’enfant inférieure à la réalité ;

- l’ensemble des études réalisées montre que la prévalence de l’abus sexuel d’enfants ne régresse pas avec le temps ;

- malgré l’histoire relativement longue de la reconnaissance du phénomène de l’abus sexuel d’enfants, il existe peu d’études comparatives et de bases de données en la matière en Europe (p. 10-11) ;

- bien que l’attention du public soit souvent focalisée sur l’image du «rôdeur sournois» dans les médias, les abus sexuels sur les enfants sont le plus souvent commis au sein de leur entourage, dans leur famille, par des amis, les personnes qui s’occupent d’eux, voire par leurs pairs (p. 11‑33) ;

- ces abus prennent diverses formes: l’inceste, la prostitution, la pornographie, les violences sexuelles commises par d’autres enfants, l’abus sexuel en institution, autant d’actes qui sont tous considérés comme des comportements sexuels anormaux (p. 11-33) ;

- on estime entre 4 % et 5 % le nombre de filles ayant déclaré avoir été victimes de sévices infligés par leur père, beau-père ou père adoptif (…). Cela équivaut, sur une population de 10 millions d’enfants, à 400 000-500 000 personnes. L’abus sexuel perpétré au sein des familles reste donc un phénomène de grande ampleur (p. 11-12) ;

- entre un cinquième et la moitié des auteurs d’abus sexuels sur des enfants sont eux-mêmes des adolescents (p. 12) ;

- les victimes interrogées par certaines études pour savoir si elles ont signalé les abus sexuels qu’elles ont subis aux autorités telles que les services de police, de santé ou les services sociaux répondent en majorité n’avoir rien fait (p. 12) ;

- les violences sexuelles sur enfant sont plus généralement le fait d’hommes. C’est le cas pour 92 % à 99 % des victimes de sexe féminin et 65 % à 68 % des victimes masculines (p. 14) ;

- l’hypothèse avancée par les spécialistes, selon laquelle les auteurs d’abus sexuels seraient d’anciennes victimes, n’a pas été scientifiquement prouvée. Les études de prévalence estiment que 3 % à 19 % de l’ensemble de la population masculine et environ 30 % des auteurs connus de ce type d’infraction ont été victimes d’abus sexuels dans leur enfance (…) (p. 27).

2. Quelles sont les limites les plus évidentes de l’exposé des motifs?

Comme nous l’avons déjà dit, le fait que l’exposé des motifs (Rupprecht) se concentre exclusivement sur l’Eglise catholique pourrait indiquer en soi que le principal objectif de ce document est moins de résoudre le problème des sévices infligés aux enfants que de participer à la campagne menée contre cette Eglise. L’exposé des motifs utilise trop d’informations émanant de journalistes sans évaluer au préalable leur fiabilité. La rapporteuse reconnaît que «le rapport n’examine pas la situation des enfants dans les pays d’Europe du Sud et de l’Est» (paragraphe 6) et que «la période et le cadre couverts par ce rapport ne permettent pas de procéder à une analyse exhaustive de la législation pertinente des Etats membres du Conseil de l’Europe» (paragraphe 44).

Quels sont donc cette période et ce cadre qui ne permettent pas une étude exhaustive des faits et de la législation pertinente dans bon nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe? Nous devrions exiger, comme c’est le cas habituellement pour chaque rapport, une étude exhaustive des faits et de la législation pertinents sinon dans la totalité, du moins dans un bon nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Il est clair que ce rapport a été rédigé à la hâte afin d’être publié et adopté en même temps que le lancement – les 29 et 30 novembre 2010 à Rome – de la Campagne du Conseil de l’Europe contre la violence sexuelle à l’égard des enfants. Ce texte pourrait conférer une tonalité générale anticatholique à ladite campagne.

Ce rapport ne fournit pas la moindre information relative aux sévices infligés à des enfants hors des organisations religieuses comme les internats publics, les orphelinats, les centres pour enfants handicapés ou les prisons pour mineurs, et ne cherche même pas à le faire. Pas plus qu’il ne s’attaque au problème des sévices infligés par d’autres enfants dans les établissements. L’auteur ne donne aucun élément de comparaison. Il aurait été intéressant de savoir si, proportionnellement, les sévices sont plus fréquents dans les établissements religieux que dans les établissements et les familles laïcs, comme l’auteur semble le supposer. Les informations fiables et les statistiques disponibles par le biais des ministres de la Justice auraient dû figurer dans l’exposé des motifs. Une telle approche aurait ôté au rapport son caractère tendancieux.

Le rapport alimente «la suspicion générale» à l’égard des établissements religieux. L’exposé des motifs a fréquemment recours aux généralisations et aux stéréotypes. Pour être équilibré et objectif, le rapport aurait dû fournir des informations et des statistiques vérifiées et détaillées plutôt qu’énoncer des présomptions et des insinuations. De même, au lieu d’insister uniquement sur «la thèse de l’accusation», il aurait pu utilement décrire les mesures prises par une institution comme l’Eglise catholique en vue de «purifier» son clergé (pour reprendre les propos du pape). Depuis quelques années, l’Eglise catholique reconnaît ouvertement les graves erreurs disciplinaires commises par plusieurs évêques et a adopté des mesures plus strictes visant à s’attaquer au problème des sévices infligés aux enfants, mesures qui semblent aujourd’hui commencer à porter leurs fruits. Une description des règles et des directives canoniques récemment adoptées par l’Eglise pour s’attaquer à ce problème aurait été opportune. (Ces documents, publiés avec le Motu Proprio «Sacramentum sanctitatis tutela» peuvent être consultés sur le site www.vatican.va. Il est également possible de se renseigner sur les initiatives adoptées à la suite de ce Motu Proprio au niveau national en se rendant sur les sites web des conférences épiscopales d’Allemagne et de Belgique.)

3. Points sur les accusations concernant spécifiquement les institutions catholiques

Au paragraphe 12, il serait juste d’ajouter, à la fin de la description de ce qui s’est passé en Irlande, que le pape Benoît XVI a réagi en personne à la situation et que des mesures sévères ont été prises à l’encontre des prêtres et des évêques impliqués. En ce qui concerne le «cas irlandais», il est essentiel d’examiner de plus près les données figurant dans le rapport de 2002 sur les violences et abus sexuels en Irlande (SAVI report, Sexual Abuse and Violence in Ireland), qui met en lumière la complexité d’un phénomène dont la gravité et l’ampleur vont bien au-delà des sévices commis dans des institutions catholiques. D’après ce rapport, en Irlande:

  • «un quart (24 %) des auteurs d’abus commis sur des filles étaient des membres de leur famille, la moitié (52 %), sans faire partie de la famille, étaient connus des victimes, et un quart (24 %) étaient des inconnus;
  • (…) les abus sexuels commis sur des garçons étaient moins fréquemment le fait de membres de leurs familles. Dans un cas sur sept (14 %), l’auteur était un membre de la famille, tandis que dans deux tiers des cas (66 %) il s’agissait de personnes étrangères à la famille mais connues de la victime. Un cas sur cinq (20 %) était le fait d’inconnus;
  • dans 22 % des cas signalés par des hommes et 16 % des cas signalés par des femmes, l’auteur des sévices était une personne d'autorité, tandis que dans respectivement 19 % et 23 % des cas, il s’agissait d’un étranger. Les membres du clergé et les enseignants de religion constituent ensemble la plus grande catégorie de personnes ayant autorité coupables d'abus sexuels sur des garçons, 5,8 % des garçons ont subi des sévices sexuels commis par des prêtres et religieux. Dans le cas des filles, cette proportion était plus faible (1,4 %). Le principal groupe de personnes ayant autorité qui se sont rendues coupables de sévices sur des filles était constitué par les baby-sitters, avec 4,6 % des cas. Une proportion similaire de garçons a subi des sévices de la part de baby-sitters (4,2 %)».
Les paragraphes 20, 21 et 23 portant sur l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas traitent uniquement de l’Eglise catholique. L’exemple allemand (voir paragraphe 18) devrait amener à se demander si, dans ces pays, l’attention n’a pas été portée unilatéralement sur les institutions catholiques, ignorant les autres. Ainsi, pour l’Allemagne, il est bien connu que les sévices les plus graves ont eu lieu dans les 474 maisons d’enfants d’Allemagne de l’Est. Il est assez surprenant que cet exposé des motifs ne s’attarde pas sur ces faits et que le ton utilisé pour parler de ces maisons soit totalement différent de celui employé pour l’Eglise catholique.

Le paragraphe 21 indique que la polémique suscitée par la manière dont la procédure visant l’Eglise catholique a été menée en Belgique «pose la question de l’efficacité de ce type de procédures». Le problème n’est peut-être pas seulement celui de l’efficacité. Les questions qui se posent sont aussi celle du respect des droits fondamentaux des évêques impliqués lors de l’enquête policière et celle de savoir si elle n’a pas été conduite de manière inutilement spectaculaire à l’intention des médias.

Au paragraphe 22, à propos de l’Italie, il aurait convenu de signaler qu’il y a eu aussi plusieurs cas d’accusations mensongères contre des prêtres catholiques. Ces cas de «sévices imaginaires» sont souvent mentionnés dans la presse italienne. A titre d’exemple, le cas le plus connu est celui du père Giorgio Govoni (1941-2000), décédé d’une attaque cardiaque en 2000 après avoir entendu le réquisitoire du procureur de Modène, qui l’accusait de sévices abominables. En 2001, la cour d’appel de Bologne, suivie par la Cour suprême (Corte di Cassazione) en 2002, a reconnu que le père Giorgio était totalement innocent, qualifiant les prétendus sévices de «produits de l’imagination d’un travailleur social». Il n’est pas possible de traiter de la situation en Italie en ignorant les informations provenant de la presse, des autorités éducatives et de la justice elle-même, qui font état de plusieurs cas dramatiques de «sévices imaginaires» impliquant des prêtres catholiques.

Le paragraphe 29 tente de résumer un entretien accordé par Mgr Scicluna et publié sur le propre site web du Vatican. Pour un lecteur non averti, il n’est pas forcément évident que les statistiques présentées par Mgr Scicluna concernent uniquement les affaires poursuivies en vertu du droit canon. Il conviendrait peut-être de reformuler ce paragraphe comme suit:

«Des allégations sont faites, notamment au niveau national, ainsi qu’à un niveau plus local, à l’encontre de l’Eglise catholique, soupçonnée d’avoir couvert et protégé les membres de son clergé et de s’être contentée de transférer des prêtres coupables d’abus sexuels sur des enfants vers d’autres diocèses ou d’autres fonctions, dans lesquels il pouvait commettre les mêmes forfaits. Mgr Charles J. Scicluna, «promoteur de justice» de la Congrégation pour la doctrine de la foi, admet dans un entretien qu’il y a eu, par le passé, des problèmes avec des prêtres et des évêques. Il a fourni des statistiques sur les affaires soumises à la Congrégation pour la doctrine de la foi après que celle-ci a obtenu compétence pour ces affaires, en 2001. Dans environ 20 % des cas concernant des prêtres soupçonnés de pédophilie, des procédures pénales ou administratives ont eu lieu dans le diocèse concerné. Dans 60 % des cas, seules des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre des prêtres en cause, essentiellement en raison de leur âge avancé, qui se sont vu interdire de célébrer la messe en public ou contraints de prendre leur retraite. Dans 20 % des cas, les plus graves, étayés par des preuves écrites, le pape lui-même a pris la responsabilité de destituer les prêtres de leur statut et de leurs fonctions religieuses. Ces données concernent des procédures de droit canon internes à l’Eglise et ne doivent pas être confondues avec la coopération ou l’absence de coopération de l’Eglise catholique avec les autorités séculières pour faciliter la poursuite des prêtres pédophiles par des tribunaux séculiers. A cet égard, nonobstant l’entière compréhension de la fonction particulière et de la position sensible des institutions catholiques dans nos sociétés, la rapporteuse se contente de faire valoir que les institutions ecclésiastiques ont la même obligation de respecter et d’appliquer rigoureusement les législations nationales que toutes les autres organisations publiques et privées.»

Le paragraphe 30 pose également plusieurs problèmes et comporte au moins une erreur factuelle. La phrase «le délai de prescription pour les abus commis sur des enfants a été étendu de dix à vingt ans» est imprécise dans la mesure où elle semble indiquer les règles de prescription en vigueur dans des juridictions autres que les tribunaux de l’Eglise catholique, juridictions devant lesquelles le délai de dix ou vingt ans commence à courir à partir du jour où l’infraction a été commise. En droit canon, au contraire, pour ces délits, «la prescription commence à courir à partir du jour où le mineur a eu 18 ans» (Normae de gravioribus delictis, section 7, paragraphe 2).

Au paragraphe 56, il aurait dû être rappelé que l’Eglise catholique n’est pas et ne saurait être soumise aux «mêmes règles de transparence (…) que les autres établissements privés ou publics». L’Eglise catholique n’est pas un «établissement privé»; comme d’autres organisations religieuses, elle est dépositaire d’informations confidentielles sensibles, qui doivent être protégées de manière beaucoup plus stricte que dans le cas d’établissements privés. Cette phrase aurait dû être modifiée de manière à ce que les règles de transparence soient compatibles avec les droits et devoirs de confidentialité propres à ses membres, prêtres ou laïcs.

4. Les abus dans des institutions non religieuses auraient dû être examinés

De nombreux sévices sur enfants sont commis dans des écoles publiques, des institutions sportives et d’autres établissements séculiers. Voilà quelques exemples de cas qui auraient dû être traités dans le rapport:

Ecoles publiques:

- au Royaume-Uni, 62 enfants sur 71 ont subi des mauvais traitements de la part de leurs camarades de classe; 34 % des jeunes Européens disent avoir été harcelés par leurs camarades de classe au cours des trois derniers mois; la violence en réunion a augmenté subitement en Europe de l’Est (Consultation régionale, 5-7 juillet 2005, Ljubljana, Haut-Commissariat aux droits de l’homme, OMS, UNICEF, Conseil de l’Europe, Gouvernement slovène);

- en Allemagne, la terrible affaire de l’Odenwaldschule, internat non confessionnel des environs de Franvoirort, où des sévices abominables ont été commis par des enseignants et entre élèves pendant des années et où il y a eu au moins quatre suicides (Apcom, 8 mars 2008 et Frankfurter Rundschau);

- en Italie, il y a eu plusieurs cas de violences sur des enfants perpétrées par des enseignants d’écoles maternelles publiques (par exemple à Pistoia, Corriere fiorentino, 3 décembre 2009);

- en Suisse, un éducateur et précepteur de 50 ans a été condamné pour abus sexuels sur ses élèves (www.veriabusi.blogspot.com/2010);

- au Portugal, six personnes ont été condamnées, dont un présentateur vedette de la télévision et un ancien ambassadeur auprès de l’UNESCO, pour attentat à la pudeur et abus sexuels sur enfants au foyer pour enfants Casa Pia de Lisbonne (www.crimeblog.it, 4 septembre 2010);

- dans l’ex-RDA, il y a eu jusqu’en 1989 une soixantaine d’établissements publics (Spezialkinderheim) dans différentes villes où «le système même légitimait le sadisme des supérieurs et des enseignants», comme l’ont révélé des entretiens publiés par la Frankfurter Allgemeine Zeitung (Il Giornale, 29 mars 2010).

Institutions sportives:

- une enquête sur les abus sexuels commis dans des institutions sportives au Royaume-Uni a révélé des faits choquants. Dans d’autres pays, un athlète professionnel sur cinq a subi des violences et abus sexuels. Des entraîneurs célèbres comme M. Drew, G. Gibney et B. Sutton ont été impliqués dans des d’affaires de ce type (The Guardian-Observer Sports monthly, 7 avril 2002);

- en 2009, un professeur de natation a été condamné en Italie pour abus sur ses élèves (22 décembre 2008).

Autres «institutions»:

- la spectaculaire opération Himmel, qui a entraîné la démission du maire de Merseburg, l’ouverture d’une enquête sur 300 personnes et 1 700 inculpations en Haute-Saxe et dans le Bade-Wurtemberg (www.rainews24.rai.it, décembre 2007);

- Goran Lindberg, ancien chef de la police d’Uppsala, ancien recteur de l’Académie de police et expert auprès de l’ONU sur la violence contre les femmes fait face à 23 chefs d’inculpation pour abus sexuels sur mineurs, torture, sadisme et viol (Corriere della Sera, 30 juin 2010);

- après l’affaire choquante de la non-extradition du réalisateur de cinéma Roman Polanski (arrêté le 27 septembre 2009 et relâché le 13 juillet 2010), condamné pour viol et pédophilie aux Etats-Unis, qui a mobilisé une partie de l’establishment culturel européen, opposé à son arrestation, en Italie, le professeur de théâtre Pino La Monica a été condamné pour pédophilie sur 11 de ses élèves (www.bambinicoraggiosi.com, juin 2010), tandis que le chef d’orchestre russe Mikhail Plentev est accusé de viol en Thaïlande (Quotidiano Nazionale, 8 juillet 2010);

- n’oublions pas l’absence de tout réexamen critique, quarante ans après, par les signataires du manifeste (pétition) de défense de la pédophilie publié dans Libération en 1977 (Corriere della Sera, 7 mai 2010);

- aucune mention n’est faite des institutions politiques – pas même une référence critique –, comme dans l’incroyable affaire du parti pédophile néerlandais, le PNVD – Parti de la charité, de la liberté et de la diversité (www.repubblica.it, 30 mai 2006);

- dans un cadre plus large, couvert par la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, mais absent du présent exposé des motifs, toutes les mesures possibles doivent être prises pour lutter contre la pédophilie et la pornographie enfantine sur internet. Ces cinq dernières années, le nombre d’affaires criminelles en Europe a enregistré une augmentation spectaculaire de 131 %, 92 % des enfants exploités étant européens et 65 % des clients et 52 % des sites internet étant situés sur le territoire européen (Telefono Arcobaleno, Rapporto 2003-2007). Ces données sont encore confirmées par l’arrestation récente, en Espagne, de 51 personnes pour pornographie enfantine et la découverte de plus d’un million de fichiers (www.veriabusi.blogspot.com, décembre 2009). En Italie, selon la police postale, 11 % des mineurs ont déjà «chatté» avec un pédophile (Ign/ITnews, 12 janvier 2008). Il serait donc utile de demander au Comité des Ministres de suivre les bonnes pratiques des Etats-Unis, par exemple, où le réseau social MySpace a signé un accord avec 49 Etats américains pour la Constitution d’un front contre la pornographie enfantine (www.hwfiles.it, janvier 2008). Le Comité des Ministres aurait pu être invité à adhérer à la stratégie commune de l’Union européenne sur les droits de l’enfant et contre leur disparition (http://ec.europa.eu, 26 mai 2010), qui prévoit la création d’une ligne d’assistance téléphonique (numéro: 116000). Dans ce contexte, une importante étude sur l’esclavage au niveau mondial fait apparaître que la Grande-Bretagne est un point de transit majeur des mouvements mondiaux d’enfants esclaves. Plus de 5 000 enfants sont contraints de travailler comme esclave sexuel au Royaume-Uni, des milliers d’entre eux étant introduits dans le pays par des bandes criminelles, en particulier de Roumanie, de Lituanie et d’Afrique (The Independent on Sunday, 25 février 2007, Joseph Rowntree Foundation Research).

De même, une réponse positive aurait pu être donnée à la demande du Secrétaire général des Nations Unies de rendre passible de poursuites les militaires de pays participant à des opérations de maintien de la paix reconnus coupables de viol et de violences contre des mineurs (Il Foglio, 25 mai 2010). La solution aux abus sexuels contre les enfants ne réside probablement pas uniquement dans un contrôle accru de l’Etat sur les personnes et les institutions. Il est également nécessaire de renforcer la lutte contre la pornographie en général, et pas seulement contre la pornographie enfantine. Il était donc possible de fonder la résolution sur des documents et données reconnus internationalement et pas exclusivement sur des articles anticatholiques et des «scandales» médiatiques. Il aurait également dû être possible d’établir des parallèles avec d’importantes études réalisées par des auteurs indépendants, telles que celles mentionnées lors de l’audition publique de juin dernier par le professeur Massimo Introvigne: 1. Philip Jenkins, qui démontre dans son ouvrage Paedophiles and Priests, paru chez Oxford University Press en 1996, qu’il existe non seulement des cas de pédophilie chez les prêtres catholiques (0,2 %) et chez les officiants d’autres religions et croyances (2 %), mais aussi une espèce de spéculation de la part de «leaders moraux» qui s’évertuent à exagérer les données concernant les prêtres catholiques; 2. l’étude du John Jay College of Criminal Justice, City University New York, qui présente des données comparatives sur une période importante (1950-2002).

Un avis divergent était donc nécessaire pour appréhender le phénomène dans un cadre plus large, recenser des études qui font autorité et démontrer la complexité, l’ampleur et l’extrême gravité des abus sexuels en Europe et dans différentes institutions.