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Rapport | Doc. 12454 | 17 décembre 2010

L’obligation des Etats membres du Conseil de l’Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Miljenko DORIĆ, Croatie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11602, Renvoi 3494 du 3 octobre 2008. 2011 - Première partie de session

Résumé

La justice et l’obligation de rendre des comptes des crimes de guerre perpétrés dans le cadre des conflits survenus sur le territoire de l’ex-Yougoslavie sont des éléments essentiels du processus de réconciliation régionale. S’agissant des affaires non traitées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), depuis 2005, c’est aux Etats concernés qu’il revient en premier lieu de veiller à ce que les responsables présumés de crimes de guerre répondent de leurs actes et à ce que ces crimes ne restent pas impunis, conformément à la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY. La coopération entre les Etats concernés est fondamentale pour combattre l’impunité.

Il est également nécessaire d’impliquer des Etats tiers dans cette coopération, notamment ceux dans lesquels se trouvent des personnes soupçonnées de crimes de guerre. La Convention européenne d’extradition (STE no 24) et ses trois protocoles définissent des procédures et des normes pour les demandes d’extradition. Elle a été ratifiée par tous les Etats membres, contrairement aux protocoles. Quant aux pays observateurs, ils n’ont ratifié ni la convention, ni les protocoles. La règle générale sur l’obligation d’extrader édictée par la convention fait l’objet d’importantes exceptions et conditions; en outre, de nombreuses déclarations et réserves ont été émises par les Etats membres.

Le motif le plus fréquent de rejet des demandes d’extradition pour des personnes soupçonnées de crimes de guerre est leur nationalité. D’autres raisons concernent la question de l’équité des procès, l’immunité diplomatique, le statut de réfugié, les préoccupations sur le caractère discriminatoire de certaines sanctions et poursuites, et la prescription.

A l’avenir, on observera une augmentation du nombre de demandes d’extradition des Etats de l’ex-Yougoslavie portant sur des personnes soupçonnées de crimes de guerre, ce qui soulèvera de nouvelles questions dans la mise en œuvre de la convention et de ses protocoles. Le Comité des Ministres devrait donc veiller à ce que les préoccupations ci-dessus soient prises en compte par les instances du Conseil de l’Europe chargées de réviser la convention, en soulignant les questions liées à la coopération avec des pays tiers et d’autres organisations internationales.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 16 septembre
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle, comme le soulignait sa Résolution 1564 (2007) sur les poursuites engagées pour les crimes relevant de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), que la justice individuelle et l’obligation de rendre des comptes pour les crimes de guerre perpétrés dans le cadre des conflits survenus sur le territoire de l’ex-Yougoslavie sont des éléments essentiels du processus de réconciliation régionale pour les victimes, les communautés et les Etats concernés. L’impunité doit donc être combattue avec détermination.
2. A l’instar de la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY, la Résolution 1564 (2007) a souligné que la responsabilité principale de veiller à ce que les auteurs de crimes de guerre répondent de leurs actes incombait aux Etats concernés. Dans ce contexte, tout en réaffirmant l’obligation de coopérer pleinement et effectivement avec le TPIY, l’Assemblée a mis l’accent sur l’importance de l’effectivité des procès internes pour crimes de guerre ainsi que de la coopération entre les pays concernés afin de garantir l’efficacité de la justice dans la région.
3. L’Assemblée se félicite à cet égard des progrès accomplis par les Etats de l’ex-Yougoslavie, qui ont réduit la «zone d’impunité» grâce à une coopération accrue, y compris par la conclusion d’accords bilatéraux d’extradition et de reconnaissance des jugements rendus à l’étranger. L’Assemblée salue en particulier la coopération entre les procureurs nationaux qui ont conclu des accords bilatéraux spéciaux, lesquels, en facilitant le transfert d’informations et d’éléments de preuves, se sont révélés efficaces.
4. Cela étant, il est clair que les Etats concernés ne peuvent combattre avec succès l’impunité lorsque les auteurs présumés de crimes de guerre se trouvent hors d’atteinte dans des Etats tiers. Par conséquent, il faut que les autres Etats membres et observateurs luttent pareillement contre l’impunité lorsque des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre se trouvent sur leur territoire. Ces personnes doivent être extradées ou poursuivies dans leur pays de résidence.
5. Par conséquent, la coopération entre tous les Etats est essentielle, comme le soulignait déjà la Résolution 827 (1993) du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies établissant le TPIY. Il est indispensable d’empêcher que la «zone d’impunité» régionale soit remplacée par une autre «zone d’impunité» ailleurs en Europe ou dans le monde.
6. En ce qui concerne l’extradition, l’Assemblée a clairement indiqué que l’interdiction d’extradition des nationaux constitue une sérieuse entrave au cours de la justice. L’Assemblée se félicite de la levée par l’un des Etats concernés, à savoir la Croatie, de l’interdiction constitutionnelle d’extrader ses propres ressortissants. Cela dit, les restrictions pesant sur l’extradition de ressortissants sont fréquentes chez les Etats membres du Conseil de l’Europe.
7. Le droit conventionnel du Conseil de l’Europe, en particulier la Convention européenne d’extradition (STE no 24) et ses trois protocoles (STE no 86, STE no 98 et STCE no 209), énoncent les normes applicables aux demandes d’extradition. Cela étant, ces protocoles n’ont pas encore été ratifiés par l’ensemble des Etats membres, et aucun Etat observateur n’a ratifié la convention ou ses protocoles. La règle générale de l’obligation d’extrader fait l’objet d’importantes exceptions et conditions qui sont énoncées dans la convention elle-même et dans ses protocoles. En outre, ces instruments sont interprétés différemment par les Etats membres et font l’objet de déclarations et de réserves qui réduisent plus encore leur champ d’application.
8. Par ailleurs, il est regrettable de constater que d’autres normes internationales ou du Conseil de l’Europe, pertinentes pour lutter contre l’impunité, n’ont pas été largement acceptées. Ainsi, très peu d’Etats membres ont ratifié la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre de 1974 (STE no 82). Moins de la moitié d’entre eux ont ratifié la Convention des Nations Unies sur le même sujet. Sept Etats membres et deux Etats observateurs n’ont pas encore ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Moins de la moitié des Etats membres ont ratifié la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs (STE no 70). Même ratifiés, ces instruments font souvent l’objet de multiples réserves et déclarations restrictives.
9. L’Assemblée rappelle également sa Recommandation 1427 (1999) sur le respect du droit international humanitaire en Europe, qui invite les Etats membres à introduire dans le droit pénal interne le principe aut dedere aut iudicare (extrader ou poursuivre), ce qui rendrait possible le jugement de tout auteur présumé de crimes de guerre dans l’Etat où il se trouve, dès lors que des obstacles empêchent son extradition vers les Etats où les crimes ont été commis.
10. L’Assemblée exhorte tous les Etats membres et observateurs:
10.1. à prendre toutes les mesures nécessaires afin de lutter contre l’impunité des responsables de crimes de guerre, conformément aux initiatives de l’Assemblée et des Nations Unies;
10.2. à signer et à ratifier les conventions et les protocoles mentionnés aux paragraphes 7 et 8 et dans sa Recommandation 1803 (2007) sur les poursuites engagées pour les crimes relevant de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et, le cas échéant, à retirer les déclarations et les réserves apportées à ces instruments qui s’opposent à leur objet et à leur but;
10.3. à ne pas accorder la nationalité à une personne inculpée de crimes de guerre dans un autre Etat;
10.4. à examiner rapidement les demandes d’extradition;
10.5. à instruire de bonne foi les demandes d’extradition pour crimes de guerre;
10.6. à introduire le principe aut dedere aut iudicare (extrader ou poursuivre) dans le droit pénal interne, en particulier concernant les procès pour crimes de guerre.
11. L’Assemblée encourage par ailleurs les Etats concernés de la région:
11.1. à poursuivre les réformes de leur droit interne en vue de faciliter plus encore la tenue de procès pour crimes de guerre, y compris la transmission des procédures;
11.2. à poursuivre une coopération mutuelle efficace pour réprimer les crimes de guerre, en particulier par le moyen d’une coopération des parquets nationaux concernant le transfert d’informations et d’éléments de preuves;
11.3. à améliorer la collecte des données relatives spécifiquement aux demandes d’extradition pour crimes de guerre ou crimes liés à la guerre, ainsi qu’aux mandats d’arrêt internationaux déjà émis, de manière à évaluer avec précision l’ampleur du problème et les solutions permettant d’y remédier de manière systématique;
11.4. à adopter les meilleures pratiques suivies dans la région quant à la levée de l’interdiction d’extradition des nationaux et à la reconnaissance des jugements rendus à l’étranger;
11.5. à lever tout autre obstacle juridique entravant la répression des crimes de guerre identifiés dans sa Résolution 1564 (2007).
12. Dans le cadre de la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY, l’Assemblée encourage le TPIY et le Conseil de sécurité de des Nations Unies à prendre en compte le rôle joué par d’autres Etats que ceux directement concernés dans la répression des crimes de guerre perpétrés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
13. L’Assemblée encourage également l’Union européenne à examiner les voies possibles de renforcement de la coopération entre ses Etats membres et les Etats concernés en matière de répression des crimes de guerre, dont certains souhaitent entamer ou ont déjà entamé le processus d’adhésion.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 16 septembre
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution … relative à l’obligation des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre, recommande au Comité des Ministres:
1.1. d’exhorter les Etats membres et observateurs à signer et à ratifier les conventions mentionnées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution et à réexaminer les déclarations et réserves limitant leur champ d’application;
1.2. de charger le Comité européen pour les problèmes criminels et le Comité d’experts sur le fonctionnement des Conventions européennes sur la coopération dans le domaine pénal d’évaluer la mise en œuvre du principe aut dedere aut iudicare (extrader ou poursuivre) et les mesures de transposition en droit interne du principe de la compétence universelle en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité;
1.3. d’informer le groupe d’experts chargé de réviser et de moderniser la Convention européenne d’extradition (STE no 24) des préoccupations de l’Assemblée quant à la coopération des Etats membres en matière de répression des crimes de guerre et de l’inviter à les prendre pleinement en considération dans ses travaux;
1.4. d’inviter le Comité d’experts sur l’impunité du Comité directeur pour les droits de l’homme à tenir compte de ce thème dans son projet de lignes directrices contre l’impunité dans le cadre de violations graves des droits de l’homme.

C. Exposé des motifs, par M. Dorić, rapporteur 
			(3) 
			Le rapporteur souhaite
remercier, pour son aide, Mme Mary Wyckoff, ancienne chef de l’unité
«Rule of Law» de la mission de l’OSCE en Croatie. La présente note
introductive s’inspire principalement d’un document de travail élaboré
par Mme Wyckoff. Il souhaite également remercier les chefs des délégations
de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» et de Serbie pour l’avoir assisté dans la collecte
de données relatives aux suspects de crimes de guerre dans son rapport.

(open)

1. Introduction

1. Comme énoncé dans la proposition de recommandation 
			(4) 
			Voir Doc. 11602., en 2007, l’Assemblée parlementaire a clairement déclaré que la responsabilité individuelle pour les crimes de guerre commis dans le cadre des conflits s’étant déroulés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie était «un élément indispensable du processus de réconciliation pour les victimes, les communautés et les pays concernés» 
			(5) 
			Résolution 1564 (2007) relative
aux poursuites engagées pour les crimes relevant de la compétence
du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), paragraphe
2. Le présent rapport se concentre sur les crimes de guerres commis
dans la région des Balkans. Le rapporteur est toutefois conscient
que la problématique des crimes de guerre concerne également d’autres
Etats membres; à cet égard, voir notamment la Résolution 1683 (2009) sur la guerre
entre la Géorgie et la Russie: un an après, ainsi que le Doc. 12010, rapport
de la commission pour le respect des obligations et engagements
des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi).. Pour que justice soit faite, l’Assemblée a déclaré qu’il convenait de combattre l’impunité «avec détermination». Dans le cadre de la Stratégie d’achèvement de ses travaux 
			(6) 
			En
2003, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé le calendrier suivant
pour la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY: 2004 (fin des
enquêtes); 2008 (fin des jugements d’instance); 2010 (fin de l’ensemble
des travaux). Résolution 1503 (2003) du Conseil de sécurité de l’ONU.
En 2004, le Conseil de sécurité a imposé l’obligation au TPIY de faire
rapport, tous les six mois, sur les progrès accomplis dans la mise
en œuvre de la Stratégie d’achèvement des travaux, ainsi que de
traiter cette question dans son rapport annuel à l’Assemblée générale. Résolution 1534 (2004) du Conseil
de sécurité. A la fin de l’année 2009, le calendrier relatif à la
Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY a été prolongé comme
suit: 2010 (achèvement de tous les procès – sauf 4); 2011 (achèvement
de tous les procès – sauf un); 2012 (achèvement de tous les procès);
2013 (achèvement de toutes les procédures d’appel – sauf une); 2014 (achèvement
de toutes les procédures d’appel). Déclaration du juge Patrick Robinson,
président du TPIY, devant le Conseil de sécurité, en date du 3 décembre
2009, dans laquelle M. Robinson présente le 12e Rapport sur la Stratégie d’achèvement
des travaux du tribunal; voir également les évaluations et le rapport
du juge Patrick Robinson, S/2009/589, 13 novembre 2009, paragraphes
4 et 5. , le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) concentre désormais son action sur un nombre réduit de personnes et de crimes 
			(7) 
			Le TPIY a mis en accusation
un total de 161 personnes et a clos les procédures concernant 121
d’entre elles: 11 ont été acquittées, 61 condamnées, et 13 ont vu
leur affaire renvoyée devant une cour de l’ex-Yougoslavie; par ailleurs, 36 affaires
ont été proclamées terminées. Les procédures en cours concernent
40 accusés: 13 sont en appel, 24 sont en procès, et un en phase
préliminaire de procès; par ailleurs, deux accusés sont toujours
en fuite. Voir Le TPIY en bref, 22 décembre 2009,
no 70. , et renvoie les autres affaires 
			(8) 
			La question de la responsabilité
de l’Etat (à distinguer de la responsabilité pénale individuelle)
pour les crimes commis lors des conflits armés s’étant déroulés
sur le territoire de l’ex-Yougoslavie a fait l’objet d’un litige
entre Etats devant la Cour internationale de justice (CIJ) aux termes
de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro,
décision sur le fond, 26 février 2007; Croatie
c. Serbie, décision établissant que la Cour a compétence
pour connaître de l’affaire au fond, 18 novembre 2008. D’après certains
rapports publiés dans les médias, la Serbie aurait lancé une contre-plainte
contre la Croatie. Voir Serbia Hits Back
with Genocide Suit against Croatia (la Serbie contre-attaque
et lance des poursuites pour génocide contre la Croatie), <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>,
6 janvier 2010. devant les juridictions nationales compétentes. Ainsi, depuis 2005, c’est aux Etats situés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie («les Etats concernés») qu’incombe au premier chef l’obligation de veiller à ce que les responsables présumés de crimes de guerre répondent de leurs actes et de lutter contre l’impunité de ces crimes.
2. La proposition de recommandation réitère l’observation de l’Assemblée selon laquelle l’efficacité des poursuites dépend de la coopération entre les Etats concernés; ceux-ci sont donc invités, une nouvelle fois, à lever tous les obstacles juridiques s’opposant au bon déroulement de la justice. A cet égard, la Résolution 1564 (2007) mentionne tout particulièrement l’interdiction d’extrader des nationaux 
			(9) 
			L’Assemblée a conclu
«que la non-extradition des nationaux ne devrait pas s’appliquer
aux personnes inculpées de crimes de guerre dès lors que les garanties
d’un procès juste et équitable existent» et a invité «les autorités
compétentes des Etats concernés à lever immédiatement l’interdiction
d’extradition de leurs nationaux inculpés de crimes de guerre». Résolution 1564 (2007),
paragraphes 19.1 et 21.1.1., qui englobe la question de l’«usage abusif de l’acquisition de la double nationalité» 
			(10) 
			Notant que certaines
personnes demandaient à acquérir la nationalité d’un Etat concerné
en vue de bénéficier de l’interdiction d’extradition des nationaux
vers un autre Etat, l’Assemblée parlementaire a invité les autorités
compétentes des pays concernés à «soumettre l’acquisition de la
nationalité à un examen attentif et à ne pas l’accorder à une personne inculpée
de crime de guerre dans un autre pays». Résolution 1564 (2007), paragraphes
19.2 et 21.1.2., et le transfert de dossiers de poursuites judiciaires vers un autre pays 
			(11) 
			Résolution 1564 (2007), paragraphe
21.1.4.. Comme l’ont souligné le procureur du TPIY 
			(12) 
			«Il reste
toutefois un certain nombre d’obstacles juridiques. Les Etats interdisent
tous l’extradition de leurs ressortissants et mettent certains freins
juridiques au renvoi des affaires de crimes de guerre». Rapport
de M. Serge Brammertz, procureur du TPIY, présenté au Conseil de
sécurité, S/2009/589, 13 novembre 2009, paragraphe 48. «[L]es parquets
nationaux continu[ai]ent de se heurter à certains obstacles législatifs
et à d’autres difficultés dans le cadre des poursuites pour crimes
de guerre». Allocution du procureur Serge Brammertz devant le Conseil
de sécurité, le 3 décembre 2009. et la Commission européenne 
			(13) 
			«Il
reste des obstacles à l’extradition des personnes soupçonnées de
crimes de guerre et de crimes contre l’humanité entre les pays de
la région» (traduction libre). Rapport de suivi 2009 concernant
la Croatie, SEC (2009) 1333, 14 octobre 2009, p. 16-17; Rapport
de suivi 2009 concernant la Serbie, SEC (2009) 1339/2, 14 octobre
2009, p. 16-17; Rapport de suivi 2009 concernant la Bosnie-Herzégovine,
SEC (2009) 1338, 14 octobre 2009, p. 22., il reste certains obstacles à la coopération 
			(14) 
			«Ce manque de coopération
accentue le problème de l’impunité (…) [La Croatie, la Serbie et
la Bosnie-Herzégovine] et leurs voisins devraient s’attaquer au
problème régional de l’impunité, notamment en prenant des mesures
favorisant la passation d’accords d’extradition qui couvriraient
les affaires relatives à des crimes de guerre» (traduction libre).
Rapport de suivi 2009 concernant la Croatie, SEC (2009) 1333, 14
octobre 2009, p. 17; Rapport de suivi 2009 concernant la Serbie,
SEC (2009) 1339/2, 14 octobre 2009, p. 20; Rapport de suivi 2009
concernant la Bosnie-Herzégovine, SEC (2009) 1338, 14 octobre 2009,
p. 22. Voir également le Rapport de suivi 2009 concernant la Croatie,
SEC (2009) 1333, 14 octobre 2009, p. 11 [«Parfois, les accusés parviennent
à échapper à la Justice et à trouver refuge dans la région, où ils sont
protégés en raison de leur double nationalité ou du manque d’accords
d’extradition» (traduction libre)]., ce qui nuit à l’efficacité de la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY 
			(15) 
			«L’entraide judiciaire
entre les Etats de l’ex-Yougoslavie est fondamentale pour mener
à bien la mission du tribunal. Elle est essentielle au bon déroulement
des procès conduits sur la base des dossiers d’enquête transmis
par le bureau du procureur. [En raison d’obstacles juridiques à
l’entraide], des enquêtes sont ouvertes parallèlement [par les procureurs] dans
plusieurs pays au sujet des mêmes crimes de guerre. Ces difficultés
risquent de compromettre le déroulement des enquêtes et des procès
pour crimes de guerre et favorisent l’impunité». Rapport de M. Serge Brammertz,
procureur du TPIY, présenté au Conseil de sécurité le 13 novembre
2009, S/2009/589, paragraphe 48. «L’interdiction d’extrader les ressortissants
d’un Etat vers un autre et les obstacles législatifs au renvoi des
affaires de crimes de guerre d’un Etat à l’autre nuisent au bon
déroulement des enquêtes et des poursuites». Allocution de M. Serge
Brammertz, procureur du TPIY, prononcée devant le Conseil de sécurité
de l’ONU le 3 décembre 2009.. Le procureur du TPIY a appelé les Etats concernés à «rapidement régler ces questions cruciales» 
			(16) 
			Rapport
de M. Serge Brammertz, procureur du TPIY, présenté au Conseil de
sécurité le 13 novembre 2009, S/2009/589, paragraphe 48. et la Commission européenne a recommandé la prise de mesures en vue de la passation d’accords d’extradition englobant les affaires liées à des crimes de guerre 
			(17) 
			Voir
note 15. .
3. Pour faire suite aux recommandations énoncées ci-dessus, une coopération entre les procureurs de plusieurs Etats concernés a été instaurée, ce qui a permis d’engager des poursuites à l’encontre de personnes accusées de crime de guerre dans des Etats qui refusent d’extrader leurs ressortissants. Cette coopération, qui se traduit essentiellement par le transfert d’informations et de preuves, ainsi que par la reconnaissance des décisions prises par des juridictions étrangères, contribue à la lutte contre l’impunité.
4. Sans préjudice de la responsabilité fondamentale qui incombe aux Etats concernés, la proposition de recommandation dispose que l’obligation de combattre l’impunité incombe également aux Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe parce que des «personnes inculpées de crimes de guerre ont quitté la région et ont trouvé refuge ailleurs dans le monde». En effet, l’Assemblée a noté avec préoccupation que, dans plusieurs cas où des chefs d’accusation visaient certaines de ces personnes, leurs Etats de résidence actuelle n’ont fait preuve de détermination ni pour les extrader, ni pour entamer des poursuites judiciaires internes à leur encontre.
5. Le présent rapport examine plusieurs points relatifs à la nature et à la portée de l’obligation faite aux Etats membres et observateurs d’aider les Etats concernés à veiller à l’obligation de rendre des comptes en matière de crimes de guerre.
6. Premièrement, il présente les données fournies par plusieurs des Etats concernés sur leurs demandes d’extradition. Pour donner un aperçu complet de la situation, le rapporteur s’est également appuyé sur des sources publiques d’information. Ainsi, les Etats concernés ont adressé aux Etats membres des demandes d’extradition visant des personnes qui résident sur leur territoire ou qui sont de passage ou séjournent dans le pays, ce qui englobe les personnes qui effectuent des voyages d’affaires ou des missions diplomatiques, en qualité de représentants de l’un des autres Etats concernés.
7. Deuxièmement, le rapport passe en revue les normes applicables aux demandes d’extradition telles que définies dans le droit des traités du Conseil de l’Europe, c’est-à-dire dans la Convention européenne d’extradition (STE no 24) (ci-après «la convention») et ses trois protocoles (STE no 86, STE no 98 et STCE no 209), ainsi que les réserves émises par les Etats membres sur les dispositions de ces instruments. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et deux Etats non membres 
			(18) 
			Israël
et l’Afrique du Sud. ont ratifié la convention. Trente-sept Etats membres 
			(19) 
			Les
Etats membres qui n’ont pas ratifié le protocole additionnel sont
les suivants: l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la France, la
Grèce (qui a signé, mais pas ratifié l’instrument), l’Irlande, l’Italie,
le Royaume-Uni, Saint-Marin et la Turquie. et un Etat non membre 
			(20) 
			L’Afrique
du Sud. ont ratifié le protocole additionnel, et 40 Etats membres 
			(21) 
			Les
Etats membres n’ayant pas ratifié le 2e protocole additionnel sont:
Andorre, la France, la Grèce (qui a signé, mais pas ratifié l’instrument),
l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg et Saint-Marin. et un Etat non membre 
			(22) 
			Afrique
du Sud. ont ratifié le 2e protocole additionnel. Parmi les cinq Etats 
			(23) 
			Le
Canada, les Etats-Unis, le Japon, le Mexique et le Saint-Siège. bénéficiant du statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe 
			(24) 
			Le Comité d’experts
sur le fonctionnement des Conventions européennes sur la coopération
dans le domaine pénal. , aucun n’a ratifié la convention, ni ses protocoles. Il convient de souligner qu’un organe spécialisé au sein du Conseil de l’Europe travaille actuellement à la modernisation de la convention. Pour ce faire, il s’appuie sur le rapport de 2002 intitulé «Nouveau départ», qui traite de l’évolution de la coopération internationale en matière pénale 
			(25) 
			«Nouveau départ: un
rapport», Groupe de réflexion sur l’évolution de la coopération
internationale en matière pénale (PC-S-NS)(2002)7, 18 septembre
2002, approuvé par le CDPC en juin 2002. et tient compte des recommandations énoncées dans un rapport d’experts adopté par le Comité européen pour les problèmes criminels en 2006 
			(26) 
			Rapport final d’activité
préparé par le Comité d’experts sur la justice pénale transnationale,
PC-TJ(2005)10, 20 décembre 2005, soumis au CDPC en avril 2006, p.
3..
8. La règle générale de l’obligation d’extrader énoncée dans la convention fait l’objet d’importantes réserves et conditions telles que spécifiées dans la convention et ses protocoles. En outre, les Etats membres ont émis de nombreuses réservesqui précisent la façon dont ils examineront les demandes d’extradition, ces réserves étant essentiellement liées à l’application d’autres normes et obligations relatives, notamment, à des questions humanitaires et de droits de l’homme. L’examen de ces différents documents révèle une tension entre les approches adoptées par les Etats membres concernant les principes applicables à l’extradition et l’importance accordée à divers facteurs. Ainsi, tandis que les approches qui visent avant tout la lutte contre l’impunité sont généralement favorables à l’extradition, celles qui sont davantage axées sur les questions humanitaires et les droits de l’homme de l’accusé tendent à la limiter 
			(27) 
			«[A]u
cours de l’élaboration du projet de convention, deux tendances se
sont fait jour quant à certains principes devant régir l’extradition.
Ces deux tendances qui n’ont pu se concilier revêtent une grande
importance, notamment pour des raisons de doctrine, l’une représentant
la tendance classique qui vise la répression du crime et tend par
conséquent à favoriser l’extradition, l’autre, au contraire, fait
entrer dans le droit de l’extradition des considérations d’ordre
humanitaire et tend par là même à restreindre le champ d’application
de l’extradition». Rapport explicatif de la convention, considérations
générales. . Par conséquent, la convention et ses protocoles peuvent être interprétés de différentes manières par les Etats membres. Pour examiner une décision rendue sur une demande d’extradition donnée, il peut être nécessaire de considérer l’état de ratification des protocoles par le pays concerné, les éventuelles réserves émises et la législation nationale. Pour les demandes adressées à des Etats qui ne sont pas parties à la convention, il peut être nécessaire de considérer le droit national ainsi que tout éventuel traité bilatéral traitant de la question de l’extradition.
9. Les deux protocoles additionnels prévoient l’intervention du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) pour le règlement amiable de toute difficulté à laquelle l’exécution du protocole donnerait lieu 
			(28) 
			Article
7 du protocole additionnel; article 10 du 2e protocole additionnel.. La convention elle-même ne contient pas de disposition à ce sujet étant donné que le CDPC n’existait pas encore lorsqu’elle a été élaborée 
			(29) 
			Rapport
explicatif du protocole additionnel, titre III, clauses finales,
observations générales..
10. Troisièmement, le rapport examine l’impact du droit international des traités sur la question de l’extradition et, plus précisément, sur l’immunité personnelle que confèrent les législations étrangères aux diplomates et autres représentants de l’Etat. Il note également les recommandations émises par le Secrétaire Général à cet égard. Celles-ci portent sur la mise en place, par le Conseil de l’Europe, d’activités normatives visant à établir des exceptions à l’immunité accordée au niveau national en cas de violations graves des droits de l’homme, en envisageant la possibilité de lever cette immunité.
11. Quatrièmement, il examine la question des poursuites par des Etats tiers, y compris par le biais du mécanisme prévu par la convention, qui doit être déclenché par l’Etat requérant, lorsque l’extradition est refusée pour des raisons liées à la nationalité de l’individu réclamé. Toutefois, les Etats concernés n’ont fourni aucune information sur le nombre de fois où ils avaient demandé à ce qu’un Etat requis refusant l’extradition exerce des poursuites – ni même sur le fait qu’ils avaient ou non déjà eu recours à cette possibilité. Cette section se penche de manière plus approfondie sur la façon dont les comités d’experts du Conseil de l’Europe pourraient favoriser un recours plein et entier au principe aut dedere aut judicare.
12. Le rapport souligne également le fait que, au-delà de la convention et des protocoles susmentionnés, il existe de nombreux autres accords internationaux et conventions dans ce domaine. Or, ceux-ci ne sont pas suffisamment respectés ni mis en œuvre. Ainsi, malgré les nombreuses recommandations de l’Assemblée appelant les Etats membres à ratifier la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre (STE no 82) 
			(30) 
			Recommandation 1427 (1999) de l’Assemblée,
paragraphe 8.ii.b; Recommandation 1803 (2007) de
l’Assemblée, paragraphe 1.1.2., seuls cinq d’entre eux ont ratifié cet instrument 
			(31) 
			La Belgique, la Bosnie-Herzégovine,
les Pays-Bas, la Roumanie et l’Ukraine. La France a signé la convention,
mais ne l’a pas ratifiée.. La convention des Nations Unies sur cette même question a été ratifiée par un peu moins de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe 
			(32) 
			L’Albanie, l’Arménie,
l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la
République tchèque, l’Estonie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
la Fédération de Russie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la
Lituanie, la Moldova, le Monténégro, la Pologne, la Roumanie, la
Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et l’Ukraine. (dont tous les Etats concernés). La coopération avec la Cour internationale de justice (CIJ) est également très importante, mais, depuis son adoption en 1998, le Statut de Rome de la CIJ n’a été ratifié que par 108 Etats. Malheureusement, huit Etats membres et deux Etats observateurs du Conseil de l’Europe ne l’ont pas encore ratifié.
13. Enfin, le rapport prévoit des recommandations pour de possibles activités de suivi étant donné qu’il est probable que le nombre de demandes d’extradition adressées par des Etats concernés à d’autres Etats concernés ainsi qu’à des pays tiers concernant des personnes soupçonnées de crimes de guerre augmentera au cours des prochaines années.

2. Informations sur les demandes d’extradition pour crimes de guerre

14. Les Etats concernés ont fourni des informations sur leurs demandes d’extradition pour des personnes soupçonnées de crimes de guerre 
			(33) 
			En juin
2009, le rapporteur a demandé aux délégations de la Bosnie-Herzégovine,
de la Croatie, de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», du
Monténégro et de la Serbie auprès de l’Assemblée de lui fournir
des informations sur les demandes d’extradition pour des personnes
soupçonnées de crimes de guerre en répondant aux questions suivantes: 
			(33) 
			1.
Combien de demandes d’extradition votre pays a-t-il émises? Veuillez
indiquer – dans la mesure du possible – à quel pays elles étaient
adressées. 2. Parmi ces demandes, combien ont été acceptées, et
combien ont été refusées? 3. S’agissant des demandes acceptées,
quelle a été l’issue des poursuites judiciaires après l’extradition?
4. S’agissant des demandes refusées, pouvez-vous indiquer, dans
la mesure du possible, les raisons avancées pour motiver ces refus?
5. Certaines demandes d’extradition sont-elles encore en cours?
Si oui, lesquelles? Veuillez également préciser s’il a été nécessaire
de renouveler les demandes avant qu’il ne soit effectivement procédé
à l’extradition et, si oui, combien de fois. Toute autre information
pertinente à cet égard serait la bienvenue (traduction libre). Le
Monténégro n’a répondu à aucune de ces questions.. La Bosnie-Herzégovine, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Serbie ont apporté des données chiffrées ainsi que d’autres types d’informations à cet égard 
			(34) 
			Bosnie-Herzégovine:
informations fournies par le procureur d’Etat le 16 septembre 2009
et par le ministère de la Justice le 25 septembre 2009; «l’ex-République
yougoslave de Macédoine»: informations fournies par le chef de la délégation
auprès de l’Assemblée le 18 mars 2010; Serbie: informations fournies
par le ministère de la Justice le 7 octobre 2009.. La Croatie a fourni des données chiffrées sur les suspects localisés dans des pays tiers, les personnes faisant l’objet d’une enquête, les personnes accusées et les personnes condamnées; elle a en outre examiné quatre demandes d’extradition spécifiques, dont trois sont citées dans la proposition de recommandation 
			(35) 
			Informations fournies
par le ministère de l’Intérieur le 26 octobre 2009; informations
émanant du procureur public, 2 décembre 2009; informations fournies
par le ministère de la Justice, 23 décembre 2009.. Les informations fournies par les Etats concernés ne font pas mention de toutes les demandes d’extradition citées dans les sources publiques, notamment les médias et les rapports des organisations internationales. Elles ne contiennent aucun renseignement sur le nombre de mandats d’arrêt internationaux en vigueur à l’encontre de personnes soupçonnées de crimes de guerre; il est donc difficile d’estimer l’impact à long terme de cette question dans les pays tiers. Néanmoins, si l’on se fonde sur les informations fournies par la Croatie, on peut s’attendre à ce que de nombreuses personnes soupçonnées de tels faits soient réclamées dans des Etats tiers 
			(36) 
			Au 1er octobre 2009,
l’état des poursuites engagées par la Croatie pour des crimes de
guerre était le suivant: nombre de personnes faisant l’objet d’une
enquête: 306; nombre de personnes accusées: 1 784; nombre de personnes condamnées:
602 (bureau du procureur de la République de Croatie, 2 décembre
2009). .

1. Nombre total de demandes d’extradition ou de mandats d’arrêt internationaux délivrés pour des personnes localisées dans différents Etats:

  • Bosnie-Herzégovine: 23 demandes d’extradition;
  • Serbie: 4 demandes d’extradition;
  • Croatie: 70 personnes «localisées»;
  • «l’ex-République yougoslave de Macédoine»: 1 demande d’extradition.

2. Demandes d’extradition adressées à d’autres Etats de l’ex-Yougoslavie:

  • Bosnie-Herzégovine → 13: Serbie (6); Croatie (5); Monténégro (1); Slovénie (1);
  • Serbie → 1: «l’ex-République yougoslave de Macédoine» (1);
  • Croatie → 29 personnes «localisées» – Serbie (15); Bosnie-Herzégovine (13); Monténégro (1)

3. Demandes d’extradition adressées à des Etats tiers (parmi les Etats cités, seule l’Australie n’est pas membre/observateur du Conseil de l’Europe):

  • Bosnie-Herzégovine → 10; Pays-Bas (2); Allemagne (1); Norvège (1); Italie (1); Etats-Unis (4); Australie (1);
  • Serbie → 3:Norvège (1); Autriche (1); Italie (1);
  • Croatie → 41 personnes «localisées»: Royaume-Uni (4); Fédération de Russie (3); Autriche (1); Grèce (1); Pays-Bas (1); Norvège (1); Etats-Unis (12); Canada (4); Australie (14);
  • «l’ex-République yougoslave de Macédoine» → Allemagne (1).

15. Malheureusement, tous les Etats de l’ex-Yougoslavie n’ont pas encore transmis au rapporteur les données les concernant.
16. A ce jour, seules cinq personnes situées en Serbie et trois aux Etats-Unis 
			(37) 
			Expulsées
pour infraction à la législation relative à l’immigration. ont été extradées vers la Bosnie-Herzégovine, une personne a été extradée de la Norvège vers la Serbie, et une de l’Allemagne vers «l’ex-République yougoslave de Macédoine».
17. D’après les informations publiques, au moins 40 à 50 personnes soupçonnées de crimes de guerre auraient été arrêtées dans des Etats tiers entre 2002 et 2009 à la suite de demandes d’extradition émises par la Croatie 
			(38) 
			Ces
informations sont issues de sources publiques, notamment de décisions
de justice, de décisions administratives, des médias et des rapports
de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) en Croatie, en particulier les rapports généraux
sur les poursuites pour crimes de guerre engagées au niveau national (Background Report: Domestic War Crimes Proceedings
2006, 3 août 2007, p. 17; Background
Report: Domestic War Crimes Trials 2005, 22 septembre
2006, SEC.FR/444/06, p. 39; Background
Report: Domestic War Crimes Trials 2004, 26 avril 2005,
p. 12; Background Report: Domestic War
Crimes Trials 2003, 22 juin 2004, p. 9).. Au moins 21 demandes ont été acceptées, les suspects ayant notamment été remis par la Grèce (2), l’Italie (1), le Royaume-Uni (2) 
			(39) 
			La Croatie a qualifié
deux cas d’extradition accordée par le Royaume-Uni «d’exemples très
positifs et importants de coopération résultant de procédures de
longue durée qui comportent une dimension politique», ministère
de la Justice de la République de Croatie, 23 décembre 2009., la Serbie (2), l’Allemagne (4), les Etats-Unis (1), la Bulgarie (1), l’Autriche (2), la Bosnie-Herzégovine (2), la Suisse (2), la Slovénie (1) et la Hongrie (1). La Norvège a consenti à l’extradition d’un suspect, mais elle a remis l’individu concerné à la Serbie après avoir estimé que les charges qui pesaient parallèlement sur lui dans ce pays concernaient des crimes plus graves. L’Australie et les Pays-Bas ont tous deux extradé une personne accusée de meurtres liés à la guerre, dont l’une avec consentement.
18. Seule la Bosnie-Herzégovine a fourni des informations sur les suites de l’extradition 
			(40) 
			Etat
d’avancement des procédures engagées à la suite de l’extradition
(huit cas au total): abandon des charges (1); enquête en cours (1);
mise en accusation (1); procès en cours (2); conclusion d’un «accord»
(probablement un accord de «plaider-coupable») (1); procédure d’appel
en cours (2) (pas de précision sur l’issue du procès (condamnation
ou acquittement). . Ce pays a également mentionné plusieurs demandes d’extradition qui ont été rejetées pour des raisons procédurales. Ainsi, l’Australie a considéré que la Bosnie-Herzégovine n’était pas un «pays d’extradition» aux termes de sa législation nationale – situation qui a évolué par la suite 
			(41) 
			En octobre 2009, l’Australie
a désigné la Bosnie-Herzégovine comme un «pays d’extradition». Voir Extradition (Bosnie-Herzégovine) Regulations 2009 SLI 2009 No. 256, Legislative Instrument F2009 LO
3623, 12 octobre 2009. . De la même manière, les Etats-Unis ont refusé d’extrader un individu considéré par la Bosnie-Herzégovine comme un «suspect», et non comme un «accusé». Dans les deux cas, il semblerait que la Bosnie-Herzégovine ait pu renouveler sa demande.
19. Le motif le plus souvent invoqué pour le refus de l’extradition est la nationalité du suspect(voir section 3.6). Ainsi, 40 % des demandes d’extradition présentées par la Bosnie-Herzégovine ont été rejetées pour cette raison. Toutefois, la Bosnie-Herzégovine n’a pas précisé à quel moment la nationalité de l’autre pays avait été obtenue; elle n’a pas non plus indiqué si elle avait eu recours à l’option prévue par la convention de demander à la Partie requise d’engager elle-même des poursuites judiciaires (voir section 6).
20. Parmi les demandes d’extradition présentées par la Croatie, au moins 14 ont été rejetées, dont cinq par la Bosnie-Herzégovine (quatre en raison de la nationalité du suspect et une au motif que des poursuites étaient en cours pour les mêmes faits – poursuites au terme desquelles il a été conclu que les charges n’étaient pas fondées). Plusieurs Etats ont refusé d’extrader les suspects pour des raisons liées à l’équité des procès, notamment l’Italie (1) 
			(42) 
			La Croatie a déclaré
que, dans cette affaire, la décision finale sur l’extradition était
de nature politique, ministère de la Justice de la République de
Croatie, 23 décembre 2009. et l’Autriche (1). Il semblerait que trois autres demandes d’extradition aient été refusées pour les mêmes motifs (deux par l’Autriche et une par la Norvège) (voir section 4.2). Le Canada a rejeté une demande d’extradition après que ses services nationaux d’immigration ont refusé d’accéder à la demande du gouvernement 
			(43) 
			Commission
de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, VA7-00522, 19
novembre 2008. d’annuler la reconnaissance du statut de réfugié. Les Etats-Unis ont rejeté une demande en raison de l’expiration du délai de prescription tel que défini par la législation applicable et un traité bilatéral (voir section 3.4). La Bulgarie a rejeté une demande en invoquant le principe de l’immunité diplomatique (voir section 4), et la Fédération de Russie a fait de même en se fondant sur le fait que la convention interdit l’extradition lorsqu’il y a des raisons de croire que la demande est présentée aux fins de poursuivre un individu pour des raisons discriminatoires 
			(44) 
			Voir note 39. (voir section 3.2). En outre, la Croatie a retiré un mandat d’arrêt international en vertu duquel un suspect avait été arrêté en Bosnie-Herzégovine en raison de l’expiration du délai de prescription relatif à l’exécution de la peine (voir section 3.4).
21. Enfin, il convient de souligner que, même dans les cas où il est fait droit aux demandes d’extradition, le processus dure parfois entre cinq et dix ans, voire plus longtemps. C’est là naturellement un facteur très important à prendre en compte pour l’organisation des procès, qui ont donc lieu de très nombreuses années après les faits.

3. Exceptions et conditions à l’extradition prévues par la convention

22. Tout en énonçant l’obligation d’extrader 
			(45) 
			Article 1er de la convention., la convention (complétée par ses trois protocoles) prévoit des exceptions à cette règle générale, ainsi que des conditions à remplir avant de pouvoir autoriser l’extradition. Certaines des exceptions à la convention ont force obligatoire dès lors qu’il est conclu que les conditions nécessaires à leur application sont remplies. C’est notamment le cas de la non-extradition pour des infractions politiques, des poursuites ou des peines discriminatoires. Certaines de ces exceptions s’appliquent en amont de la décision définitive (l’effet ne bis in idem et l’immunité liée à la prescription). En outre, le 2e protocole additionnel énonce des conditions devant être remplies par la Partie requérante avant l’extradition dans le cas des jugements par défaut.
23. La convention prévoit d’autres exceptions qui sont facultatives, laissées à la discrétion de la Partie requise, telle que la non-extradition de ses citoyens pour les infractions commises sur son territoire, lorsque l’Etat requis mène des poursuites pour les mêmes infractions ou qu’il a décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu’il a exercées pour le ou les mêmes faits.
24. Selon la règle générale, lorsque l’extradition est accordée, les poursuites dans l’Etat requérant ne portent que sur les infractions à raison desquelles la personne a été extradée, conformément à la règle de la spécialité 
			(46) 
			Article
14. 
			(47) 
			Le
ministère croate de la Justice a attiré l’attention d’une juridiction
locale sur la nécessité de relâcher Jovan Petkovic. En effet, cet
individu ayant été acquitté des charges pour lesquelles il avait
été extradé de la Suisse, il ne pouvait être maintenu en détention
plus longtemps, même s’il faisait encore l’objet d’une enquête pour
d’autres charges. Mission de l’OSCE en Croatie, Background Report: Domestic War Crimes Trials
2005 (Rapport général sur les poursuites pour crimes
de guerre engagées au niveau national en 2005), 22 septembre 2006,
SEC.FR/444/06, p. 39). De la même manière, la Cour suprême de Croatie
a estimé que l’inculpation de Nenad Tepavac au titre d’une infraction
ayant été requalifiée sur le plan juridique («meurtre» au lieu de
«crime de guerre» – les faits incriminés restant les mêmes) était conforme
à la règle de la spécialité, tandis que l’inculpation pour des infractions
allant au-delà du cadre de la demande ayant entraîné son extradition
depuis la Serbie constituait une violation de cette règle (I Kz
1265/07-7, 1er octobre 2008)..

3.1. Interdiction d’extrader pour des infractions politiques, mais maintien des obligations imposées par le droit humanitaire

25. La convention interdit l’extradition si l’infraction en raison de laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction 
			(48) 
			Article
3, paragraphe 1, de la convention.. Reconnaissant que l’interdiction d’extrader pour des infractions politiques n’affecte pas les obligations que les Parties assument aux termes d’autres conventions internationales 
			(49) 
			Article
3, paragraphe 4, de la convention. , la convention facilite l’extradition lorsque les infractions commises impliquent des violations des Conventions de Genève et de la Convention sur la répression du génocide 
			(50) 
			Rapport
explicatif de la convention («Il s’agit ici notamment des quatre
conventions de la Croix-Rouge signées à Genève en 1949 et de la
Convention sur la répression du génocide»).. L’un des Etats membres a explicitement déclaré que les crimes contre l’humanité, les violations des Conventions de Genève et d’autres infractions internationales ne constituaient pas des infractions politiques 
			(51) 
			Fédération
de Russie..
26. La convention dispose explicitement que «l’attentat à la vie d’un chef d’Etat ou d’un membre de sa famille» n’est pas considéré comme infraction politique 
			(52) 
			Article
3, paragraphe 3, de la convention. . Dix Etats membres se sont réservé la possibilité de déterminer en fonction des circonstances relatives à chaque affaire si les attentats à la vie d’un chef d’Etat constituaient de telles infractions 
			(53) 
			Le Danemark, la Finlande
(si l’infraction a été commise dans le cadre d’un «conflit ouvert»),
la France, l’Islande, la Lituanie, Malte, la Moldova, la Norvège,
la Suède et la Suisse.; un Etat membre s’est réservé la possibilité, dans de tels cas, de n’autoriser l’extradition que vers des Etats parties à une autre convention du Conseil de l’Europe 
			(54) 
			Le Royaume-Uni
s’est réservé le droit de n’appliquer les dispositions de l’article
3, paragraphe 3, qu’à l’égard des Etats parties à la Convention
européenne pour la répression du terrorisme (STE no 90)., tandis qu’un autre Etat membre a spécifié d’autres crimes qu’il estime ne pas constituer des infractions politiques 
			(55) 
			L’Espagne a déclaré
que les actes de terrorisme ne seraient pas non plus considérés
comme des infractions politiques..
27. Le protocole additionnel exclut explicitement de la définition des infractions politiques les crimes contre l’humanité, les violations des Conventions de Genève et d’autres violations des lois de la guerre 
			(56) 
			Article
1er du protocole additionnel. La liste des infractions s’inspire,
dans une large mesure, de la Convention européenne sur l’imprescriptibilité
des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Voir le rapport
explicatif du protocole additionnel, titre I – Infractions politiques,
Observations générales.. Lors de l’élaboration de ce protocole, certains Etats ont objecté qu’il n’était pas approprié d’établir à l’avance que certaines infractions ne pourraient jamais être considérées comme des «infractions politiques» et qu’il conviendrait de laisser les Etats requis décider de cette question à la lumière des faits, au cas par cas 
			(57) 
			Rapport
explicatif, protocole additionnel, considérations générales. . Aussi, en vertu du protocole additionnel, les Etats membres ont la possibilité de ne pas accepter cette disposition lors de la ratification. Quarante pour cent des Etats membres n’ont pas ratifié le protocole additionnel 
			(58) 
			Voir
note 20. ou ont eu recours à la possibilité de ne pas accepter cette disposition spécifique lors de la ratification 
			(59) 
			Le Danemark, la Géorgie,
la Hongrie, l’Islande, Malte, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède
et l’Ukraine ont mis à profit la possibilité prévue à l’article
6 du protocole additionnel et ont déclaré qu’ils n’acceptaient pas
le titre I qui énonce la version révisée de l’article 3 de la convention.
Plusieurs de ces Etats ont en outre déclaré qu’ils se réservaient
le droit de décider d’accorder ou de refuser l’extradition; l’un
d’entre eux s’est réservé le droit de «refuser l’extradition dans
des cas de violations aux lois et coutumes de la guerre commises
au cours d’un conflit armé non international». .
28. Parmi les Etats concernés, aucun n’a déclaré avoir eu de demande d’extradition rejetée au motif que l’Etat requis avait considéré que les accusations de crime de guerre en raison desquelles une personne était recherchée constituaient des infractions politiques. La Croatie a néanmoins cité deux exemples dans lesquels elle considère que la décision de rejeter la demande d’extradition «est d’ordre politique» 
			(60) 
			Ministère
de la Justice de la République de Croatie, 23 décembre 2009..

3.2. Interdiction d’extrader en cas de risques de poursuites ou de peines discriminatoires

29. La convention interdit l’extradition si l’Etat requis «a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques, ou que la situation de cet individu risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons» 
			(61) 
			Article
3.2 de la convention.. Elle ne définit que deux catégories d’infractions pénales: les infractions politiques et les infractions de droit commun. Bien que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne constituent pas des infractions «de droit commun» au sens habituel du terme, ils sont généralement considérés comme tels aux fins de la convention, tel qu’explicité par le protocole additionnel; les demandes d’extradition motivées par de tels faits peuvent donc être rejetées par la Partie requise si celle-ci estime que la personne réclamée risque de faire l’objet d’un traitement discriminatoire de la part de la Partie requérante. La Fédération de Russie aurait invoqué cette disposition pour justifier au moins une demande d’extradition émanant de la Croatie 
			(62) 
			Citons,
à titre d’exemple, le cas de Dragan Arnaut (condamné pour crimes
de guerre par jugement de groupe par défaut). Voir aussi Milan Mandic,
Mission de l’OSCE en Croatie, News in
Brief, 14-27 novembre 2007., décision que la Croatie a qualifiée de «politique» 
			(63) 
			Ministère de la Justice
de la République de Croatie, 23 décembre 2009..
30. L’application d’une norme connexe par l’Australie (qui n’est ni un Etat membre du Conseil de l’Europe, ni un pays observateur auprès de l’Organisation) pour motiver le rejet d’une demande d’extradition relative à un citoyen australien d’origine serbe pour des crimes de guerre apporte un éclairage sur les types de facteurs que les Etats concernés considèrent comme susceptibles d’entraîner un traitement discriminatoire de la part de l’Etat requérant après l’extradition 
			(64) 
			Snedden
c. République de Croatie, Cour Fédérale d’Australie,
FCAFC111 (2 septembre 2009). La loi australienne sur l’extradition
(1988) dispose à son article 7, alinéa c, «qu’il y a objection à
l’extradition si, après avoir été remis au pays d’extradition au
titre de l’infraction motivant l’extradition, l’extradé risque,
au cours de son procès, d’être traité de manière préjudiciable,
ou d’être sanctionné, détenu ou restreint dans sa liberté individuelle
pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou
d’opinions politiques»..

3.3. Considérations préalables aux jugements définitifs pour les mêmes faits – effet «ne bis in idem» 
			(65) 
			Voir
également l’examen de ce point dans le Rapport
final d’activité préparé par le Comité d’experts sur
la justice pénale transnationale, PC-TJ(2005)10, 20 décembre 2005,
soumis au CDPC en avril 2006, p. 11-12.

31. La convention telle que complétée par son protocole additionnel établit une distinction entre les jugements finaux rendus par l’Etat requérant et ceux rendus par un Etat tiers aux fins de déterminer l’impact de l’effet ne bis in idem («pas deux fois pour la même chose»).
32. La convention interdit l’extradition si l’Etat requis a déjà rendu une décision définitive (pouvant se traduire par l’acquittement, la grâce ou la condamnation) 
			(66) 
			Plusieurs
Etats ont précisé ce qui constitue un acquittement ou une condamnation
aux fins de l’interdiction de l’effet ne
bis in idem. C’est le cas, par exemple, de l’Autriche
(ce principe ne s’applique pas lorsque l’acquittement ou la décision de
ne pas engager de poursuites ou de mettre fin à des poursuites est
liée à un vide juridique dans la législation autrichienne»); de
Malte («lorsqu’une personne accusée ou inculpée est acquittée à
la suite d’un jugement, il est illégal de soumettre cette personne
à un autre jugement pour les mêmes faits»); du Royaume-Uni (qui
se réserve «le droit de refuser l’extradition d’une personne accusée
d’une infraction s’il apparaît que cette personne, si elle était
accusée de la même infraction au Royaume-Uni, aurait le droit d’être
libérée en vertu d’une disposition juridique ayant trait à un acquittement
ou à une condamnation antérieurs»). concernant la même personne et les mêmes faits 
			(67) 
			Article 9 de la convention.. Aux fins de la convention, sont considérés comme «définitifs» les jugements rendus une fois que toutes les voies de recours ont été épuisées 
			(68) 
			Rapport explicatif
de la convention. Au moins un Etat (l’Espagne) a apporté des précisions
à cet égard («On considérera que la personne a été définitivement
jugée lorsque la décision judiciaire ne pourra être soumise à aucun recours
ordinaire, ceux-ci ayant été épuisés, la décision ayant été acceptée
ou en raison de la nature propre de celle-ci»). . Les jugements par défautne sont pas considérés comme des jugements définitifs 
			(69) 
			Rapport explicatif
du protocole additionnel. (voir aussi la section 3.5). Par ailleurs, l’extradition est discrétionnaire si la Partie requise a décidé soit de ne pas engager de poursuites, soit de mettre fin à ces poursuites. Toutefois, si de nouveaux faits sont révélés par la suite, la Partie requise est tenue de procéder à l’extradition – à moins qu’elle ne décide d’engager elle-même des poursuites 
			(70) 
			Rapport explicatif
de la convention. Plusieurs Etats se sont réservé le droit d’accorder
l’extradition, même après un jugement définitif, dès lors que l’Etat
requérant démontre que de nouveaux faits et preuves justifient la
réouverture de l’affaire. C’est notamment le cas de la Moldova et
de la Suisse («La Suisse se réserve en outre le droit d’accorder l’extradition,
contrairement à l’article 9, première phrase, de la convention lorsqu’elle
l’a accordée pour d’autres infractions et que l’Etat requérant a
démontré que des faits ou moyens de preuve nouveaux parvenus à sa
connaissance justifient une révision de la décision motivant le
refus de l’extradition d’après cet article, ou lorsque la personne
recherchée n’a pas subi tout ou partie de la peine ou de la mesure
prononcée contre elle par cette décision»)..
33. En règle générale, le Protocole additionnel interdit l’extradition lorsqu’un Etat tiers, partie à la convention, a déjà rendu une décision définitive pour les mêmes infractions – si cette décision remplit un certain nombre de conditions supplémentaires 
			(71) 
			Article 2.2 du protocole
additionnel. S’agissant des jugements définitifs concluant à l’acquittement,
l’extradition reste possible si cet acquittement a été prononcé
pour des raisons purement formelles, telles qu’un manque de compétence juridictionnelle,
ou si de nouveaux faits suffisants pour justifier une révision de
l’affaire sont portés à la connaissance de l’Etat requérant après
le prononcé du jugement définitif, qui, par conséquent, n’aura pas
été rendu «pour les mêmes faits». Rapport explicatif, protocole
additionnel, article 2, paragraphe 2, alinéa a.
Pour les jugements définitifs prononçant la condamnation, l’extradition
reste possible, sauf dans les cas où a. la peine a été entièrement
subie, b. où elle a fait l’objet
d’une grâce ou d’une amnistie portant sur sa totalité ou sur sa
partie non exécutée, ou c.
le juge a constaté la culpabilité de l’auteur de l’infraction sans
prononcer de sanction (article 2, paragraphe 2, alinéas b et c).. Toutefois, même si ces conditions sont remplies, l’extradition n’est pas obligatoire si les infractions ont été commises sur le territoire de l’Etat requérant 
			(72) 
			Article
2.3 du protocole additionnel. L’extradition est également discrétionnaire
si les infractions sont commises à l’encontre d’une personne ou
d’une institution qui a un «caractère public» ou par une personne
qui a un «caractère public»).. En outre, aux termes du protocole additionnel, les décisions prises par des Etats tiers, parties à la convention, qui interdisent les poursuites ou qui y mettent fin, n’empêchent pas l’extradition 
			(73) 
			Rapport explicatif
du protocole additionnel, article 2, paragraphe 2. Mais il faut
noter qu’à l’opposé, le Danemark (par exemple) s’est réservé le
droit, conformément à la convention, de refuser l’extradition lorsque
des Etats tiers ont décidé de ne pas intenter de poursuites ou de
cesser les poursuites engagées à l’encontre de la même personne
pour les mêmes faits. . Toutefois, les «règles minimales» du protocole additionnel sur l’impact des jugements rendus par des Etats tiers peuvent être remplacées par des dispositions nationales plus larges concernant l’effet ne bis in idem attaché aux décisions judiciaires prononcées à l’étranger 
			(74) 
			Article
2.4 du protocole additionnel. Rapport explicatif du protocole additionnel,
article 2, paragraphe 4.. Dans le même esprit, plusieurs Etats membres ont fait usage de la possibilité prévue par la convention d’interdire l’extradition, ou de limiter la nature discrétionnaire de la décision d’extrader ou non, lorsque des jugements définitifs ont été rendus pour les mêmes infractions par un Etat tiers 
			(75) 
			Le Danemark,
l’Irlande, la Moldova et Suisse (droit de refuser d’extrader si
la décision a été rendue dans l’Etat tiers sur le territoire duquel
l’infraction a été commise)., certains Etats précisant à cet égard qu’en cas de condamnation, la personne réclamée doit avoir subi sa peine ou en avoir été dispensée 
			(76) 
			Le Luxembourg et les
Pays-Bas. . Plus de 20 % des Etats membres n’ont pas ratifié le protocole additionnel 
			(77) 
			Voir note 20. .

3.4. Interdiction d’extrader lorsque la prescription est acquise

34. Les crimes de guerre commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie ont été perpétrés il y a dix à vingt ans. Le TPIY a conclu ses enquêtes il y a cinq ans. La convention interdit l’extradition si la prescription de l’action ou de la peine est acquise d’après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise 
			(78) 
			Article 10 de la convention.
L’Espagne a formulé une réserve à cet égard en vue d’attirer une
nouvelle fois l’attention sur ce point.. L’un des Etats membres s’est réservé le droit de refuser l’extradition si, en raison de la nature de l’infraction et «du temps écoulé depuis l’infraction alléguée, ou depuis [que la personne en cause] s’est soustraite à la justice, selon le cas, il serait injuste ou oppressif, dans les circonstances, de l’extrader» 
			(79) 
			Le Royaume-Uni. Voir
aussi Malte. .
35. Malgré les nombreuses recommandations de l’Assemblée appelant les Etats membres (et en particulier les Etats concernés) à ratifier la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre (STE no 82) 
			(80) 
			Recommandation 1427 (1999), paragraphe
8.ii.b; Recommandation 1803 (2007), paragraphe 1.1.2., seuls six d’entre eux ont ratifié l’instrument 
			(81) 
			La Belgique, la Bosnie-Herzégovine,
le Monténégro, les Pays-Bas, la Roumanie et l’Ukraine. La France
a signé la convention mais ne l’a pas ratifiée.. Un peu moins de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe (dont les Etats concernés) a ratifié la convention des Nations Unies sur la même question 
			(82) 
			L’Albanie,
l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la
Croatie, l’Estonie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la
Fédération de Russie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie,
la Moldova, le Monténégro, la Pologne, la République tchèque, la
Roumanie, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et l’Ukraine. .
36. D’après les informations disponibles dans les sources publiques, certaines charges et verdicts ont dû être abandonnés en raison de l’expiration du délai de prescription 
			(83) 
			Voir l’article intitulé
«Federal Prosecutor Drops Charges Against AzulaySeiden Law Group
Client Goran Pavic», 21 décembre 2007, <a href='http://www.allbusiness.com/'>www.allbusiness.com</a>.. Malheureusement, ces exemples laissent penser que, le temps passant, d’autres demandes d’extradition pourraient être refusées pour des motifs similaires dans certaines circonstances.

3.5. Nécessité de garantir une nouvelle procédure de jugement pour les extraditions fondées sur des jugements par défaut

37. A la suite de condamnations prononcées dans le cadre de jugements par défaut, la Croatie a adressé des demandes d’extradition à plusieurs Etats membres. En vertu du 2e protocole additionnel, dans le cas de jugements rendus par défaut, la Partie requise est autorisée à conditionner l’extradition à la réception «d’assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne dont l’extradition est demandée le droit à une nouvelle procédure de jugement qui sauvegarde les droits de la défense» 
			(84) 
			Article
3 du 2e protocole additionnel. . La Partie requérante doit garantir «non seulement l’existence d’une voie de recours sous la forme d’une nouvelle procédure de jugement, mais également les effets de ce recours» 
			(85) 
			Rapport
explicatif du 2e protocole additionnel, titre III, paragraphe 28.. Environ 20 % des Etats membres n’ont soit pas ratifié le 2e protocole additionnel 
			(86) 
			Voir note 22., soit pas accepté cette disposition 
			(87) 
			Malte et le Royaume-Uni
ont eu recours à la possibilité prévue à l’article 9 du 2e protocole
additionnel de ne pas accepter le titre III relatif aux jugements
par défaut.. En outre, plusieurs d’entre eux ont émis des réserves concernant spécifiquement la question des jugements par défaut 
			(88) 
			Le
Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. (voir section 4.2).
38. Plusieurs décisions rendues par les Etats membres reposaient sur des jugements par défaut 
			(89) 
			Voir
le site <a href='http://www.nezavisne.com/'>www.nezavisne.com</a>, Released Captain Ilija Brcic (Libération
du Capitaine Ilija Brcic), 24 juillet 2008., 
			(90) 
			Milan
Spanovic c. le Gouvernement de Croatie et le secrétaire d’Etat aux
affaires intérieures, Requête no CO/7230/2008, 15 mai
2009, Haute Cour de justice, Queen’s Bench Division, Administrative
Court, paragraphe 5., 
			(91) 
			Lors du nouveau procès
de Mitar Arambasic, extradé depuis les Etats-Unis, le tribunal déterminera
si les faits tels qu’établis lors du procès par défaut ont changé.
Selon le résultat des discussions, il confirmera la décision rendue
lors de la première procédure, ou l’invalidera en partie, ou dans
son intégralité. .

3.6. Autorisation accordée aux Etats de ne pas extrader leurs ressortissants

39. La convention permet aux Parties contractantes de s’opposer à l’extradition de leurs ressortissants 
			(92) 
			Article 6, paragraphe
1, de la convention. Voir le rapport explicatif de la convention., et ce même lorsque cette dernière est autorisée en vertu du droit national. Ainsi, les Etats membres peuvent refuser l’extradition sur la base de la nationalité sans avoir à formuler de réserve ou de déclaration particulière à la convention 
			(93) 
			La Bosnie-Herzégovine,
par exemple.. De nombreux Etats ont néanmoins souhaité effectuer ce type de démarche afin de souligner leur refus d’extrader leurs ressortissants, de se réserver le droit de refuser l’extradition ou d’émettre des conditions à celle-ci 
			(94) 
			Albanie («sauf indication
contraire dans les accords internationaux auxquels l’Albanie est
Partie contractante»); Allemagne; Andorre; Arménie; Azerbaïdjan;
Bulgarie; Croatie; Chypre; Estonie («la République d’Estonie se
réserve le droit de refuser l’extradition d’un de ses ressortissants
si ce ressortissant n’y consent pas»); «l’ex-République yougoslave de
Macédoine»; Fédération de Russie; France; Géorgie («le Gouvernement
de la Géorgie se réserve le droit de décider de refuser [l’]extradition
[de ses nationaux] au titre de la morale publique, de la politique
publique et de la sécurité de l’Etat»); Grèce; Hongrie; Liechtenstein;
Lituanie; Luxembourg; Moldova; Monténégro; Pays-Bas; Pologne; Portugal; Roumanie;
Serbie; Ukraine. Voir aussi Comité européen pour les problèmes criminels,
Comité d’experts sur la justice pénale transnationale, Rapport final d’activité, PC-TJ(2005)10,
20 décembre 2005, paragraphe 48, p. 12 («Le comité note que beaucoup
d’Etats membres du Conseil de l’Europe n’autorisent pas l’extradition
de leurs ressortissants au nom de leur souveraineté. D’autres peuvent
accorder le transfert de leurs ressortissants aux fins d’une décision
judiciaire, à la condition que la peine soit exécutée dans l’Etat
d’origine»).. Plusieurs Etats se déclarent plus ouverts à l’extradition de ceux de leurs ressortissants qui sont également ressortissants de l’Etat requérant dans lequel ils résident de façon permanente 
			(95) 
			Hongrie
(«la Hongrie n’accordera pas l’extradition de ses propres ressortissants,
à l’exception du cas où la personne recherchée aux fins d’extradition
est également citoyenne d’un autre Etat et a sa résidence permanente
dans un Etat étranger»); Roumanie («un citoyen roumain peut être
extradé de Roumanie conformément aux conventions internationales
auxquelles la Roumanie est Partie contractante et sur la base de
la réciprocité, uniquement si l’une des conditions suivantes est
remplie: (...) l’Etat requérant donne des assurances, considérées
comme satisfaisantes, que, si une condamnation à une peine privative
de liberté est prononcée par une décision de justice définitive,
le citoyen roumain sera transféré pour accomplir sa peine en Roumanie;
(...) le citoyen roumain a sa résidence dans l’Etat ayant formulé
la demande; le citoyen roumain a également la nationalité de l’Etat
requérant; le citoyen roumain a commis l’acte sur le territoire
ou contre un citoyen d’un Etat membre de l’Union européenne (...)»). ou sur la base de la réciprocité, qui s’accompagne de certaines conditions supplémentaires 
			(96) 
			Géorgie
et Roumanie.. Plusieurs Etats qui refusent l’extradition de leurs ressortissants aux fins de l’exécution de peines pénales autorisent l’extradition à condition, entre autres, qu’à l’issue des poursuites pénales, le citoyen concerné soit retransféré vers la Partie requise s’il a été condamné à une peine privative de liberté 
			(97) 
			Pays-Bas et Roumanie. . La Croatie a récemment changé sa Constitution lui permettant d’extrader ses citoyens aux autres Etats sur la base d’accords internationaux.
40. Comme mentionné plus haut, dans sa Résolution 1564 (2007), l’Assemblée appelle les Etats concernés à «lever immédiatement l’interdiction d’extradition de leurs nationaux inculpés de crimes de guerre».
41. Un comité d’experts du Conseil de l’Europe a reconnu que la possibilité d’extrader ses ressortissants «requiert à la fois un degré élevé de confiance entre les Etats concernés et la rationalisation des procédures dans un souci de sécurité et de prévisibilité» 
			(98) 
			Comité européen pour
les problèmes criminels, Comité d’experts sur la justice pénale
transnationale, Rapport final d’activité,
PC-TJ(2005)10, 20 décembre 2005, paragraphe 49, p. 12., tout en soulignant que l’interdiction d’extrader entraîne «le danger de créer des impunités, même lorsque ce n’est pas intentionnel» (voir section 6).

3.6.1. Définition des «ressortissants»

42. Faisant usage de l’option prévue par la convention 
			(99) 
			Article 6.1.b de la
convention., la plupart des Etats ont effectué des déclarations visant à préciser leur définition du terme «ressortissant». Ainsi, certains d’entre eux ne définissent comme ressortissants au sens de la convention que les individus qui sont considérés comme ressortissants (ou qui pourraient l’être) au sens de la législation nationale 
			(100) 
			Allemagne,
Andorre, Chypre, Espagne, Estonie, Géorgie, Irlande, Liechtenstein,
Lituanie, Moldova, Monaco, Portugal et Ukraine.; quelques Etats incluent dans cette définition les personnes ayant deux ou plusieurs nationalités (l’une d’entre elles étant celle du pays) 
			(101) 
			Albanie
et Afrique du Sud.. D’autres Etats parties à la convention donnent une définition plus large du terme, celle-ci englobant les ressortissants de pays tiers spécifiques, notamment dans les cas où l’extradition est demandée par un Etat autre que ceux spécifiés, les non-citoyens résidant de façon permanente dans le pays, les étrangers suffisamment intégrés – à condition qu’ils puissent être poursuivis au plan national pour le fait pour lequel l’extradition est demandée et à condition que ces étrangers ne perdent pas leur droit de résidence en cas de condamnation, certains non-citoyens spécifiques qui ne sont pas citoyens dans un autre pays, et les personnes bénéficiant de l’asile politique 
			(102) 
			Danemark
(«les nationaux du Danemark, de la Finlande, de l’Islande, de la
Norvège et de la Suède ainsi que les personnes domiciliées dans
ces pays»); Finlande («les nationaux de la Finlande, du Danemark,
de l’Islande, de la Norvège et de la Suède ainsi que les étrangers
domiciliés dans ces Etats»); Hongrie («personnes établies définitivement en
Hongrie»); Islande («nationaux de l’Islande, du Danemark, de la
Finlande, de la Norvège ou de la Suède ainsi que les personnes domiciliées
dans ces pays»); Lettonie («les citoyens de la République de Lettonie
et les non-citoyens qui sont soumis à la loi sur le statut des citoyens
de l’ex-URSS qui ne sont pas citoyens de la Lettonie ou de tout
autre Etat»); Luxembourg («les personnes possédant la nationalité
luxembourgeoise, ainsi que les étrangers qui se sont intégrés dans la
communauté luxembourgeoise, pour autant qu’ils puissent être poursuivis
au Luxembourg pour le fait pour lequel l’extradition est demandée»);
Norvège («les nationaux et les personnes résidant en Norvège [ainsi
que] les nationaux du Danemark, de la Finlande, de l’Islande et
de la Suède [et] les personnes résidant dans ces pays à moins que
l’extradition soit demandée par l’un de ces Etats»); Pays-Bas («les
personnes possédant la nationalité néerlandaise ainsi que les étrangers
qui se sont intégrés dans la communauté néerlandaise, pour autant
qu’ils puissent être poursuivis aux Pays-Bas pour le fait pour lequel
l’extradition est demandée et pour autant qu’il ne faille pas s’attendre
à ce que ces étrangers perdent leur droit de résidence dans le Royaume
par suite de l’imposition d’une peine ou d’une mesure postérieure
à leur extradition»); Pologne («les personnes bénéficiant de l’asile
en Pologne»); Roumanie («les personnes auxquelles le droit d’asile
a été accordé en Roumanie»); Suède («outre les sujets suédois, les
étrangers domiciliés en Suède, les ressortissants du Danemark, de
la Finlande, de l’Islande et de la Norvège, ainsi que les étrangers
domiciliés dans ces Etats»)..

3.6.2. Moment de la détermination de la qualité de ressortissant

43. La règle générale énoncée dans la convention est que «la qualité de ressortissant sera appréciée au moment de la décision sur l’extradition» 
			(103) 
			Article
6.1.c de la convention.. Toutefois, la convention dispose également que si cette qualité n’est reconnue qu’entre l’époque de la décision et la date envisagée pour la remise, la Partie requise peut refuser l’extradition sur la base de la nationalité. Par conséquent, la convention permet l’obtention de la nationalité au cours du processus d’extradition aux fins et/ou à l’effet d’éviter l’extradition. Bien que les termes de la convention soient explicites, certains Etats ont estimé nécessaire de préciser la période d’appréciation de la qualité de ressortissant. Ainsi, il peut s’agir du moment de la commission des faits 
			(104) 
			Andorre,
la Croatie et la France., de la réception de la demande d’extradition 
			(105) 
			La
Bulgarie., de la décision sur l’extradition 
			(106) 
			L’Arménie et l’Ukraine. , ou de la remise 
			(107) 
			L’Autriche.. L’un des Etats parties à la convention a indiqué que la date à laquelle l’infraction a été commise ne serait pas prise en considération pour établir la nationalité de l’individu réclamé 
			(108) 
			La Grèce..
44. Notant que des personnes accusées de crimes de guerre demandaient à obtenir la nationalité de l’un des Etats de l’ex-Yougoslavie afin d’éviter l’extradition vers un autre de ces pays, l’Assemblée avait invité les Etats concernés à «soumettre l’acquisition de la nationalité à un examen attentif et à ne pas l’accorder à une personne inculpée de crime de guerre dans un autre pays» 
			(109) 
			Résolution 1564 (2007), paragraphe
21.1.2., 
			(110) 
			En
juin 2009, la Bosnie-Herzégovine a rejeté la demande d’extradition
formulée par la Croatie concernant Branimir Glavas, qui a été condamné
à dix ans d’emprisonnement pour crimes de guerre. . L’obtention récente de la citoyenneté dans d’autres Etats parties pourrait également motiver le rejet d’une demande d’extradition, comme dans un cas cité dans la proposition de recommandation 
			(111) 
			La Fédération de Russie
aurait refusé la demande de la Croatie concernant l’extradition
de Veljko Kadijevic, qui a obtenu la nationalité russe en 2008.
Voir l’article intitulé «Russian won’t extradite ex-Yugoslav defense
minister» sur <a href='http://www.b92.net/'>www.b92.net</a> (la
Russie refuse d’extrader un ministre de la défense de l’ex-Yougoslavie),
1er octobre 2008.. La convention prévoit alors un mécanisme en vertu duquel l’Etat qui refuse l’extradition sur la base de la nationalité engage lui-même les poursuites (voir section 6).

3.7. Autorisation de ne pas extrader en cas de poursuites en cours pour les mêmes infractions ou de concours de requêtes

45. La convention permet aux Parties requises de refuser d’extrader un individu réclamé si cet individu fait l’objet de sa part de poursuites pour le ou les faits en raison desquels l’extradition est demandée 
			(112) 
			Article
8 de la convention..
46. La convention aborde également la question connexe de savoir comment une Partie requise doit procéder lorsque l’extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats pour la même personne 
			(113) 
			Article 17 de la convention. . Dans un tel contexte, la Partie requise statue compte tenu de toutes les circonstances, et notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de l’individu réclamé et de la possibilité d’une extradition ultérieure à un autre Etat. La délégation de la Serbie a fait état d’exemples de demandes concurrentes relatives à des poursuites engagées dans plusieurs Etats concernés. Plus précisément, les deux cas de refus d’extradition rapportés concernaient des affaires dans lesquelles l’extradition avait été demandée par un autre Etat, non spécifié, et avait été accordée. Ainsi, la Norvège a fait droit à deux demandes concurrentes d’extradition émanant de la Croatie et de la Serbie, la procédure ayant abouti à la remise de l’individu réclamé à la Serbie 
			(114) 
			Damir Sireta. Voir
jurist.law.pitt.edu, 17 janvier 2008, «Norway extraditing Vukovar
war crime suspect Sireta to the wrong country» («La Norvège extrade
Damir Sireta, soupçonné de crimes de guerre dans la région de Vukovar,
vers le mauvais pays»)..
47. Comme noté précédemment, le procureur du TPIY a récemment fait observer que «les enquêtes menées parallèlement posent toujours problème. En effet, faute de législation relative à l’entraide judiciaire, il arrive que des éléments de preuve soient détenus dans un pays alors que le suspect se trouve dans un autre» 
			(115) 
			Rapport
annuel 2009 à l’Assemblée générale de l’ONU, A/64/205,
S/2009/394, 31 juillet 2009, paragraphe 77, présenté le 8 octobre
2009. . Par conséquent, il est probable que les Etats membres du Conseil de l’Europe recevront un nombre croissant de demandes concurrentes d’extradition de la part des Etats concernés.

4. Exceptions et conditions supplémentaires imposées par les réserves

48. Comme autorisé par la convention 
			(116) 
			Article 26 de la convention. , les Parties contractantes ont formulé de nombreuses réserves qui précisent la façon dont sont examinées les demandes d’extradition. Ces réserves portent essentiellement sur l’obligation d’extrader énoncée à l’article 1 ou sur la convention dans son ensemble, bien que certaines d’entre elles concernent d’autres dispositions spécifiques. Le plus souvent, elles traitent d’aspects humanitaires relatifs au statut de la personne réclamée et de questions de droits de l’homme relatives aux institutions et poursuites dans la Partie requérante. Ainsi, l’un des Etats parties à la convention se réserve le droit de refuser l’extradition s’il existe des raisons suffisantes de supposer que celle-ci affecterait sa souveraineté ou sa sécurité intérieure 
			(117) 
			Azerbaïdjan..

4.1. Interdiction d’extrader pour des raisons humanitaires

49. De nombreux Etats parties à la convention se sont réservé le droit de refuser l’extradition si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences d’une gravité exceptionnelle (c’est-à-dire des difficultés particulières) pour la personne réclamée 
			(118) 
			Andorre, l’Arménie,
l’Azerbaïdjan, la Belgique, le Danemark, la Fédération de Russie,
la Finlande, la France, la Géorgie, la Hongrie, l’Islande, la Lituanie,
le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et l’Ukraine., notamment en raison de son âge (qu’il soit jeune ou âgé), de son état de santé, de ses motivations personnelles ou d’autres conditions ou circonstances (personnelles ou autres), notamment celles qui rendraient l’extradition déraisonnable sur le plan humanitaire, ou incompatible avec des obligations de cet ordre. Plusieurs Etats ont précisé que ces préoccupations seraient cependant prises en compte selon la nature de l’infraction et les intérêts de la Partie requérante. Au cours de l’élaboration de la convention, il a été proposé d’introduire une disposition prévoyant explicitement le refus d’extrader pour des raisons d’ordre humanitaire; toutefois, cette proposition a été rejetée au profit d’une autre proposition permettant aux Etats de formuler des réserves sur ce point 
			(119) 
			Rapport explicatif
de la convention, p. 8.. Les réserves émises par les Etats parties reprennent, dans une large mesure, les termes de la proposition rejetée. Au moins un Etat s’est réservé le droit de refuser d’extrader les personnes bénéficiant de l’asile politique 
			(120) 
			L’Arménie. et, à cette même fin, un autre Etat a décidé d’inclure ces réfugiés dans la définition des ressortissants nationaux 
			(121) 
			La Pologne. .

4.2. Interdiction d’extrader pour des raisons liées aux droits de l’homme 
			(122) 
			En 2005, un comité
d’experts du Conseil de l’Europe s’est penché sur la question connexe
des garanties fondamentales pendant la procédure d’extradition dans
les Parties requises. Voir Comité européen pour les problèmes criminels,
Comité d’experts sur la justice pénale transnationale, Rapport final d’activité, PC-TJ(2005)10,
20 décembre 2005, paragraphe 49, p. 6-9.

50. Aux fins de l’examen des demandes d’extradition qui leur sont adressées, un certain nombre d’Etats se réservent le droit d’évaluer, à la lumière des garanties relatives aux droits de l’homme, non seulement les instances et procédures judiciaires de la Partie requérante, mais aussi la qualité des preuves ou des charges retenues contre l’individu réclamé. L’un des Etats parties à la convention a déclaré qu’il donnerait effet à la convention «à travers le prisme des obligations en matière de droits de l’homme qu’il a contractées auprès du Conseil de l’Europe» 
			(123) 
			Le Royaume-Uni («Le
Royaume-Uni, en donnant effet à cette convention, tiendra compte
de ses obligations en matière de droits de l’homme, selon la Convention
européenne des droits de l’homme»)..

4.2.1. Type de tribunal

51. Près de la moitié des Etats parties ont explicitement déclaré qu’ils n’autorisent l’extradition qu’à condition que les poursuites soient conduites – et les décisions, rendues – par une juridiction pénale «ordinaire». Ainsi, ces Etats interdisent (ou se réservent le droit de refuser) l’extradition si le procès est conduit par un tribunal «spécial», «extraordinaire» ou «provisoire» (c’est-à-dire un tribunal autorisé à titre provisoire ou exceptionnel à juger de telles infractions), ou par un tribunal d’exception 
			(124) 
			La Fédération de Russie
a précisé que «les termes 'tribunal d’exception' et 'procédure simplifiée'
ne couvrent aucun tribunal pénal international dont l’autorité et
la compétence ont été reconnues par la Fédération de Russie». , en particulier si celui-ci est institué pour un cas particulier, aux fins de soumettre l’individu réclamé à une procédure simplifiée, ou si l’extradition est demandée pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté infligée par un tel tribunal 
			(125) 
			Andorre, l’Arménie,
l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la
Fédération de Russie, la Finlande, la France, la Géorgie, la Hongrie,
l’Islande, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le Liechtenstein,
la Lituanie, Malte, la Moldova, le Portugal, la Suède et la Suisse. . Certains Etats se réservent le droit de conditionner l’extradition à la réception d’assurances jugées suffisantes que l’individu réclamé ne sera soumis qu’à un tribunal «ordinaire» dans l’Etats requérant 
			(126) 
			Le Liechtenstein ou
la Suisse, par exemple.. L’un des Etats parties ayant posé de telles conditions se réserve en outre le droit de refuser l’extradition s’il existe des raisons de supposer que, lors des procédures, les garanties minimales permettant d’assurer l’équité du procès ne seront pas respectées 
			(127) 
			La Fédération de Russie.. Dans les Etats concernés, tous les procès relatifs à des crimes de guerre sont menés par des tribunaux reconnus compétents par la loi pour connaître des affaires pénales; toutefois, le type et la spécificité des tribunaux varient selon les pays. Par conséquent, cette réserve, bien qu’émise par de nombreux Etats, ne devrait pas constituer un obstacle à l’extradition.

4.2.2. Traitement réservé aux personnes accusées (peine de mort, peines d’emprisonnement à perpétuité et conditions de détention)

52. Quelques Etats parties à la convention se réservent le droit de refuser l’extradition s’il existe des «raisons suffisantes de supposer» que, dans le cas d’une extradition, la personne réclamée a subi ou risquerait de subir «des tortures, ou un traitement ou une peine inhumain ou dégradant» 
			(128) 
			L’Azerbaïdjan et la
Fédération de Russie. Voir aussi Comité d’experts sur la justice
pénale transnationale, Rapport final
d’activité, PC-TJ(2005)10, 20 décembre 2005, soumis au
CDPC en avril 2006, p. 7 («le comité souligne qu’il est absolument
interdit d’extrader des personnes vers un pays où elles risquent
d’être exécutées ou de subir des tortures ou un traitement ou une
peine inhumain ou dégradant»)., ou de faire l’objet de poursuites pour certaines raisons inacceptables telles que celles spécifiées dans les exceptions à l’extradition énoncées à l’article 3.2 de la convention 
			(129) 
			L’Azerbaïdjan.. Au moins un des Etats parties se réserve le droit de refuser l’extradition s’il est prouvé que, dans les cas où l’individu réclamé est condamné à une peine privative de liberté, ce dernier accomplira sa peine dans des conditions inhumaines 
			(130) 
			Le Portugal.. Cette décision est également conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, en vertu de laquelle il est interdit de procéder à l’extradition d’un individu vers un pays dans lequel celui-ci courrait véritablement le risque de subir des traitements tels que ceux définis à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) 
			(131) 
			Voir,
entre autres, Soering c. Royaume-Uni,
Requête no 14038/88, arrêt du 19 janvier 1989, et Ismoilov c. Fédération de Russie,
Requête no 2947/06, arrêt du 24 avril 2008..
53. Quelques Etats ont précisé qu’ils refuseraient toute extradition au titre d’une infraction passible d’une peine de réclusion à perpétuité ou de la peine de mort 
			(132) 
			La
Géorgie (peine de mort) et le Portugal (réclusion à perpétuité).. Toutefois, les crimes de guerre ne sont passibles de ces types de peines dans aucun des Etats concernés.

4.2.3. Requêtes et pièces à l’appui des demandes d’extradition

54. La convention énonce la procédure à suivre pour formuler une demande d’extradition; elle précise également les pièces à fournir à cet égard 
			(133) 
			Toute
demande d’extradition doit s’accompagner soit d’une copie de la
décision de condamnation exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt ou
de tout autre acte ayant la même force exécutoire, ainsi que d’un
exposé des faits en raison desquels l’extradition est demandée.
Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification juridique
et les références aux dispositions juridiques qui leur sont applicables
doivent être indiqués le plus exactement possible. Les demandes doivent
également s’accompagner d’«un signalement aussi précis que possible»
de l’individu réclamé et de tout autre renseignement de nature à
déterminer son identité et sa nationalité. Article 12 de la convention.. Si les informations fournies se révèlent insuffisantes pour permettre à la Partie requise de prendre une décision, celle-ci doit demander le complément d’information nécessaire et peut fixer un délai pour l’obtention de ces données 
			(134) 
			Article
13 de la convention. . Le refus, par les Pays-Bas, d’extrader une personne réclamée vers la Bosnie-Herzégovine en raison d’une erreur sur l’identité de la personne souligne combien il importe de disposer d’informations pertinentes pour pouvoir identifier la personne réclamée.
55. Plusieurs Etats parties à la convention ont émis des réserves sur les dispositions définissant cette procédure et ont souhaité préciser la nature des preuves qui leurs sont nécessaires avant d’accorder l’extradition, telles que des preuves (prima facie ou autres) établissant que l’individu réclamé a commis l’infraction en raison de laquelle l’extradition est demandée (ou une présomption suffisante) 
			(135) 
			Andorre, l’Islande
et la Norvège. , ou, lorsque des circonstances particulières semblent indiquer que l’individu réclamé est coupable, une présomption suffisante à cet égard 
			(136) 
			Le Danemark. . Plusieurs Etats parties se sont réservé le droit d’évaluer «si la sentence ou le mandat d’arrêt sont manifestement mal fondés» 
			(137) 
			La Suède et «l’ex-République
yougoslave de Macédoine». . D’autres Etats ont émis des réserves similaires à l’obligation générale d’extrader: ils ont en effet précisé qu’ils n’accorderaient l’extradition qu’à condition qu’il soit établi devant un tribunal national que les preuves présentées sont suffisantes pour justifier un procès dans l’Etat requis 
			(138) 
			Malte
et Israël. .

4.2.4. Qualité des charges ou attitude de la Partie requérante

56. Plusieurs Etats se réservent le droit de refuser l’extradition s’il s’avère que celle-ci serait «injuste ou oppressive» en raison du caractère insignifiant de l’infraction 
			(139) 
			Malte et le Royaume-Uni. ou du fait que les accusations à l’encontre de la personne réclamée ne sont pas formulées «de bonne foi et dans l’intérêt de la justice» 
			(140) 
			Malte et le Royaume-Uni. .

4.2.5. Normes relatives à l’équité des procès

57. Certains Etats se réservent le droit de refuser l’extradition s’ils estiment soit que les normes minimales visant à garantir l’équité des procès risquent de ne pas être respectées lors d’une future procédure, soit que celles-ci n’ont pas été respectées lors d’une procédure antérieure. Aussi, ces Etats sont susceptibles de refuser l’extradition si le tribunal/la procédure ne respecte pas les garanties minimales à cet égard, en particulier les droits de la défense et «les conditions internationalement reconnues comme essentielles pour la protection des droits de l’homme», y compris celles qui doivent être accordées aux prévenus par les Etats au titre de la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles, ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques 
			(141) 
			Andorre et la Fédération
de Russie (qui font référence aux garanties minimales énoncées à
l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ainsi qu’aux articles 2, 3 et 4 du Protocole no 7 à
la CEDH); la France et le Portugal.. Au moins un Etat se réserve le droit de refuser l’extradition s’il estime que «la condamnation résulte d’une erreur manifeste» 
			(142) 
			Andorre., et plusieurs Etats ont exprimé des préoccupations spécifiques sur l’extradition à des fins d’application d’une peine prononcée dans le cadre d’un jugement par défaut 
			(143) 
			Le Royaume-Uni., notamment lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées et que l’extradition pourrait exposer la personne réclamée à une peine sans que cette personne ait pu exercer les droits spécifiques de défense prévus par la CEDH 
			(144) 
			Le
Luxembourg et les Pays-Bas (qui font référence aux droits de défense
définis à l’article 6.3.c de la CEDH); voir, dans ce contexte, Ismoilov c. Fédération de Russie,
Requête no 2947/06, arrêt du 24 avril 2008, et Kaboulov c. Ukraine, Requête no 41015/05,
arrêt du 19 novembre 2009. (voir section 3.5). D’après des sources d’information publiques, plusieurs demandes d’extradition ont été rejetées pour des raisons liées à l’équité du procès (l’une d’entre elles étant mentionnée dans la proposition de recommandation) (voir sections 2 et 3.5).

5. Immunité personnelle conférée par les législations étrangères

58. Les diplomates, les personnes chargées de missions spéciales et certains hauts représentants gouvernementaux jouissent d’une immunité de juridiction pénale dans les Etats tiers, même lorsqu’ils sont soupçonnés ou accusés de crimes de guerre. Certains types de représentants bénéficient de cette immunité au titre des traités internationaux auxquels leurs Etats sont parties, tels que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques 
			(145) 
			«Les «agents diplomatiques»
s’entendent du chef de la mission ou d’un membre du personnel diplomatique
de la mission». «L’agent diplomatique jouit de l’immunité de la
juridiction pénale de l’Etat accréditaire. La personne de l’agent diplomatique
est inviolable.» «Il ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation
ou de détention.» (articles 1.e, 29, et 31.1 de la Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques). et la Convention sur les missions spéciales 
			(146) 
			«L’expression 'mission
spéciale' s’entend d’une mission temporaire, ayant un caractère
représentatif de l’Etat, envoyée par un Etat auprès d’un autre Etat,
avec le consentement de ce dernier pour traiter avec lui de questions déterminées
ou pour accomplir auprès de lui une tâche déterminée»; «Le chef
du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères et les autres
personnalités de rang élevé, quand ils prennent part à une mission
spéciale de l’Etat d’envoi, jouissent, dans l’Etat de réception
ou dans un Etat tiers, en plus de ce qui est accordé par la présente
convention, des facilités, privilèges et immunités reconnus par
le droit international»; «La personne des représentants de l’Etat
d’envoi dans la mission spéciale ainsi que celle des membres du
personnel diplomatique de celle-ci est inviolable. Ils ne peuvent être
soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention»; «Les représentants
de l’Etat d’envoi dans la mission spéciale et les membres du personnel
diplomatique de celle-ci jouissent de l’immunité de la juridiction
pénale de l’Etat de réception» (articles 1.a, 21.2, 29, 31.1 de
la Convention sur les missions spéciales). . L’immunité dont jouissent les représentants des Etats non parties à ces traités découle du droit international coutumier 
			(147) 
			Antonio Cassese, International Criminal Law, Oxford
University Press, Oxford, 2003, p. 264.. Ce type d’immunité personnelle constitue une défense procédurale exhaustive contre l’exercice de la législation pénale; il couvre les actes à caractère public ou privé commis par un nombre limité de catégories spécifiées de représentants pendant ou avant l’exercice de leurs fonctions, prend fin au terme de leur mandat et s’applique uniquement entre les Etats accréditants, les Etats accréditaires et les Etats tiers par lesquels les représentants transitent 
			(148) 
			Ibid., p. 266. .
59. Comme énoncé dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, le but des privilèges et immunités diplomatiques est de permettre aux personnes concernées «d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des Etats», ces immunités ne pouvant être levées que par les Etats accréditaires 
			(149) 
			Article
32 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.. La Cour internationale de justice (CIJ) a noté que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques «reflète le droit international coutumier» pour ce qui est du but des immunités, à savoir «assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des Etats» 
			(150) 
			Requête relative au
mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, Cour internationale
de justice, 14 février 2002, paragraphe 52.. Elle est arrivée à la conclusion que si un haut représentant jouissant d’immunité est arrêté dans un autre Etat à la suite d’une quelconque inculpation, il se trouve «à l’évidence» empêché de s’acquitter des tâches inhérentes à ses fonctions. Afin de déterminer l’étendue de l’immunité à l’étranger, la Cour a examiné, dans un premier temps, la nature des fonctions exercées par le haut représentant concerné.
60. Au vu de l’inviolabilité de l’immunité personnelle, les Etats tiers n’ont que très peu d’options si l’Etat accréditaire ne renonce pas à l’immunité. Si les allégations de crime de guerre sont connues avant l’arrivée de la personne concernée dans le pays, les Etats tiers peuvent demander à ce que cette dernière n’entre pas sur leur territoire. Si la personne se trouve déjà sur le territoire, tout Etat de réception peut déclarer l’individu en question persona non grata et demander à ce qu’il quitte immédiatement le pays 
			(151) 
			Voir, par exemple,
l’article 9.1 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques
(«L’Etat accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver
sa décision, informer l’Etat accréditant que le chef ou tout autre
membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou que tout autre
membre du personnel de la mission n’est pas acceptable. L’Etat accréditant
rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions
auprès de la mission, selon le cas. Une personne peut être déclarée non grata ou non acceptable avant
d’arriver sur le territoire de l’Etat accréditaire»); Convention
sur les missions spéciales, article 12.1 («L’Etat de réception peut,
à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l’Etat
d’envoi que tout représentant de l’Etat d’envoi dans la mission
spéciale ou tout membre du personnel diplomatique de celle-ci est persona non grata ou que tout autre
membre du personnel de la mission n’est pas acceptable. L’Etat d’envoi
rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions
auprès de la mission spéciale, selon le cas. Une personne peut être
déclarée non grata ou non
acceptable avant d’arriver sur le territoire de l’Etat de réception»).
Voir aussi Antonio Cassese, op. cit.,
p. 272. .
61. Toutefois, la CIJ a souligné que «l’immunité de juridiction (…) ne signifie pas qu’[un haut représentant] bénéficie d’une impunité au titre des crimes qu’il aurait pu commettre», attirant l’attention sur le fait qu’«immunité de juridiction pénale et responsabilité pénale individuelle sont des concepts nettement distincts. Alors que l’immunité de juridiction revêt un caractère procédural, la responsabilité pénale touche au fond du droit. L’immunité de juridiction peut certes faire obstacle aux poursuites pendant un certain temps ou a l’égard de certaines infractions; elle ne saurait exonérer la personne qui en bénéficie de toute responsabilité pénale» 
			(152) 
			Requête relative au
mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, Cour internationale
de justice, 14 février 2002, paragraphe 60.. Par conséquent, dans certaines circonstances, la responsabilité des hauts représentants gouvernementaux peut être engagée. «En premier lieu, en vertu du droit international, [ces personnes] ne bénéficient d’aucune immunité de juridiction pénale dans leur propre pays et peuvent par la suite être traduit[e]s devant les juridictions de ce pays conformément aux règles fixées en droit interne. En deuxième lieu, [elles] ne bénéficient plus de l’immunité de juridiction à l’étranger si l’Etat qu’[elles] représentent ou ont représenté décide de lever cette immunité. En troisième lieu, dès lors qu’un [haut représentant gouvernemental] a cessé d’occuper [ses fonctions], il ne bénéficie plus de la totalité des immunités de juridiction que lui accordait le droit international dans les autres Etats. A condition d’être compétent selon le droit international, un tribunal d’un Etat peut juger un [ancien haut représentant] d’un autre Etat au titre d’actes accomplis avant ou après la période pendant laquelle il a occupé ces fonctions, ainsi qu’au titre d’actes qui, bien qu’accomplis durant cette période, l’ont été à titre privé» 
			(153) 
			Ibid.,
paragraphe 61..
62. Pour donner suite à la conclusion de la CIJ selon laquelle «immunité n’est pas synonyme d’impunité», le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a émis des recommandations en vue de la mise en place, par l’Organisation, d’activités normatives visant à «définir clairement les exceptions à l’immunité des Etats en cas de violations graves des droits de l’homme» 
			(154) 
			Suites
données aux rapports du Secrétaire Général, établis en vertu de
l’article 52 de la CEDH, sur la question de la détention et du transport
secrets de détenus soupçonnés d’actes terroristes, notamment par
des agences relevant d’autres Etats ou à leur instigation (SG/Inf(2006)5
et SG/Inf(2006)13), 30 juin 2006, SG(2006)01, paragraphe 16. Le Secrétaire
Général a noté que de telles exceptions ne demanderaient pas la
modification des traités internationaux en vigueur concernant l’immunité
personnelle étant donné que cette immunité peut être levée (ibid.,
paragraphe 17.b).. L’objectif serait l’«adoption d’un instrument juridique du Conseil de l’Europe sur l’immunité des Etats et les violations graves des droits de l’homme, portant essentiellement sur les possibilités de levée de l’immunité. Cet instrument définirait une procédure d’obtention de la levée d’immunité dans certains cas de violations graves des droits de l’homme» 
			(155) 
			Ibid.,
paragraphe 22.. Pour déterminer le type d’affaires dans lesquelles il serait envisagé de lever l’immunité, le Secrétaire Général a noté que l’on pourrait s’appuyer sur les normes internationales en matière pénale et/ou de droits de l’homme.
63. Des demandes d’extradition adressées par la Serbie et la Croatie à des Etats tiers dans lesquels des personnes soupçonnées de crimes de guerre séjournaient ont été refusées en vertu de l’immunité personnelle dont ces individus bénéficiaient. Ainsi, en 2009, la Bulgarie a rejeté la demande de la Serbie concernant Agim Ceku, ancien Premier ministre du Kosovo 
			(156) 
			Toute
référence au Kosovo dans ce document, que ce soit le territoire,
les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine
conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations
Unies et sans préjuger du statut du Kosovo., qui avait été invité à séjourner dans le pays – tout comme l’avaient fait d’autres pays quelques années auparavant 
			(157) 
			D’après des informations
parues dans les médias, A. Ceku a été arrêté en Bulgarie puis relâché;
il lui avait été demandé de rester dans le pays, mais il a quitté
la Bulgarie dès sa libération. Le même scénario s’était produit
en Slovénie, en 2003, et en Hongrie, en 2004, et la Colombie a expulsé
cette personne en 2009. <a href='http://www.reuters.com/'>www.reuters.com</a>,
«Bulgaria releases ex-Kosovo PM wanted in Serbia» («La Bulgarie
relâche un ex-Premier ministre du Kosovo réclamé en Serbie»), 25 juin
2009.. De la même manière, en 2005, la Bulgarie a refusé la demande d’extradition émise par la Croatie concernant Cedomir Brankovic, qui séjournait dans le pays en tant que membre d’une délégation militaire serbe 
			(158) 
			Background
Report: Domestic War Crimes Trials 2005 (Rapport général:
sur les poursuites pour crimes de guerre engagées au niveau national
en 2005), Mission de l’OSCE en Croatie, 22 septembre 2006, p. 39.. Le rapporteur n’a pu obtenir aucune information sur l’engagement ou non de poursuites pénales par l’Etat d’origine.

6. Engagement de poursuites par des Etats tiers qui refusent l’extradition

64. La proposition de recommandation reprend les termes de la Recommandation 1427 (1999), qui, aux fins spécifiques du respect du droit humanitaire international, appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à introduire le principe aut dedere aut judicare (extrader ou poursuivre) dans leurs législations pénales respectives 
			(159) 
			La Convention de Genève
intègre explicitement les principes du aut
dedere aut judicare et de la coopération judiciaire entre
les Etats en matière d’extradition: article 146 de la Convention
de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre; article 88 du Protocole additionnel aux Conventions de
Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. . Dans sa réponse, qui date de 2001, le Comité des Ministres a déclaré que l’introduction de ce principe dans les législations pénales nationales était un «point complexe» qui faisait l’objet d’examen de la part du CDPC «dans le cadre de son actuelle réflexion concernant un nouveau départ de la coopération judiciaire en matière pénale en Europe» 
			(160) 
			Doc. 9174, Réponse
du Comité des Ministres à la Recommandation
1427 (1999) sur le respect du droit international humanitaire
en Europe.. En 2002, le rapport intitulé «Nouveau départ» examinait le principe aut dedere aut judicare en tant que moyen de concilier souveraineté et justice transnationale, en donnant l’exemple de plusieurs pays qui sont parvenus à un équilibre à cet égard 
			(161) 
			«Nouveau départ: un
rapport», Groupe de réflexion sur l’évolution de la coopération
internationale en matière pénale, PC-S-NS(2002)7, 18 septembre 2002,
approuvé par le CDPC en juin 2002, p. 16 et 21.. A la fin de l’année 2005, un groupe d’experts du Conseil de l’Europe a conclu dans son Rapport final d’activité que ce principe «n’en reste pas moins une alternative valable à l’extradition» 
			(162) 
			CDPC, Comité d’experts
sur la justice pénale, Rapport final
d’activité, PC-TJ(2005)10, 20 décembre 2005, paragraphe
50, p. 12.. Par conséquent, «à titre de solution provisoire pour favoriser un système de justice transnationale efficace et d’outil concret contre l’impunité, il convient d’appliquer pleinement le principe aut dedere aut judicare, en prenant toujours en considération son caractère complémentaire avec celui de la justice initiale» 
			(163) 
			Ibid.,
paragraphe 52, p. 13.. Toutefois, aucun de ces deux rapports ne contient d’informations sur la mesure dans laquelle les Etats membres du Conseil de l’Europe et les observateurs auprès de l’Organisation ont intégré cette solution dans leur juridiction nationale.
65. Lorsque l’extradition est refusée pour des raisons liées à la nationalité, la convention prévoit un mécanisme devant être mis en œuvre par l’Etat dont la requête a été rejetée afin d’éviter que la personne concernée reste impunie. Plus précisément, l’Etat requérant a la possibilité de demander à l’Etat requis d’engager des poursuites 
			(164) 
			Article
6.2 de la convention. . S’il émet une telle demande, l’Etat requis a l’obligation de «soumettre l’affaire aux autorités judiciaires» afin que celles-ci déterminent «s’il y a lieu de poursuivre» 
			(165) 
			Rapport explicatif
de la convention, p. 7.. Pendant la phase d’élaboration de la convention, il avait été proposé d’imposer l’obligation d’engager des poursuites pénales à tout Etat requis dès lors que ce dernier refuserait une demande d’extradition pour des raisons liées à la nationalité. Mais cette proposition a été rejetée et il a été décidé de laisser cette question à la discrétion de la Partie requérante. Plusieurs Etats parties à la convention ont reconnu, par le biais de déclarations, l’obligation (et l’intention) de poursuivre ceux de leurs ressortissants pour lesquels des demandes d’extradition ont été rejetées, au moins pour certaines infractions commises à l’étranger, et ce dès lors que certaines conditions précises sont remplies 
			(166) 
			Chypre, le Liechtenstein
et la Suisse. . Les Etats concernés n’ont pas fourni d’informations sur la mesure dans laquelle ils ont fait usage de cette possibilité lorsqu’ils ont été confrontés à de tels cas.
66. Dans certaines affaires, il a pu être remédié à l’impunité grâce à une coopération pragmatique entre les procureurs nationaux des Etats concernés pour le transfert d’informations et de preuves.
67. En effet, outre les accords d’entraide judiciaire précédemment mis en place entre les procureurs nationaux/publics des Etats de l’ex-Yougoslavie, le bureau du procureur national suprême du Monténégro, le bureau du procureur national de Croatie et le bureau du procureur spécial de Serbie pour les crimes de guerre ont récemment signé des accords bilatéraux spéciaux d’entraide judiciaire en matière de poursuites dans les crimes de guerre. La Croatie a également proposé de signer un accord de ce type avec la Bosnie-Herzégovine.
68. Dans le cadre de cette coopération, le procureur croate a déclaré que son bureau avait préparé et transmis des informations et des preuves concernant 24 affaires de crimes de guerre au bureau du procureur spécial de Serbie pour les crimes de guerre, ainsi que des informations et des preuves concernant une affaire de ce type au bureau du procureur national suprême du Monténégro. Au total, dans le cadre des affaires susmentionnées, 49 personnes étaient soupçonnées de crimes de guerre, mais elles n’ont pas pu être extradées vers la Croatie pour des questions de nationalité. Toutefois, à la suite de ces échanges de preuves et à la conduite de recherches, cinq de ces personnes sont désormais en attente de jugement au Monténégro, et 13 le sont en Serbie. Une personne a déjà été condamnée en Serbie, et d’autres affaires sont actuellement en cours d’investigation.
69. Certains des Etats concernés ont également réexaminé la question de la reconnaissance des décisions rendues à l’étranger. Ainsi, en février 2010, les ministres de la Justice de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie ont signé à Sarajevo un accord bilatéral reconnaissant les décisions étrangères, ce qui permet ainsi de prévenir l’utilisation abusive des nationalités multiples afin d’échapper à la condamnation pour crime (y compris les crimes de guerre). En outre, le ministre croate a déclaré que la Croatie avait entrepris d’amender sa Constitution et que le pays entendait signer très rapidement par la suite un nouvel accord avec la Bosnie-Herzégovine en vue de permettre l’extradition entre ces deux pays de leurs ressortissants respectifs. La Constitution a été amendée en juin 2010.
70. Dans les cas où le refus d’extrader serait motivé par des raisons autres que la nationalité ou la territorialité, l’engagement de poursuites par un Etat tiers reposerait sur l’exercice de la juridiction universelle relative aux personnes et aux infractions concernées, celle-ci n’ayant pas ou ayant peu de liens avec les Etats – si ce n’est la présence de l’individu réclamé.

7. Recommandations

71. Dans sa Résolution 1564 (2007), l’Assemblée a souligné le caractère inacceptable de l’impunité des responsables de crimes de guerre; elle a également appelé à ce que toutes les mesures soient prises pour s’assurer que les auteurs de telles infractions qui sont toujours en fuite n’échappent pas à la justice. C’est aux Etats concernés qu’il incombe en premier lieu de veiller à la réalisation de cet objectif. Toutefois, il est évident que ceux-ci ne peuvent pas combattre pleinement et efficacement l’impunité lorsque les auteurs de ces infractions se trouvent hors de leur portée, à l’étranger. Par conséquent, la coopération entre tous les Etats est fondamentale pour lutter contre l’impunité des responsables de crimes de guerre.
72. L’importance d’une telle coopération a également été soulignée dans la Résolution 827 (1993) du Conseil de sécurité des Nations Unies établissant le TPIY, dont le paragraphe 4 est libellé comme suit: «Le Conseil de sécurité décide que tous les Etats apporteront leur pleine coopération au tribunal international et à ses organes, conformément à la présente et au Statut du tribunal international, et que tous les Etats prendront toute mesure nécessaire en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du Statut, y compris l’obligation des Etats de se conformer aux demandes d’assistance ou aux ordonnances émanant d’une chambre de première instance en application de l’article 29 du Statut.»
73. Pour garantir l’efficacité des poursuites pour crimes de guerre, il conviendrait d’adopter une approche identique pour la coopération avec les Etats concernés lorsque les procès se déroulent devant leurs juridictions nationales, notamment aux termes de la Résolution 1564 (paragraphe 15) de l’Assemblée, qui confirme expressément que le moment est venu pour les juridictions nationales des Etats concernés d’assurer le relais du TPIY et de poursuivre les responsables présumés de crimes de guerre n’ayant pas encore été traduits en justice.
74. Si la Convention européenne d’extradition permet l’extradition en cas de violation des dispositions des Conventions de Genève et de la législation humanitaire internationale, elle ne traite pas spécifiquement des obligations relatives à l’extradition dans les affaires relatives à des crimes de guerre. A cet égard, étant donné que des discussions sont en cours en vue de mettre la convention à jour, il serait bon que l’Assemblée obtienne des informations sur l’état d’avancement et le contenu de ces discussions ayant trait au thème du présent rapport. Il conviendrait également que l’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’informer les organes pertinents du Conseil de l’Europe, notamment le Comité d’experts sur le fonctionnement des Conventions européennes sur la coopération dans le domaine pénal, de certains points de préoccupation spécifiques relatifs à l’extradition des personnes soupçonnées de crimes de guerre. L’Assemblée pourrait notamment recommander au Comité des Ministres de demander que les organes pertinents du Conseil de l’Europe obtiennent et diffusent des informations sur la mesure dans laquelle les Etats membres ont consacré le principe aut dedere aut judicare et transposé en droit interne la juridiction universelle relative aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité.
75. Il serait également utile de se pencher sur les raisons pour lesquelles les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe n’ont pas signé et/ou ratifié les conventions citées dans l’introduction du présent rapport. En effet, peu d’Etats ont ratifié la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, malgré la recommandation à cet égard adressée à plusieurs reprises par l’Assemblée aux Etats membres. Il en va de même concernant la ratification de la convention des Nations Unies sur cette même question, ainsi que pour le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
76. L’Assemblée a clairement déclaré que l’interdiction d’extradition des nationaux dans tous les Etats concernés était un obstacle sérieux au cours de la justice. Le présent rapport confirme néanmoins que cette restriction est une pratique courante dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
77. Dans la mesure où la nationalité est le motif de rejet de demande d’extradition le plus fréquemment invoqué, il conviendrait d’inviter instamment tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à soumettre l’acquisition de la nationalité à un examen attentif et à ne pas l’accorder à une personne inculpée de crime de guerre dans un autre pays. Par ailleurs, même lorsque l’extradition est accordée, le processus lui-même est parfois extrêmement long (il dure parfois plus de dix ans); or, plus le temps passe, plus il est difficile d’organiser un procès.
78. Pour donner suite à la Résolution 1564 (2007), il serait utile d’obtenir des informations sur le statut de la réforme des législations nationales concernant l’interdiction de procéder à l’extradition de ressortissants entre les Etats concernés, notamment en ce qui concerne «l’utilisation abusive de l’acquisition de la double nationalité» et le transfert de dossiers de poursuites judiciaires vers un autre pays, qui ont été définis comme des obstacles juridiques qu’il conviendrait de lever.
79. Dans leurs discussions sur la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY, le Conseil de sécurité des Nations Unies et le TPIY n’ont pas pris note du rôle direct des Etats tiers dans les poursuites pénales relatives aux crimes de guerre perpétrés dans les pays de l’ex-Yougoslavie. Le rapporteur est d’avis que l’Assemblée pourrait souligner ce point dans sa résolution et le soumettre à l’attention des représentants du TPIY et du Conseil de sécurité des Nations Unies compétents en la matière en vue de permettre à ces instances d’exposer toute éventuelle réflexion à ce sujet dans de futurs rapports ou d’effectuer des déclarations sur ce thème.
80. Le droit des traités du Conseil de l’Europe relatif à l’entraide judiciaire en matière pénale, constitué, notamment, de la convention et de ses protocoles, fait partie de l’acquis de l’Union européenne. Le rapporteur propose que, le cas échéant, l’Assemblée envisage de mener des initiatives conjointes avec le Parlement européen en vue de renforcer la coopération entre les Etats membres de l’Union européenne et les Etats concernés. Il s’agit là d’une question de plus en plus importante dans la mesure où les Etats concernés ne sont plus des refuges pour les responsables présumés de crimes de guerre (voir section 6); ainsi, il s’agit désormais d’éviter que la «zone d’impunité» que constituaient les Etats concernés ne soit pas remplacée par une autre «zone d’impunité» ailleurs dans le monde.
81. A ce jour, les Etats concernés n’ont fourni que des informations limitées quant à leurs demandes d’extradition, notamment celles qui concernent les crimes de guerre perpétrés au Kosovo au cours des années 1990. Toutefois, les besoins actuels concernant l’étendue de la coopération sont vraisemblablement plus importants que ce que reflète le présent rapport, et il est probable qu’à l’avenir, les besoins de coopération avec les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe augmenteront. Pour mieux apprécier la situation, il conviendrait d’obtenir davantage d’informations et d’assurer un suivi sur ce point.
82. Le rapporteur estime que cette question mériterait d’être examinée plus avant par les Etats concernés, ainsi que par l’Assemblée. Par conséquent, il propose que l’Assemblée reste saisie de cette question (et entend élaborer une nouvelle proposition de résolution à cette fin) et qu’elle poursuive ses travaux en tentant notamment d’obtenir des Etats membres et observateurs, d’ici à la fin de 2011, des informations complémentaires en particulier sur les questions liées aux normes du Conseil de l’Europe et des Nations Unies précédemment mentionnées, en gardant à l’esprit les indications suivantes:
  • il serait utile de compléter les informations actuellement disponibles sur les demandes d’extradition relatives à des crimes de guerre émises par les Etats concernés. La collecte de ce type d’informations s’en trouverait facilitée si, d’une part, ces Etats établissaient une distinction entre les informations spécifiques aux crimes de guerre ou aux crimes liés à la guerre et les informations spécifiques aux autres types de demandes, et si, d’autre part, ils harmonisaient les informations sur cette question au sein des différentes instances dans les Etats concernés, et entre celles-ci ;
  • pour avoir une idée plus précise de l’ampleur que pourraient prendre les demandes d’extradition à l’avenir, il conviendrait de s’informer sur le nombre de mandats d’arrêts internationaux déjà délivrés par chacun des Etats concernés à l’encontre de personnes accusées de crimes de guerre (ou condamnées pour ce type d’infraction), ou sur le nombre de mandats qui pourraient être délivrés à l’avenir. Au total, le nombre de mandats délivrés s’élèvera probablement à plusieurs milliers (mandats en vigueur et futurs mandats confondus) ;
  • il conviendrait également de demander à tous les Etats membres/observateurs du Conseil de l’Europe ayant reçu des mandats d’arrêt internationaux relatifs à des crimes de guerre de fournir des informations sur la mesure dans laquelle il a été tenu compte de ce mandat, en gardant à l’esprit la recommandation faite par l’Assemblée d’accorder une attention particulière à la lutte contre l’impunité relative aux crimes de guerre ;
  • il serait utile de demander aux Etats concernés des renseignements sur la mesure dans laquelle ils ont eu recours à la possibilité offerte par la convention de demander que les Etats qui refusent l’extradition pour des raisons liées à la nationalité engagent eux-mêmes des poursuites, ou la mesure dans laquelle ils ont utilisé les mécanismes de résolution des litiges prévus par les protocoles ;
  • il conviendrait d’inviter les Etats non membres et observateurs du Conseil de l’Europe à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lutter contre l’impunité relative aux crimes de guerre, conformément aux initiatives de l’Assemblée et des Nations Unies, ce qui englobe notamment la mise en œuvre des dispositions de la Résolution (1993) du Conseil de sécurité établissant le TPIY et le respect du Statut de ce dernier.