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Rapport | Doc. 12281 | 07 juin 2010
La situation au Kosovo* et le rôle du Conseil de l’Europe
Commission des questions politiques et de la démocratie
Résumé
Le faible respect de la prééminence du droit affecte la vie quotidienne de tous les habitants du Kosovo, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent. Il mine leur confiance dans le système politique et les perspectives de développement économique.
Le Conseil de l’Europe devrait se fixer l’objectif d’améliorer les normes dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo, afin que ses habitants puissent jouir d’un niveau de droits équivalent à celui que défend le Conseil de l’Europe, indépendamment du statut du Kosovo.
A. Projet de résolution
(open)1. Depuis la déclaration unilatérale d’indépendance
du 17 février 2008, les institutions du Kosovo se considèrent comme
les autorités souveraines et légitimes du Kosovo et ont pris des
mesures pour affirmer la nature étatique du Kosovo. 69 membres des
Nations Unies ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Toutefois, la
question de la conformité de la déclaration unilatérale d’indépendance
avec le droit international fait actuellement l’objet d’un examen
par la Cour internationale de justice, à la suite d’une demande
d’avis consultatif de l’Assemblée générale de l’Organisation des
Nations Unies.
2. La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies
au Kosovo (MINUK), mise en place par la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, continue d’être
présente au Kosovo, même si ses effectifs ont été considérablement
réduits et que sa latitude dans l’exercice de ses fonctions exécutives
ait diminué. Elle a été rejointe par la Mission Etat de droit de
l’Union européenne au Kosovo (EULEX), qui agit également sous l’égide
de la Résolution 1244 et a le mandat principal de surveiller, guider et conseiller
les institutions du Kosovo dans les domaines du pouvoir judiciaire,
des douanes et de la police. EULEX dispose également d’un mandat
exécutif pour traiter des crimes de guerre et des infractions graves
ou relevant de la criminalité organisée.
3. Le Conseil de l’Europe applique une politique de neutralité
quant au statut du Kosovo et reconnaît la validité continue de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela étant,
le Kosovo a été reconnu Etat indépendant et souverain par 33 de
ses Etats membres.
4. L’Assemblée parlementaire est convaincue que, en ce qui concerne
le Kosovo et dans les circonstances actuelles, son attention devrait
essentiellement se porter non pas sur le statut mais sur les normes.
Elle est particulièrement d’avis que, indépendamment de son statut,
le Kosovo devrait être un lieu sûr pour tous ceux qui y vivent et
un lieu où des normes en matière de démocratie, de prééminence du
droit et de droits de l’homme équivalentes à celles que défend le
Conseil de l’Europe soient pleinement respectées.
5. Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite du niveau de sécurité
accru au Kosovo, tel que l’ont reconnu les acteurs internationaux
sur le terrain, et de la diminution du nombre d’incidents interethniques.
Elle insiste cependant sur la nécessité de surveiller étroitement
la situation sécuritaire dans les municipalités du nord du Kosovo,
situation qui reste instable. Elle regrette également que, partout
au Kosovo, les différentes communautés vivent séparément, avec un
niveau d’interaction négligeable, et que le dialogue interethnique
et la réconciliation demeurent toujours des objectifs à atteindre.
6. L’Assemblée fait part de sa vive préoccupation concernant
le faible respect de la prééminence du droit au Kosovo, qui affecte
la vie quotidienne de tous ses habitants, quelle que soit la communauté
à laquelle ils appartiennent, et leur confiance dans le système
politique. Cette situation empêche également la bonne gouvernance,
le développement économique et, à long terme, les perspectives d’intégration
européenne.
7. Malgré d’importants efforts législatifs pour réformer l’administration,
le pouvoir judiciaire et d’autres secteurs clés, il reste encore
beaucoup à faire pour consolider le fonctionnement démocratique
des institutions, améliorer la stabilité politique et garantir un
niveau de gouvernance qui amènerait le Kosovo à s’aligner avec les
normes du Conseil de l’Europe.
8. La participation de toutes les communautés du Kosovo au système
politique reste un défi majeur à relever, bien que les Serbes du
Kosovo vivant au sud de la rivière Ibar soient de plus en plus prêts
à trouver un modus vivendi avec les autorités du Kosovo, comme l’indique
leur taux de participation accru aux élections locales de novembre
2009 au Kosovo. En outre, certaines communautés, comme les Serbes
du Kosovo ainsi que les Roms, les Ashkalis et les Egyptiens (RAE),
sont toujours victimes de discrimination et continuent de faire
face à des difficultés pratiques dans l’exercice de leurs droits
et de leurs libertés.
9. L’Assemblée note que la Constitution du Kosovo intègre dans
le droit interne les principaux instruments internationaux relatifs
aux droits de l’homme, notamment la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE no 005),
la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE
no 157) et la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, et que le Gouvernement du Kosovo a adopté un Plan
d’action stratégique sur les droits de l’homme pour 2009-2011. L’Assemblée
rappelle cependant que l’incorporation de ces instruments ne saurait
être en soi une garantie de protection efficace des droits de l’homme
si elle n’est pas appuyée par un engagement politique solide visant
à en assurer la mise en œuvre.
10. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite EULEX,
la MINUK et les institutions du Kosovo à renforcer leurs actions
visant à consolider la prééminence du droit au Kosovo, notamment:
10.1. en prenant position publiquement
contre la corruption, y compris dans le système politique;
10.2. en introduisant sans délai une législation complète relative
à l’attribution des marchés publics, qui pallie les faiblesses juridiques
et pratiques actuelles;
10.3. en prenant des mesures concrètes pour améliorer l’état
du pouvoir judiciaire, notamment en vue de renforcer son efficacité,
sa compétence, son éthique et son indépendance.
11. L’Assemblée encourage l’Union européenne:
11.1. à poursuivre sa politique de
diversité sur le statut et d’unité sur l’engagement, tout en garantissant une
perspective européenne pour le Kosovo, dans le cadre des Balkans
occidentaux;
11.2. à renforcer sa mission EULEX:
11.2.1. en améliorant son image publique au Kosovo, à travers
une politique de communication plus élaborée et plus inclusive;
11.2.2. en renforçant sa présence et son rôle dans le nord du
Kosovo.
12. L’Assemblée appelle les autorités de Pristina et de Belgrade:
12.1. à adopter une attitude constructive
et pragmatique dans la recherche de solutions aux problèmes concrets
qui touchent les Serbes du Kosovo et d’autres communautés minoritaires
vivant au Kosovo ou venant du Kosovo, en particulier en ce qui concerne
la délivrance de documents, la reconnaissance de la validité de
documents (comme les cartes d’identité, passeports, permis de conduire
et diplômes) et la disponibilité de l’approvisionnement en énergie;
12.2. à faire davantage d’efforts afin de faciliter la reconnaissance
des droits de propriété et la restitution des propriétés à leurs
possesseurs et, si ce n’est pas possible, de prévoir une compensation équivalente
dans la ligne des dispositions de la Résolution 1708 (2010) de l’Assemblée sur la résolution des problèmes de propriété
des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays, en harmonie avec la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme;
12.3. à engager un dialogue inclusif avec la société civile
serbe du Kosovo dans le secteur nord du territoire, y compris en
dehors des structures formelles;
12.4. à continuer de coopérer dans le cadre des activités du
Groupe de travail sur les personnes portées disparues et au sein
de la Commission pour la mise en œuvre de la reconstruction (RIC)
et d’établir le dialogue sur d’autres questions d’intérêt commun;
12.5. à veiller à la coopération la plus complète possible avec
l’Unité d’enquête sur les crimes de guerre d’EULEX et le Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie;
12.6. à adopter une démarche souple dans le contexte des initiatives
de coopération régionale afin de faciliter la participation de leurs
représentants, et ce indépendamment de considérations de statut;
12.7. à être proactives dans la promotion du dialogue et de
la réconciliation entre les communautés, dans les interventions
politiques et publiques.
13. L’Assemblée invite les institutions du Kosovo:
13.1. à assurer une entière coopération
avec EULEX dans le cadre des enquêtes concernant des infractions
graves ou relevant de la criminalité organisée ainsi que des crimes
de guerre;
13.2. à coopérer pleinement avec l’Agence de lutte contre la
corruption du Kosovo, en renforçant son indépendance et le professionnalisme
de son personnel, en lui affectant des ressources suffisantes et en
s’assurant du suivi de ses recommandations;
13.3. à tenir pleinement compte du caractère multiethnique du
Kosovo, en particulier:
13.3.1. en
mettant en œuvre scrupuleusement la législation relative aux droits
des minorités, à la décentralisation et aux langues minoritaires;
13.3.2. en créant les conditions socio-économiques pour la pleine
intégration dans la société des personnes appartenant à des communautés
minoritaires, notamment les personnes déplacées et rapatriées;
13.3.3. en créant les conditions pour un retour sans danger et
pour la réintégration des personnes déplacées qui souhaitent revenir;
13.3.4. en encourageant la participation des personnes issues
de communautés minoritaires au système politique et à la vie publique;
13.3.5. en agissant résolument contre la discrimination pour des
raisons ethniques, à la fois dans la sphère publique et privée;
13.3.6. en condamnant publiquement les crimes interethniques et
en chargeant la police de tenir des statistiques précises sur ces
crimes;
13.4. à garantir le respect effectif des instruments internationaux
relatifs aux droits de l’homme incorporés dans le droit national,
notamment la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales;
13.5. à envisager d’incorporer dans la législation interne d’autres
conventions du Conseil de l’Europe, en vue d’adopter les normes
du Conseil de l’Europe;
13.6. à garantir l’indépendance des médias et promouvoir le
rôle des médias comme catalyseur du dialogue interethnique et de
la réconciliation, en particulier:
13.6.1. en rétablissant un budget indépendant pour le radiodiffuseur
public RTK;
13.6.2. en garantissant l’indépendance du conseil d’administration
de RTK;
13.6.3. en encourageant la production, la diffusion et la radiodiffusion
de programmes de radio et de télévision dans les langues minoritaires,
notamment à l’échelle du Kosovo;
13.6.4. en soutenant les efforts des professionnels des médias
pour produire des programmes de radio et de télévision, ainsi que
des articles écrits, dressant un portrait de la situation des différentes
communautés dans les différentes régions du Kosovo;
13.7. à prendre des mesures pour défendre la condition des femmes
et favoriser l’égalité entre les sexes, notamment:
13.7.1. en agissant résolument contre
la traite des êtres humains;
13.7.2. en adoptant des mesures et programmes pour résoudre la
situation des victimes de la traite, et en facilitant leur réinsertion
dans la société;
13.7.3. en soutenant ou en organisant des campagnes publiques
contre la violence domestique;
13.7.4. en prenant des mesures appropriées pour promouvoir l’indépendance
économique des femmes;
13.7.5. en luttant contre les discriminations à l’égard des femmes
dans tous les domaines, notamment dans le contexte des législations
et pratiques relatives à l’héritage et autres questions de droit
civil, comme le divorce, la séparation et la garde des enfants;
13.8. à prendre d’urgence des mesures pour reloger de façon
permanente la population rom des camps de Cesmin Lug et Osterode
Cesmin, fortement contaminés au plomb, et fournir un traitement médical
à ceux dont la santé a été affectée, comme l’a également recommandé
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
14. L’Assemblée invite les autorités serbes:
14.1. à éliminer tous les obstacles
pratiques pour les personnes déplacées qui souhaitent revenir, en particulier
en ce qui concerne l’accès aux informations et la reconnaissance
et la transmission de documents, y compris les informations cadastrales
et les titres de propriété;
14.2. à mettre en place des programmes appropriés visant à garantir
l’intégration en Serbie des personnes déplacées du Kosovo qui ne
souhaitent ou ne peuvent pas revenir.
15. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
15.1. à s’abstenir de renvoyer de
force au Kosovo des personnes qui pourraient encore nécessiter une protection
internationale conformément aux lignes directrices du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés;
15.2. à tenir compte des capacités du Kosovo à accueillir des
rapatriés avant de décider de renvoyer des personnes au Kosovo.
16. Afin de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe au Kosovo,
l’Assemblée:
16.1. encourage le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à poursuivre
ses activités relatives au Kosovo;
16.2. invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à
communiquer au Secrétariat de l’Organisation que des relations de
travail directes avec les autorités du Kosovo à tous les niveaux
sont possibles lorsqu’elles sont justifiées par la nécessité d’assurer
la bonne mise en œuvre des activités du Conseil de l’Europe qui
respectent la neutralité du statut.
17. Afin de contribuer au renforcement du fonctionnement démocratique
des institutions du Kosovo, l’Assemblée:
17.1. encourage les partis politiques du Kosovo:
17.1.1. à adopter des règles relatives
à leur fonctionnement démocratique interne;
17.1.2. à encourager l’égalité des sexes au sein de leurs structures,
parmi leurs dirigeants et sur les listes électorales;
17.1.3. à encourager la diversité ethnique parmi les membres,
les dirigeants et sur les listes électorales;
17.2. décide d’entamer un dialogue avec les représentants des
forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo sur des questions
d’intérêt commun, en tenant compte des préoccupations et intérêtslégitimes
de la Serbie et en assurant la conformité avec la Résolution 1244 du
Conseil de sécurité des Nations Unies.
B. Projet de recommandation
(open)1. Se référant à sa Résolution … (2010) sur la situation
au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée
parlementaire est d’avis que, quoique divisés sur la question du
statut, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient être
unis pour soutenir une plus grande implication du Conseil de l’Europe
au Kosovo, au bénéfice de tous ses habitants.
2. Bien que plus des deux tiers des Etats membres du Conseil
de l’Europe aient reconnu le Kosovo en tant qu’Etat indépendant,
l’Organisation met en œuvre une politique de neutralité du statut
vis-à-vis du Kosovo. Dans ces circonstances, l’Assemblée estime
que l’engagement du Conseil de l’Europe au Kosovo devrait avoir pour
but d’améliorer les normes dans les domaines de la démocratie, des
droits de l’homme et de la prééminence du droit, afin que la population
du Kosovo puisse jouir d’un niveau de droits équivalent à celui que
défend le Conseil de l’Europe, indépendamment du statut du Kosovo.
3. A cette fin, le Conseil de l’Europe devrait élargir l’éventail
de ses activités au Kosovo et faire preuve de pragmatisme, de souplesse
et d’imagination pour trouver les formules qui permettront l’éventail
le plus large possible d’activités du Conseil de l’Europe et de
mécanismes à appliquer au Kosovo tout en respectant sa politique
actuelle de neutralité du statut.
4. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée recommande
au Comité des Ministres:
4.1. de
formuler clairement l’engagement politique selon lequel le Conseil
de l’Europe devrait contribuer à améliorer les normes en matière
de démocratie, de droits de l’homme et de la prééminence du droit
au Kosovo et de considérer cet engagement comme une priorité dans
les travaux de l’Organisation;
4.2. de donner la priorité aux activités visant à améliorer
la prééminence du droit, à lutter contre la corruption, le crime
organisé et la criminalité économique et à renforcer le pouvoir
judiciaire au Kosovo;
4.3. de poursuivre ses activités dans le domaine de l’éducation
ainsi que de la protection et de la réhabilitation du patrimoine
culturel au Kosovo, qui jouent un rôle fondamental pour encourager
le dialogue interethnique et la réconciliation;
4.4. de soutenir la poursuite et le développement d’activités
qui rassemblent des personnes de différentes communautés du Kosovo;
4.5. d’adopter une approche proactive dans les négociations
de nouvelles modalités visant à garantir la poursuite des activités
du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et du Comité consultatif
pour la protection des minorités nationales au Kosovo et de faire
en sorte que les rapports de ces organes soient adressés directement aux
autorités qui ont un pouvoir véritable et effectif dans le domaine
concerné, et qui peuvent ensuite mettre en œuvre les recommandations
pertinentes;
4.6. de lancer une étude de faisabilité sur la manière d’étendre
la mise en œuvre d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe
au Kosovo;
4.7. de mener une étude sur la pertinence et l’applicabilité
de la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l’homme sur
la question de la restitution des propriétés ou l’attribution decompensations financières
équivalentes, au cas du Kosovo;
4.8. d’apporter son soutien aux activités visant à encourager
l’égalité entre les sexes, la lutte contre la violence à l’encontre
des femmes, y compris la violence domestique et la lutte contre
la traite des êtres humains au Kosovo;
4.9. de mettre en place des activités visant à renforcer l’indépendance
des médias au Kosovo;
4.10. d’intensifier ses activités relatives à la situation des
communautés rom, ashkali et égyptienne au Kosovo;
4.11. de renforcer le rôle, la visibilité et les capacités du
bureau du Conseil de l’Europe à Pristina, notamment en augmentant
ses moyens et capacité en matière d’analyse politique et d’alerte
précoce;
4.12. de continuer à coopérer étroitement dans le cadre institutionnel
complexe présent au Kosovo, y compris avec les acteurs internationaux
et les institutions du Kosovo, et de renforcer ses contacts avec la
société civile et les organisations non gouvernementales;
4.13. de veiller à ce que la politique de neutralité du point
de vue du statut soit mise en œuvre de telle façon qu’elle n’empêche
pas les contacts de travail directs entre le personnel du Conseil
de l’Europe et les autorités du Kosovo, et ce à tous les niveaux,
lorsque de tels contacts se justifient par la nécessité de garantir
la bonne mise en œuvre des activités du Conseil de l’Europe qui
respectent la neutralité du statut.
C. Exposé des motifs, par M. von Sydow, rapporteur
(open)1. Introduction
1. Je me suis engagé dans la mission de rapporteur sur
la situation au Kosovo en toute conscience des défis qu’elle comporte.
Le statut du Kosovo étant à l’origine de dissensions profondes,
je me garderai de toute tentative de parvenir à un consensus sur
cette question. Au contraire, même si je suis tenu de prendre en compte
la déclaration unilatérale d’indépendance de l’Assemblée du Kosovo
et ses conséquences sur le terrain, j’adopterai une approche neutre
du point de vue du statut. Je suis convaincu que, pour l’heure et
dans les circonstances actuelles, le rôle d’un rapporteur de l’Assemblée
n’est pas de traiter la question du statut, étant donné que:
- sous l’angle juridique, la question de la conformité de la déclaration d’indépendance avec le droit international fait actuellement l’objet d’un examen par la Cour internationale de justice (CIJ), à la suite d’une demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale de l’ONU ;
- sous l’angle politique, au moment de la rédaction du présent rapport, le Kosovo a été reconnu Etat indépendant et souverain par 69 pays, dont 33 Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. J’ai pour ambition de promouvoir un consensus sur un autre
aspect de la question du Kosovo: que sa population bénéficie d’une
bonne gouvernance, d’une démocratie satisfaisante, de la prééminence
du droit et des mêmes normes juridiques et de droits de l’homme
que les autres personnes en Europe, quels que soient le statut du
Kosovo, la communauté ethnique à laquelle ils appartiennent, qu’ils
vivent au nord ou au sud de la rivière Ibar. Pour reprendre un vocabulaire
souvent associé au Kosovo, je ne me préoccuperai pas de statut mais
de normes. En cela, je m’efforcerai:
- d’analyser la situation sur le terrain en matière de gouvernance, de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit;
- de suggérer ce qui doit être fait en vue du plein respect des normes;
- de recommander comment le Conseil de l’Europe peut contribuer à l’application de ces normes.
3. Ce rapport s’appuie notamment sur une série de discussions
plus ou moins formelles avec des acteurs qui ont une connaissance
directe de la situation au Kosovo, dont M. Hammarberg, Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui a consacré une
attention toute particulière à des questions spécifiques relatives
aux droits de l’homme, lors d’un échange de vues organisé par la
commission des questions politiques à Strasbourg et de plusieurs visites d’information,
en particulier:
- à Pristina, Gijlan, Gracanica et Mitrovica (du 2 au 5 février 2009);
- à Belgrade (8 et 9 juin 2009);
- à Bruxelles (25 et 26 novembre 2009);
- en divers lieux au Kosovo (du 21 au 26 février 2010).
2. Complexité du schéma institutionnel
4. A l’heure actuelle, le Kosovo présente un schéma
institutionnel complexe dans lequel interviennent des acteurs locaux
et internationaux. Certaines des institutions ont été mises en place
à la suite de l’indépendance déclarée du Kosovo, tandis que d’autres
sont neutres du point de vue du statut. Certaines ont des fonctions exécutives,
d’autres essentiellement consultatives mais peuvent exercer des
fonctions exécutives par défaut si les institutions concernées ne
remplissent pas ces fonctions. La complexité de ce schéma institutionnel
exige un gros effort de coordination et de vigilance pour éviter
les lacunes ou les chevauchements qui risqueraient de nuire à la
sécurité, à la gouvernance et la prééminence du droit.
5. Depuis la déclaration d’indépendance, les institutions du
Kosovo, qui se considèrent comme les autorités souveraines, ont
pris des mesures pour affirmer la nature étatique du Kosovo; notamment
la présidence, les ministères et l’Assemblée continuent d’exister
au même titre qu’avant la déclaration unilatérale d’indépendance,
mais refusent l’appellation d’«Institutions provisoires d’administration
autonome» (IPAA). Des ministères de l’Intégration européenne, des
Affaires étrangères et de la Défense ont été créés au sein du gouvernement.
6. Au moment de la déclaration d’indépendance, le Kosovo a demandé
expressément une présence civile internationale, comme envisagée
dans la Proposition globale de règlement portant statut du Kosovo
(ci-après «proposition Ahtisaari») .
7. En réponse à cette demande, l’International Steering Group
(ISG) pour le Kosovo – formé par 25 Etats qui ont reconnu l’indépendance
du Kosovo et soutiennent la proposition Ahtisaari – a nommé Pieter
Feith, diplomate néerlandais et ancien membre du secrétariat du
Conseil de l’Union européenne, représentant civil international
(RCI) chargé de suivre et de s’assurer de la mise en œuvre de la
proposition Ahtisaari par le Gouvernement du Kosovo.
8. Pieter Feith détient également un mandat simultané de représentant
spécial de l’Union européenne (RSUE) au Kosovo ,
au titre duquel il doit veiller à la coordination globale de la
présence de l’Union et à la cohérence de son action vis-à-vis du
public, fournir des indications politiques locales au responsable
de la Mission «Etat de droit» de l’Union européenne au Kosovo (EULEX)
et contribuer au développement et à la consolidation du respect
des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
9. La création d’un RSUE au Kosovo s’inscrivait dans une tendance
qui s’est développée en parallèle des négociations sur le statut
final du Kosovo, à savoir la réduction des effectifs de l’ONU présents
sur le terrain et l’accroissement réciproque de la participation
politique et opérationnelle de l’Union européenne par une vaste mission
de terrain qui devait être déployée après la conclusion positive
des négociations.
10. Sortant du cadre d’une solution négociée, la déclaration d’indépendance
a posé d’importants problèmes politiques à la participation de l’Union
européenne sur le terrain dans la mesure où les Etats membres n’étaient –
et ne sont – pas tous prêts à reconnaître l’indépendance du Kosovo .
Les Etats membres de l’Union européenne ont toutefois surmonté les
éventuelles difficultés politiques dans un esprit pragmatique, assurant un
soutien unanime au déploiement d’une opération de l’Union européenne
en dépit de leurs divergences de vues sur le statut, comme l’illustre
parfaitement la formule «diversité sur le statut mais unité sur l’engagement» .
11. Dans le respect de la déclaration présidentielle du Conseil
de sécurité des Nations Unies du 26 novembre 2008 ,
le Gouvernement de la Serbie et la majorité des Serbes du Kosovo
ont accepté le déploiement d’EULEX à la condition qu’elle respecte
pleinement la Résolution
1244 (1999) et qu’elle opère sous l’égide globale de l’ONU et dans
son cadre neutre du point de vue du statut. EULEX a pu se déployer dans
tout le Kosovo à partir de décembre 2008, après avoir atteint son
niveau de capacité opérationnelle en avril de la même année. EULEX
est la plus grande mission civile jamais mise en place par l’Union
européenne, prévoyant à terme le déploiement de 3 200 personnes.
Son objectif central est d’aider et de soutenir les autorités du
Kosovo dans les domaines liés à la prééminence du droit, notamment
la police, la justice et les douanes. Il s’agit d’une mission technique
qui s’emploie à suivre, guider et conseiller tout en jouissant de certains
pouvoirs exécutifs dans des domaines précis.
12. En octobre 2009, l’ambassadeur d’Italie au Kosovo, Michael
Giffoni, a été nommé représentant de l’Union européenne pour le
nord du Kosovo, en vue d’intensifier les activités de l’Union dans
la zone. En mars 2010, l’Union européenne a également ouvert un
bureau dans le secteur nord de Mitrovica. M. l’ambassadeur Dimitris
Moschopoulos est facilitateur de l’Union européenne pour la sauvegarde
du patrimoine religieux et culturel.
13. L’évolution de la situation sur le terrain et le déploiement
de la mission EULEX au Kosovo ont amené à modifier progressivement
la structure et la taille de la Mission d’administration intérimaire
des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui a achevé sa restructuration
et atteint l’effectif autorisé de 510 hommes au 1er juillet 2009 .
Ses fonctions ont également changé: alors qu’elle était au départ
une autorité dotée de pouvoirs exécutifs, la MINUK s’emploie désormais
essentiellement à réduire les difficultés qui surviennent lorsque
le désaccord profond sur le statut du Kosovo entrave les progrès
sur le terrain, difficultés qui nuisent au quotidien des populations
du Kosovo. La MINUK conserve une présence assez importante dans
le nord du Kosovo, où elle intervient comme médiateur entre la communauté
serbe et EULEX, le cas échéant. Forte de la confiance que lui accordent
toutes les communautés, la MINUK est un vecteur de dialogue unique
en son genre.
14. L’évolution de la situation a aussi eu des conséquences sur
l’ampleur et sur les tâches de la KFOR, force de maintien de la
paix au Kosovo, dirigée par l’OTAN au titre du chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, sur la base de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité. A la suite de la déclaration
d’indépendance, l’Alliance a réaffirmé que la KFOR resterait au
Kosovo, à moins que le Conseil de sécurité n’en décide autrement.
Son contingent a toutefois été réduit à environ 10 000 soldats.
La KFOR a notamment pour nouvelles missions d’aider au démantèlement
du Corps de protection du Kosovo (KPC) et à la création de la Force
de sécurité du Kosovo (KSF) ainsi que de la structure civile de
supervision de la KSF. Ces missions sont mises en œuvre en coordination
et en consultation étroites avec les autorités locales et internationales
compétentes. La KFOR envisage de poursuivre la réduction de ses
effectifs en 2010.
15. Pour compléter le tour d’horizon des principales organisations
internationales présentes au Kosovo , je tiens
à citer l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
(OSCE) qui, sans avoir de pouvoirs exécutifs, détient un mandat
lui permettant d’assumer le rôle de chef de file pour les questions
concernant le renforcement des institutions et de la démocratie,
les droits de l’homme et l’Etat de droit, en référence à la Résolution 1244 du Conseil de sécurité . Pour ce faire, la Mission de l’OSCE au
Kosovo applique une politique de suivi en amont qui inclut le contrôle,
l’analyse, la communication d’informations et la recommandation
de mesures correctives pour les défaillances observées. Lorsque
cela s’avère nécessaire, la mission dispense une formation et des
conseils aux institutions. Avec un total de 224 agents internationaux
et de 633 agents locaux, elle est actuellement la plus vaste mission
de l’OSCE sur le terrain. Pour mener à bien son mandat et ses activités,
elle dispose d’un réseau de cinq centres régionaux et de 33 équipes
locales qui couvrent les 33 collectivités locales du Kosovo. Le
budget de l’OSCE affecté à la mission au Kosovo pour 2010 s’élève
à 23 546 600 euros.
16. Egalement après la déclaration unilatérale d’indépendance,
les autorités serbes continuent d’avoir une influence sur la vie
des membres de la communauté serbe au Kosovo. Cette influence est
particulièrement prononcée dans les trois communes de Leposavić,
de Zvečan et de Zubin Potok ainsi que dans le secteur nord de Mitrovica,
zones situées dans la continuité du territoire de la Serbie et où
les Serbes représentent la majorité de la population; elle reste
plus limitée dans les enclaves serbes au sud de la rivière Ibar.
17. La voix de Belgrade se fait entendre par le biais de la télévision
serbe et d’autres médias en langue serbe, de l’Eglise orthodoxe
et de politiciens – pour certains élus aux élections locales serbes
organisées sur le territoire du Kosovo , pour d’autres
déjà détenteurs d’un mandat de député à Belgrade acquis à l’issue
des élections législatives serbes –
et du ministère du Kosovo-Métochie au sein du Gouvernement serbe,
dirigé par Goran Bogdanović, avec Oliver Ivanović comme secrétaire
d’Etat.
18. Dans tout le Kosovo, des structures serbes recevant un financement
de Belgrade (dites «structures parallèles»)
fournissent des services de base à la communauté serbe dans des
domaines clés du quotidien tels que l’administration, la justice,
la santé et l’éducation. Au niveau politique également, les autorités
locales issues des élections kosovares fonctionnent parallèlement
à celles issues des élections serbes. En outre, le Conseil judiciaire
serbe a récemment annoncé sa décision de nommer des juges et des
procureurs dans des municipalités du Kosovo. Au nord du Kosovo,
où la majorité de la population est d’origine serbe, les structures serbes
sont la référence principale des habitants.
3. Stabilité politique, gouvernance et démocratie
19. Dans la déclaration unilatérale d’indépendance, l’Assemblée
du Kosovo proclamait le Kosovo république démocratique et faisait
vœu de réaliser pleinement le potentiel démocratique de sa société.
Depuis, une Constitution est entrée en vigueur, un effort législatif
colossal a été déployé et un certain nombre de réformes dans les
domaines de l’administration, de la justice et d’autres secteurs
clés ont été entreprises. Cependant, il reste beaucoup à faire pour
renforcer la stabilité politique et la gouvernance et hisser le
niveau de démocratie du Kosovo à celui des normes européennes.
20. Les dernières élections pour l’Assemblée du Kosovo ont eu
lieu en 2007, avant la déclaration d’indépendance. Elles ont été
organisées par la MINUK, et le Conseil de l’Europe et l’OSCE ont
joué un rôle de premier plan dans le processus d’observation . A la suite
du scrutin, un gouvernement de coalition a été formé par les deux
partis majoritaires, le PDK de Hashim Thaci (37 sièges) et le LDK
du Président Fatmir Sejdiu (25), avec à l’opposition, l’AKR, la
LDD, l’AAK et d’autres partis mineurs .
21. En novembre 2009, l’organisation des élections locales incombait
pour la première fois entièrement aux autorités du Kosovo. Ni le
Conseil de l’Europe ni l’OSCE ne les ont observées ou ont été associés
à leur organisation. Cependant, les autorités du Kosovo ont invité
le Réseau européen des organisations d’observations électorales
(ENEMO), un groupe de 18 organisations civiques majeures d’Europe
centrale et orientale et d’Asie centrale, ayant une solide expérience
dans le suivi des élections, à conduire une observation à court
et à long terme. D’après l’ENEMO, ces élections se sont déroulées
dans le calme et de manière ordonnée et, malgré quelques manquements
aux règles de procédure, en globale conformité avec les normes européennes . Sur le plan politique, les résultats
des élections ont fortement secoué le gouvernement de coalition:
selon les rumeurs, le PDK formerait une nouvelle alliance avec l’AKR
et la LDD, excluant la LDK. Ce remaniement a été jusqu’ici évité
en dépit des tensions persistantes entre les partis de coalition.
22. La particularité la plus frappante des récentes élections
au Kosovo est le faible taux de participation: autour de 30 % environ
en 2007 (élections pour l’Assemblée du Kosovo) et de 38 % en 2009
(élections locales) .
Ce phénomène est révélateur du mécontentement de l’électorat à l’égard
du système politique. En plus d’être un problème généralisé en Europe,
l’abstentionnisme touche particulièrement le Kosovo compte tenu
de sa situation singulière, la classe politique étant couramment
soupçonnée de corruption et d’entretenir des liens avec le crime
organisé. Des Kosovars m’ont donné une explication supplémentaire
au faible taux de participation aux élections de 2009: le gouvernement
actuel a été mis en place pour obtenir l’indépendance, et c’est
ce qu’il a fait; or, ce même gouvernement est incapable de tenir
ses engagements pour les questions les plus urgentes qui préoccupent
l’électorat une fois la question du statut réglée, à savoir le chômage,
la situation économique, la fourniture de services de base et la
qualité de ces services, et la lutte contre la corruption.
23. Quels que soient les résultats obtenus par les dirigeants
actuels, le Kosovo a encore du chemin à parcourir pour consolider
le fonctionnement démocratique de ses institutions: le débat politique à l’Assemblée est
très limité; la législation et les décisions politiques tendent
à être négociées hors de l’Assemblée, puis transmises pour approbation;
il n’y a pas d’entente profonde sur le rôle de tutelle de l’Assemblée
sur le gouvernement ni sur la dynamique entre la majorité et l’opposition
dans un système démocratique; les partis politiques ne fonctionnent
pas selon les règles démocratiques et reflètent les intérêts de
quelques personnalités importantes de la société, familles ou structures
liées à la période de la guerre; les médias et le corps judiciaire
ne sont pas épargnés par les interférences politiques. La corruption
en politique – y compris au plus haut niveau – et dans l’administration
est un problème majeur, reconnu par tous les acteurs internationaux
sur le terrain.
24. La question de la participation des communautés au système
politique est essentielle pour son fonctionnement démocratique et
sa légitimité politique. Des mesures spéciales ont été introduites
afin d’assurer la représentation de communautés minoritaires dans
l’Assemblée du Kosovo, et des majorités spéciales sont requises
pour approuver des lois qui pourraient les affecter. Cependant,
en pratique, assurer la représentation de la communauté serbe du
Kosovo dans le système politique du Kosovo demeure un défi majeur.
25. Lors des scrutins qui ont eu lieu au Kosovo depuis 1999, la
participation des Serbes du Kosovo aux élections législatives a
été très faible, notamment en réponse aux appels de Belgrade en
faveur de l’abstention. En conséquence, les sièges prévus pour les
représentants serbes du Kosovo à l’Assemblée – au nombre de 10 –
sont occupés par des politiciens dont la représentativité est mise
en doute par Belgrade et par plusieurs personnalités politiques
serbes du Kosovo. Pour des raisons similaires, les autorités de
Belgrade ont contesté la légitimité des Serbes du Kosovo qui ont
accepté d’occuper les fonctions de ministres au Gouvernement kosovar,
comme c’est traditionnellement le cas pour le ministère des Communautés
et des Retours.
26. La majorité des Serbes du Kosovo s’est également abstenue
de voter aux élections locales de 2009 , les
premières après la déclaration d’indépendance: le taux de participation
de cette communauté n’a pas dépassé 1 % dans le Nord. Toutefois,
par rapport aux précédents scrutins, la participation plus importante
des Serbes du Kosovo vivant dans les enclaves au sud de l’Ibar est
une évolution importante qui tendrait à montrer qu’ils sont de plus
en plus disposés à trouver un modus vivendi avec les institutions
du Kosovo et que l’influence de Belgrade va diminuant.
27. Les avis divergent sur la participation globale des Serbes
du Kosovo lors du scrutin de 2009: tandis que pour Belgrade le faible
taux de participation ôte toute légitimité aux résultats du scrutin , pour l’Union européenne,
la participation de toutes les communautés est appréciable .
28. Même s’ils ne bénéficient pas d’un soutien répandu ni ne représentent
de réelles menaces pour la stabilité politique, les groupes extrémistes
sont actifs au Kosovo. Le plus connu est Vetëvendosje (autodétermination),
groupe qui s’oppose à la présence internationale et à la réforme
de l’autonomie locale, en particulier à la création de nouvelles
communes à la majorité serbe. Ce groupe a été responsable d’épisodes de
violence au Kosovo.
4. Prééminence du droit
29. A l’heure actuelle, le manque de respect de la prééminence
du droit constitue le principal problème au Kosovo. Il affecte la
vie quotidienne des gens ordinaires, quelle que soit la communauté
à laquelle ils appartiennent. Il a également une incidence sur la
gouvernance, sur le fonctionnement du système politique et de l’administration,
et sur la confiance de la population envers les institutions et
le secteur privé. Il freine par ailleurs le développement économique
puisque les investisseurs étrangers et locaux hésitent à engager
des ressources dans de telles circonstances.
4.1. Développements récents
30. Depuis ma dernière visite au Kosovo, d’importantes
évolutions ont eu lieu dans ce domaine. En mai 2010, après des mois
d’enquête approfondie, la composante Justice d’EULEX a porté plainte
contre Fatmir Limaj, ministre des Transports, et contre Nexhat Krasniqi,
responsable de la passation des marchés dans le même ministère,
pour blanchiment de capitaux, criminalité organisée, abus de pouvoir
et corruption passive. Johan van Vreeswijk, procureur général EULEX
a. i., a également révélé que six autres ministres du gouvernement
font l’objet d’une instruction pour corruption .
31. Ce fait récent prouve, il faut l’espérer, à une large partie
de l’opinion publique kosovare qu’EULEX est capable de s’attaquer
à des affaires exemplaires et que le temps de l’impunité est révolu:
l’enrichissement rapide de quelques personnalités proches ou issues
du pouvoir politique kosovar saute aux yeux de chacun et, lors de
ma dernière visite au Kosovo, divers interlocuteurs m’ont fait part
de leur frustration et de leurs critiques devant les résultats obtenus
par EULEX, qu’ils jugeaient incapable de s’attaquer à de telles
affaires ou réticent à le faire.
32. Cela étant, il est inquiétant de constater que, dans un entretien
avec le radiodiffuseur public, le Premier ministre, Hashim Thaçi,
qui appartient au même parti que le ministre des Transports (PDK),
ait remis en cause les actions d’EULEX et qu’il ait fait allusion
à l’existence d’une «guerre politique» entre le Kosovo et les institutions
internationales.
33. Je déplore cette erreur d’appréciation concernant le rôle
d’EULEX, mission technique neutre du point de vue du statut qui
a pour vocation de renforcer la prééminence du droit au Kosovo:
EULEX n’est ni un tribunal international ni un organe politique.
Cela étant, en dépit de son mandat et de sa nature, EULEX opère
dans un environnement fortement politisé, ses actions ont des incidences
politiques, sont passibles de manipulations politiques et soumises
à analyse politique. J’étais de ce fait heureux d’apprendre qu’EULEX,
avant ces affaires de premier plan, œuvrait déjà activement pour
la tenue de tables rondes et l’organisation d’autres échanges avec
la société civile du Kosovo dans le but d’expliquer son rôle et
son mandat.
34. Autre fait important, qui met en évidence la difficulté d’appliquer
l’Etat de droit au Kosovo, le procès d’Albin Kurti, leader de Vetëvendosje,
qui a été arrêté pour incitation à la violence et obstruction du
travail de la police au cours d’une manifestation. Ce procès a été
ajourné pour la onzième fois, car M. Kurti n’a pas été amené au
tribunal en dépit d’un mandat d’arrestation émis auparavant par
le juge président d’EULEX. De plus, les avocats commis d’office
ne se sont pas présentés, ce qui constitue une violation de leurs
devoirs officiels .
35. Lors de ma dernière visite au Kosovo, je me suis entretenu
avec des gens ordinaires qui estimaient qu’EULEX se trompait d’objectif
en poursuivant Kurti. Cela étant, il est plus préoccupant encore
que la police et les avocats eux-mêmes décident de ne pas accomplir
leur devoir dans le but d’entraver le cours de la justice. Pour
reprendre les propos d’EULEX, les instances disciplinaires de la
police et le barreau devront intervenir.
4.2. Lutte contre la corruption
36. La corruption au Kosovo est généralisée à tel point
qu’elle peut être qualifiée d’endémique; le phénomène est si profondément
ancré dans la société que des efforts considérables de sensibilisation
doivent être déployés afin d’encourager la population à signaler
les affaires de corruption. D’un autre côté, il n’est pas rare que
de tels signalements, lorsqu’ils ont lieu, soient fondés sur des
rumeurs ou relèvent de la calomnie.
37. En vue de lutter contre la corruption, l’Agence anticorruption
du Kosovo (KAA) a été créée. Sa mission est triple:
- lutter contre la corruption, en effectuant, ex officio ou à la demande d’une partie, des enquêtes administratives sur d’éventuelles affaires de corruption et en transmettant les dossiers au bureau du procureur du Kosovo pour examen approfondi et/ou ouverture d’une procédure judiciaire si les preuves sont suffisantes; en élaborant des projets de loi en vue de compléter le cadre juridique dans ce domaine, en développant un plan d’action contre la corruption et en veillant à sa mise en œuvre;
- prévenir la corruption, en examinant les déclarations patrimoniales des fonctionnaires de haut rang kosovars, en soulevant les cas de conflits d’intérêts et en consignant les cadeaux acceptés par les fonctionnaires;
- assurer la formation des membres de la fonction publique au cadre juridique pertinent et organiser des campagnes de sensibilisation.
38. En deux ans de travail (2007 et 2008; le rapport 2009 est
en cours d’élaboration), l’agence a ouvert 270 dossiers et, considérant
que les motifs pour engager des poursuites étaient suffisants, en
a transmis une centaine au bureau du procureur.
39. Malgré l’adoption de la Stratégie de lutte contre la corruption,
le cadre législatif demeure incomplet. Plusieurs interlocuteurs
ont, en particulier, déploré le manque de volonté des autorités
kosovares pour adopter de toute urgence une nouvelle loi sur les
achats publics.
40. Les actes de malversation dans la passation des marchés publics
sont une forme de corruption fréquente. Plusieurs agents de passation
de marchés ont été jugés. Ils sont toutefois considérés comme les maillons
faibles de la chaîne et la responsabilité des actes de malversation
incomberait en fait à des personnalités politiques qui ne laissent
jamais de trace.
41. A l’heure actuelle, l’élaboration d’une nouvelle législation
relative aux achats publics fait l’objet de discussions devant l’Assemblée
du Kosovo. L’Agence anticorruption participe aux débats et défend
trois idées essentielles:
- rendre possible l’identification de la personne qui, au plan politique, est chargée de l’adjudication d’un appel d’offres donné;
- mener un examen plus attentif des informations fournies par les entreprises concourant à un appel d’offres – informations, qui souvent, se sont avérées fausses;
- introduire une clause sur le conflit d’intérêts.
42. L’Agence anticorruption participe régulièrement aux réunions
de structures similaires dans la région afin d’échanger des informations
et des bonnes pratiques. Elle bénéficie du soutien de la Commission
européenne au travers de plusieurs projets visant à renforcer l’expertise
et le professionnalisme de son personnel.
4.3. Système judiciaire
43. Toute tentative d’éradiquer la corruption est vouée
à l’échec sans un système judiciaire efficace et digne de confiance.
Malheureusement, au Kosovo, le système judiciaire se porte mal.
Cela est en partie dû au fait que la grande majorité des juges et
des procureurs actuellement en poste ont achevé leurs études au
cours de la période précédant 1999 et ne sont pas au fait de la
législation pertinente. Par ailleurs, en raison de l’absence d’évolution
de carrière durant les années de guerre et sous administration de
la MINUK, la moyenne d’âge des juges dans les tribunaux municipaux
(la première instance de l’appareil judiciaire) est de 55 ans. Ces éléments,
couplés aux faibles salaires, affectent la motivation des juges,
leur souplesse d’adaptation à toute nouvelle législation et leur
volonté d’abandonner certaines procédures ou pratiques inefficaces.
44. Ces problèmes sont aggravés par le manque d’indépendance de jure, en raison du système de désignation
et de promotion , et le manque d’indépendance
de fait, en raison de l’insuffisance des mesures visant à protéger
les juges et les procureurs. La corruption est un phénomène particulièrement
préoccupant, 80 % de l’ensemble des affaires de corruption impliquant,
selon certains interlocuteurs, des membres du judiciaire.
45. L’efficacité dans le traitement des nombreux dossiers actuellement
en souffrance est altérée par des problèmes techniques, tel que
l’état déplorable du système de classement et d’archivage et par
le manque de personnel, en raison du fait que seul un tiers des
juges en exercice a passé avec succès la procédure de contrôle déontologique.
La lenteur avec laquelle les juges kosovars s’acquittent de leur
charge de travail a amené de nombreuses personnes à passer jusqu’à
deux ans en détention provisoire, après quoi les dossiers sont normalement
transmis aux juges EULEX pour être traités en priorité.
4.4. Composante Justice d’EULEX
46. Le déploiement d’EULEX n’a pas encore eu une influence
décisive sur la situation générale du système judiciaire. En fait,
les relations entre la composante Justice d’EULEX et le corps judiciaire
kosovar ne sont pas toujours simples. D’une certaine manière, la
présence des juges EULEX déplaît aux juges kosovars qui ont du mal
à s’adapter à leurs méthodes de travail; la communication entre
eux s’en ressent et se trouve également compliquée par la nécessité
de faire appel à des interprètes.
47. En outre, la mission EULEX est confrontée à certaines difficultés
qui lui sont propres:
- le mandat de la mission de contrôler, guider et conseiller n’est pas simple à mettre en œuvre, compte tenu de la proportion entre la composante Justice d’EULEX et le personnel du système judiciaire du Kosovo: à Prizren, par exemple, le ratio entre les procureurs EULEX et leurs homologues kosovars est de 1 pour 17. Il n’est de ce fait pas évident pour EULEX d’avoir un aperçu complet des affaires traitées;
- le rôle de contrôle, de guide et de conseil d’EULEX n’est pas aussi visible aux yeux du grand public que ses fonctions exécutives. De fait, les juges EULEX sont avant tout tenus de traiter les affaires urgentes ou les affaires pour lesquelles il est raisonnable de penser que les juges du Kosovo seraient soumis à des pressions extérieures excessives, notamment en cas de corruption impliquant d’éminentes personnalités ou de crimes de guerre;
- le travail des juges et procureurs EULEX est ralenti par la nécessité de faire appel à des interprètes et à des traducteurs, non seulement lors de la lecture des dossiers et des auditions, mais aussi pour communiquer avec leurs collègues kosovars;
- pour être en mesure de contrôler, guider et conseiller, le personnel d’EULEX doit être expérimenté. Toutefois selon la procédure de recrutement actuelle, les personnes concernées sont prévenues très peu de temps avant leur affectation, si bien que bon nombre des plus expérimentées ne se portent pas candidates ou refusent le poste. Il m’a été rapporté qu’il serait préférable qu’EULEX soit en mesure de dresser une liste des juges et procureurs auxquels il pourrait être fait appel en cas de besoin.
48. Depuis leur déploiement, les juges et les procureurs EULEX
travaillent sans relâche: ils ont examiné et évalué les dossiers
de crimes de guerre transmis par la MINUK, dégagé plusieurs affaires
de crime organisé et de crimes de guerre à traiter en priorité et
se sont chargés de plusieurs affaires d’infractions pénales interethniques
et de propriété.
49. Au moment de ma première visite au Kosovo en 2009, les juges
et procureurs EULEX dans le secteur nord de Mitrovica ne pouvaient
faire leur travail en raison de la médiocrité du système d’archivage,
mais surtout du refus des Albanais et des Serbes du Kosovo de collaborer
à tous les niveaux (des juges aux agents d’entretien). Un an plus
tard, j’ai été satisfait de constater que cette situation a évolué:
les juges et les procureurs EULEX du tribunal de district du secteur
nord de Mitrovica ont mené à bien un certain nombre de procès et
un inventaire des dossiers a été entrepris avec la participation
active du personnel albanais et serbe du Kosovo.
50. Le manque de clarté du système de sources des textes de loi n’a
en revanche pas évolué: dans leurs tâches courantes, les juges EULEX
sont aux prises avec un cadre juridique complexe et confus où différentes sources
de droit telles les dispositions réglementaires de la MINUK, la
Constitution du Kosovo, la législation promulguée par l’Assemblée
du Kosovo et la législation serbe d’avant 1999 coexistent et se
recoupent, sans indication claire sur laquelle de ces sources prédomine.
4.5. Police
51. Selon les divers interlocuteurs que j’ai rencontrés
au Kosovo, y compris les membres de la mission EULEX eux-mêmes,
la police du Kosovo (KPS) est correctement formée, son personnel
suffisamment qualifié et elle dispose des ressources budgétaires
et du matériel appropriés. Pourtant, la qualité de son commandement
et ses capacités de direction stratégique soulèvent des inquiétudes
alors que ces éléments sont essentiels pour surmonter certains grands
obstacles à la prééminence du droit au Kosovo, tels que le crime
organisé et la corruption.
52. Malgré les faibles salaires de ses agents, la KPS est relativement
épargnée par la corruption. Sa justification de l’action menée pourrait
néanmoins être consolidée, en particulier sa capacité à présenter publiquement
ses activités et à répondre aux attentes de la communauté au niveau
local dans le contexte d’une société pluriethnique. Pour ce faire,
il importe que la KPS renforce son système de collecte des données sur
l’origine ethnique des victimes d’infractions pénales et de catégorisation
des infractions «à probable motivation ethnique».
53. Pour ce qui est du caractère pluriethnique de la KPS, sur
325 agents de police serbes du Kosovo qui ne se sont pas présentés
à leur poste après la déclaration unilatérale d’indépendance, 318
ont repris leur service et ont été réintégrés, sous la supervision
d’EULEX. La mixité visible des forces de police et les patrouilles conjointes
sont essentielles pour gagner la confiance des communautés, en particulier
dans les zones où vivent des minorités. Il convient toutefois de
redoubler d’efforts pour encourager le recrutement de Serbes du Kosovo
dans la KPS au nord du territoire.
5. Le cadre des droits de l’homme
5.1. Droit et politiques
54. Selon la Constitution du Kosovo ,
plusieurs instruments internationaux sont directement applicables
au Kosovo y compris, entre autres, la Convention européenne des
droits de l’homme, la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales, le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination et la Convention contre la torture
et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
55. Dans la situation actuelle, où le statut d’Etat autoproclamé
du Kosovo est contesté et où la question est ouverte sur le fait
que le Kosovo puisse devenir signataire d’un quelconque de ces instruments
dans un futur proche, l’incorporation d’instruments internationaux
des droits de l’homme dans la législation nationale est une condition
préalable fondamentale pour veiller à ce que la population kosovare
bénéficie d’un niveau de protection des droits de l’homme équivalent
à celui des autres Européens.
56. Bien qu’il s’agisse d’une condition indispensable, cette incorporation
n’est cependant pas en soi une garantie de protection efficace des
droits de l’homme car:
- les connaissances générales des juristes et des membres du corps judiciaire sur ces instruments sont limitées;
- le public n’est pas au fait de ces instruments ni des droits qui en découlent.
57. De plus, il convient de noter que même si, conformément à
la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme
s’applique au Kosovo, il n’existe pas de fondement juridique donnant
compétence à la Cour européenne des droits de l’homme, le Kosovo
n’étant pas membre du Conseil de l’Europe et ne pouvant donc être
signataire de la Convention. Cela signifie que les tribunaux kosovars,
à tous les niveaux de juridiction, se chargeront d’affaires qui
soulèvent des points au titre de la Convention.
58. J’estime que la présence de trois juges internationaux à la
Cour constitutionnelle est un élément important qui va renforcer
l’indépendance de la plus haute autorité judiciaire mais aussi sa
capacité à assurer une cohérence avec les instruments européens
et internationaux des droits de l’homme .
59. Pour ce qui est des politiques, il y a une prise de conscience
au niveau institutionnel au Kosovo que des mesures supplémentaires
doivent être prises pour passer de la théorie à la pratique: en
décembre 2008, le gouvernement a publié un Plan d’action stratégique
pour 2009-2011 sur les droits de l’homme fixant pour objectif la
création de plusieurs instruments, tels qu’un examen périodique
de la mise en œuvre de la législation, une communication des informations
et un suivi réguliers, un renforcement des capacités institutionnelles
et des ressources appropriées, une meilleure formation et une coopération
renforcée entre les instances gouvernementales et la société civile.
Dans l’ensemble, ce plan d’action a reçu une évaluation positive .
60. Au vu de ce qui a été dit précédemment sur le système judiciaire
au Kosovo, il semble judicieux de renforcer le rôle du Conseil de
l’Europe en matière de formation spécialisée des juges, procureurs
et juristes sur la Convention européenne des droits de l’homme et
d’autres instruments du Conseil de l’Europe. En outre, le Conseil
de l’Europe pourrait jouer un rôle dans l’organisation de campagnes
de sensibilisation aux droits de l’homme ou d’autres activités destinées
à la société civile ou au grand public.
5.2. Médiateur
61. Le Bureau du médiateur est une institution indépendante
qui traite des violations présumées des droits de l’homme et des
abus d’autorité des institutions locales ou centrales au Kosovo.
Créé en 2000 en vue d’améliorer la gamme des mécanismes de protection
des droits de l’homme, il avait au départ une dimension internationale,
jusqu’à ce que la MINUK prenne des mesures en 2005 pour en faire
un organe local.
62. Il est regrettable que ce ne soit qu’en juin 2009, après de
vaines tentatives, que l’Assemblée du Kosovo ait pu élire un médiateur,
en la personne de Sami Kurteshi.
63. Lors de ma première visite à Pristina, je me suis longuement
entretenu avec M. Hilmi Jashari, le médiateur en exercice, ad intérim
de 2005 à 2009, qui m’a donné un aperçu intéressant des travaux
importants que réalise son bureau. Son succès et la crédibilité
dont il peut se prévaloir auprès de l’ensemble des communautés du
Kosovo sont dus à la fois à la nature pluriethnique et au savoir-faire
de son personnel, en poste dans différentes parties du Kosovo .
64. Comme l’a confirmé le médiateur actuellement en poste, M.
Kurteshi, les responsables politiques et les institutions restent
toutefois peu sensibilisés à la question des droits de l’homme.
Les rapports du médiateur ne sont jamais débattus à l’Assemblée
du Kosovo, en dépit du fait que le Bureau du médiateur gère un volume d’affaires
de plus en plus important, et ce en raison du manque de confiance
de la population dans le système judiciaire.
5.3. Responsabilité en matière de droits de l’homme des institutions internationales
65. En réaction à l’immunité du personnel de la MINUK
et de la KFOR de toute juridiction au Kosovo, la Commission de Venise
a recommandé en 2004 la mise en place d’un mécanisme approprié et
cohérent d’examen des violations présumées de droits de l’homme
dont il pourrait être responsable . Suivant cet
avis la MINUK a mis en place le Comité consultatif sur les droits
de l’homme (Human Rights Advisory Panel) en 2006.
66. Le Comité consultatif sur les droits de l’homme examine des
plaintes concernant des violations présumées de droits de l’homme
commises par ou attribuables à la Mission d’administration intérimaire
des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et adresse des recommandations
au Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) au Kosovo lorsque
cela est nécessaire. Le comité se compose de trois responsables internationaux,
qui siègent à Pristina tous les mois pour rendre des décisions sur
les plaintes dirigées contre la MINUK. Lorsqu’une plainte est recevable,
le comité émet un avis indiquant si la MINUK est responsable de violation
de l’un des instruments de protection des droits de l’homme en vigueur
au Kosovo. Si le comité décide qu’il y a eu violation, l’avis peut
inclure des recommandations au RSSG. Ce dernier doit alors expliquer publiquement
comment il/elle compte réagir à ces recommandations.
67. Ce mécanisme a été critiqué dans le passé par l’Assemblée
car ses recommandations ne sont pas contraignantes .
Il convient par ailleurs de souligner que c’est le seul mécanisme
indépendant spécifiquement chargé des violations présumées de droits
de l’homme commises par ou attribuables à la mission sur le terrain des
Nations Unies. A noter en outre ce fait intéressant: une décision
récente, rendue par le comité, recommande à la MINUK d’attribuer
des indemnités financières aux plaignants en cas de préjudice moral .
68. Comme l’a solidement argumenté le Commissaire Hammarberg dans
son rapport, l’évolution de la situation sur le terrain avec le
déploiement de la mission EULEX requiert une nouvelle évaluation
si cette nouvelle présence internationale dispose de mécanismes
efficaces de justification de l’action menée. Pour cette raison,
la commission des questions politiques a approuvé ma proposition
de demander à la Commission de Venise de produire un avis de suivi
sur les mécanismes d’examen de la compatibilité des actes de la
MINUK et d’EULEX avec les normes de droits de l’homme au Kosovo.
Il me tarde d’étudier les points de vue et propositions de la Commission
de Venise, qui devraient être finalisés d’ici au mois de septembre
de cette année.
6. Situation des communautés non albanaises
69. Selon l’Office de statistiques du Kosovo, la population
se compose de 92 % d’Albanais de souche, de 5,3 % de Serbes et de
2,7 % d’autres groupes ethniques, notamment roms, ashkalis, égyptiens,
turcs et bosniaques .
70. Cependant, ces données ne sont pas totalement fiables, le
dernier recensement datant de 1991 .
La préparation d’un nouveau recensement en cours depuis 2005, avec
la participation du Conseil de l’Europe, est entravée par des difficultés
d’ordre technique et politique, notamment liées à l’inclusion dans
les données de la population déplacée du Kosovo. Pour l’heure, ce
recensement est toutefois programmé pour 2011.
71. D’après les organisations présentes sur le terrain, la situation
est globalement calme en matière de sécurité, mais néanmoins fragile
au nord .
Dans le climat actuel, où les communautés vivent séparément et n’ont
pas confiance les unes en les autres, des incidents futiles ou des
crimes ordinaires sans motivation ethnique pourraient mettre le
feu aux poudres et dégénérer en violence interethnique.
72. Un an après ma dernière visite au Kosovo, j’ai été frappé
de constater un changement au sein de la communauté serbe, avec
un fossé grandissant entre les Serbes du Kosovo vivant au nord et
ceux installés au sud de l’Ibar.
73. De plus en plus de Serbes du Kosovo vivant au sud sont prêts
à trouver un modus vivendi avec les autorités du Kosovo, à condition
de bénéficier d’une autonomie la plus large possible et des normes
les plus élevées concernant la protection des droits des minorités,
y compris le droit de recevoir une éducation et de s’adresser à
l’administration dans leur propre langue. L’augmentation inattendue
du taux de participation des Serbes du Kosovo vivant au sud aux
élections locales du mois de novembre témoigne également de cette tendance.
74. Des Serbes vivant dans des enclaves dans le sud m’ont affirmé
ne rencontrer aucun problème de sécurité et être en mesure d’exercer
leur liberté de circulation. Cependant, ils continuent d’être confrontés
à de grandes difficultés: certaines d’entre elles sont partagées
par toutes les communautés, par exemple le taux élevé de chômage
et le système judiciaire peu digne de confiance; d’autres leur sont
spécifiques, telles que la non-reconnaissance de leurs documents
d’identité et la discrimination perçue ou réelle. En tout état de
cause, même s’il n’y a pas de violences interethniques, les communautés
continuent de vivre séparément les unes des autres et leur degré
d’interaction est négligeable.
75. A l’inverse, au nord, la situation est tendue:
- les Serbes du Kosovo vivant au nord continuent de juger ouverte la question du statut du Kosovo;
- ils redoutent la Stratégie pour le Nord, initiée par les autorités du Kosovo en consultation avec le Bureau civil international (BCI), qu’ils considèrent comme une tentative de Pristina pour affirmer, de fait, son autorité illégale sur le nord;
- par ailleurs, les divergences politiques entre la majorité et les forces d’opposition à Belgrade (dont le gouvernement est une coalition entre le parti démocratique DS et les socialistes) et le nord du Kosovo (dont les principaux partis sont le parti démocratique de Serbie DSS et les radicaux) ont des répercussions sur le plan local:
- dans certaines municipalités clés du nord, les nouveaux maires du parti DS ont été mis en place en remplacement de maires DSS à la suite des procédures exceptionnelles;
- les représentants DSS que j’ai rencontrés à Mitrovica-nord déplorent que leurs voix ne soient pas suffisamment entendues à Belgrade, notamment au ministère pour le Kosovo-Métochie, et craignent que l’actuel gouvernement adoucisse sa position sur le Kosovo en gage de bonne volonté pour avancer sur la voie de l’intégration à l’Union européenne.
76. J’ai également été frappé par le manque d’information de la
communauté serbe, notamment au nord. Je suis convaincu que l’accès
de la communauté serbe à un large éventail de médias présentant
des points de vue différents sur la situation au Kosovo pourrait
jouer un rôle positif pour désamorcer les tensions et aider la population
à prendre des décisions plus éclairées. A cet égard, j’encourage
vivement le projet de l’Association des journalistes du Kosovo visant
à promouvoir les échanges d’articles et de reportages entre journalistes
de communautés différentes.
77. Sud de l’Ibar: il convient de noter la nouvelle attitude pragmatique
de Belgrade à l’égard des Serbes du Kosovo qui vivent dans les enclaves,
par exemple, dans le domaine de l’approvisionnement en énergie.
En effet, contrairement aux années précédentes, les autorités serbes
ont conseillé aux Serbes du Kosovo coupés du réseau Kosovo Energy
Corporation de signer des contrats avec cette compagnie, malgré
son nom. Cette mesure a aussitôt amélioré la qualité de vie des
personnes concernées.
78. Malgré cela, des difficultés persistent: par exemple, les
Serbes du Kosovo ont toujours du mal à obtenir des cartes d’identité
auprès des autorités kosovares, qui ne reconnaissent pas les certificats
de naissance délivrés par les autorités «parallèles» serbes au Kosovo
après juin 1999. Le même problème se pose avec les permis de conduire.
En outre, les diplômes d’études officiels estampillés «République
du Kosovo» ne sont reconnus ni par l’université d’Etat de Mitrovica
ni par les universités en Serbie proprement dite .
79. Il est à espérer que la réforme de l’autonomie locale entreprise
par les autorités kosovares en réponse à la proposition Ahtisaari
finira par améliorer les conditions de vie et la gouvernance, également
dans les zones où vit la communauté non albanaise. Cette réforme
consiste à modifier les frontières administratives de plusieurs
communes et à renforcer leurs compétences et pouvoirs budgétaires.
Des équipes de préparation ont été mises en place à l’échelon local
à Gracanica, à Klokot, dans le secteur nord de Mitrovica, à Partes
et à Ranilug.
80. Enfin, je tiens à rappeler la situation particulière des communautés
rom, ashkali et égyptienne (RAE) qui, dans tout le Kosovo, sont
confrontées à la marginalisation et à la discrimination dans les
domaines de l’éducation, de la protection sociale, de la santé et
du logement, et sont parfois apatrides . Comme l’a souligné Thomas Hammarberg,
Commissaire aux droits de l’homme, dans son rapport, la situation
des personnes déplacées issues de minorités RAE qui vivent dans
trois camps situés au nord du Kosovo est particulièrement préoccupante:
les conditions de vie y sont très difficiles; en outre, les camps
de Cesmin Lug et de Osterode, dans lesquels vivent respectivement
163 et 376 personnes, sont exposés à une contamination au plomb . Malgré l’engagement clair pris par
le Gouvernement du Kosovo et d’autres parties prenantes pour reloger
ces personnes, des personnes déplacées issues des minorités RAE
vivent depuis dix ans dans des camps contaminés par le plomb. Il
est indispensable que les autorités du Kosovo et la communauté internationale prennent
des mesures urgentes face à cette situation, en vue de trouver une
solution définitive et d’assurer un traitement médical aux personnes
souffrant de saturnisme.
81. Pendant ma dernière visite au Kosovo, j’ai eu l’opportunité
de visiter le village de Mamusa, dans le sud du Kosovo, où la majorité
de la population appartient à la communauté turque kosovare. J’ai
été impressionné par les travaux publics que les autorités locales
ont entrepris dans ce village, grâce aux fonds mis à disposition par
Pristina dans le cadre du processus de décentralisation. Le Gouvernement
turc a aussi été à même de financer la construction d’une école
et d’une mosquée, en faisant transiter les ressources nécessaires
par Pristina. J’ai été informé que les relations interethniques
étaient bonnes et que la minorité turque n’était confrontée à aucune
difficulté particulière, exception faite pour les problèmes auxquels
tout le monde est confronté au Kosovo, tels que le chômage et un
système judiciaire inefficace.
82. Toute discussion sur la situation des communautés au Kosovo
se doit de mentionner qu’il est essentiel d’établir la confiance
entre les personnes issues des différentes communautés. Dans ce
processus, certains points me semblent particulièrement importants:
protection du patrimoine religieux et culturel, personnes portées
disparues, coopération avec la justice pour recenser les fosses
communes et identifier les criminels de guerre, condamnation publique
des crimes interethniques et volonté politique de ne pas les laisser
impunis, déclarations publiques de hauts responsables politiques
en faveur du dialogue et de la réconciliation.
7. Personnes déplacées
83. Lors de ma visite à Belgrade en juin 2009, j’ai eu
l’occasion de visiter le centre collectif pour personnes déplacées
«ORA-Sartid» de Smederevo, qui héberge 539 personnes, dont 474 personnes
internes (144 familles) et 63 réfugiés (25 familles). La grande
majorité de ces personnes vient du Kosovo; certaines ont déjà été
déplacées à deux reprises (du Kosovo et à la suite de précédents
conflits sur le territoire de l’ex-Yougoslavie). L’hébergement se
fait dans 34 structures préfabriquées, qui comptent en tout 230
chambres. Le chauffage central, l’eau et l’électricité sont fournis
à titre gracieux, ainsi qu’un repas chaud par jour. Les résidents
ont accès aux services de santé et aux établissements scolaires
locaux.
84. En plus de rencontrer le directeur, les pouvoirs locaux et
le personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR), j’ai pu m’entretenir librement avec plusieurs familles qui
vivent au centre depuis 1999. Seules 15 d’entre elles sur la totalité
des résidents ont un emploi régulier. Certaines sont allées au Kosovo
récemment dans le cadre des visites «pour se rendre compte» organisées
par le HCR. Aucune des personnes que j’ai rencontrées ne souhaitait
retourner s’installer au Kosovo, principalement en raison du sentiment
d’insécurité, de l’absence de possibilités d’emploi et d’éducation,
de la crainte de se retrouver dans un cadre totalement différent
de celui qu’elles connaissaient – discrimination, communauté serbe
peu nombreuse ou inexistante et administration albanaise. J’ai rencontré
une Albanaise dont le mari décédé était serbe: même veuve, elle
ne pouvait s’imaginer vivre dans le nouveau Kosovo.
85. Selon les estimations, environ 235 000 Serbes, Roms et membres
d’autres communautés minoritaires ont fui le Kosovo fin juillet
1999 et se sont réfugiés, en majorité, en Serbie et dans d’autres
pays de la région ou en dehors. En 2004, 4 200 personnes supplémentaires
(Serbes, Roms et Ashkali) ont été déplacées.
86. Fin 2009, les personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo
étaient au nombre de 19 670, parmi lesquelles 10 342 Serbes, 7 550
Albanais, 695 Ashkalis, 676 Roms et 301 Egyptiens . La grande majorité
se concentre dans la zone de Mitrovica, devant Pristina, Gracanica
et Strpce. D’après le Gouvernement serbe, 205 211 habitants du Kosovo
sont actuellement déplacés en Serbie proprement dite, et 16 197
au Monténégro.
87. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) ,
au cours de la période 2000-2009, 19 827 personnes sont retournées
au Kosovo, dont 42,61 % de Serbes, 26,08 % d’Ashkalis et d’Egyptiens,
13,92 % de Roms et 4,14 % d’Albanais. Durant cette période, 12 300
personnes sont revenues de Serbie proprement dite, 2 858 du Monténégro,
797 de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», 243 de Bosnie-Herzégovine,
2 856 d’autres parties du Kosovo et 773 de pays hors de la région.
Après une diminution de plus de 62 % du nombre de retours en 2008,
probablement liée à la déclaration unilatérale d’indépendance, la
tendance au retour en 2009 connaît une augmentation de 70 % en comparaison
avec la même période l’année précédente.
88. D’après le HCR, fin 2009, 1 366 familles (5 000 individus)
ont fait part de leur intérêt pour un retour au Kosovo. Au Gouvernement
du Kosovo, le ministère des Communautés et des Retours traite les
demandes même si la réintégration des personnes de retour continue
de poser des problèmes de taille compte tenu de l’absence de possibilités
d’emploi, de la fragilité de la situation économique et de la difficulté
d’accès aux services de base. La construction et la reconstruction
de maisons compte parmi les priorités du ministère, de même que
l’investissement dans les projets de développement de la communauté
en vue d’accroître la durabilité des retours.
89. Pristina et Belgrade n’entretenant aucune relation officielle,
les bureaux du HCR des deux villes ont connu, par rapport à l’année
précédente, une augmentation de 70 % du nombre de retours volontaires
au Kosovo.
90. Le HCR participe très activement à la promotion de visites
permettant aux personnes déplacées d’obtenir des informations directes
sur la situation sur le terrain: 76 visites «pour se rendre compte»
et 32 visites «pour s’informer» ont été organisées avec la participation
du HCR en 2009, bénéficiant à 957 personnes déplacées/réfugiés du
Kosovo déplacés au Kosovo, en Serbie proprement dite, au Monténégro
et dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» .
91. Le fait que la grande majorité des Etats membres de l’Union
européenne ait reconnu l’indépendance du Kosovo a soulevé des inquiétudes
sur une augmentation possible du nombre de retours forcés, non seulement de
personnes du Kosovo qui n’avaient pas de titre légal de résidence
à l’étranger mais aussi de personnes qui bénéficiaient auparavant
de quelque forme de protection internationale.
92. Le Gouvernement du Kosovo a approuvé en 2007 une stratégie
de réintégration des personnes de retour. Cette stratégie décrit
les activités nécessaires à la réintégration des personnes renvoyées
de force au Kosovo. Elle prévoit leur accueil initial à l’aéroport
de Pristina, leur transport vers leur lieu d’origine et leur réintégration
au Kosovo. Un plan d’action a ensuite été approuvé en avril 2008.
Il reste toutefois largement inappliqué et aucun budget pour les
activités en question n’a pour l’instant été alloué. Lors de ma
visite à Pristina en 2009, le ministre de l’Intérieur a attiré mon
attention sur l’importance d’éviter les retours forcés à grande
échelle, qui pourraient mettre à mal les ressources économiques
déjà limitées du Kosovo .
93. Jusqu’ici, les données du HCR révèlent une tendance tout aussi
intéressante qu’inquiétante: les retours forcés ne sont pas en augmentation
dans l’ensemble (on en comptait 3 219 en 2007, 2 550 en 2008 et
2 407 en 2009), alors que le retour de personnes issues de communautés
minoritaires qui pourraient encore nécessiter une protection internationale
est en hausse (68 personnes en 2007, 71 en 2008 et 136 en 2009).
94. Il est essentiel de résoudre les problèmes liés au déplacement
et de protéger le droit des personnes déplacées de retourner chez
elles en toute dignité et sécurité, avec de réelles possibilités
de réintégration, pour assurer la coexistence pacifique des communautés
au Kosovo. Dans ce contexte, je tiens à évoquer plusieurs questions
importantes sur lesquelles je reviendrai plus en détail au cours
de mes travaux.
7.1. Personnes nécessitant une protection internationale
95. Comme l’a fait observer à maintes reprises le HCR,
toute demande de protection internationale doit être examinée sur
la base de ses mérites. Dans le cas particulier du Kosovo, le changement
de situation sur le terrain en raison de la déclaration unilatérale
d’indépendance n’élimine pas le risque de persécution, d’atteintes
graves ni l’accumulation d’actes discriminatoires que peuvent subir
certains groupes de personnes.
96. Selon le HCR ,
ces groupes comprennent:
- les Serbes et les Albanais du Kosovo qui vivent dans les zones où ils sont en minorité;
- les Roms du Kosovo présents sur tout le territoire du Kosovo;
- les minorités ashkali et égyptienne (parfois prises pour des Roms et qui, tout comme eux, n’ont souvent pas de papiers d’identité et se heurtent donc à des difficultés en matière d’accès aux services sociaux, aux soins de santé et à l’éducation);
- les personnes dont le conjoint appartient à une ethnie différente de la leur et les personnes d’origine ethnique multiple;
- les personnes soupçonnées d’avoir été associées aux autorités serbes après 1990;
- les victimes de la traite;
- les victimes de violences familiales;
- les personnes qui demandent une protection en invoquant leur orientation sexuelle.
7.2. Droits de propriété
97. Les personnes qui ont fui le Kosovo en 1999 et en
2004 ont laissé derrière elles leurs maisons, leurs entreprises
et leurs terres. Depuis lors, nombre de biens ont été endommagés,
détruits, occupés illégalement et des bâtiments construits sans
autorisation.
98. Dans le cas spécifique du Kosovo, plusieurs éléments compliquent
la restauration des droits de propriété:
- avant 1999, les transactions de biens étaient souvent informelles et enregistrées de façon inappropriée;
- la plupart des archives de droits de propriété pour la période d’avant 1999 se trouvent à Belgrade;
- les certificats de propriété existants ne sont pas toujours précis ni authentiques;
- les organismes du cadastre du Kosovo et de la Serbie ne coopèrent pas entre eux et ne reconnaissent pas les titres de propriété de chacun;
- le cadre juridique pertinent n’est pas toujours clair ni cohérent et s’appuie sur différentes sources de droit dont la hiérarchie est confuse.
99. La restauration des droits de propriété est un préalable essentiel
pour que les personnes de retour retrouvent une vie normale, tel
que décrit dans la Résolution
1708 (2010) sur la résolution des problèmes de propriété des réfugiés
et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. La
restauration des droits en rétablissant l’accès physique aux biens
par la restitution, ou par l’attribution d’une propriété ou d’une
valeur équivalente par la compensation, sont des formes essentielles
de réparation qui ont leurs bases juridiques dans plusieurs instruments
du Conseil de l’Europe, en particulier les articles 6, 8, 13 et
14 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5),
l’article 1er de son Protocole additionnel
et l’article 2 de son Protocole no 4,
l’article 31 de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163)
et l’article 16 de la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales (STE no 157). De plus, en
ce qui concerne les personnes déplacées, le Comité des Ministres
lui-même, dans la Recommandation Rec(2006)6 relative aux personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays, a confirmé leurs droits
à avoir la jouissance de leurs propriétés, et de reprendre possession
de leurs biens laissés derrière eux ou, à défaut, à se voir attribuer
une compensation adéquate.
100. Au cours de ma récente visite, j’ai été informé par le président
du conseil d’administration de l’Agence de la propriété au Kosovo
(KPA), l’ambassadeur britannique, M. Andy Sparkes, qu’elle devait
achever le traitement de l’ensemble des plaintes enregistrées (40
718) d’ici à la fin de l’année 2011. Cette échéance tient compte
d’un retard d’environ six mois lié à la nécessité de réexaminer
un certain nombre de plaintes (jusqu’à 87 %) dans lesquelles s’étaient
produites des erreurs de notification: en raison du manque de coopération entre
la KPA et l’Agence cadastrale du Kosovo, les indications physiques
placées sur les parcelles pour matérialiser les droits de propriété
à la suite des décisions de la KPA ne correspondaient pas à l’emplacement exact
des parcelles telles qu’inscrites au registre cadastral.
101. Un développement positif qui permettra d’améliorer la situation
des Serbes du Kosovo déplacés en Serbie est la conclusion d’un mémorandum
d’accord entre la KPA et le bureau du HCR à Belgrade. Selon ce mémorandum,
le HCR convient de transmettre à la KPA au Kosovo les informations
et les preuves documentaires présentées par les Serbes du Kosovo
à Belgrade, afin de finaliser les décisions sur les plaintes liées
aux propriétés. Ce mémorandum d’accord – qui n’a pas encore été
conclu pour l’heure – aidera à contourner les difficultés nées de
la décision des autorités serbes de fermer le bureau de la KPA à
Belgrade, à la suite de l’entrée en vigueur de la Constitution du
Kosovo et au transfert de la KPA sous l’autorité du représentant
civil international.
102. Comme l’a fait observer l’ONG PRAXIS, qui fournit des conseils
juridiques et propose aux réclamants de les représenter, le fait
de rendre une décision ne règle pas la situation pour autant . En effet:
- l’application des ordonnances d’expulsion n’est pas systématique;
- une multitude d’affaires n’ont pas été soumises à la KPA car le délai n’était pas suffisant et avait expiré.
103. Dans ces cas précis, la seule voie de recours possible est
une procédure devant les tribunaux du Kosovo, avec toutes les difficultés
que cela suppose.
7.3. Intégration des personnes déplacées en Serbie proprement dite
104. Le retour des personnes déplacées au Kosovo devrait
être un droit, non une obligation. Tout doit être mis en œuvre pour
s’assurer que des solutions dignes et à long terme sont trouvées
pour les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas retourner chez
elles.
105. Les autorités serbes devraient proposer une solution de remplacement
viable en faveur de l’intégration des personnes déplacées du Kosovo
qui se trouvent en Serbie proprement dite. Lors de mes réunions
avec le ministre du Kosovo-Métochie et le ministre des Affaires
sociales à Belgrade, ma proposition d’établir, sans plus tarder,
des programmes destinés à lutter contre le taux de chômage élevé
des personnes déplacées ainsi que d’autres mesures visant à favoriser
l’intégration de ces dernières dans la société a reçu un bon accueil.
Il me tarde de recevoir de plus amples informations sur les mesures
qui seront prises dans ce contexte.
8. Les médias
106. L’influence politique sur les médias est un problème
majeur. D’abord, la presse ne peut assurer sa pérennité par ses
seules ventes (selon des estimations de l’Association des journalistes
du Kosovo, chaque quotidien tire environ à 3 000 exemplaires par
jour, à un prix unitaire de 20 cents). La presse est donc fortement tributaire
de la publicité comme source de financement. Cependant, cette situation
affecte leur indépendance éditoriale car quasiment toutes les publicités
sont des offres d’emploi publiées par le gouvernement, en sa qualité
de premier employeur du Kosovo. En moyenne, les quotidiens consacrent
un tiers de leurs pages à la publicité. D’où une situation d’autocensure
généralisée, dans laquelle les journalistes et les rédacteurs évitent de
se montrer trop critiques à l’égard du gouvernement et des institutions
par crainte de perdre leur principale source de financement.
107. Un problème plus spécifique affecte l’indépendance du radiodiffuseur
public, la RTK. La RTK était financée par des redevances télévisuelles
collectées en même temps que les factures d’électricité. Cette forme de
financement était stable et garantissait l’indépendance de la RTK.
Cependant, en novembre 2009, la Cour constitutionnelle a jugé cette
procédure contraire à la Constitution. De ce fait, le financement
par les redevances télévisuelles a pris fin. Désormais, la RTK est
financée par le budget ordinaire du Kosovo, jusqu’à ce qu’une autre
source de financement soit trouvée. Il va sans dire que cette solution
affecte l’indépendance du radiodiffuseur public.
108. D’autres problèmes ont été portés à mon attention, notamment:
- le manque de compréhension, au sein de la classe politique, du rôle d’un radiodiffuseur public et la confusion avec le concept de «radiodiffuseur d’Etat»;
- la pression politique exercée sur l’ancien conseil d’administration de la RTK, dont plusieurs membres éminents ont été contraints à démissionner;
- la méconnaissance du secteur des médias parmi les membres du conseil d’administration nouvellement élu de la RTK.
9. La situation des femmes
109. Au Kosovo, plusieurs ONG de femmes se montrent actives.
A l’Assemblée du Kosovo, un groupe informel de parlementaires femmes
a été créé. Elles se plaignent toutes du modèle patriarcal de la
société kosovare et de la difficulté pour les femmes de faire entendre
leur voix. Certains représentants d’ONG ont souligné que la présence
internationale au Kosovo, notamment la MINUK, n’a pas déployé beaucoup
d’efforts pour promouvoir l’égalité des genres et a même parfois
montré le mauvais exemple. Je crois fortement que les femmes au
Kosovo peuvent apporter une contribution importante à la réconciliation
entre les communautés et au renforcement du caractère démocratique
des institutions.
110. Bien que du point de vue juridique, l’égalité des genres et
la non-discrimination fondée sur le genre soient reconnues, la mise
en œuvre de la loi est une autre affaire. La situation des femmes
est particulièrement délicate dans les zones rurales. Rares sont
les femmes à bénéficier d’une indépendance financière ou à être propriétaires
de leur lieu de résidence. Par ailleurs, elles sont défavorisées
en matière d’héritage. Dans ces circonstances, même victimes de
violences domestiques, elles sont peu enclines à divorcer, d’autant
qu’en règle générale la garde des enfants est confiée au père.
111. Pour l’heure, environ mille cas de violence contre les femmes,
y inclus la violence domestique, ont été signalés à la police, mais
ce n’est certainement que la partie visible de l’iceberg.
112. Les femmes qui ont été victimes de la traite rencontrent de
graves difficultés de réinsertion dans la société: la prostitution
jette sur elles un lourd discrédit social; il n’existe par ailleurs
pas de programmes ou de mesures sociales visant à aider ces femmes.
10. La perspective de l’Union européenne
113. Depuis le sommet de 2003 à Thessalonique, l’Union
européenne a fait part de son soutien sans équivoque à une perspective
européenne pour les Balkans occidentaux et a d’ailleurs approuvé
la mise en place de partenariats européens comme moyen de la matérialiser.
114. Les priorités du partenariat européen avec la Serbie, y compris
le «Kosovo tel que défini par la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU», sont énoncées dans
la décision 2008/213/EC du 18 février 2008 divisée en priorités
à court et moyen termes auxquelles le Kosovo est censé répondre
pour satisfaire aux critères d’une plus grande intégration.
10.1. La Commission européenne
115. Les progrès réalisés en vue du respect de ces critères
sont évalués dans des rapports de suivi périodiques, dont le plus
récent (novembre 2009) cite comme grands domaines prioritaires la
nécessité pour le Gouvernement du Kosovo de disposer de capacités
administratives suffisantes et de la détermination politique nécessaire
au développement et à l’application de la législation adoptée et
des réformes nécessaires .
Parmi les domaines clés à consolider, citons la prééminence du droit,
la politique anticorruption et la lutte contre le crime organisé.
Le renforcement du dialogue et de la réconciliation entre les communautés demeure
un défi politique majeur .
116. La voie à suivre pour le Kosovo dans le processus de stabilisation
et d’association est énoncée dans deux communications récentes,
l’une portant sur la stratégie d’élargissement et les priorités
pour 2009-2010 , l’autre spécialement sur le Kosovo .
Dans cette dernière, la Commission propose de lancer le processus
de libéralisation du régime des visas pour la population du Kosovo,
d’initier la préparation d’un accord commercial exhaustif avec le
Kosovo et d’étudier en profondeur des moyens lui permettant de s’investir
dans des projets liés à l’emploi, aux entreprises et à l’éducation.
La Commission propose également que l’Union européenne améliore
son dialogue politique avec le Kosovo et élargisse le champ de l’assistance
financière de la Commission européenne pour y inclure la coopération
transfrontalière. Toutes ces mesures devraient être mises en œuvre
progressivement et dépendre des progrès accomplis par le Kosovo.
117. L’importance accordée au développement socio-économique du
Kosovo rappelle le rôle moteur que joue l’Union européenne, sur
le plan politique mais aussi économique, en tant que grand partenaire commercial
du Kosovo et principale source d’investissements directs étrangers.
10.2. Le Parlement européen
118. Le soutien du Parlement européen au plan Ahtisaari
est de notoriété publique .
En effet, son appel à la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo a
provoqué de vives critiques de la part de la Serbie et d’autres
pays opposés à sa reconnaissance.
119. Lors de réunions avec des députés européens, je me suis en
outre rendu compte que malgré la neutralité de l’Union européenne
sur le statut, le Parlement européen a développé au fil des ans
une série d’activités interparlementaires avec l’Assemblée du Kosovo.
120. Durant la période 2002-2008, la délégation du Parlement européen
pour les relations avec les pays de l’Europe du Sud-Est (DSEE) a
organisé des réunions régulières informelles avec les membres de
l’Assemblée du Kosovo, qui se sont tenues tour à tour à Bruxelles
et à Pristina. La délégation kosovare se composait du Président
de l’Assemblée et d’autres députés généralement issus de son cabinet.
A la demande de la DSEE, elle a toujours compté un député serbe.
Ces rencontres se distinguaient des «réunions formelles» par le
fait qu’elles ne duraient qu’une journée au lieu de deux.
121. Après la déclaration d’indépendance et grâce au soutien du
Parlement européen au plan Ahtisaari, la DSEE a organisé en mars
2008 la première réunion interparlementaire formelle avec une délégation
de l’Assemblée du Kosovo à Bruxelles , puis une deuxième réunion à Pristina
l’année suivante .
11. Le Conseil de l’Europe et le Kosovo
122. En tant qu’organisation internationale, le Conseil
de l’Europe n’a pas compétence pour reconnaître ou non la souveraineté
et l’indépendance d’une entité territoriale. Dans la situation qui
nous préoccupe, où 33 des 47 Etats membres ont reconnu le Kosovo,
le Conseil de l’Europe applique une politique de neutralité du point de
vue du statut, à l’instar des autres organisations européennes telles
que l’Union européenne et l’OSCE.
123. Le constat que la scission entre les Etats membres du Conseil
de l’Europe qui reconnaissent le Kosovo en tant qu’Etat et ceux
qui s’y opposent ne devait pas entraver la poursuite des travaux
de l’Organisation au Kosovo a été l’une des grandes inquiétudes
qui ont conduit à la proposition à l’origine de ce rapport.
124. Je suis par conséquent satisfait qu’en réponse à la Recommandation 1822 (2008) de l’Assemblée sur les développements concernant le
statut futur du Kosovo, le Comité des Ministres ait décidé de poursuivre
les activités liées à la préservation et à la promotion du patrimoine
culturel, de l’éducation et du développement de la société civile,
mais aussi de renforcer les activités de promotion des droits de
l’homme, y compris des droits des minorités, de la prééminence du
droit et de la démocratie. Le Comité des Ministres a en outre ajouté que
la lutte contre la corruption et le crime organisé devrait figurer
au rang des priorités futures.
125. Le Groupe de rapporteurs sur la démocratie des Délégués des
Ministres (GR-DEM) étudie actuellement plusieurs projets nouveaux
ou consolidés proposés par le Secrétariat, dont certains axés sur
la mise en œuvre des normes et méthodologies du Conseil de l’Europe
en matière d’Etat de droit afin de lutter contre la corruption,
la criminalité économique et, potentiellement, la traite des êtres
humains et l’exploitation sexuelle des enfants. D’autres projets
portent sur l’application des principes de la Convention européenne
des droits de l’homme dans les travaux des juristes, en vue de mettre
un terme aux mauvais traitements et à l’impunité des forces de l’ordre,
de consolider la société civile et l’institution du médiateur, et
de renforcer l’indépendance des médias et la liberté d’expression.
126. Je ne peux que marquer mon accord avec l’élargissement du
champ des activités du Conseil de l’Europe au Kosovo et souhaiter
que ces propositions soient approuvées par le Comité des Ministres.
Les activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’éducation
et de la protection et de la réhabilitation du patrimoine culturel
et religieux contribuent de façon essentielle à la création d’un
climat de dialogue et de compréhension entre les personnes de différentes
communautés. Ces activités ont récemment été élargies, notamment
par le renforcement de la présence des équipes projets du Conseil
de l’Europe sur le terrain. Je souscris totalement à ce processus.
127. Cela étant, le Conseil de l’Europe devrait parallèlement contribuer
à la résolution d’autres problèmes qui ont une incidence sur la
vie des personnes vivant au Kosovo, plus précisément dans le domaine
de la protection des droits de l’homme et du respect de l’Etat de
droit, et ce en coordination avec d’autres intervenants actifs au
Kosovo.
128. A cet égard, je souhaiterais rappeler qu’en 2004, le Conseil
de l’Europe et la MINUK ont signé des Accords pour assurer le travail
du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales et du Comité pour la prévention de la torture
au Kosovo. Il est nécessaire d’actualiser ces accords à la lumière
de l’évolution de la situation sur le terrain, notamment le changement
des fonctions de la MINUK, le déploiement d’EULEX et le rôle accru
des institutions kosovares dans ces domaines. De plus, il conviendrait d’examiner
s’il est possible d’étendre l’application d’autres mécanismes de
suivi du Conseil de l’Europe au Kosovo, dans l’intérêt de ses habitants.
129. Enfin, j’espère que le bureau du Conseil de l’Europe à Pristina
– qui compte actuellement quatre agents appartenant à la Direction
générale de la démocratie et des affaires politiques (un agent international
et trois agents locaux), auxquels s’ajoutent deux équipes recrutées
localement travaillant sur des projets dans les domaines de l’éducation
et de la protection du patrimoine culturel – se verra attribuer
davantage de ressources pour assurer la visibilité de l’Organisation
au Kosovo et l’efficacité de ses travaux. Je pense notamment que
le personnel du bureau devrait refléter la composition pluriethnique
du Kosovo et que la capacité du chef du bureau à un apport d’analyse
politique et à l’alerte précoce devrait être améliorée par un renforcement approprié
en personnel.
130. Pour mettre en lumière la coopération étroite entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne, je tiens à préciser que, en 2009,
90 % des ressources financières affectées aux travaux du Conseil
de l’Europe au Kosovo émanaient de programmes conjoints financés
par la Commission européenne. Dans les divers échanges de vues que
j’ai eus avec des représentants de la Commission, il m’a été clairement
dit, et je m’en réjouis, qu’une participation plus proactive et
élargie du Conseil de l’Europe serait la bienvenue.
12. Conclusions et recommandations
131. Le Conseil de l’Europe devrait se fixer un objectif
clair pour le Kosovo. Au vu du mandat de notre Organisation, il
me semble que le but manifeste devrait être de contribuer à l’instauration
d’un Kosovo pluriethnique, démocratique, pacifique, viable et stable
pour le bien de tous les citoyens. Il s’agit pour moi du plus petit
dénominateur commun sur lequel tous les Etats membres peuvent s’entendre,
quelle que soit leur position à l’égard du statut.
132. Dans la poursuite de cet objectif, les Etats membres du Conseil
de l’Europe devraient adopter une démarche résolue de «diversité
sur le statut mais d’unité sur l’engagement», similaire à celle
de l’Union européenne. Dans ce contexte, je soutiens totalement
les échanges de vues qui se sont tenus récemment entre les Délégués
des Ministres dans le but d’étendre la gamme d’activités du Conseil
de l’Europe au Kosovo, notamment en mettant davantage l’accent sur
nos domaines d’excellence que sont la démocratie, les droits de
l’homme et la prééminence du droit. Je recommanderais notamment:
- que le Comité des Ministres entreprenne des activités visant à améliorer la prééminence du droit, à lutter contre la corruption et la criminalité économique et à renforcer le système judiciaire au Kosovo;
- que soient définies, à la lumière de la nouvelle situation sur le terrain, de nouvelles modalités garantissant la reprise des travaux du Comité pour la prévention de la torture (CPT) et du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
- que l’on étudie avec attention les moyens d’étendre au Kosovo l’application d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe;
- que soit poursuivie la réflexion sur les moyens de mettre en œuvre des activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de la liberté des médias, de l’égalité des genres et de la lutte contre la traite des êtres humains au Kosovo.
133. Pour veiller à ce que la population du Kosovo bénéficie de
niveaux de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du
droit équivalents à ceux applicables dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe, il est indispensable de travailler en synergie avec
le cadre institutionnel complexe du Kosovo.
134. Il importe que le Conseil de l’Europe poursuive ses travaux
fructueux de coordination et de consultation avec les partenaires
internationaux, en particulier avec l’Union européenne, la MINUK
et l’OSCE, et prenne l’initiative de proposer des activités conjointes.
135. Dans le même temps, il est incontestable que les institutions
du Kosovo ont de fait autorité sur le territoire (ainsi qu’une autorité
juridique, selon la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe)
et qu’elles ne sauraient être exclues du cercle des interlocuteurs
du Conseil de l’Europe si ce dernier tient à avoir une quelconque
influence. Il me semble que la politique de neutralité sur le statut
ne devrait pas être envisagée comme un frein à des relations de
travail directes avec les autorités kosovares, à tous les niveaux,
similaires à celles qu’elles entretiennent avec d’autres organisations
internationales. Bien qu’elles soient de précieuses partenaires,
ni la MINUK ni EULEX ne devraient être considérées comme des intermédiaires
nécessaires.
136. Pour finir, au vu des défaillances observées dans le fonctionnement
des institutions démocratiques au Kosovo, l’Assemblée parlementaire
pourrait vouloir entamer un dialogue avec les représentants des
forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo sur des questions
d’intérêt commun, en tenant compte des préoccupations et des intérêts
légitimes de la Serbie.