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| Doc. 12827
| 23 janvier 2012
Juges ad hoc à la Cour européenne des droits de l’homme: un aperçu
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Rapporteure : Mme Marie-Louise BEMELMANS-VIDEC,
Pays-Bas
Origine - Renvoi en commission: Doc. 11976, Renvoi
3600 du 2 octobre 2009. Rapport d'information approuvé par la commission
le 16 novembre 2011. 2012 - Première partie de session
Résumé
Les juges à la Cour européenne des droits de l’homme, qui
sont élus par l’Assemblée parlementaire, sont investis par une légitimité
démocratique: article 22 de la Convention européenne des droits
de l’homme. Cela n’est pas le cas lorsqu’il est nécessaire de désigner
un juge ad hoc qui, jusqu’à récemment, a été nommé par une Haute
Partie contractante quand l’affaire était déjà entamée.
La manière selon laquelle des juges ad hoc sont désignés a
été améliorée avec l’entrée en vigueur du Protocole no 14
à la Convention. Selon la nouvelle procédure, chaque Haute Partie
contractante doit établir une liste de réserve de juges ad hoc,
au sein de laquelle le Président de la Cour choisira une personne
lorsque la désignation s’avère nécessaire. Mais cette procédure
manque encore de légitimité démocratique; la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme est d’avis que ce sujet devrait
être examiné plus amplement à l’avenir.
1. Introduction
1. L'autorité et la crédibilité de toute institution
judiciaire dépend de l'indépendance et de l'impartialité de ses
juges. Cette exigence est consacrée par l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme (STE no 5,
ci-après «la Convention»)
.
Il ne suffit d'ailleurs pas que les juges soient indépendants et
impartiaux, encore faut-il qu'ils le démontrent de façon manifeste
. Seule une procédure de
désignation et d'élection juste et transparente permet de garantir
que chaque juge qui siège à la Cour européenne des droits de l'homme
(«la Cour») possède ces qualités et en fasse la démonstration. L'indépendance
ou la manifestation de l'indépendance
des
juges de la Cour et, dans certains cas particuliers, la procédure
de désignation des juges ad hoc à la Cour, ont fait l'objet ces
derniers temps d'un certain nombre de critiques
.
2. La principale critique formulée à l'égard des juges ad hoc
porte sur le fait que leur mode de désignation permet de contourner
la procédure applicable à l'ensemble des autres juges élus par l'Assemblée
en vertu de l'article 22 de la Convention. Avant l'entrée en vigueur
du Protocole no 14 en juin 2010, les
Etats Parties à la Convention pouvaient, lorsqu'un «juge national»
se trouvait empêché, se déportait ou était dispensé de siéger, désigner
pratiquement toute personne qu'ils jugeaient la plus apte à exercer
la fonction de juge ad hoc dans une affaire donnée. Cette situation
avait conduit l'Assemblée à déclarer en 2004 que, tant que les juges
ad hoc ne seraient pas soumis à la procédure d'élection, ils continueraient
à manquer de légitimité
.
Dans son rapport de 2008 sur la nomination des candidats et l'élection
des juges à la Cour, la commission des questions juridiques et des
droits de l'homme faisait observer que l’Assemblée n’avait toujours
aucun droit de regard sur la manière dont les juges ad hoc étaient
nommés et que le rôle qu'elle devait ou pouvait jouer en la matière,
si tant est qu'elle en ait un, au titre de la nouvelle procédure
de nomination prévue par le Protocole no 14
à la Convention européenne des droits de l'homme, demeurait incertain
. Elle concluait que
cette question méritait plus ample réflexion
.
3. Cette question a été mise en évidence au cours des années
2007-2009, lorsque l'Ukraine a refusé de fournir à l’Assemblée le
nom d'un troisième candidat à la fonction de juge, empêchant ainsi
celle-ci de procéder à l'élection d'un juge au titre de l'Ukraine.
En lieu et place de ce candidat, les autorités ukrainiennes avaient nommé
un juge ad hoc pour une durée prolongée
. L'Assemblée
avait alors réagi en décidant que l'attitude de l'Ukraine risquait
de compromettre la crédibilité de la Cour et constituait un abus
illégitime de la procédure, contraire aux obligations nées pour
ce pays de la Convention et du Statut de l’Organisation
. Fort heureusement,
la question a connu, après éclaircissement de ce point de droit
par la Cour, un heureux dénouement
.
4. Il est de l'intérêt de l'ensemble du système de la Convention
que la Cour, par l'intermédiaire de ses juges, échappe totalement
en apparence comme dans la réalité à toute pression et ingérence
extérieures ou à tout soupçon de manque d'impartialité. C'est la
raison pour laquelle il est indispensable d'avoir une idée précise
de la manière dont les juges ad hoc sont désignés et du mode de
fonctionnement actuel du système.
2. La «légitimité démocratique» des juges
élus par l'Assemblée parlementaire
5. Certains auteurs font observer
que:
«Aucune institution n'a autant
besoin de légitimité que la Cour européenne des droits de l'homme.
En sa qualité de juridiction supranationale des droits de l'homme,
elle ne dispose d'aucun pouvoir d'exécution ou de sanction. En outre,
sa principale mission consiste précisément à juger les actes des pouvoirs
publics dont elle dépend pour l'exécution de ses arrêts. Aussi est-ce
avant tout sa légitimité qui lui assure le respect et les égards
des juges et des responsables politiques nationaux [...].»
6. La légitimité d'un juge repose sur son indépendance et son
impartialité
.
Sa légitimité démocratique exige, notamment, la séparation des pouvoirs,
garantie par une stricte séparation entre le pouvoir judiciaire
et le système politique
.
A cette fin, l'article 22 de la Convention attribue à l’Assemblée
la compétence d'élire les juges à la Cour
. Il précise que «[l]es juges sont
élus par l'Assemblée parlementaire au titre de chaque Haute Partie
contractante, à la majorité des voix exprimées, sur une liste de
trois candidats présentés par la Haute Partie contractante»
.
Ce mécanisme confère à la procédure une légitimité démocratique,
puisque les membres de l'Assemblée sont issus des parlements nationaux,
organes législatifs des Etats membres.
7. Dans sa
Résolution
1726 (2010) , l’Assemblée rappelle
que:
«7. L’autorité de la Cour
dépend de la stature de ses juges ainsi que de la qualité et de
la cohérence de sa jurisprudence. A cet égard, il incombe à l’Assemblée
d’élire à la Cour des juges du plus haut niveau à partir de listes
de trois candidats désignés par les Etats parties. Rappelant sa Résolution 1646 (2009) sur
la nomination des candidats et l’élection des juges à la Cour européenne
des droits de l’homme, l’Assemblée relance son appel pour des procédures
nationales de sélection rigoureuses, équitables et transparentes
afin de garantir la qualité, l’efficacité et l’autorité de la Cour.»
8. Il convient de noter que le terme «juge», au sens de l'article
22, n'est pas défini et qu'il pourrait également s'entendre comme
désignant une fonction plutôt qu'un statut. Cette interprétation
conduirait à conclure que l'article 22 de la Convention vise également
les «personne[s] qui siège[nt] en qualité de juge» (voir l'article
26, paragraphe 4, de la Convention), c'est-à-dire les juges ad hoc,
puisque ces personnes exercent la fonction de juge.
3. Les juges ad hoc à la Cour européenne des droits
de l'homme
3.1. Rôle et procédure de désignation
9. La désignation d'un juge ad hoc peut intervenir lorsque
que le juge élu se trouve empêché, se déporte ou est dispensé, ou
si pareil juge fait défaut
.
Tel est par exemple le cas lorsqu'un conflit d'intérêts empêche le
juge qui siège de statuer dans une affaire dont la Cour est saisie.
La démission ou le départ en retraite d'un juge impose également
de nommer un juge ad hoc. Dans ce cas, le juge ad hoc traite les
affaires jusqu'à ce qu'un nouveau juge soit élu par l'Assemblée
au titre d'un Etat donné.
10. La procédure de désignation d'un juge ad hoc en vigueur avant
l'adoption du Protocole no 14 laissait
à l'Etat partie une très grande marge d'appréciation dans le choix
de la personne nommée juge ad hoc pour une affaire donnée après
engagement de la procédure de requête, c'est-à-dire une fois connue
la teneur de cette dernière. Par conséquent, non seulement la procédure
de désignation manquait de légitimité démocratique (absence d'élection
par l'Assemblée), mais elle était encore, comme d’aucuns l’ont affirmé,
contraire au principe de l'égalité des armes et source d’un certain
nombre de préoccupations à propos de l'indépendance et de l'impartialité
du juge ad hoc
. Elle était par ailleurs longue
et pouvait compromettre l'examen en temps utile d'une affaire, en
raison à la fois de la procédure elle-même et du fait que le juge
ad hoc, une fois nommé, avait bien souvent d'autres obligations
.
De fait, les difficultés rencontrées à l'occasion de la nomination
de juges ad hoc ont autrefois entraîné des retards dans le traitement
des affaires. Ainsi, l'affaire Youkos
a été reportée une
première fois pour permettre au juge ad hoc de se familiariser avec
le dossier et une deuxième fois parce qu'il était malade. Des retards
se sont également produits dans une affaire qui concernait la Serbie, parce
que ce pays n'avait pas fourni de liste à temps, et dans une affaire
qui portait sur la Turquie, dans laquelle l'impartialité du juge
était mise en question.
11. Le Protocole no 14 a partiellement
porté remède à cette situation peu satisfaisante. Le nouvel article
26, paragraphe 4, de la Convention prévoit le remplacement d'un
juge par une personne, le juge ad hoc, «[…] choisie par le président
de la Cour sur une liste soumise au préalable par cette partie
.
Comme le précise le Règlement modifié de la Cour, les Etats parties
soumettent au préalable à la Cour une liste contenant les noms de
trois à cinq personnes qui réunissent les conditions exigées pour
exercer la fonction de juge ad hoc pour une période renouvelable
de deux ans, à partir de laquelle le président de la chambre choisit
un juge ad hoc en cas de besoin
.
Le Règlement modifié de la Cour a apporté une modification supplémentaire:
aux fins de l'application de l'article 26, paragraphe 4, de la Convention,
les noms des autres juges élus à la Cour sont
ipso jure considérés
comme inscrits sur la liste
.
De plus, lorsqu'un Etat partie ne désigne pas de juge ad hoc dans un
délai de trente jours ou ne soumet pas de liste de noms satisfaisante,
le Règlement prévoit que le président de la chambre invite cet Etat
à lui communiquer dans les trente jours le nom de la personne qu'il
souhaite désigner parmi les autres juges élus
– un choix
volontairement exercé par certains Etats lorsque le régime précédent
était en vigueur
.
12. L'emploi de la formule «et que cette Partie contractante n’a
pas choisi de désigner un juge ad hoc» au paragraphe 1.
a du Règlement modifié fait de la
désignation d'un juge ad hoc parmi les juges élus un choix par défaut.
Ainsi, si la Partie contractante ne répond pas dans le délai précité
de trente jours
ou
choisit de désigner un juge ad hoc sans fournir au greffier la liste
demandée (ou si la liste soumise comporte moins de trois personnes
réunissant les conditions requises), elle est réputée avoir renoncé
à son droit de désignation. Elle est également réputée avoir renoncé
à ce droit si la chambre estime que, sur la liste présentée, moins
de trois personnes satisfont aux exigences fixées par le Règlement
. Dans ce cas,
il est vraisemblable que le Président de la Cour désigne le remplaçant
parmi les juges suppléants (c'est-à-dire les juges désignés pour siéger
en formation judiciaire dans des affaires en qualité de suppléants
et qui peuvent être appelés à prendre la place de juges empêchés
de siéger: voir à ce propos les articles 24 à 27 du Règlement de
la Cour,
passim).
13. Le nouveau système renforce la manifestation de l'indépendance
des juges, puisqu'un Etat partie ne peut plus jouer de rôle décisif
dans la désignation d'un juge ad hoc. En outre, s’il devait arriver
que les juges ad hoc soient de plus en plus cooptés par le collège
des juges déjà en place, ils jouiraient à l'évidence de la même
légitimité démocratique que les juges classiques
.
14. La procédure de désignation pourrait toutefois poser un problème
de légitimité, dans la mesure où le juge ad hoc est désigné à partir
d'une liste soumise par les Etats parties directement au Président
de la Cour, l’Assemblée demeurant exclue de ce processus
. Outre
le fait que la procédure manque par conséquent de légitimité démocratique,
les motifs qui président au choix du juge ad hoc par le Président
de la Cour à partir de la liste présentée par l'Etat demeurent incertains.
Pour ce qui est des juges ordinaires, les Etats parties sont tenus
de communiquer à l'Assemblée un curriculum vitae type pour chaque
candidat
. L'Assemblée
vérifie que les candidats possèdent à la fois les qualifications
requises et la plus haute considération morale nécessaire pour être
désignés, puis procède à une série d'entretiens
. Sans ce contrôle des candidats présélectionnés
et leur évaluation par l'Assemblée, le choix des juges ad hoc pourrait
être plus partial et porter sur des candidats de moindre stature,
ce qui nous ramène au problème fondamental posé par certains juges, qui
ne possèdent pas la légitimité démocratique des juges classiques
élus par l’Assemblée.
3.2. Données statistiques
3.2.1. Informations d’ordre général
15. D'après les chiffres communiqués par le Greffe de
la Cour, 77 juges ad hoc ont été nommés de 2007 à 2010 (19 en 2007,
21 en 2008, 20 en 2009 et 17 en 2010) qui ont participé à la préparation
de 516 arrêts de la Cour (79 en 2007, 40 en 2008, 246 en 2009 et
151 en 2010). Comparé au nombre global d'arrêts prononcés entre
2007 et 2010 (respectivement 1 503, 1 543, 1 625 et 1 499
), le pourcentage d'affaires
dont les juges ad hoc ont eu à connaître est peu élevé, même s'il
ne cesse de croître
.
16. Compte tenu de ces éléments, il est d'autant plus important
que les quelques affaires traitées par les juges ad hoc ne donnent
pas lieu à une mise en cause de leur légitimité et de leur indépendance,
qui pourrait nuire à la crédibilité de la Cour. Le fonctionnement
à peu près satisfaisant de l'institution des juges ad hoc dans la
pratique
n'atténue pas
les préoccupations qu'elle suscite
:
la procédure de nomination n’est pas transparente et il peut arriver
que le juge ad hoc ne soit pas totalement indépendant du gouvernement
sur les actes duquel il doit statuer
.
On peut également évoquer à ce propos la désignation abusive d'un
juge ad hoc destinée à contourner la procédure d'élection prévue
par la Convention
.
3.2.2. Caractéristiques du vote
17. Plusieurs études ont été menées sur les caractéristiques
du vote des juges «nationaux» et des juges ad hoc. Bon nombre d'entre
elles démontrent que le juge ad hoc fait preuve d'une plus grande
partialité nationale que le juge élu
.
D'aucuns estiment que cela tient au fait que les juges ad hoc ne
se sentent guère solidaires des juges élus et que, contrairement
à eux, ils ne sont pas soumis à la même pression collective
.
D'autres considèrent plus généralement qu'en matière de contentieux
international, cette situation découle de la fonction particulière
assumée par le juge ad hoc: une personne n'accepterait pas, voire
ne devrait pas accepter, pareille fonction lorsqu'elle n'a pas tendance
à souscrire au point de vue du gouvernement
.
18. La présence d'un «juge national», classique (c'est-à-dire
élu) ou ad hoc, au cours de la procédure engagée devant la Cour
vise à garantir une connaissance concrète du droit et de la pratique
juridique de l'Etat concerné. Elle a peut-être un objectif plus
important encore: renforcer la confiance des Etats membres en la Cour
et rendre les Etats parties qui étaient hésitants à l'époque plus
disposés à accepter la compétence de la Cour
. En outre, une fois l'arrêt
rendu, les parties sont plus susceptibles de l'exécuter et de s'y
conformer
. D'aucuns
considèrent que les juges nationaux peuvent ainsi contribuer à maintenir
l'Etat de droit et à promouvoir l'indispensable confiance des justiciables
dans la justice internationale
.
Mais on pourrait dire, en parallèle, qu'ils risquent plus facilement
de compromettre la légitimité de la Cour, à cause de la mise en
doute de leur indépendance de leur impartialité
.
19. Une étude réalisée en 2008
a
révélé d'importantes différences statistiques dans les caractéristiques du
vote des juges, mettant ainsi en cause dans une certaine mesure
l'hypothèse de la parfaite impartialité des juges amenés à apprécier
les actes de l'administration de leur pays
.
D'après cette étude, lorsqu’un arrêt avait été rendu en faveur de
l'Etat défendeur, 100 % des juges ad hoc et 95 % des juges classiques
de ce pays avaient voté avec la majorité, contre 81% des autres
juges. Lorsqu'à l'inverse l'arrêt avait été contraire à l'Etat défendeur,
33% des juges ad hoc et 16% des juges classiques avaient exprimé
une opinion dissidente, contre seulement 8% des autres juges
.
Une étude plus récente consacrée aux caractéristiques du vote des
juges ad hoc à la Cour de 2006 à 2010 indique que, dans les 26 arrêts
où les juges ad hoc s'étaient prononcés contre la majorité, ils
avaient condamné l'Etat qui les avait nommés dans huit cas seulement
. Dans neuf de ces 26 affaires,
le juge ad hoc avait été le seul à ne pas conclure à une violation
.
20. En dépit de ces statistiques, le fait qu'un juge ad hoc soit
favorable au point de vue de l'Etat défendeur ne suffit pas en soi
à permettre de penser qu'il ou elle se montre partial. Cela pourrait
en revanche indiquer que la procédure de sélection n'a pas été neutre
et que l'Etat a présenté un candidat qui partageait son point de
vue. D'où la nécessité plus impérieuse encore de veiller à ce que
les juges ad hoc soient sélectionnés soigneusement, selon une procédure
qui garantisse la nomination ou le choix de personnes de la plus
haute stature, et confirme ainsi la qualité, l'efficacité et l'autorité
de la Cour.
3.2.3. Considérations de genre
21. L’Assemblée estime que, pour qu'une société soit
pleinement démocratique et exploite totalement son potentiel, il
est indispensable que les hommes et les femmes soient convenablement
représentés dans les organes décisionnels, y compris au sein de
la justice
, et qu'elle ait fait tout ce qui
était en son pouvoir pour que les hommes et les femmes soient représentés
de manière égale au sein des instances publiques, notamment à la
Cour européenne des droits de l'homme
. Depuis que l'Assemblée a imposé
en 2004 aux Etats membres de faire figurer sur leur liste de candidats
établie pour la Cour une personne du sexe sous-représenté, «la proportion
de femmes sur les listes de candidats a considérablement augmenté,
et, avec elle, la proportion de femmes élues juges à la Cour»
.
22. En revanche, les chiffres des juges ad hoc communiqués par
le Greffe de la Cour pour les années 2007 à 2010 montrent que, sous
le régime antérieur, leur désignation directe par les Etats membres
pouvait poser un problème sur le plan de l'égalité entre hommes
et femmes. Le pourcentage de femmes désignées juges ad hoc au cours
de cette période représentait 42 % en 2007 (soit 8 juges ad hoc
sur 19), 24 % en 2008 (soit 5 juges ad hoc sur 21), 10 % en 2009
(soit 2 sur 20) et 23 % en 2010 (soit 4 sur 17).
23. En vertu du nouveau Règlement de la Cour mis en place après
l'entrée en vigueur du Protocole no 14, la
liste des personnes réunissant les conditions requises pour servir
en qualité de juge ad hoc doit désormais comporter des candidats
des deux sexes
. Les effets de cette évolution
de l'équilibre entre hommes et femmes n'ont pas encore été mesurés.
A l'heure actuelle, il semblerait que, parmi les Etats ayant soumis
une liste de juges ad hoc (35 Etats membres sur 47), quatre d'entre
eux ne fassent figurer aucune femme sur leur liste, contrairement
à l'obligation qui leur est faite
. Il sera intéressant de constater de quelle
manière cette question sera gérée par la Cour.
3.3. Les qualifications requises d'un juge ad hoc
24. En vertu d'une disposition inchangée du Règlement
de la Cour, le juge ad hoc doit jouir de la plus haute considération
morale et réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes
fonctions judiciaires ou être un jurisconsulte dont la compétence
est notoire
.
Le Règlement de la Cour (qui devait faire l’objet d’une nouvelle version,
en partie pour tenir compte de la nouvelle procédure mise en place
avec l’entrée en vigueur du Protocole no 14),
précise qu'un juge ad hoc ne peut se trouver empêché de prendre
part à l'examen d'une affaire pour l’un des motifs énumérés à l'article
28
et
qu’il doit être à même de satisfaire aux exigences de disponibilité
et de présence. En outre, pendant la durée de son mandat, il ne
peut représenter, à quelque titre que ce soit, une partie ou un
tiers intervenant devant la Cour
.
L’Assemblée a indiqué, dans sa
Résolution 1627 (2008), sa
Résolution 1646 (2009) et
sa
Recommandation 1649
(2004), que des critères supplémentaires devaient être
définis pour la désignation des juges élus. Elle a soumis leur candidature
à de nouvelles exigences, comme «[…]une connaissance active de l’une
des langues officielles du Conseil de l’Europe et une connaissance
passive de l’autre», et la nécessité d’une procédure nationale de
sélection équitable, transparente et cohérente
. Mais ces conditions ne figurent
pas parmi les exigences imposées pour les personnes figurant sur
les listes de juge ad hoc. Il est donc souhaitable que le Règlement
de la Cour précise au moins les conditions de compétences linguistiques,
puisque le juge ad hoc, une fois nommé, remplace intégralement le
juge ordinaire dans une affaire. De fait, le modèle de curriculum
vitae, qui prévoit expressément qu'une personne doit avoir une connaissance
active de l’une des langues officielles du Conseil de l’Europe et
une connaissance passive de l’autre, devrait figurer parmi les exigences
prévues par le Règlement de la Cour
. Cela dit, le fait que les juges
ad hoc ne soient pas soumis aux autres conditions peut être bénéfique
pour le système: le juge peut ainsi avoir la nationalité d'un autre
Etat membre
;
la limite d'âge maximale de 70 ans n'est, quant à elle, pas précisée
.
25. Il convient par ailleurs de noter que, malgré les modifications
effectuées à l'occasion de l'entrée en vigueur du Protocole no 14
et les qualifications que l'article 29 du Règlement de la Cour impose
à tout juge ad hoc de présenter, les Etats n'ont aucune obligation
de s'expliquer sur la procédure de sélection appliquée pour le choix
des personnes inscrites sur la liste des juges ad hoc. L’article
26, paragraphe 4, se contente d'indiquer que le Président de la
Cour choisit le juge ad hoc sur une liste de noms présentée par
un Etat partie. Comme nous l'avons précisé plus haut, s'il s'agit
d'une amélioration par rapport à la procédure antérieure, il lui
manque toujours la légitimité de la procédure d'élection applicable
aux juges ordinaires, dans laquelle le choix revient à l'Assemblée
et les conditions requises sont clairement définies. Les critères
selon lesquels le Président de la Cour est censé prendre sa décision
demeurent incertains, ce qui conduit à se demander s'il ne serait
pas préférable que l'Assemblée joue un rôle plus important dans
la vérification de la désignation, voire procède à l'évaluation
des candidatures proposées. D'une part, elle est déjà au fait de
l'évaluation des candidats et possède l'expertise nécessaire. D'autre
part, comme les mécanismes indispensables sont déjà en place, le coût
financier de cette démarche pourrait être relativement faible. Mais
cette possibilité soulève à son tour deux questions supplémentaires.
Les critères nationaux de sélection des juges ordinaires ont également
fait l'objet de critiques
et
le Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) leur consacre
en ce moment ses travaux
.
Un rapport établi par l'Assemblée indique que le choix des juges
doit être soumis au respect d’un minimum de critères pour garantir
la crédibilité et l'autorité de la Cour
. On
peut par ailleurs se demander s'il est souhaitable que l'Assemblée
consacre un temps et une énergie supplémentaires importants à l'évaluation de
chaque juge ad hoc potentiel inscrit sur la liste, alors qu'il n'existe
aucune certitude que les personnes qui y figurent soient un jour
choisies pour siéger en qualité de juge
. Aussi convient-il, peut-être,
de veiller à ce que le panel consultatif d'experts mis en place
pour les candidats à l'élection de juge fasse le tri de chaque liste ou
de chaque personne désignée pour assumer éventuellement la fonction
de juge ad hoc (avant que les listes ne soient transmises à l'Assemblée):
voir la Résolution CM/Res(2010)26 du Comité des Ministres
.
4. Les juges ad hoc au sein des autres instances
internationales
4.1. Dans un contexte plus vaste: exemples choisis
26. Toutes les juridictions internationales n'accordent
pas aux Etats le droit de désigner un juge ad hoc. La représentation
nationale elle-même n'est pas universelle. Quelques exemples choisis
permettent d'illustrer ce propos.
27. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, anciennement
Cour de justice des Communautés européennes) ne prévoit pas la désignation
de juges ad hoc et ne garantit pas davantage de «représentation» nationale
dans certaines procédures précises. Elle veille néanmoins, comme
la Cour de Strasbourg, à assurer une représentativité nationale
équilibrée dans l'ensemble de la CJUE en vertu de l'article 19,
alinéa 2, du Traité sur l'Union européenne, qui précise à cet égard
que la Cour de justice se compose d'un juge par Etat membre
.
Le Statut de la CJUE indique qu’«[u]ne partie ne peut invoquer soit
la nationalité d'un juge, soit l'absence, au sein de la Cour ou
d'une de ses chambres, d'un juge de sa nationalité pour demander
la modification de la composition de la Cour ou d'une de ses chambres»
.
Il se trouve que, comme la «représentativité» des 27 Etats membres
de l'Union européenne est assurée au sein de cette juridiction,
les dispositions du Règlement de procédure ont tendance à porter
essentiellement sur des questions comme la désignation du juge contraint
de s'abstenir de participer au délibéré afin que les juges soient
en nombre impair pour prendre une décision
.
28. La Cour internationale de justice (CIJ), organe des Nations
Unies composé de 15 membres, garantit la «représentation nationale»
et, par conséquent, le
droit de désigner un juge ad hoc
. Il convient
toutefois de noter que la CIJ ne connaît pas des requêtes individuelles;
les parties au litige dont la Cour est saisie sont des Etats souverains.
En conséquence, les deux parties ont la faculté de désigner un «juge
national», qui respecte le principe de l'égalité des armes. Une
fois la désignation effectuée, le greffier informe de ce choix la
partie adverse, qui peut lui adresser toutes les observations qu'elle
souhaite formuler. En cas de désaccord ou de doute, la décision
appartient à la Cour
. La désignation de juges ad hoc à
la CIJ et avant elle à la Cour permanente de justice internationale
(CPJI) ont fait l’objet d’un certain nombre de critiques
.
29. La Cour pénale internationale (CPI), juridiction composée
de 18 juges, ne garantit pas la «représentation nationale» et ne
prévoit par conséquent pas de désignation de juges ad hoc. La décision
de ne garantir aucune représentation nationale n'a cependant pas
conduit à l'interdire. Le Statut de Rome précise que, lorsque l'impartialité
d'un juge est mise en doute, par exemple s'il est intervenu auparavant,
à quelque titre que ce soit, dans une même affaire devant la Cour
ou dans une affaire pénale connexe devant les juridictions nationales, le
juge est récusé
.
Il ne prévoit pas le remplacement de ce juge, par exemple par le
pays qui l'a désigné.
30. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)
et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) se composent
de 16 juges ordinaires et, au maximum, de neuf juges ad litem au même moment. Ces juridictions
ne prévoient pas de «représentation nationale» ni de juge ad hoc.
31. Comme nous l'avons indiqué, le TPIY et le TPIR prévoient en
revanche la désignation de juges
ad litem . Le
juge
ad litem fait partie
d'une catégorie particulière de juges suppléants et se distingue
du juge ad hoc en ce qu'il est élu exactement de la même manière
qu’un juge ordinaire
.
La Résolution 1329 des Nations Unies prévoit leur désignation afin
de permettre aux tribunaux d'examiner un plus grand nombre d'affaires
et, en conséquence, de «terminer leurs travaux le plus tôt possible»
. Ils
sont élus pour un mandat de quatre ans, comme les juges permanents,
pour permettre aux tribunaux de faire face aux variations du nombre
d'affaires à traiter. Ils sont nommés pour une affaire particulière,
ce qui permet d'éviter l'engorgement des affaires faute d'un nombre
suffisant de juges et d'assurer la continuité du traitement de celles-ci.
La procédure d'élection qui leur est applicable est comparable à
celle des juges ordinaires: les candidatures retenues par les Etats
sont communiquées par le Secrétaire général au Conseil de sécurité,
qui établit conformément à la procédure une liste de candidats sélectionnés;
celle-ci est transmise à l'Assemblée générale, qui élit les juges.
4.2. Au sein d'autres cours régionales des droits de
l'homme
32. La Convention américaine relative aux droits de l'homme
de 1969 accorde aux Etats la faculté de désigner des juges ad hoc
qui ne sont pas élus. C'est ce que prévoit l'article 55 de la Convention,
afin d'assurer leur «représentation» au sein de la Cour interaméricaine
des droits de l'homme, qui se compose de sept juges
. L’article 19 du Règlement définit la
procédure de désignation, qui a été modelée sur la procédure en vigueur
au sein de la Cour européenne des droits de l'homme avant l'adoption
du Protocole no 14 (les juges ad hoc
sont directement désignés par l'Etat).
33. Cette situation a toutefois fait l'objet de quelques ajustements
à la suite de la demande d'avis consultatif sur l'institution du
juge ad hoc formulée en 2008 par l'Argentine, qui estimait que ce
mécanisme, tel qu'il était appliqué, était contraire à l'objet et
à la vocation de la Convention américaine relative aux droits de
l'homme
. Elle
soutenait que l'article 55 devait être appliqué uniquement dans
les affaires interétatiques et que son application aux pétitions
individuelles était contraire au principe de l'égalité des armes
. Dans son avis consultatif,
la Cour interaméricaine a souscrit à ce point de vue, en déclarant
que le fait d'autoriser un Etat à désigner un juge ad hoc dans une
affaire dont elle était saisie au moyen d'une pétition individuelle
portait atteinte au principe d'égalité et de non-discrimination
et que l'argument selon lequel une «représentation nationale» était
indispensable pour qu'un juge puisse expliquer l'ordre juridique
national concerné ne constituait pas une justification suffisante
. Elle a
conclu en conséquence que les juges ad hoc pouvaient uniquement
être désignés dans les affaires interétatiques
. Dans le cadre de cette même demande, l'Argentine
a soulevé la question de la représentation nationale et du risque
de manque d'impartialité. La Cour interaméricaine, qui partageait
cette crainte, a ordonné qu'en conséquence les juges devaient s'abstenir
de prendre part aux affaires introduites par un justiciable à l'encontre
de l'Etat dont ils étaient ressortissants
.
34. Dans un souci d'exhaustivité, il faudrait encore évoquer une
autre catégorie de juges: les juges intérimaires (juges remplaçants).
La principale différence entre les juges ad hoc et les juges intérimaires
réside dans les raisons de leur désignation et dans les procédures
de désignation pertinentes
. Les
juges ad hoc sont désignés pour assurer une «représentation nationale»,
tandis que la désignation des juges intérimaires vise à préserver
le quorum exigé de la Cour. L’exemple de la Cour interaméricaine
des droits de l'homme peut illustrer ce propos, puisqu'elle prévoit
la désignation de juges intérimaires (juges remplaçants) si le maintien de
son quorum l’exige
. Les juges intérimaires
peuvent rester en fonction jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par
des juges élus
.
Alors que l'Etat partie désigne ses juges ad hoc, le Conseil permanent
de l'Organisation des Etats américains peut désigner un juge intérimaire.
35. Enfin, la désignation de juges ad hoc n'est pas prévue au
sein de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples,
qui se compose de 11 juges
.
Cela tient peut-être au fait que les textes fondateurs de la Cour africaine,
tout comme le Statut de Rome de la CIJ, mais contrairement à la
Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention américaine
relative aux droits de l'homme, n'autorisent pas la «représentation nationale»
dans les affaires individuelles
. Au contraire, l'article 22 du Protocole
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples impose
expressément la récusation d'un juge dans une affaire «au cas où
[il] possède la nationalité d'un Etat partie à [cett]e affaire».
Si un juge démissionne avant la fin de son mandat, la procédure
normale est suivie. Dans ce cas, le juge remplaçant siège durant
la portion du mandat de son prédécesseur qui reste à courir
.
36. L'institution des juges intérimaires ou des juges
ad litem, assez fréquente sur le
plan national, est rare au sein des juridictions internationales.
Mais comme nous l'avons indiqué plus haut, le TPIY et le TPIR ont recouru
avec succès aux juges
ad litem pour
hâter l’exercice de leur mandat, tandis que la Cour interaméricaine
des droits de l'homme peut faire appel aux juges intérimaires pour
prévenir tout retard excessif dans ses travaux
.
Bien que ces systèmes aient incontestablement des points faibles
,
il pourrait être utile de réfléchir à l'avenir à l'institution d'une
catégorie de juges intérimaires ou de juges
ad
litem, éventuellement adaptée aux besoins de la Cour
de Strasbourg. L'élection de ces juges par l'Assemblée, selon une
procédure empreinte de légitimité démocratique, renforcerait la
crédibilité de la Cour et, surtout, permettrait d'écarter tout soupçon
de désignation abusive des juges ad hoc.
37. Il convient de recueillir et d'analyser les données pertinentes
de l'expérience acquise par la Cour interaméricaine des droits de
l'homme en matière de juges intérimaires ou par le TPIY et le TPIR
en matière de juges ad litem,
afin de procéder à une évaluation plus précise de ces mécanismes.
Une recommandation sur ce point pourrait être transmise au Comité
des Ministres à une date ultérieure.
5. Pratique et perspectives
38. Le principe de la représentation nationale et, par
voie de conséquences, l'institution du juge ad hoc, qui est la plus
fréquente, doivent être soigneusement mis en balance avec le danger
que présente pour la Cour l'absence de légitimité et d'indépendance
des juges. Les Etats parties, la Cour et l’Assemblée doivent œuvrer de
concert pour trouver un juste équilibre en la matière. En 2009,
l'Assemblée avait instamment invité les Etats parties à la Convention
à concevoir un système qui apporte une réponse adéquate aux préoccupations exprimées
. Cette initiative avait été prise dans
une situation particulière, alors qu'un grave recours abusif à ce
système venait de se produire
.
39. Bon nombre des questions soulevées ont été ultérieurement
réglées par la réforme engagée par le Protocole no 14
ou, lorsqu'elles ne l'ont pas été, par la Convention elle-même,
par la Cour au travers de son Règlement modifié, comme nous l'avons
évoqué ici. Il conviendrait peut-être d'affiner encore ce Règlement dans
quelques années, lorsque nous aurons vu fonctionner concrètement
la procédure mise en place par le Protocole no 14.
40. Toutefois, comme nous l'avons indiqué, plusieurs problèmes
et sources de préoccupation auxquels il reste à porter remède méritent
d'être soulignés. Le premier point à résoudre est celui de l'institution
des juges ad hoc, auxquels fait toujours défaut la pleine légitimité
démocratique que confère une élection par l'Assemblée, contrairement
aux juges ordinaires. Une question subsiste: comment l'Assemblée,
voire la délégation nationale auprès d'elle de l'Etat défendeur,
prendra-t-elle part, si tant est qu'elle le puisse, à la procédure
de sélection d'un juge ad hoc ou des candidats à la fonction de
juge ad hoc? Comme nous l'avons expliqué plus haut, on ignore comment
le Président de la Cour s'acquittera de cette tâche, surtout sans l'application
effective de critères objectifs et transparents, fondés sur des
qualifications professionnelles adéquates. Il est donc possible
que les juges ad hoc n'aient pas les compétences et les aptitudes
requises pour l'exercice de leurs fonctions et que, même dans le
cas contraire, le manque de transparence qui entoure la procédure
fasse naître des doutes à leur sujet.
41. Le deuxième problème à résoudre est celui de la sélection
par l'Etat des candidats à la fonction de juge ad hoc. L'Assemblée,
et d'ailleurs les Etats membres eux-mêmes, doivent souligner, grâce
aux travaux du Comité d’experts pour l’amélioration des procédures
de protection des droits de l’homme (DH-PR) et du Comité directeur
pour les droits de l'homme (CDDH) (qui déboucheront peut-être sur
une recommandation du Comité des Ministres?), l'importance d'une
procédure de désignation transparente, inspirée par les conditions imposées
aux Etats pour les candidats présentés à l'élection, comme l'a déjà
souligné l'Assemblée dans sa
Recommandation
1429 (1999) .
Cette procédure devrait être applicable, de la même manière, aux candidatures
à la fonction de juge ordinaire et de juge ad hoc. Il importe en
particulier que les Etats parties soient tenus de présenter des
curriculum vitae type qui, comme pour les juges élus, devraient
être systématiquement accessibles au public sur le site web de la
Cour. Rien ne justifie que l'évaluation des juges ad hoc diffère
en quoi que ce soit de celle des juges élus, puisqu'ils jouissent
des mêmes privilèges et immunités, ainsi que l’a décidé le Comité
des Ministres
.
42. Le troisième point à régler est celui des retards causés par
la désignation des juges ad hoc, qui peut prendre de quelques mois
à un ou deux ans. Cela tient avant tout au fait qu'un Etat peut
ne pas avoir présenté de liste de juges ad hoc et se trouver pris
au dépourvu par le déport, la maladie, la démission, voire le décès, d'un
juge élu. Les retards peuvent également être dus à l'une des parties,
lorsqu'elle récuse un ou plusieurs juges, comme cela a été le cas
à plusieurs reprises dans l'affaire
Chypre
c. Turquie . Enfin, une fois le juge ad hoc
désigné, il peut s'écouler un délai considérable avant qu'il ne
puisse rejoindre la Cour et/ou qu'il n'ait lu l'intégralité des
documents de travail en rapport avec l'affaire
.
43. Plusieurs mesures peuvent être prises pour remédier à ces
problèmes. Premièrement, autant que faire se peut, les Etats devraient
être encouragés à désigner des juges ad hoc parmi les juges de la
Cour
.
Cette solution présente un triple avantage. En premier lieu, le
juge amené à siéger a été élu par l'Assemblée et non désigné par
un Etat, ce qui signifie qu'il jouit de toute la légitimité démocratique
d'un juge classique. Qui plus est, ses qualifications ont été évaluées
par l'Assemblée de façon équitable et relativement transparente.
Enfin, il est pleinement et immédiatement opérationnel, ce qui assure
un examen rapide des affaires
. Deux alternatives s'offrent à la désignation
des juges élus: la désignation de candidats qui ont eu un entretien
avec la sous-commission sur l'élection des juges et qui ont été
jugés parfaitement qualifiés, bien qu'ils ne soient pas élus
,
et la désignation d'anciens juges. La première solution n'est pas
nécessairement satisfaisante selon moi, à moins qu'on puisse démontrer
qu'ils ont été présélectionnés selon une procédure nationale de
sélection rigoureuse, équitable et transparente. Toutefois, compte
tenu de l'absence de limite d'âge pour les juges ad hoc, l’avantage
de la désignation d'un ancien juge est évident: chacun sait qu'il
ou elle possède les qualifications et l'expérience requises, il
ou elle a déjà été élu(e) par l'Assemblée et peut être immédiatement opérationnel
grâce à sa connaissance du système de la Cour.
44. Deuxièmement, il convient également de réexaminer et peut-être
de réaménager les situations dans lesquelles intervient la désignation
des juges ad hoc. On peut par exemple s'interroger sur l'intérêt
de la présence d'un juge ad hoc dans des affaires pour lesquelles
il existe une jurisprudence bien établie ou dans les affaires répétitives,
compte tenu de la probabilité de leur issue. Cela conduit à se demander
si leur désignation justifie que l'on compromette l'indépendance
manifeste de la Cour. Un argument est souvent invoqué à l'appui
de la nécessaire présence des juges ad hoc: leur connaissance de
la pratique du droit national; mais de tels experts peuvent se trouver
au sein de la Cour elle-même
;
en outre, les avocats amenés à plaider devant la Cour peuvent apporter
une garantie supplémentaire à cet égard. Qui plus est, les comités
qui jugent une affaire sur le fond au titre de la Convention ne
comptent pas de juge ad hoc
et
la possibilité de désigner un juge ad hoc n'existe pas pour la formation
de juge unique
. En tout état de cause, il
convient de noter que le Protocole no 14
accorde au comité de trois juges le pouvoir discrétionnaire de demander
au juge national d'être présent dans ces affaires
.
45. Compte tenu de l'engorgement de la Cour, les Etats parties
devraient être encouragés à choisir un juge ad hoc parmi les juges
ordinaires de la Cour dans les affaires répétitives, les affaires
dans lesquelles la jurisprudence peut s'appliquer directement ou
en cas de règlement amiable
. Les
agents du Greffe de la Cour devraient être autorisés à mettre à
la disposition des juges leur connaissance spécialisée de la pratique et
de la jurisprudence nationales ou à contribuer à régler toute difficulté
linguistique. Toutefois, que les Etats parties choisissent ou non
de faire figurer des juges élus sur leurs listes de juges ad hoc,
il convient d'inciter vivement ceux qui ne l'ont pas encore fait
à soumettre une liste à la Cour pour prévenir tout retard lorsqu'il
leur faudra un juge ad hoc
.
46. Enfin, comme nous y avons déjà fait allusion au paragraphe
40, l’établissement de procédures nationales de sélection appropriées
mérite plus ample réflexion. Les recommandations formulées au sujet
de la sélection nationale des candidats à la fonction de juge ordinaire
à la Cour devraient,
mutatis mutandis,
être appliquées aux juges ad hoc, afin de garantir que l'autorité
et la crédibilité de la Cour européenne des droits de l'homme ne
soient pas compromises par le recours à des procédures ponctuelles
et politisées de désignation des candidats
.
47. A ce stade, il pourrait être prématuré de formuler des recommandations
spécifiques sur le moyen d'améliorer le système. La Cour elle-même
peut sans doute procéder en cas de besoin à l’ajustement de son Règlement.
Le Protocole no 14 et le Règlement modifié
de la Cour ont été en vigueur assez peu de temps et rares sont les
juges ad hoc à avoir été désignés selon la nouvelle procédure. Il
peut également s'avérer utile de réfléchir au moyen de faire participer
d'une manière ou d'une autre le nouveau panel consultatif d'experts à
la procédure de désignation, afin qu'il vérifie si les candidats
à une élection par l'Assemblée satisfont aux critères fixés par
l'article 21, alinéa 1, de la Convention (voir plus haut le paragraphe
25). Mais il est certain que ces questions devront être examinées
plus amplement par l'Assemblée, en vue d'évaluer le fonctionnement du
nouveau système.
Annexe 1
(open)
Extrait pertinent de la Convention européenne
des droits de l’homme (telle qu’amendée par le Protocole no 14)
«Article
26 – Formations de juge unique, comités, chambres et Grande Chambre
1. Pour l’examen des affaires
portées devant elle, la Cour siège en formations de juge unique,
en comités de 3 juges, en chambres de 7 juges et en une Grande Chambre
de 17 juges. Les chambres de la Cour constituent les comités pour
une période déterminée.
2. A la demande de l’Assemblée
plénière de la Cour, le Comité des Ministres peut, par une décision unanime
et pour une période déterminée, réduire à 5 le nombre de juges des
chambres.
3. Un juge siégeant en tant
que juge unique n’examine aucune requête introduite contre la Haute
Partie contractante au titre de laquelle ce juge a été élu.
4. Le juge élu au titre d’une
Haute Partie contractante partie au litige est membre de droit de
la chambre et de la Grande Chambre. En cas d’absence de ce juge,
ou lorsqu’il n’est pas en mesure de siéger, une personne choisie
par le président de la Cour sur une liste soumise au préalable par
cette partie siège en qualité de juge.
5. Font aussi partie de la
Grande Chambre le président de la Cour, les vice-présidents, les
présidents des chambres et d'autres juges désignés conformément
au Règlement de la Cour. Quand l'affaire est déférée à la Grande
Chambre en vertu de l'article 43, aucun juge de la chambre qui a
rendu l'arrêt ne peut y siéger, à l'exception du président.»
Extrait pertinent du rapport explicatif
sur le Protocole no 14 à la Convention
Article
6 du Protocole d'amendement
«Article 26 – Formations de
juge unique, comités, Chambres et Grande Chambre
[…]
64. Enfin, le paragraphe 2
de l’ancien article 27 a été amendé pour prévoir un nouveau système
de désignation des juges ad hoc. Conformément à la nouvelle règle,
contenue au paragraphe 4 du nouvel article 26, chaque Haute Partie
contractante doit dresser une liste de réserve de juges ad hoc,
au sein de laquelle le président de la Cour choisira une personne
lorsque la désignation d’un juge ad hoc apparaîtra nécessaire. Ce
nouveau système permet de répondre à la critique faite à l’ancienne
formule, qui autorisait une Haute Partie contractante à choisir
un juge ad hoc alors que l’affaire était déjà entamée. L’Assemblée
parlementaire avait également exprimé sa préoccupation à ce sujet.
Il est admis que la liste des juges ad hoc potentiels puisse inclure
le nom de juges élus au titre d’autres Hautes Parties contractantes.
Des règles plus détaillées sur la mise en œuvre de ce nouveau système
peuvent être incluses dans le Règlement de la Cour.»
Annexe 2
(open)
Extrait pertinent du Règlement de la Cour
Article
29
(Juges ad hoc)
1. a) Si le juge élu au titre
d’une Partie contractante concernée se trouve empêché, se déporte
ou est dispensé, ou si pareil juge fait défaut, et que cette Partie
contractante n’a pas choisi de désigner un juge ad hoc conformément
aux dispositions du paragraphe 1 b) du présent article, le président
de la chambre invite cette partie à lui communiquer dans les trente
jours le nom de la personne qu’elle souhaite désigner parmi les
autres juges élus.
b) Si une Partie contractante
a opté pour la désignation d’un juge ad hoc, le président de la
chambre choisit ce dernier à partir d’une liste préalablement soumise
par la Partie contractante et contenant les noms de trois à cinq
personnes remplissant les critères fixés au paragraphe 1 d) du présent
article et désignées par elle comme pouvant servir en qualité de
juge ad hoc pour une période renouvelable de deux ans. La liste,
où les deux sexes doivent figurer, doit être accompagnée d’une notice
biographique des personnes qui la composent. Celles-ci ne peuvent
représenter, à quelque titre que ce soit, une partie ou un tiers
intervenant devant la Cour. Aux fins de l’application de l’article
26 paragraphe 4 de la Convention et de la première phrase ci-dessus,
les noms des autres juges élus sont ipso jure considérés comme étant
inclus dans la liste.
c) La procédure décrite au
paragraphe 1 a) et b) du présent article s’applique si la personne
ainsi désignée se trouve empêchée ou se déporte.
d) Un juge ad hoc doit posséder
les qualifications requises par l’article 21 paragraphe 1 de la Convention,
ne pas être empêché de siéger dans la cause pour l’un quelconque
des motifs mentionnés à l’article 28 du présent règlement et être à même de satisfaire
aux exigences de disponibilité et de présence énoncées au paragraphe
5 du présent article. Pendant la durée de son mandat, un juge ad hoc
ne peut représenter, à quelque titre que ce soit, une partie ou
un tiers intervenant devant la Cour.
2. La Partie contractante concernée
est réputée renoncer à son droit de désignation:
a) si elle ne répond pas dans
le délai de trente jours visé au paragraphe 1 a) du présent article
ou avant l’expiration de la prorogation de ce délai que le président
de la chambre peut lui avoir accordée;
b) si elle choisit de désigner
un juge ad hoc mais qu’au moment de la communication de la requête
au gouvernement défendeur au titre de l’article 54 paragraphe 2 du règlement
elle n’avait pas fourni au greffier la liste visée au paragraphe
1 b) du présent article ou que la chambre estime que moins de trois des
personnes indiquées dans la liste répondent aux conditions fixées
au paragraphe 1 d).
3. Le président de la chambre
peut décider que la Partie contractante concernée ne sera invitée
à opérer la désignation visée au paragraphe 1 a) du présent article
qu’au moment où connaissance de la requête lui sera donnée en vertu
de l’article 54 paragraphe 2 du présent règlement. En pareil cas,
et dans l’attente de la désignation d’un juge par lui, la Partie
contractante concernée sera réputée avoir désigné le premier juge
suppléant pour siéger au lieu et place du juge élu.
4. Au début de la première
séance consacrée à l’examen de l’affaire après sa désignation, le
juge ad hoc prête le serment ou fait la déclaration solennelle prévus
à l’article 3 du présent règlement. Il en est dressé procès-verbal.
5. Les juges ad hoc doivent
se tenir à la disposition de la Cour et, sous réserve de l’article
26 paragraphe 2 du présent règlement, assister aux réunions de la
chambre.
Annexe 3
(open)
Listes des juges ad hoc
Albanie
Ján ŠIKUTA
Xhezair ZAGANJORI
Altina XHOXHAJ
Andorre
Isabelle BERRO-LEFEVRE
Kristina PARDALOS
Arménie
Pas de liste présentée
Autriche
Gerhard BAUMGARTNER
Barbara LEITL-STAUDINGER
Katharina PABEL
Ewald WIEDERIN
Mia WITTMANN-TIWALD
Azerbaïdjan
Latif HÜSEYNOV
Rovshan ISMAYILOV
Jeyhun GARAJAYEV
Belgique
André ALEN
Paul LEMMENS
Pierre VANDERNOOT
Eva BREMS
Bosnie-Herzégovine
Genc TRNAVCI
Faris VEHABOVIC
Dragomir VUKOJE
Bulgarie
Pavlina PANOVA
Ekaterina SALKOVA
Maiia ROUSSEVA
Croatie
Pas de liste présentée
Chypre
Effie PAPADOPOULOU
George EROTOCRITOU
Stelios NATHANAEL
Costas PAMBALLIS
Costas CLERIDES
République tchèque
Mahulena HOFMANNOVÁ
Zdeněk KÜHN
Pavel SIMON
Pavel ŠTURMA
Danemark
Pas de liste présentée
Estonie
Pavel GONTSAROV
Oliver KASK
Julia LAFFRANQUE (née VAHING)
Priit PIKAMÄE
Finlande
Gustav BYGGLIN
Petri JÄÄSKELÄINEN
Anne E. NIEMI
Johanna NIEMI
Mikko PUUMALAINEN
France
Jean-Marie DELARUE
Régis de GOUTTES
Gilbert GUILLAUME
Cécile PETIT
Géorgie
Konstantine VARDZELASHVILI
Irakli ADEISHVILI
Lali PAPIASHVILI
Allemagne
Rhona FETZER
Angela RAPP
Christiane SCHMALTZ
Bertram SCHMITT
Andreas ZIMMERMANN
Grèce
Michaïl VRONTAKIS
Paraskevi NASKOU-PERRAKI
Stelios PERRAKIS
Hongrie
Pas de liste présentée
Islande
Hjördis HAKONARDOTTIR
Ragnhildur HELGADOTTIR
Skuli MAGNUSSON
Irlande
Mary Finlay GEOGHEGAN
Peter KELLY
Mary LAFFOY
John MAC MENAMIN
Italie
Ida CARACCIOLO
Andreana ESPOSITO
Carmela PANELLA
Claudio ZANGHI
Nicola LETTIERI
Lettonie
Pas de liste présentée
Liechtenstein
Pas de liste présentée
Lituanie
Pas de liste présentée
Luxembourg
Françoise TULKENS
Giorgio MALINVERNI
Egbert MYJER
Malte
Joseph FILETTI
Geoffrey VALENZIA
David SCICLUNA
Abigail LOFARO
Anna FELICE
Moldova
Igor DOLEA
Xenofon ULIANOVSCHI
Tatiana RĂDUCANU
Monaco
Pas de liste présentée
Monténégro
Pas de liste présentée
Pays-Bas
Evert ALKEMA
Pieter VAN DIJK
Wilhelmina THOMASSEN
Norvège
Inge Lorange BACKER
Anne GRØSTAD
Dag Bugge NORDEN
Pologne
Katarzyna GONERA
Elzbieta KARSKA
Andrzej SWIATKOWSKI
Roman WIERUSZEWSKI
Pawel WILINSKI
Portugal
Alberto Augusto Andrade de Oliveira
Fernanda Martins Xavier e Nunes
Carlos Manuel Rodrigues de Almeida
Maria de Fatima Mata-Mouros de Aragao Soares Homem
Roumanie
Valerian CIOCLEI
Mihai POALELUNGI
Josep CASADEVALL
Fédération de Russie
Andrei Yurievich BUSHEV
Olga Alexandrovna FEDOROVA
Alexei Alexandrovich KOSTIN
Saint-Marin
Guido CASALI
Josep CASADEVALL
Nina VAJIC
Serbie
Pas de liste présentée
République slovaque
Pas de liste présentée
Slovénie
Arne Marjan MAVČIČ
Miodrag ĐORĐEVIĆ
Boštjan ZALAR
Espagne
José Alejandro SAIZ ARNAIZ
Paz ANDRES SAENZ DE SANTAMARIA
Luis AGUIAR DE LUQUE
Suède
Iain CAMERON
Johan HIRSCHFELDT
Anne RAMBERG
Krister THELIN
Suisse
Giusep NAY
Elisabeth STEINER
Daniel THÜRER
Marc E. VILLIGER
«L’ex-République yougoslave de Macédoine»
Pas de liste présentée
Turquie
Turgut TARHANLI
Gönül ERÖNEN
Levent KÖKER
Mehmet TURHAN
Serap YAZICI
Ukraine
Mykhaylo BUROMENSKIY
Myroslava ANTONOVYCH
Sergiy Vladlenovych GONCHARENKO
Royaume-Uni
Stephen SEDLEY
Mary Howarth ARDEN
Robert John REED
Frederick Paul GIRVAN
John Anthony DYSON