Rapport | Doc. 12689 | 12 juillet 2011
La souveraineté nationale et le statut d’Etat dans le droit international contemporain: nécessité d’une clarification
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Résumé
L’absence de définition claire des critères déterminant le statut d’Etat et la sécession licite a favorisé l’émergence de nombreux mouvements sécessionnistes, ce qui constitue une menace pour la paix, la stabilité et l’intégrité territoriale des Etats existants, y compris en Europe.
Il convient de noter que les concepts de souveraineté nationale et de statut d’Etat ont évolué ces dernières années.
Une approche multilatérale de la «responsabilité de protéger» se substitue actuellement aux interventions unilatérales arbitraires et au système des garanties bilatérales. Les garanties bilatérales telles que celles apportées dans le contexte de l’indépendance de Chypre n’ont pas empêché les conflits. L’intégration et la coopération européennes ont conduit à l’abandon volontaire de certains aspects de la souveraineté nationale.
Le droit à l’autodétermination doit être appliqué avant tout par le biais de la protection des droits des minorités, telle qu’elle est prévue dans la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales. Par conséquent, tous les Etats membres devraient être invités à s’abstenir de reconnaître ou de soutenir, de quelque façon que ce soit, les autorités de fait de territoires ayant fait sécession de manière illicite et notamment les autorités appuyées par une intervention militaire étrangère; les critères constitutifs du statut d’Etat, y compris ceux légitimant la naissance de nouveaux Etats par sécession légale, ainsi que les modalités de protection de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale des Etats devraient faire l’objet d’un examen approfondi dans le cadre d’une conférence de suivi des travaux de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE).
A.	Projet
de résolution 
(open)B. Exposé des motifs, par Mme Schuster, rapporteur
(open)1. Procédure suivie à ce jour
 . Lors de sa réunion
du 5 octobre 2010, la commission a nommé M. Holger Haibach (Allemagne,
PPE/DC) en tant que rapporteur.
. Lors de sa réunion
du 5 octobre 2010, la commission a nommé M. Holger Haibach (Allemagne,
PPE/DC) en tant que rapporteur. :
: 
- professeur Helen Keller (université de Zurich, Suisse);
- professeur Vladimir Kotlyar (université d’Etat des relations internationales, Moscou, Fédération de Russie);
- professeur Alain Pellet (université de Paris Ouest Nanterre, France);
- professeur Matthias Herdegen (université de Bonn, Allemagne).
2. But du présent rapport
 par rapport
à la Serbie. En revanche, il faut noter que la République tchèque
et la République slovaque ont réussi à «divorcer» de manière pacifique.
La Belgique est déchirée par des bouleversements politiques constants
et l’on est toujours à la recherche d’un compromis entre Flamands
et Wallons. L’indépendance de Chypre, liée à un accord de garantie
trilatéral aujourd’hui obsolète, a été le dernier acte du processus
de décolonisation européen. Chypre est divisée de fait depuis plusieurs
décennies, en dépit de la quasi-unanimité de la communauté internationale
pour ne pas reconnaître l’entité sécessionniste du nord de l’île,
proclamée sous la protection de l’armée turque.
 par rapport
à la Serbie. En revanche, il faut noter que la République tchèque
et la République slovaque ont réussi à «divorcer» de manière pacifique.
La Belgique est déchirée par des bouleversements politiques constants
et l’on est toujours à la recherche d’un compromis entre Flamands
et Wallons. L’indépendance de Chypre, liée à un accord de garantie
trilatéral aujourd’hui obsolète, a été le dernier acte du processus
de décolonisation européen. Chypre est divisée de fait depuis plusieurs
décennies, en dépit de la quasi-unanimité de la communauté internationale
pour ne pas reconnaître l’entité sécessionniste du nord de l’île,
proclamée sous la protection de l’armée turque. 3. Principes fondamentaux en ce qui concerne le statut d’Etat et la souveraineté nationale
3.1. Critères du statut d’Etat
 reste
communément admise: pour parler d’Etat, il faut un peuple, un territoire
et une autorité nationale. L’existence de ces trois éléments est
considérée comme une question purement factuelle.
 reste
communément admise: pour parler d’Etat, il faut un peuple, un territoire
et une autorité nationale. L’existence de ces trois éléments est
considérée comme une question purement factuelle. .
Dans son exposé devant la commission, le professeur Herdegen a souligné
que, pour évaluer le caractère «effectif» d’une autorité étatique,
il convenait de procéder à une analyse complexe de l’ensemble des
facteurs pertinents, y compris la capacité éventuelle du nouvel
«Etat» à prévaloir, à long terme, sur l’autorité concurrente de
l’Etat prédécesseur. Le résultat d'une telle analyse peut fort bien
être influencé par l’attitude d’autres Etats et d'organisations
internationales vis-à-vis de l’Etat nouvellement proclamé – notamment
le fait que les autres Etats soient prêts ou non à coopérer avec
le nouvel Etat et à le soutenir.
.
Dans son exposé devant la commission, le professeur Herdegen a souligné
que, pour évaluer le caractère «effectif» d’une autorité étatique,
il convenait de procéder à une analyse complexe de l’ensemble des
facteurs pertinents, y compris la capacité éventuelle du nouvel
«Etat» à prévaloir, à long terme, sur l’autorité concurrente de
l’Etat prédécesseur. Le résultat d'une telle analyse peut fort bien
être influencé par l’attitude d’autres Etats et d'organisations
internationales vis-à-vis de l’Etat nouvellement proclamé – notamment
le fait que les autres Etats soient prêts ou non à coopérer avec
le nouvel Etat et à le soutenir. , adoptées par les
ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union européenne:
, adoptées par les
ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union européenne:
- le respect de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme;
- des garanties pour les groupes ethniques et les minorités;
- la reconnaissance de l’inviolabilité des frontières existantes;
- la reconnaissance des engagements existants en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaire;
- l’obligation de régler les conflits de manière pacifique.
3.2. Evolution du concept de souveraineté nationale
 .
.  .
Cette définition de nature positive – selon laquelle les obligations
juridiques internationales sont exclusivement liées au consentement
des Etats souverains – sous-tend encore le célèbre arrêt de la Cour
permanente de justice internationale, en 1927, dans l’affaire du
Lotus
.
Cette définition de nature positive – selon laquelle les obligations
juridiques internationales sont exclusivement liées au consentement
des Etats souverains – sous-tend encore le célèbre arrêt de la Cour
permanente de justice internationale, en 1927, dans l’affaire du
Lotus  .
. . Le professeur Keller a très justement résumé
l’acception moderne du concept de souveraineté nationale, en parlant
de «souveraineté en vertu du droit» – en d’autres termes, une souveraineté
inscrite dans le droit et limitée par celui-ci.
. Le professeur Keller a très justement résumé
l’acception moderne du concept de souveraineté nationale, en parlant
de «souveraineté en vertu du droit» – en d’autres termes, une souveraineté
inscrite dans le droit et limitée par celui-ci. ![(12) 
			Kofi Annan: «Two Concepts
of Sovereignty» [Deux conceptions de la souveraineté], The Economist, 18 septembre 1999, <a href='http://www.un.org/News'>www.un.org/News</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png) .
.4. Résumé des conclusions de la CIISE
 C’est en
réponse à ce défi que, en septembre 2000, dans le cadre de l’Assemblée
générale des Nations Unies, a été créée la CIISE, à l’initiative
du Canada et d’un groupe de fondations importantes. Le thème central
du rapport de la CIISE est résumé par l’intitulé du document («La responsabilité
de protéger»): l’idée est que tout Etat souverain a le devoir de
protéger ses citoyens d’événements tragiques évitables, tels que
les massacres, les viols ou encore la famine, et que, si tel ou
tel Etat n’a pas la volonté ou la capacité de le faire, ce devoir
de protection doit être pris en charge par la communauté internationale.
 C’est en
réponse à ce défi que, en septembre 2000, dans le cadre de l’Assemblée
générale des Nations Unies, a été créée la CIISE, à l’initiative
du Canada et d’un groupe de fondations importantes. Le thème central
du rapport de la CIISE est résumé par l’intitulé du document («La responsabilité
de protéger»): l’idée est que tout Etat souverain a le devoir de
protéger ses citoyens d’événements tragiques évitables, tels que
les massacres, les viols ou encore la famine, et que, si tel ou
tel Etat n’a pas la volonté ou la capacité de le faire, ce devoir
de protection doit être pris en charge par la communauté internationale.  .
. confirmant le principe de «responsabilité
de protéger» de tout Etat et de la communauté internationale dans
son ensemble. Elle définit quatre situations susceptibles d’engager
la responsabilité de la communauté internationale: les génocides,
les crimes de guerre, les «nettoyages ethniques» et les crimes contre
l’humanité. Cependant – comme le souligne le professeur Kenig-Witkowska
dans son document –, la résolution de l’Assemblée générale des Nations
Unies diffère en plusieurs points des propositions du rapport de
la CIISE. En particulier, la résolution ne répond pas à la question
des décisions à prendre en l’absence de position commune du Conseil
de sécurité des Nations Unies; en outre, la résolution rejette le
droit à une intervention humanitaire unilatérale. Par conséquent,
on peut affirmer clairement que ce travail est en partie «inachevé»
et devra faire l’objet d’une nouvelle conférence, susceptible de
prendre en considération les propositions avancées en 2001 par la
CIISE.
 confirmant le principe de «responsabilité
de protéger» de tout Etat et de la communauté internationale dans
son ensemble. Elle définit quatre situations susceptibles d’engager
la responsabilité de la communauté internationale: les génocides,
les crimes de guerre, les «nettoyages ethniques» et les crimes contre
l’humanité. Cependant – comme le souligne le professeur Kenig-Witkowska
dans son document –, la résolution de l’Assemblée générale des Nations
Unies diffère en plusieurs points des propositions du rapport de
la CIISE. En particulier, la résolution ne répond pas à la question
des décisions à prendre en l’absence de position commune du Conseil
de sécurité des Nations Unies; en outre, la résolution rejette le
droit à une intervention humanitaire unilatérale. Par conséquent,
on peut affirmer clairement que ce travail est en partie «inachevé»
et devra faire l’objet d’une nouvelle conférence, susceptible de
prendre en considération les propositions avancées en 2001 par la
CIISE. 5. Problèmes concrets en matière d’évolution des critères constitutifs du statut d’Etat et de la souveraineté nationale
5.1. Le droit à la sécession?
 .
. . L'autodétermination de groupes
minoritaires doit plutôt s’inscrire dans une participation au gouvernement
d'Etat, et sous forme de délégation de pouvoir dans un processus
d’autonomie régionale – autonomie qui doit recouvrir les secteurs
de l’éducation et de la culture, entre autres, mais qui ne doit
pas conduire à l’indépendance.
. L'autodétermination de groupes
minoritaires doit plutôt s’inscrire dans une participation au gouvernement
d'Etat, et sous forme de délégation de pouvoir dans un processus
d’autonomie régionale – autonomie qui doit recouvrir les secteurs
de l’éducation et de la culture, entre autres, mais qui ne doit
pas conduire à l’indépendance.  .
. ,
la Cour internationale de justice (CIJ) ne tranche pas clairement
sur cette question
,
la Cour internationale de justice (CIJ) ne tranche pas clairement
sur cette question  . La CIJ a
opté pour une interprétation plutôt étroite de la question soulevée
par l’Assemblée générale des Nations Unies, en limitant son avis
à la question de savoir si la déclaration en tant que telle constituait
une violation soit du droit international général, soit du cadre
fixé par la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations
Unies, ou encore du Cadre constitutionnel mis en place dans le contexte
de la MINUK (la Mission d’administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo). La CIJ a établi que la déclaration d’indépendance
du 17 février 2008 ne constituait pas une violation du droit international
général, car la CIJ considère que le droit international général
ne contient pas de disposition applicable d’interdiction des déclarations
d’indépendance (d’après la CIJ, la déclaration ne viole pas non
plus la Résolution 1244 ou le cadre mis en place par la MINUK).
La CIJ a développé cet argumentum a contrario –
autrement dit, elle a fondé sa décision sur le fait que le Conseil
de sécurité des Nations Unies n’a dû adopter des résolutions de condamnation
de déclarations unilatérales d’indépendance que pour répondre à
des cas précis
. La CIJ a
opté pour une interprétation plutôt étroite de la question soulevée
par l’Assemblée générale des Nations Unies, en limitant son avis
à la question de savoir si la déclaration en tant que telle constituait
une violation soit du droit international général, soit du cadre
fixé par la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations
Unies, ou encore du Cadre constitutionnel mis en place dans le contexte
de la MINUK (la Mission d’administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo). La CIJ a établi que la déclaration d’indépendance
du 17 février 2008 ne constituait pas une violation du droit international
général, car la CIJ considère que le droit international général
ne contient pas de disposition applicable d’interdiction des déclarations
d’indépendance (d’après la CIJ, la déclaration ne viole pas non
plus la Résolution 1244 ou le cadre mis en place par la MINUK).
La CIJ a développé cet argumentum a contrario –
autrement dit, elle a fondé sa décision sur le fait que le Conseil
de sécurité des Nations Unies n’a dû adopter des résolutions de condamnation
de déclarations unilatérales d’indépendance que pour répondre à
des cas précis  .
La CIJ note aussi que l'intégrité territoriale ne concerne que les
relations entre Etats. Mais la CIJ n’est pas allée jusqu’à une analyse
des conséquences juridiques de cette déclaration d'indépendance
– en d’autres termes, elle ne s’est pas interrogée sur l’éventualité
de la création d’un nouvel Etat, du fait de cette déclaration
.
La CIJ note aussi que l'intégrité territoriale ne concerne que les
relations entre Etats. Mais la CIJ n’est pas allée jusqu’à une analyse
des conséquences juridiques de cette déclaration d'indépendance
– en d’autres termes, elle ne s’est pas interrogée sur l’éventualité
de la création d’un nouvel Etat, du fait de cette déclaration  :
la CIJ a déclaré qu’elle n’estimait pas nécessaire, «pour répondre
à la question posée par l’Assemblée générale, d’examiner le point
de savoir si la déclaration d’indépendance a ou non conduit à la
création d’un Etat, ou de se prononcer sur la valeur des actes de
reconnaissance
:
la CIJ a déclaré qu’elle n’estimait pas nécessaire, «pour répondre
à la question posée par l’Assemblée générale, d’examiner le point
de savoir si la déclaration d’indépendance a ou non conduit à la
création d’un Etat, ou de se prononcer sur la valeur des actes de
reconnaissance  , du fait même que l’Assemblée
générale ne lui demandait pas «si le Kosovo a ou non accédé à la
qualité d’Etat»
, du fait même que l’Assemblée
générale ne lui demandait pas «si le Kosovo a ou non accédé à la
qualité d’Etat»  .
.5.2. Conséquences d’une sécession illégale
 .
Dans ses «Articles sur la responsabilité des Etats»
.
Dans ses «Articles sur la responsabilité des Etats»  
  , la Commission du droit international
établit l’obligation des Etats de refuser de reconnaître et de promouvoir
de quelque manière que ce soit une situation résultant d’une grave
violation du droit international, au sens de l’article 40:
, la Commission du droit international
établit l’obligation des Etats de refuser de reconnaître et de promouvoir
de quelque manière que ce soit une situation résultant d’une grave
violation du droit international, au sens de l’article 40:«Aucun Etat ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de l’article 40, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation» (article 41, paragraphe 2).
 ; en revanche, pour des raisons
évidentes, il n’a pas été adopté de résolution du même type dans
les cas de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud (Géorgie). Toutefois,
comme l’a souligné le professeur Keller lors de l’audition de décembre
2010, l’Assemblée a condamné la reconnaissance, par la Russie, de
l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, en considérant que cela constituait
une violation du droit international
; en revanche, pour des raisons
évidentes, il n’a pas été adopté de résolution du même type dans
les cas de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud (Géorgie). Toutefois,
comme l’a souligné le professeur Keller lors de l’audition de décembre
2010, l’Assemblée a condamné la reconnaissance, par la Russie, de
l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, en considérant que cela constituait
une violation du droit international  .
. . Parallèlement, le refus de la Turquie
de reconnaître la République de Chypre (et le fait que la Turquie
soit le seul Etat à reconnaître la «République turque de Chypre
du Nord») constitue un obstacle majeur à l’adhésion de la Turquie
à l’Union européenne
. Parallèlement, le refus de la Turquie
de reconnaître la République de Chypre (et le fait que la Turquie
soit le seul Etat à reconnaître la «République turque de Chypre
du Nord») constitue un obstacle majeur à l’adhésion de la Turquie
à l’Union européenne  .
. et ceux des droits de propriété
 et ceux des droits de propriété  de Chypriotes grecs
déplacés du fait de la prise de pouvoir effective des autorités
turques dans la partie septentrionale de Chypre et de la présence,
sur cette partie du territoire chypriote, d’importantes forces militaires
turques. Cette jurisprudence s’est également appliquée à l’affaire
Ilascu
 de Chypriotes grecs
déplacés du fait de la prise de pouvoir effective des autorités
turques dans la partie septentrionale de Chypre et de la présence,
sur cette partie du territoire chypriote, d’importantes forces militaires
turques. Cette jurisprudence s’est également appliquée à l’affaire
Ilascu  , dans laquelle la Fédération de Russie
et la République de Moldova ont été jugées responsables de la détention
illégale d’un opposant politique aux autorités implantées de fait
en Transnistrie à la suite du contrôle territorial, par l’armée
russe, de cette région sécessionniste de la Moldova. Cette jurisprudence
de la Cour est totalement conforme à une conception de la souveraineté nationale
davantage axée sur les droits de l’homme, évoquée plus haut
, dans laquelle la Fédération de Russie
et la République de Moldova ont été jugées responsables de la détention
illégale d’un opposant politique aux autorités implantées de fait
en Transnistrie à la suite du contrôle territorial, par l’armée
russe, de cette région sécessionniste de la Moldova. Cette jurisprudence
de la Cour est totalement conforme à une conception de la souveraineté nationale
davantage axée sur les droits de l’homme, évoquée plus haut  .
.5.3. Renforcement du multilatéralisme et garanties bilatérales
 .
Enfin, le traité en question serait rendu inopérant par l’article
103 de la Charte des Nations Unies, qui dit ceci: «En cas de conflit
entre les obligations des Etats membres des Nations Unies en vertu
de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre
accord international, les premières prévaudront.»
.
Enfin, le traité en question serait rendu inopérant par l’article
103 de la Charte des Nations Unies, qui dit ceci: «En cas de conflit
entre les obligations des Etats membres des Nations Unies en vertu
de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre
accord international, les premières prévaudront.»  – fondées sur
un autre élément de l’ensemble des traités de décolonisation ayant
conduit à l’indépendance de Chypre, intitulé «Traité relatif à l’établissement
de la République de Chypre». On peut douter du fait qu’un «traité
injuste», que Chypre a été contrainte de signer pour pouvoir s’émanciper
du pouvoir colonial, en 1960, puisse encore justifier que des territoires
aussi importants que les «bases souveraines» échappent au contrôle
de l’Etat chypriote souverain.
 – fondées sur
un autre élément de l’ensemble des traités de décolonisation ayant
conduit à l’indépendance de Chypre, intitulé «Traité relatif à l’établissement
de la République de Chypre». On peut douter du fait qu’un «traité
injuste», que Chypre a été contrainte de signer pour pouvoir s’émanciper
du pouvoir colonial, en 1960, puisse encore justifier que des territoires
aussi importants que les «bases souveraines» échappent au contrôle
de l’Etat chypriote souverain.6. Conclusion
Annexe – La responsabilité de protéger – Résumé du rapport de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE) (décembre 2001)
(open)La responsabilité de protéger: principes de base
1. Principes fondamentaux
a. La souveraineté des Etats implique une responsabilité, et c'est à l'Etat lui-même qu'incombe, au premier chef, la responsabilité de protéger son peuple.
b. Quand une population souffre gravement des conséquences d'une guerre civile, d'une insurrection, de la répression exercée par l'Etat ou de l'échec de ses politiques, et lorsque l'Etat en question n'est pas disposé ou apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les éviter, la responsabilité internationale de protéger prend le pas sur le principe de non-intervention.
2. Fondements
Les fondements de la responsabilité de protéger en tant que principe directeur pour la communauté internationale des Etats reposent sur:
a. Les obligations inhérentes à la notion de souveraineté.
b. L’article 24 de la Charte de l'ONU, qui confère au Conseil de sécurité la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
c. Les impératifs juridiques particuliers énoncés dans les déclarations, pactes et traités relatifs aux droits de l'homme et à la protection des populations, le droit international humanitaire et la législation nationale.
d. La pratique croissante des Etats et des organisations régionales, ainsi que du Conseil de sécurité lui-même.
3. Eléments
La responsabilité de protéger comprend trois obligations particulières:
a. La responsabilité de prévenir: éliminer à la fois les causes profondes et les causes directes des conflits internes et des autres crises produites par l'homme qui mettent en danger les populations.
b. La responsabilité de réagir: réagir devant des situations où la protection des êtres humains est une impérieuse nécessité, en utilisant des mesures appropriées pouvant prendre la forme de mesures coercitives telles que des sanctions et des poursuites internationales et, dans les cas extrêmes, en ayant recours à l'intervention militaire.
c. La responsabilité de reconstruire: fournir, surtout après une intervention militaire, une assistance à tous les niveaux afin de faciliter la reprise des activités, la reconstruction et la réconciliation, en agissant sur les causes des exactions auxquelles l'intervention devait mettre un terme ou avait pour objet d'éviter.
4. Priorités
a. La prévention est la principale dimension de la responsabilité de protéger: il faut toujours épuiser toutes les possibilités de prévention avant d'envisager une intervention, et il faut lui consacrer plus de détermination et de ressources.
b. Lorsque l'on doit assumer les responsabilités de prévenir et de réagir, il faut toujours envisager les mesures les moins intrusives et les moins contraignantes avant de passer à des interventions plus contraignantes et intrusives.
La responsabilité de protéger: principes pour l'intervention militaire
1. Le seuil de la cause juste
L'intervention militaire à des fins de protection humaine doit être considérée comme une mesure exceptionnelle et extraordinaire. Pour qu'elle soit justifiée, il faut qu'un dommage grave et irréparable touchant des êtres humains soit en train – ou risque à tout moment – de se produire, tel que:
a. Des pertes considérables en vies humaines, effectives ou présumées, qu'il y ait ou non intention génocidaire, attribuables soit à l'action délibérée de l'Etat, soit à la négligence de l'Etat ou à son incapacité à agir, soit encore à la défaillance de l'Etat. Ou
b. Un «nettoyage ethnique» à grande échelle, effectif ou présumé, qu'il soit accompli par l'assassinat, l'expulsion forcée, la terreur ou le viol.
2. Les principes de précaution
a. Bonne intention: le but primordial de l'intervention, peu importe les autres motivations qui animent les Etats intervenants, doit être de faire cesser ou d'éviter des souffrances humaines. Pour satisfaire au mieux le principe de bonne intention, les opérations doivent avoir un caractère multilatéral et bénéficier du soutien manifeste de l'opinion publique de la région et des victimes concernées.
b. Dernier recours: une intervention militaire ne saurait être justifiée que lorsque chaque option non militaire de prévention ou de règlement pacifique de la crise a été explorée, étant entendu que l'on a des motifs raisonnables de penser que des mesures moins radicales n'auraient pas produit le résultat escompté.
c. Proportionnalité des moyens: par son ampleur, sa durée et son intensité, l'intervention militaire envisagée doit correspondre au minimum nécessaire pour atteindre l'objectif de protection humaine défini.
d. Perspectives raisonnables: l'intervention ne peut être justifiée que si elle a des chances raisonnables de faire cesser ou d'éviter les souffrances qui l'ont motivée, les conséquences de l'action ne devant pas être pires que celles de l'inaction.
3. Autorité appropriée
a. Il n'y a pas de meilleur organe, ni de mieux placé, que le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies pour autoriser une intervention militaire à des fins de protection humaine. Il ne s'agit donc pas de trouver des substituts au Conseil de sécurité en tant que source de l'autorité, mais de veiller à ce qu'il fonctionne mieux qu'il ne l'a fait jusqu'à présent.
b. L'autorisation du Conseil de sécurité doit être, dans tous les cas, sollicitée avant d'entreprendre toute action d'intervention militaire. Ceux qui préconisent une intervention doivent demander officiellement l'autorisation de l'entreprendre, ou obtenir du Conseil qu'il soulève cette question de son propre chef, ou encore obtenir du Secrétaire général qu'il la soulève en vertu de l'article 99 de la Charte des Nations Unies.
c. Le Conseil de sécurité doit statuer sans retard sur toute demande d'autorisation d'intervenir en cas d'allégations de pertes en vies humaines ou de nettoyage ethnique à grande échelle. Il doit alors procéder à une vérification suffisamment approfondie des faits ou de la situation sur le terrain susceptibles de justifier une intervention militaire.
d. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité devraient s'entendre pour renoncer à exercer leur droit de veto, dans les décisions où leurs intérêts vitaux ne sont pas en jeu, afin de ne pas faire obstacle à l'adoption de résolutions autorisant des interventions militaires qui, destinées à assurer la protection humaine, recueillent par ailleurs la majorité des voix.
e. Si le Conseil de sécurité rejette une proposition d'intervention ou s'il ne donne pas suite à cette proposition dans un délai raisonnable, les autres options possibles sont les suivantes:i. l'Assemblée générale réunie en session extraordinaire d'urgence dans le cadre de la procédure officielle de «l'union pour le maintien de la paix» peut étudier le problème; etii. des organisations régionales ou sous-régionales, sous réserve de l' autorisation préalable du Conseil de sécurité, peuvent agir dans le cadre de leur compétence en vertu du chapitre VIII de la Charte.
f. Le Conseil de sécurité devrait, dans toutes ses délibérations, tenir compte du fait que s'il n'assume pas sa responsabilité de protéger face à une situation qui choque les consciences et appelle une intervention d'urgence, il serait irréaliste de s'attendre à ce que les Etats concernés renoncent à tout autre moyen de faire face à la gravité et à l'urgence de ladite situation, et que le prestige et la crédibilité de l'Organisation des Nations Unies pourraient s'en trouver affectés.
4. Principes opérationnels
a. Des objectifs clairs; un mandat toujours clair et sans ambiguïté; et des ressources appropriées.
b. L'adoption d'une démarche militaire commune par les différents partenaires en cause; l'homogénéité de la structure de commandement; une chaîne de commandement et des communications claires et sans ambiguïté.
c. L'acceptation de certaines limites, l'augmentation progressive des pressions exercées et le gradualisme dans l'emploi de la force, le but étant de protéger une population, et non pas de parvenir à la défaite d'un Etat.
d. Des règles d'engagement qui correspondent au concept opérationnel sont clairement énoncées; reflètent le principe de la proportionnalité; et impliquent la stricte observance du droit humanitaire international.
e. L'acceptation du fait que la protection par la force ne doit pas devenir l'objectif principal poursuivi.
f. Une coordination aussi étroite que possible avec les organisations humanitaires.
