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Résolution 1205 (1999)

Biens culturels des Juifs spoliés

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Voir Doc. 8563, rapport de la commission de la culture et de l’éducation, rapporteur: M. Zingeris. Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 4 novembre 1999.

1. L’un des éléments essentiels du plan nazi visant à exterminer les Juifs était la destruction du patrimoine culturel juif, des biens meubles et immeubles, créés, réunis ou possédés par des Juifs en Europe.
2. Ce plan supposait l’identification, la saisie et la dispersion systématique des biens juifs privés et collectifs les plus importants.
3. L’expropriation et la nationalisation ultérieures des biens culturels des Juifs - spoliés on non - par les régimes communistes étaient illégales, de même que toute opération du même ordre entreprise dans des Etats occupés par l’Union soviétique.
4. Malgré les premières initiatives prises à la fin de la seconde guerre mondiale pour retrouver et restituer ces biens volés, bon nombre d’entre eux n’ont pas été récupérés et sont demeurés dans des mains privées et publiques.
5. Une nouvelle tentative est aujourd’hui faite, sous forme notamment de grandes conférences tenues à Londres et à Washington, pour mener ce processus à son terme et améliorer la restitution des biens culturels des Juifs spoliés avant que les dernières personnes auxquelles ils ont été pris ne soient décédées.
6. L’Assemblée reconnaît depuis longtemps la contribution juive à la culture européenne (Résolution 885 (1987)) et a récemment souligné l’importance de la culture yiddish (Recommandation 1291 (1996)). Que ce soit au niveau des communautés locales ou aux niveaux national et européen, la culture juive fait partie du patrimoine.
7. De plus, l’Europe, telle que représentée au Conseil de l’Europe, comprend désormais la Grande Europe, y compris la Russie, où des biens culturels des Juifs spoliés demeurent dispersés.
8. L’Assemblée est d’avis que la restitution des biens à leurs propriétaires d’origine ou à leurs héritiers (particuliers, institutions ou communautés) ou encore aux pays constitue un moyen réel de rendre à la culture juive sa place en Europe.
9. Un certain nombre de pays européens ont déjà pris des initiatives en ce sens, notamment l’Autriche et la France.
10. L’Assemblée invite les parlements de tous les Etats membres à étudier, sans délai, la manière dont ils peuvent faciliter la restitution des biens culturels appartenant à des Juifs spoliés.
11. Il convient de s’attacher à supprimer tous les obstacles à l’identification comme les lois, les dispositions juridiques ou des politiques empêchant l’accès aux informations pertinentes des archives des gouvernements ou des archives publiques et aux registres des ventes et des achats, fiches de douane et autres fiches d’importation et d’exportation. La Russie, en particulier, devrait maintenir accessibles ses dossiers sur le patrimoine juif.
12. Les organes bénéficiant d’un traitement public qui détiennent des biens culturels appartenant à des Juifs spoliés doivent les restituer. Lorsque ces biens ont été détruits, endommagés ou perdus, et lorsque la restitution s’avère impossible, ces organes doivent bénéficier d’une aide pour verser une indemnité correspondant à la valeur marchande intégrale.
13. Il peut être nécessaire de faciliter la restitution en prévoyant des modifications législatives concernant notamment:
13.1. l’extension ou la suppression des délais de prescription statutaires;
13.2. la suppression des restrictions en matière d’aliénabilité;
13.3. la garantie d’une immunité aux responsables des collections qui auraient manqué à leurs obligations;
13.4. la suppression des contrôles à l’exportation
14. Ces modifications législatives peuvent exiger que les lois relatives aux droits de l’homme soient modifiées et précisées en ce qui concerne la sécurité et la jouissance des biens.
15. Il faut également envisager:
15.1. de fournir des garanties à ceux qui restituent des biens culturels appartenant à des Juifs spoliés et risquant par la suite d’être réclamés par des personnes différentes;
15.2. d’assouplir ou d’annuler les lois contre la saisie qui protègent actuellement les œuvres d’art prêtées contre toute action judiciaire;
15.3. d’éteindre le titre de propriété acquis par la suite, c’est-à-dire après la renonciation.
16. L’Assemblée encourage à cet égard la coopération des organisations non gouvernementales et en particulier des communautés juives européennes, tant au niveau national qu’au niveau européen. Elle favorise également l’étude et la mise en place de formes de règlement des litiges extrajudiciaires comme la médiation et l’appréciation d’experts
17. Il convient d’obliger les acheteurs et les marchands d’art à faire preuve de toute la diligence voulue en mettant en œuvre la Convention Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés.
18. S’agissant des marchands d’art, des agents ou des intermédiaires qui savent, ou soupçonnent, que l’une des œuvres qu’ils ont en leur possession a été volée, il convient de prévoir dans la législation des dispositions exigeant d’eux qu’ils conservent ces œuvres, informent les autorités compétentes et fassent tout leur possible pour localiser et avertir le propriétaire dépossédé, ou ses héritiers.
19. L’Assemblée demande l’organisation d’une conférence européenne, faisant suite à la Conférence de Washington sur les biens de la période de l’Holocauste, et consacrée plus particulièrement à la restitution des biens culturels et aux réformes pertinentes de la législation.