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Recommandation 1440 (2000)
Restrictions au droit d’asile dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne
1. En célébrant récemment son 50e anniversaire,
le Conseil de l’Europe a réaffirmé son attachement à la vision et aux valeurs
généreuses qui ont inspiré sa création: la défense et le développement de la
démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les libertés
fondamentales, y compris le droit de ne pas être persécuté. De plus, la
Déclaration universelle des droits de l’homme consacre le droit de chercher
asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays pour fuir la
persécution.
2. L’Assemblée parlementaire constate avec une grande inquiétude que ces
principes se trouvent actuellement menacés par un climat d’hostilité à l’égard
des réfugiés, des demandeurs d’asile et des autres personnes nécessitant une
protection internationale en Europe. Au cours des dernières années, nombreux
sont les gouvernements européens qui ont introduit des restrictions dans leurs
politiques et pratiques en matière d’immigration et de droit d’asile afin de
réduire nettement le nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile sur leurs
territoires. Ces restrictions trouvent leur reflet, voire leur amplification,
dans les efforts sans cesse croissants accomplis par l’Union européenne pour
harmoniser, en la matière, les politiques et pratiques de ses États membres et
des États qui souhaitent la rejoindre.
3. Les politiques et pratiques restrictives peuvent se répartir en quatre
groupes selon qu’elles ont pour but:
3.1. d’empêcher des voyageurs qui n’ont pas les documents requis d’arriver
dans les pays membres du Conseil de l’Europe, qu’il s’agisse ou non
d’authentiques demandeurs d’asile;
3.2. d’accélérer l’examen des requêtes présentées par les demandeurs
d’asile qui réussissent à atteindre leur destination ou d’obtenir que la
procédure de détermination incombe à un autre pays;
3.3. d’aboutir à une interprétation restrictive du droit international
concernant les réfugiés, et en particulier de la définition de
réfugié;
3.4. d’avoir un effet dissuasif consistant à rendre la vie inconfortable
aux demandeurs d’asile en attente d’une décision.
4. L’Assemblée parlementaire tient particulièrement à ce que le projet de
l’Union européenne concernant la mise en place d’un système européen commun de
droit d’asile offre une protection suffisante aux intéressés. De plus, elle
estime que l’Union européenne doit s’abstenir de toute action qui aurait pour
effet de réduire la responsabilité des pays membres de l’Union aux dépens des
pays non membres à l’égard des personnes ayant besoin de protection. A cet
égard, l’Assemblée souligne la nécessité d’une coordination soutenue des
politiques de droit d’asile et d’immigration entre les États membres de l’Union
européenne et ceux du Conseil de l’Europe non membres de l’Union.
5. L’Assemblée parlementaire rappelle et réaffirme ses recommandations antérieures destinées à améliorer la protection et le traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés, notamment la Recommandation 1236 (1994) relative au droit d’asile, la Recommandation 1237 (1994) relative à la situation des demandeurs d’asile déboutés, la Recommandation 1278 (1995) relative aux réfugiés et aux demandeurs d’asile en Europe centrale et orientale, la Recommandation 1309 (1996) relative à la formation du personnel accueillant des demandeurs d’asile aux postes frontières, la Recommandation 1327 (1997) relative à la protection et au renforcement des droits de l’homme des réfugiés et des demandeurs d’asile en Europe et la Recommandation 1374 (1998) relative à la situation des femmes réfugiées en Europe.
6. L’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres:
6.1. d’intensifier le suivi de l’application par
les États membres du droit international relatif aux réfugiés ainsi que des
principes généraux régissant la protection des réfugiés et demandeurs d’asile
figurant dans les instruments internationaux pertinents, en vue de continuer à
améliorer les normes communes de traitement des réfugiés et des demandeurs
d’asile;
6.2. de demander d’une part à la Moldova et à l’Ukraine d’adhérer à la
Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés ainsi qu’à son
Protocole de 1967, d’autre part à la Turquie de renoncer aux restrictions
géographiques qu’elle observe dans l’application de la Convention;
6.3. d’engager une action en vue de l’incorporation du droit d’asile dans
la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
fondamentales et de faire rapport sur les progrès réalisés dans
l’accomplissement de cet objectif dans un délai d’un an;
6.4. d’élaborer, en coopération étroite avec l’Union européenne, une
convention européenne sur l’harmonisation des politiques en matière de droit
d’asile, afin de renforcer la norme de protection des réfugiés et des
demandeurs d’asile en Europe ainsi que la solidarité entre les États membres
s’agissant de leurs responsabilités vis-à-vis des réfugiés et demandeurs
d’asile;
6.5. d’inviter instamment les États membres:
a. à entreprendre un examen attentif des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention de Genève de 1951 et du Protocole de 1967 sur le statut des réfugiés, en vue de remplir scrupuleusement ces obligations;
b. à éviter d’appliquer et de légitimer des réglementations et des pratiques qui risqueraient de faire obstacle à une mise en œuvre équitable du droit d’asile;
c. à reconnaître systématiquement, dans leurs procédures de détermination du statut de réfugié:6.5.3.1. que la persécution peut être le fait non seulement des autorités du pays d’origine du demandeur d’asile, mais aussi d’entités sans lien avec l’Etat et sur lesquelles il n’exerce aucun contrôle;6.5.3.2. que la guerre et la violence peuvent être utilisées comme instruments de persécution, en vue d’opprimer ou d’éliminer des groupes précis en raison de leur appartenance ethnique ou d’autres caractéristiques;6.5.3.3. que les demandeurs d’asile ne devraient pas être tenus de démontrer qu’ils ont épuisé toutes les possibilités de trouver un lieu sûr dans leur propre pays («l’option de la fuite intérieure») avant de demander la protection internationale;6.5.3.4. le droit des femmes en quête d’asile de déposer une demande indépendamment de leur conjoint ou compagnon, eu égard à leurs besoins et motivations spécifiques;
d. à veiller à ce qu’aucun demandeur d’asile ne soit expulsé vers un pays tiers en violation de la Recommandation n° R (97) 22 du Comité des Ministres aux États membres énonçant des lignes directrices sur l’application de la notion de pays tiers sûr, ou des dispositions émanant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;
6.6. d’inviter les institutions de l’Union européenne à
faire en sorte que le système européen commun de droit d’asile qu’il est
envisagé d’instituer ne porte en aucune manière atteinte à la Convention de
Genève de 1951 sur le statut des réfugiés et n’ait pas pour effet de réduire,
au détriment des États non membres de l’Union, la responsabilité des États
membres à l’égard des personnes ayant besoin d’une protection
internationale.