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Avis 222 (2000)

Demande d'adhésion de l'Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 28 juin 2000 (21e séance) (voir Doc. 8748, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Baumel; et Doc. 8757, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Clerfayt). Texte adopté par l'Assemblée le28 juin 2000 (21e séance).

1. La République d’Azerbaïdjan a déposé le 13 juillet 1996 une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe. Par sa Résolution (96) 32 du 11 septembre 1996, le Comité des Ministres a invité l’Assemblée parlementaire à formuler un avis sur cette demande, conformément à la Résolution statutaire 51 (30A).
2. Le Parlement de la République d’Azerbaïdjan a obtenu le statut d’invité spécial auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 28 juin 1996. L’examen de cette demande a été lié à l’adoption de la Recommandation 1247 (1994) relative à l’élargissement du Conseil de l’Europe, dans laquelle l’Assemblée a déclaré: «En raison de leurs liens culturels avec l’Europe, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie auraient la possibilité de demander leur adhésion à condition qu’ils indiquent clairement leur volonté d’être considérés comme faisant partie de l’Europe.»
3. Des délégations de l’Assemblée ont observé les élections législatives de novembre 1995 et les élections présidentielles d’octobre 1998. Une délégation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) a observé les premières élections municipales en décembre 1999 et en mars 2000. Certaines de ces élections ont été entachées de graves irrégularités. Aussi conviendrait-il que l’Assemblée observe les prochaines élections parlementaires.
4. Depuis 1996, l’Azerbaïdjan participe à diverses activités du Conseil de l’Europe dans le cadre de programmes intergouvernementaux de coopération et d’assistance, ainsi qu’aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions par le biais de sa délégation d’invités spéciaux.
5. L’Azerbaïdjan est déjà partie à la Convention culturelle européenne et à la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne ainsi qu’à l’Accord partiel ouvert en matière de prévention, de protection et d’organisation des secours contre les risques naturels et technologiques majeurs. En mars 2000, le pays a déposé les instruments de ratification relatifs à huit autres conventions européennes dont il deviendra partie très prochainement. D’autres demandes de l’Azerbaïdjan d’accéder à des conventions du Conseil de l’Europe sont actuellement en examen.
6. L’Assemblée considère que l’Azerbaïdjan progresse vers une société démocratique, pluraliste, respectueuse des droits de l’homme et de l’Etat de droit, et qu’elle est capable et a la volonté, dans le sens de l’article 4 du Statut du Conseil de l’Europe, de poursuivre les réformes démocratiques engagées pour mettre l’ensemble de la législation et de la pratique en conformité avec les principes et les normes du Conseil de l’Europe.
7. L'Assemblée a été informée, à sa grande satisfaction, que l'Azerbaïdjan a aboli la peine de mort en 1998.
8. En demandant à l’Assemblée de formuler un avis sur la demande d’adhésion, le Comité des Ministres a rappelé qu’un rapprochement significatif des pays du Caucase avec le Conseil de l’Europe exigerait non seulement la mise en œuvre de réformes démocratiques substantielles, mais aussi leur engagement de résoudre les situations conflictuelles par des voies pacifiques.
9. L’Assemblée parlementaire considère que l’adhésion des deux pays, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, pourrait contribuer à l’instauration du climat de confiance nécessaire à la résolution du conflit du Haut-Karabakh.
10. L’Assemblée considère que le groupe de Minsk de l’OSCE est le cadre optimal pour les négociations d’un règlement pacifique de ce conflit.
11. L’Assemblée prend note de la lettre du Président de l’Azerbaïdjan dans laquelle il réitère l’engagement de son pays dans la résolution pacifique du conflit du Haut-Karabakh et souligne que l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe contribuerait de façon importante au processus de négociation et à la stabilité dans la région.
12. Les présidents des deux pays ont intensifié la fréquence de leurs rencontres. Les Présidents des Parlements d’Azerbaïdjan, d’Arménie et de Géorgie ont décidé de mettre en place la coopération parlementaire régionale, comprenant notamment des réunions des présidents des parlements et des séminaires parlementaires à tenir dans les trois capitales et à Strasbourg. La première rencontre dans la région, qui a eu lieu à Tbilissi en septembre 1999, a permis d’établir un climat de confiance et de détente entre les délégations parlementaires de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie.
13. L’Assemblée appelle les responsables de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie à poursuivre leur dialogue en vue d’aboutir à une solution pacifique du conflit du Haut-Karabakh, et à activer la coopération régionale.
14. L’Assemblée parlementaire prend note des lettres du Président de l’Azerbaïdjan, du président du parlement, du Premier ministre, ainsi que des présidents des partis politiques représentés au parlement, et constate que l'Azerbaïdjan s’engage à respecter les engagements énumérés ci-dessous:
14.1. en matière de conventions:
a. à signer, au moment de son adhésion, la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), telle qu’amendée par ses Protocoles nos 2 et 11, et les Protocoles nos 1, 4, 6 et 7;
b. à ratifier la CEDH et ses Protocoles nos 1, 4, 6 et 7 dans l’année suivant son adhésion;
c. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et ses protocoles;
d. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales;
e. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires;
f. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Charte européenne de l’autonomie locale;
g. à signer et à ratifier, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales et ses protocoles additionnels ainsi que les conventions du Conseil de l’Europe relatives à l’extradition, à l’entraide judiciaire en matière pénale, celle relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, et celle sur le transfèrement des personnes condamnées, et à appliquer entre-temps leurs principes fondamentaux;
h. à signer, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, la Charte sociale européenne, à la ratifier dans un délai de trois ans suivant son adhésion et, dès à présent, à s’efforcer de mettre en œuvre une politique conforme aux principes de la charte
i. à signer et à ratifier, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, la Convention pénale sur la corruption et la Convention civile sur la corruption;
j. à signer l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe et ses protocoles additionnels au moment de son adhésion, et à le ratifier dans un délai d’un an suivant son adhésion;
14.2. en matière de règlement du conflit du Haut-Karabakh:
a. poursuivre les efforts pour résoudre ce conflit exclusivement par des moyens pacifiques;
b. à régler les différends internationaux et internes par des moyens pacifiques et selon les principes de droit international (obligation qui incombe à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe), en rejetant résolument toute menace d’employer la force contre ses voisins;
14.3. en matière de législation interne:
a. à réviser la législation en matière d’élections, en particulier la loi sur la commission électorale centrale et la loi électorale, en tenant compte des recommandations faites par les observateurs internationaux lors des scrutins passés, de façon à ce que les prochaines élections législatives qui auront lieu en automne 2000 confirment définitivement les progrès effectués et que leurs résultats soient acceptés par la majorité des partis politiques participant aux élections, et qu'elles puissent être considérées comme libres et équitables par des observateurs internationaux;
b. à amender, avant la tenue des prochaines élections locales, la législation actuelle relative aux pouvoirs des autorités locales en vue d’accroître leurs compétences et leur autonomie, en tenant compte des recommandations formulées en la matière par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE);
c. à poursuivre les réformes visant à renforcer l’indépendance du pouvoir législatif vis-à-vis de l’exécutif pour que le premier puisse exercer le droit d’interpellation des membres du gouvernement;
d. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, le Code de procédure pénale en tenant compte des observations des experts du Conseil de l’Europe;
e. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la loi sur l’ombudsman;
f. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, une loi sur la lutte contre la corruption et, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, un programme d’Etat de lutte contre la corruption;
g. à adopter une loi sur un service de remplacement conforme aux normes européennes dans les deux années suivant son adhésion et, entre-temps, à amnistier les objecteurs de conscience purgeant actuellement des peines de prison ou servant dans des bataillons disciplinaires, en les autorisant (une fois la loi sur le service de remplacement entrée en vigueur) à choisir de faire leur service militaire dans des unités non armées ou dans un service civil de remplacement;
14.4. en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales:
a. à signer un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) garantissant l’accès de ce dernier aux détenus sans restrictions et sans réserves;
b. à libérer ou rejuger ceux des prisonniers qui sont considérés comme des «prisonniers politiques» par des organisations de protection des droits de l'homme, notamment M. Iskander Gamidov, M. Alikram Gumbatov et M. Raquim Gaziyev;
c. à poursuivre en justice les membres des organes chargés de faire appliquer la loi qui n’ont pas respecté les droits de l’homme (notamment l’interdiction de la torture) dans l’exercice de leurs fonctions;
d. à garantir la liberté d’expression et l’indépendance des médias et des journalistes et, notamment, à exclure l’utilisation des mesures administratives pour limiter la liberté des médias;
e. à réexaminer et à amender, dans un délai de deux ans au plus tard après son adhésion, la loi sur les médias;
f. à transformer la chaîne nationale de télévision en chaîne publique, gérée par un conseil d’administration indépendant;
g. à adopter, dans un délai de trois ans suivant son adhésion, une loi sur les minorités qui complète les dispositions sur la non-discrimination contenues dans la Constitution et le Code pénal et qui se substitue au décret présidentiel sur les minorités nationales;
h. à réexaminer et à amender, dans un délai d'un an au plus tard après son adhésion, les critères d'enregistrement des associations et les procédures de recours;
14.5. en matière de suivi des engagements:
a. à coopérer pleinement à la mise en œuvre de la Résolution 1115 (1997) de l’Assemblée sur la création d’une commission de l’Assemblée pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi); et
b. à coopérer pleinement au processus de contrôle établi en vertu de la déclaration du Comité des Ministres du 10 novembre 1994 (95e Session);
15. L'Assemblée parlementaire note que l'Azerbaïdjan partage sa compréhension et son interprétation des engagements auxquels elle a souscrit au paragraphe 14 et qu’il a l'intention:
15.1. de réexaminer et amender, dans un délai de trois ans au plus tard après son adhésion, la loi sur le barreau;
15.2. de réexaminer les conditions d'accès à la Cour constitutionnelle et d’accorder l'accès aussi au gouvernement, au procureur général, aux tribunaux à tous les niveaux et – dans des cas spécifiques – aux personnes, dans un délai de deux ans au plus tard après son adhésion;
15.3. de réexaminer et d’amender, dans un délai de trois ans au plus tard après son adhésion, les procédures de nomination des juges et la durée de leur mandat.
16. Sur la base de ces engagements, l’Assemblée est d’avis que l’Azerbaïdjan est capable et a la volonté, conformément à l’article 4 du Statut du Conseil de l’Europe, de se conformer aux dispositions de l’article 3 de ce Statut, précisant les conditions requises pour pouvoir adhérer au Conseil de l’Europe: «Tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but du Conseil (de l’Europe).»
17. En vue d’assurer le respect de ces engagements, l’Assemblée décide de suivre de près, dès son adhésion, la situation en Azerbaïdjan dans le cadre de sa Résolution 1115 (1997).
18. Etant entendu que les engagements énumérés ci-dessus sont fermes et qu’ils seront honorés dans les délais impartis, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
18.1. d’inviter l’Azerbaïdjan à devenir membre du Conseil de l’Europe;
18.2. d’attribuer à l’Azerbaïdjan six sièges à l’Assemblée parlementaire;
18.3. et demande que les ressources supplémentaires soient dégagées.
19. Par ailleurs, afin de permettre à l’Azerbaïdjan de respecter ses obligations et ses engagements d’Etat membre, l’Assemblée recommande également au Comité des Ministres de soutenir les programmes de coopération et d’assistance spécifiques nécessaires à la mise en œuvre des obligations et des engagements pris par ce pays.