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Résolution 1221 (2000)
Conflit en République tchétchène – suite aux Recommandations 1444 (2000) et 1456 (2000) de l'Assemblée parlementaire
1. L'Assemblée rappelle sa Résolution 1201 (1999) du 4 novembre 1999, sa Recommandation 1444 (2000) du 27 janvier 2000 et sa Recommandation 1456 (2000) du 6 avril 2000.
2. La Recommandation 1456 (2000) demande au Comité des Ministres d'entamer sans tarder, conformément à l'article 8 du Statut, la procédure visant à suspendre le droit de représentation de la Fédération de Russie auprès du Conseil de l'Europe, si des progrès substantiels, s’accélérant et démontrables n'étaient pas réalisés immédiatement par la Fédération de Russie en ce qui concerne le respect des demandes formulées par l'Assemblée.
3. L'Assemblée prend acte de la réponse du Comité des Ministres, le mardi 27 juin 2000, rappelant les mesures prises dans le cadre de la Recommandation 1456 (2000) et notamment du fait que:
3.1. le 21 juin
2000, trois experts du Conseil de l'Europe ont commencé leurs activités au
bureau de M. Kalamanov, représentant spécial du Président de la Fédération de
Russie pour la sauvegarde des droits et libertés de l'homme et du citoyen dans
la République tchétchène, à Znamenskoye;
3.2. le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants a effectué sa deuxième visite dans le
Caucase du Nord du 20 au 27 avril 2000;
3.3. deux séminaires ont été organisés sous les auspices du Conseil de
l'Europe : à Piatigorsk, sur la hiérarchie des règles dans un État fédéral et
les méthodes d'harmonisation des législations fédérales et régionales (27-28
avril 2000), et à Vladikavkaz, sur la démocratie, État de droit et les droits
de l'homme (30-31 mai 2000); parmi les participants figuraient des
représentants des autorités russes, des républiques du Caucase du Nord et
d'autres régions de la Fédération de Russie, d'organisations internationales et
d'organisations non gouvernementales intéressées. L'administration provisoire
de la République tchétchène et certains responsables religieux tchétchènes y
participaient également;
3.4. le Comité des Ministres, en concertation avec la Commission
européenne et la Fédération de Russie, réexamine actuellement les activités de
coopération dans l'optique d'un renforcement de la stabilité démocratique dans
la région du Caucase du Nord, y compris en Tchétchénie;
3.5. la présidence irlandaise et le ministre russe des Affaires étrangères
ont eu des contacts réguliers; le Président italien en exercice et le
Secrétaire Général se sont rendus à Moscou et dans le Caucase du Nord du 22 au
24 juin 2000.
4. L'Assemblée prend acte, en outre:
4.1. de
l'engagement pris par le Président Poutine le 13 avril 2000 d'enquêter sur
toutes les atteintes aux droits de l'homme commises dans la région du Caucase
du Nord, quels qu'en soient les auteurs, et de traduire les coupables en
justice, ainsi que d'un engagement analogue pris par la Douma État le 12 avril
2000;
4.2. de la mise en place par la Fédération de Russie d'un dispositif en
matière de droits de l'homme incluant:
a. la Commission intergroupes de la Douma État sur la normalisation de la situation politique et socio-économique et la protection des droits de l'homme dans la République tchétchène;
b. la Commission nationale publique pour enquêter sur des crimes et assurer le respect des droits de l'homme dans le Caucase du Nord; et
c. le bureau de M. Kalamanov;
4.3. des informations selon lesquelles des poursuites pénales ont été
engagées concernant des crimes qui auraient été commis par les forces fédérales
russes à l'encontre de la population tchétchène;
4.4. des dispositions prises dans l'intention déclarée d'assurer une
assistance juridique professionnelle aux personnes soupçonnées ou accusées
d'avoir commis des crimes sur le territoire de la République
tchétchène.
5. L'Assemblée regrette que les institutions susvisées aient encore à
produire des résultats substantiels. En particulier, elle s'inquiète de
constater que le procureur des forces armées n'enquête actuellement que sur un
nombre très faible de crimes commis par les troupes fédérales russes contre la
population tchétchène, gardant à l’esprit que ce procureur est la seule
institution dans la Fédération de Russie habilitée à traduire en justice les
auteurs de tels crimes.
6. L'Assemblée est préoccupée par les informations selon lesquelles:
6.1. les forces fédérales russes continuent
leurs attaques aériennes et leurs bombardements, en particulier dans la partie
méridionale de la République tchétchène;
6.2. des personnes ne prenant pas part au combat continueraient d'être
arrêtées arbitrairement, puis détenues et maltraitées; certaines d'entre elles
auraient «disparu» après leur arrestation;
6.3. des civils continueraient d'être harcelés (soumis à des extorsions et
victimes de pillages) et maltraités par des membres des forces armées
fédérales; et leur liberté de circulation serait très limitée;
6.4. la situation en ce qui concerne la liberté des médias en République
tchétchène s'est détériorée.
7. L'Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et au
Comité des Ministres de la tenir pleinement et régulièrement informée des
rapports des experts du Conseil de l'Europe travaillant au bureau de M.
Kalamanov.
8. En outre, elle demande à la Fédération de Russie de rendre immédiatement
publiques les observations préliminaires de la délégation du Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou
dégradants (CPT), à la suite de sa deuxième visite dans la région, ainsi que le
rapport in extenso qui est en cours d'élaboration au sujet des deux visites,
dès qu'il sera disponible.
9. L'Assemblée prend également acte du décret du Président Poutine en date
du 8 juillet 2000, établissant «un système provisoire d'organes exécutifs dans
la République tchétchène» sous son autorité directe. Elle déplore vivement la
décision du Gouvernement russe d'imposer à la population tchétchène des
représentants désignés au lieu de rechercher le dialogue politique, mais
constate que la période transitoire devrait durer entre un an et demi et deux
ans, et presse la Fédération de Russie de faire tous les efforts possibles pour
qu'un organe législatif soit élu dans ce délai.
10. L'Assemblée déplore que, jusqu'à présent, le côté tchétchène ne se soit
pas conformé à ses exigences. En particulier, elle regrette qu'une nouvelle
«jihad» (guerre sainte) ait été déclarée par le côté tchétchène et que des
personnes soient encore retenues en otage.
11. L'Assemblée note, par ailleurs, que, dans une analyse de sa
correspondance avec M. Ivanov, ministre russe des Affaires étrangères, confiée
par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe à des experts en droits de
l'homme au plan international, concernant la manière dont le droit interne de
la Fédération de Russie assure l'application effective de la Convention
européenne des Droits de l'Homme, les réponses apportées par M. Ivanov aux
demandes d'information du Secrétaire Général sont jugées inadéquates et que ces
experts ont conclu que la Fédération de Russie n'a pas respecté son obligation
légale en tant État contractant, en vertu de l'article 52 de la
Convention.
12. L'Assemblée considère que le rôle de la Fédération de Russie dans la
gestion des affaires européennes et mondiales a une importance vitale. Elle
n'en maintient pas moins que le Conseil de l'Europe a pour mission la promotion
des droits de l'homme - ou n'a pas de raison d'être - et que l'appartenance à
l'Organisation doit donc nécessairement impliquer une volonté constante,
manifeste, se traduisant en actes, de faire prévaloir les droits de l'homme;
l’Assemblée estime que le Comité des Ministres et l'Assemblée elle-même ont
pour responsabilité première de veiller à ce que cet engagement soit respecté
dans les faits.
13. L'Assemblée s'inquiète aussi de ce que toute l'aide et l'assistance
requises soient apportées aux personnes déplacées à la suite du conflit et à
toutes les autres victimes. Elle exhorte les autorités russes à accepter et à
faciliter cette aide internationale, et demande à sa commission des migrations,
des réfugiés et de la démographie de faire rapport sur la situation.
14. L'Assemblée souligne que sa première préoccupation est de faire en sorte
que la Fédération de Russie respecte pleinement les obligations qui lui
incombent en tant État membre du Conseil de l'Europe, quelle que soit l'ampleur
des indéniables provocations et quels que soient les actes terroristes
totalement inacceptables et les prises d'otage par des éléments en Tchétchénie.
C'est uniquement à cette condition qu'il sera possible de l'aider à rétablir le
plein respect de État de droit et des droits de l'homme dans la République
tchétchène.
15. L'Assemblée se déclare prête à coopérer avec les organes parlementaires
russes compétents afin d'assurer le plein respect des normes du Conseil de
l'Europe dans la République tchétchène.
16. L'Assemblée déplore - et considère comme une violation de la liberté
d'expression - le fait que l'Assemblée fédérale russe ait empêché les membres
individuels de la délégation parlementaire russe qui auraient voulu participer
à la partie de session de juin de le faire, comme ils en ont le droit,
autrement que sur leur propre initiative, en raison du refus de l'Assemblée
fédérale russe de rembourser leurs frais.
17. L'Assemblée exprime son souhait que l'Assemblée fédérale russe utilise
son influence de manière active et substantielle afin d'améliorer la situation
des droits de l'homme en République tchétchène, en conséquence de quoi les
droits de vote de la délégation parlementaire russe pourront être
rétablis.
18. En application du paragraphe 15 ci-dessus, l'Assemblée charge son Bureau de former une commission ad hoc, composée de représentants des groupes politiques et des rapporteurs des commissions compétentes, pour observer les suites données aux Recommandations 1444 et 1456 (2000) et de lui rendre compte, ainsi qu'aux commissions compétentes, des progrès ou de l'absence de progrès. Dans un premier temps, le Bureau devrait assurer la participation de cette commission ad hoc à l'audition parlementaire sur la situation en République tchétchène que la Douma État prévoit d'organiser en septembre 2000.
19. Entre-temps, l'Assemblée réitère son appel urgent également aux
combattants tchétchènes afin qu'ils respectent les droits de l'homme et les
Conventions de Genève dans leurs engagements militaires et afin qu'ils soient
prêts à ouvrir le dialogue politique avec les autorités russes.
20. L'Assemblée juge totalement inacceptable que le Comité des Ministres
n'ait pas dénoncé comme contraire aux principes du Conseil de l'Europe la
manière dont la Fédération de Russie a mené sa campagne militaire dans la
République tchétchène et les graves violations des droits de l'homme qui s'en
sont suivies, ni sérieusement réfléchi à leurs implications pour l'appartenance
de la Fédération de Russie au Conseil de l'Europe. L'Assemblée réitère donc sa
position selon laquelle le Comité des Ministres doit dénoncer comme contraire
aux principes du Conseil de l'Europe la manière dont la Fédération de Russie a
mené sa campagne militaire en République tchétchène et les graves violations
des droits de l'homme qui s'en sont suivies.
21. Du fait que l'Assemblée estime que les mesures prises jusqu'à présent par
la Fédération de Russie doivent encore aboutir à des résultats convaincants et
tangibles, les recommandations de l'Assemblée à la Fédération de Russie doivent
rester pleinement valides et, dans l'attente d'une accélération des progrès,
l'Assemblée réitère ses appels au Comité des Ministres afin qu'il continue à
surveiller le respect par la Fédération de Russie des critères d'appartenance
au Conseil de l'Europe.
22. L'Assemblée regrette profondément, par ailleurs, qu'aucun des
gouvernements membres du Conseil de l'Europe - Hautes Parties contractantes à
la Convention européenne des Droits de l'Homme - n'ait à ce jour eu recours à
l'article 33 de cette Convention afin de saisir la Cour européenne des Droits
de l'Homme des allégations de violation par la Fédération de Russie des
dispositions de la Convention et de ses protocoles. L'Assemblée réitère son
appel urgent aux États membres pour qu'ils saisissent la Cour d'une requête
interétatique en application de l'article 33 de la Convention.