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Recommandation 1492 (2001)

Droits des minorités nationales

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2001 (3e séance) (voir Doc. 8920Doc. 8920, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Bindig; Doc. 8939 , avis de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Gjellerod; Doc. 8943,avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, rapporteur: M. Tabajdi; et Doc. 8941, avis de la commission de la culture et de l’éducation, rapporteur: M. de Puig). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2001 (3e séance).

1. L’Assemblée souligne une fois de plus l’importance que revêt une protection efficace des droits des minorités en Europe. A cet égard, elle affirme que la protection adéquate des droits des personnes appartenant à des minorités nationales et de leurs communautés fait partie intégrante de la protection des droits de l’homme, et constitue le seul moyen permettant aux Etats de réduire les tensions ethniques susceptibles d’engendrer des conflits à plus grande échelle.
2. L’Assemblée s’élève contre la négation de l’existence de minorités et des droits des minorités dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe, et contre le fait que beaucoup de minorités en Europe ne se soient pas vu garantir un niveau de protection suffisant.
3. L’Assemblée reconnaît que la majorité a des obligations à l’égard de la minorité, et que la minorité, pour sa part, a la responsabilité de participer à la vie politique et publique du pays qu’elle habite, et de contribuer, avec la majorité, à la cohésion et au pluralisme démocratiques des Etats auxquels elle a prêté allégeance.
4. L’Assemblée note qu’il est fondamental que la langue et la culture des minorités soient mieux connues de la majorité, et que des actions en vue de faire connaître les cultures minoritaires soient entreprises par les pouvoirs publics, avec le soutien d’organisations non gouvernementales.
5. L’Assemblée réitère son appel à tous les Etats membres pour qu’ils garantissent les droits des minorités nationales, qui peuvent être considérés comme minimaux, tels qu’ils sont fixés par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157). Elle proclame que la protection des minorités est essentielle à la mise en œuvre des droits fondamentaux de l’homme, à la stabilité, à la sécurité démocratique et à la paix sur le continent. Elle avertit que le prix de l’incapacité à répondre positivement aux besoins des minorités nationales pourrait être une aggravation des tensions sociales, de nouvelles demandes d’asile, une réticence à renforcer l’unité entre les Etats membres du Conseil de l'Europe et une insécurité nuisible aux échanges et aux investissements.
6. Andorre, la Belgique, la France et la Turquie n’ont toujours pas signé ni ratifié la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales, et cette situation réduit l’effet véritable de la convention-cadre sur l’ensemble du continent. Ces pays ont des minorités significatives qui doivent être protégées et dont les droits ne sont pas officiellement reconnus. D’autres pays n’ont pas encoreratifié la convention-cadre, à savoir la Géorgie, la Grèce, l’Islande, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal.
7. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1201 (1993), dans laquelle elle demandait au Comité des Ministres d’élaborer un protocole additionnel sur les droits des minorités à la Convention européenne des Droits de l’Homme, et exprimait le vœu que les Etats membres du Conseil de l'Europe appuient leur législation et leur politique en matière de minorités sur le projet de protocole qui figurait en annexe à cette recommandation et qui comportait la définition la plus acceptable au plan européen de «minorité nationale».
8. L’Assemblée rappelle, en outre, que les engagements politiques et les normes contenus dans le projet de protocole annexé à cette même recommandation ont été érigés en obligations juridiques dans des traités d’amitié conclus entre différents Etats membres du Conseil de l'Europe.Ces obligations conventionnelles pourraient, à terme, acquérir un caractère coutumier au plan régional.
9. L'Albanie, l'Andorre, la Belgique, la Bulgarie, l'Estonie, la Géorgie, la Grèce, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie, la Moldova, la Pologne, le Portugal, la Fédération de Russie, Saint-Marin, la Slovaquie et la Turquie n'ont, à ce jour, ni signé ni ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148).
10. L’Assemblée note que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, telle qu’adoptée lors du Conseil européen de Nice en décembre 2000, n’aborde pas la question des droits des minorités et se limite à déclarer, dans l’article 22, que «l’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique».
11. L’Assemblée reconnaît que les populations immigrées dont les membres sont citoyens de l’Etat où elles sont implantées constituent des catégories particulières de minorités, et recommande qu’elles se voient appliquer un instrument spécifique du Conseil de l'Europe.
12. Pour ces raisons, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
12.1. de demander aux Etats membres de faire preuve d’une attitude plus généreuse dans l’application de leurs politiques spécifiques relatives aux minorités et dans la mise en œuvre des instruments du Conseil de l’Europe dans le domaine des minorités;
12.2. de demander aux Etats membres de renforcer et, le cas échéant, de développer davantage la coopération internationale quant à la protection des droits des minorités, tant dans les relations bilatérales qu’au niveau des organisations internationales européennes;
12.3. de demander aux quatre Etats qui n’ont pas signé la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales de mettre leur Constitution et leur législation en harmonie avec les normes européennes en vigueur, afin de lever tout obstacle à la signature et à la ratification de ladite convention;
12.4. de demander aux Etats mentionnés au paragraphe 6 de la présente recommandation de signer et/ou ratifier au plus vite et sans réserves ni déclarations la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, et à ceux qui l’ont déjà ratifiée de la mettre en œuvre et d’abolir les réserves et déclarations;
12.5. d’inciter les Etats qui ne l’auraient pas encore fait à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et d’inciter les Etats et futurs Etats parties à l’appliquer correctement;
12.6. d’augmenter les ressources humaines et financières des directions générales du Conseil de l’Europe concernées par l’application des deux instruments cités plus haut;
12.7. de demander aux Etats membres de signer et ratifier au plus vite le Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme, dans l’espoir que les personnes appartenant à des minorités nationales puissent voir leurs droits spécifiques sanctionnés par la Cour européenne des Droits de l’Homme;
12.8. de demander au Comité des Ministres de donner la priorité aux discussions et adoptions des avis et des rapports émanant du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et d’établir une procédure appropriée en vue de leur parution rapide et de leur large diffusion;
12.9. de renforcer les mécanismes de suivi au sein du Conseil de l’Europe et d’appliquer les mêmes principes et normes à l’ensemble des Etats membres;
12.10. d’entamer la rédaction d’un protocole additionnel à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales donnant compétence à la Cour européenne des Droits de l’Homme ou à une autorité judiciaire générale du Conseil de l’Europe pour donner des avis consultatifs concernant l’interprétation de cette convention-cadre;
12.11. d’entamer la rédaction d’un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’Homme sur les droits des minorités nationales, en s’inspirant des principes contenus dans la Recommandation 1201 (1993) et en tentant d’y inclure la définition de la minorité nationale retenue par cette même recommandation;
12.12. de placer auprès du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, en prenant les dispositions financières appropriées, une personne chargée spécialement des questions de protection des droits des minorités;
12.13. de donner aux différentes langues des signes en usage en Europe une protection semblable à celle conférée par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, éventuellement par l'adoption d'une recommandation aux Etats membres;
12.14. de rendre publics les rapports du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.