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Avis 250 (2004)
Demande d'adhésion de la Principauté de Monaco au Conseil de l'Europe
1. La principauté de Monaco a déposé
une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe le 15 octobre 1998.
Par sa Résolution (98) 30 du 10 novembre 1998, le Comité des Ministres
a invité l’Assemblée parlementaire à formuler un avis sur cette
demande conformément à la Résolution statutaire (51) 30.
2. Le Bureau de l’Assemblée a demandé à deux juristes éminents,
M. Pastor Ridruejo et M. Ress, juges à la Cour européenne des Droits
de l’Homme, d’évaluer la conformité de l’ordre juridique de Monaco
avec les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe. Dans le
cadre de l’examen de la demande d’adhésion de Monaco, l’Assemblée
a maintenu avec les autorités monégasques un dialogue continu sur
la base, notamment, des conclusions et recommandations formulées
par les juristes éminents.
3. L’Assemblée se félicite des importants changements constitutionnels
et législatifs que Monaco a mis en œuvre en réponse aux recommandations
des éminents juristes et des rapporteurs. Il s’agit principalement
des amendements constitutionnels adoptés le 28 mars 2002 et qui
concernent en particulier les compétences élargies du Conseil national
(le parlement) de Monaco relatives à l’initiative législative, au
droit d’amendement de la législation, aux questions budgétaires
et à la ratification de certains instruments internationaux, ainsi
que l’accession à la nationalité monégasque et la jouissance des
droits civils.
4. L’Assemblée souligne l’importance de la réforme de la loi
électorale, adoptée le 28 mars 2002, qui a renforcé la représentativité
et l’autorité du Conseil national, d’une part, en introduisant un
élément de représentation proportionnelle pour les élections législatives
qui garantit la présence des diverses composantes politiques au
sein du parlement, et, d’autre part, en renforçant son assise démocratique
par l’abaissement de l’âge électoral de 21 à 18 ans et par l’octroi
du droit de vote aux Monégasques naturalisés.
5. L’Assemblée note que la loi électorale modifiée a été mise
en œuvre lors des élections législatives qui ont eu lieu à Monaco
le 9 février 2003. Conformément à la pratique établie, selon laquelle
l’observation des élections dans un pays candidat fait partie de
l’examen de sa candidature, ce scrutin a été observé par une commission
ad hoc du Bureau de l’Assemblée. Celle-ci a conclu que, compte tenu
des particularités de la situation de Monaco, l’organisation et
le déroulement des élections ont été largement conformes aux normes du
Conseil de l’Europe.
6. L’Assemblée constate que Monaco entretient des relations officielles,
au niveau diplomatique ou consulaire, avec pratiquement tous les
Etats membres du Conseil de l’Europe. Il a adhéré aux Nations Unies le
28 mai 1993 et est un Etat participant de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe. Toutefois, concernant la souveraineté
de l’Etat monégasque, l’Assemblée retient l’avis des éminents juristes selon
lequel «l’exercice de cette souveraineté est considérablement limité
par les traités avec la France». L’Assemblée se félicite du fait,
à cet égard, que Monaco et la France aient signé le 24 octobre 2002
un traité destiné à confirmer les rapports d’amitié et de coopération
qui remplace le traité de 1918 tout en respectant le principe d’égalité
souveraine entre les Etats, en conformité avec la Charte des Nations
Unies, et du fait que la procédure de sa ratification soit en cours.
7. En ce qui concerne la convention franco-monégasque de 1930,
l’Assemblée doit constater que certaines dispositions de ladite
convention réservent à des fonctionnaires français détachés les
postes supérieurs du Gouvernement et de la fonction publique monégasques,
et privent de ce fait les ressortissants de Monaco du droit d’accéder
à ces postes. Cela est en contradiction avec le principe de non-discrimination
et une mise en conformité avec les normes européennes paraît nécessaire.
L’Assemblée prend note du fait que les deux Etats concernés ont
commencé le 19 juin 2003 les consultations visant à réviser la convention
de 1930, et souhaite sincèrement que cette occasion soit utilisée
pour garantir aux citoyens monégasques la pleine jouissance des
droits politiques et civiques inscrits dans la Convention européenne
des Droits de l’Homme. Elle sait que c’est le vœu des autorités
monégasques et est confiante dans la volonté de la France de profiter
des discussions en cours pour parvenir à une solution conforme aux
normes européennes. L’Assemblée estime que la décision définitive
sur la demande d’adhésion de Monaco ne devrait intervenir que lorsqu’il
aura été constaté au sein du Comité mixte que cette occasion a bien
été utilisée à cette fin.
8. Monaco a adhéré aux conventions suivantes du Conseil de l’Europe:
la Convention culturelle européenne (STE no 18), la Convention relative
à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe
(STE no 104), la Convention européenne pour la protection du patrimoine
archéologique (STE no 66) et la Convention relative au blanchiment,
au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE
no 141).
9. L’Assemblée reconnaît la situation particulière d’un pays
tel que Monaco où la population autochtone est numériquement plus
faible que le nombre total de personnes qui y vivent et/ou y travaillent.
Elle estime que, dans l’interprétation des engagements que Monaco
honorera, le Conseil de l’Europe devrait tenir compte de ce contexte,
qui a conduit les autorités à accorder des régimes préférentiels
bénéficiant principalement aux ressortissants monégasques en matière
de travail et d’emploi, de logement et d’aide sociale. Elle constate
à cet égard que le système de sécurité sociale est accessible à
toutes les personnes travaillant à Monaco. Elle souligne l’importance
de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), dont la
flexibilité permet de tenir compte des spécificités des parties,
et se félicite de la volonté des autorités monégasques d’y adhérer.
10. L’Assemblée attend des autorités monégasques qu’elles acceptent
les engagements requis par l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) dans le cadre de sa politique contre les pratiques
fiscales nuisibles, telle que définie dans son Rapport d’activités
de 2000 et modifiée dans son Rapport d’activités de 2001, pour faire
en sorte qu’un pays soit retiré de la Liste de l’OCDE des paradis
fiscaux non coopératifs.
11. L’Assemblée recommande aux autorités monégasques d’élargir
davantage, dans un délai de cinq ans suivant leur adhésion, les
compétences du Conseil national, en particulier en ce qui concerne
le contrôle de l’action du gouvernement, la présentation annuelle
du programme gouvernemental, le droit d’initiative législative et
le débat budgétaire.
12. L’Assemblée prend acte des lettres des autorités monégasques
et note que Monaco est déterminé à honorer les engagements suivants:
12.1. en matière de conventions:
a. signer, au moment de son adhésion, la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CEDH) et ses Protocoles nos 1, 4, 6, 7 et 13;
b. ratifier au plus tôt et dans un délai d’un an la CEDH et ses Protocoles nos 1, 4, 6, 7 et 13;
c. signer le Protocole no 12 à la CEDH dans un délai d’un an suivant son entrée en vigueur, et le ratifier dans un délai de cinq ans suivant sa signature;
d. examiner en permanence la compatibilité de toute la législation avec la CEDH et ses protocoles pertinents;
e. signer et ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126);
f. devenir partie, dans un délai d’un an suivant son adhésion, à l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe (STE no 2), à son protocole additionnel du 6 novembre 1952 (STE no 10) et à son sixième protocole additionnel (STE no 162);
g. signer, au moment de son adhésion, la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et la ratifier dans un délai de deux ans suivant son adhésion;
h. signer et ratifier, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, les conventions ci-dessous:la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 30);la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106) et ses protocoles;la Convention européenne pour la répression du terrorisme (STE no 90);la Convention pénale sur la corruption (STE no 173);
i. signer et ratifier, dans un délai de cinq ans suivant son adhésion, la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185);
12.2. en matière de législation interne: adopter, dans un délai
d’un an suivant son adhésion, si cela n’a pas encore été fait, les
lois suivantes conformément aux normes du Conseil de l’Europe:
la loi sur la motivation des actes administratifs négatifs et sur le réexamen judiciaire;
la loi sur la nationalité;
la loi sur la liberté des médias;
la loi sur la liberté de réunion et la liberté d’association;
les amendements au droit civil incorporant le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, y compris en tant que parents ou conjoints;
12.3. en matière de suivi des engagements: coopérer pleinement
à la mise en œuvre de la Résolution 1115 (1997) de l’Assemblée sur
la création d’une commission de l’Assemblée pour le respect des obligations
et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission
de suivi) ainsi qu’au processus de suivi établi en vertu de la déclaration
du Comité des Ministres du 10 novembre 1994.
13. Sur la base de ces engagements, l’Assemblée estime que Monaco
est capable et a la volonté de se conformer aux dispositions de
l’article 3 du Statut précisant les conditions requises pour pouvoir
adhérer au Conseil de l’Europe: «Tout membre du Conseil de l’Europe
reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe
en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir
des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage
à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but défini
au chapitre I.»
14. En vue d’assurer le respect de ces engagements, l’Assemblée
décide, conformément à sa Résolution 1115 (1997), de commencer la
procédure de suivi à l’égard de Monaco six mois après la date d’adhésion,
aux fins d’évaluer les progrès accomplis par Monaco en regard:
des engagements énumérés au paragraphe 12 ci-dessus; et
des recommandations contenues dans les deux paragraphes 10 et 11 ci-dessus.
15. Sur la base des engagements énoncés ci-dessus, l’Assemblée
recommande au Comité des Ministres:
15.1. d’inviter Monaco à devenir membre du Conseil de l’Europe
dès que l’Assemblée et le Comité des Ministres auront constaté au
sein du Comité mixte que les consultations entre Monaco et la France
pour la révision de la convention de 1930 ont ouvert la possibilité
d’appliquer dans un avenir proche à Monaco le principe de non-discrimination
permettant aux citoyens monégasques d’être nommés aux hautes fonctions
gouvernementales et publiques actuellement réservées à des ressortissants
français;
15.2. d’attribuer à Monaco deux sièges à l’Assemblée parlementaire.
16. Entre-temps, l’Assemblée demande au Bureau d’octroyer le statut
d’invité spécial au Conseil national de Monaco, en lui attribuant
deux sièges, si le Conseil national en fait la demande.