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Recommandation 1676 (2004)

La participation des femmes aux élections

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 5 octobre 2004 (27e séance) (voir Doc. 10202, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteur: M. Mooney). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2004 (27e séance).

1. Le droit des femmes de participer aux élections a progressé considérablement au cours du siècle dernier. Il leur a fallu batailler dur pour obtenir le droit de voter et celui d’être élues, qui ne leur sont plus contestés désormais. Elles ont accompli d’autres progrès politiques importants, mais qui restent inégaux s’agissant de leur pleine participation à la vie démocratique.
2. A l’heure actuelle, la participation effective des femmes aux élections est menacée par deux faits nouveaux: en ce qui concerne le droit de vote, dans plusieurs pays européens, des pratiques antidémocratiques telles que le «vote familial» empêchent certaines femmes d’exprimer librement leur suffrage. En ce qui concerne le droit d’éligibilité, dans presque tous les pays d’Europe, les femmes continuent à être sous-représentées dans l’exercice des fonctions électives.
3. Le vote familial peut revêtir trois formes: il se manifeste de façon groupée, lorsqu’un membre masculin de la famille accompagne une ou plusieurs parentes dans l’isoloir; de façon publique, lorsque des groupes familiaux votent ensemble au vu et au su de tous; ou par procuration, lorsqu’un membre masculin de la famille prend les bulletins de vote appartenant à une ou plusieurs parentes et les remplit à sa guise. Le vote familial est une pratique non démocratique, qui prive les femmes de leurs droits électoraux et qui ne saurait donc être tolérée.
4. La sous-représentation des femmes dans l’exercice des fonctions électives entrave le plein épanouissement de la démocratie au sein de la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, puisqu’un seul de ces derniers – la Suède – a atteint le seuil de parité fixé dans la Recommandation Rec(2003)3 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique, à savoir 40 % de représentation au parlement sur le plan national. La présence des femmes au sein des parlements et des autres assemblées élues est une composante essentielle de la démocratie. L’augmentation du pourcentage de femmes exerçant des fonctions électives irait dans le sens d’une évolution sociale et démocratique ne pouvant que profiter aux hommes comme aux femmes.
5. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont donc le devoir d’assurer que les normes européennes soient respectées dans le cadre du processus électoral démocratique et qu’il soit donné aux femmes une vraie chance d’élire librement le candidat de leur choix, comme de se faire élire elles-mêmes.
6. L’Assemblée parlementaire recommande donc au Comité des Ministres d’élaborer une charte de l’égalité électorale (en demandant éventuellement l’avis de la Commission de Venise), dans laquelle les Etats membres du Conseil de l’Europe souscriraient à une action concertée ayant pour but de garantir les droits électoraux des femmes et d’accroître la participation de celles-ci aux élections. Cette charte devrait:
6.1. prévoir toutes les mesures nécessaires pour mettre hors la loi et éliminer le vote familial, notamment:
a. en organisant, durant les périodes préélectorales, des campagnes de sensibilisation soulignant que le vote familial équivaut à une violation grave des droits électoraux;
b. en permettant aux électeurs illettrés de prendre une décision personnelle, grâce à la conception de bulletins de vote répondant à leurs besoins (rédigés en deux langues, revêtus des symboles représentatifs des différents partis et/ou comprenant des photographies, par exemple);
c. en formant les membres des commissions électorales à la conduite d’un scrutin démocratique, une attention particulière étant prêtée à la prévention du vote familial;
d. en instituant des sanctions contre les membres de la commission électorale de tout bureau de vote où un vote familial aurait été détecté et en invalidant les résultats du scrutin dans ce bureau;
e. en interdisant le vote par procuration;
6.2. fixer l’objectif de porter à 40 % d’ici à 2020 le taux minimal de représentation des femmes au sein du parlement et des autres assemblées élues, notamment:
a. en supprimant tout ce qui, dans la Constitution ou la législation, fait obstacle à des mesures positives visant à l’égalité des sexes;
b. en encourageant les partis politiques à adopter des mesures positives afin d’assurer une plus grande représentation des femmes candidates;
c. en adoptant des réformes législatives consistant à instituer des seuils de parité pour les candidats aux élections locales, régionales, nationales et supranationales;
d. en invitant les présidents des parlements à garantir un environnement exempt de toute discrimination et harcèlement, favorisant la conciliation entre vie privée et vie politique;
e. en ajustant ou en réformant le système électoral, afin d’y promouvoir une représentation équilibrée des sexes, lorsqu’il est démontré que ce système a des incidences négatives sur la représentation politique des femmes au sein des organes élus;
f. en instituant, pour l’établissement des listes de parti, des quotas n’avantageant aucun des deux sexes; les systèmes à double quota (l’alternance de type «zèbre» ou «fermeture éclair» par exemple) sont particulièrement recommandés, car ils garantissent aux femmes des positions éligibles sur chaque liste; les quotas doivent être limités dans le temps et proportionnés aux besoins;
g. en agissant à travers le financement public des partis politiques pour encourager ces derniers à promouvoir l’égalité des sexes;
h. en appliquant ces mesures à tous les postes élus, tels que les présidents et les maires le cas échéant, ainsi qu’à tous les organes constitués à la suite des élections, tels que les gouvernements;
i. en prenant des mesures législatives et (ou) administratives appropriées pour assurer la représentation équilibrée des sexes au sein de toutes les délégations nationales auprès des organisations et tribunes internationales;
j. en élaborant des coffrets de formation et de sensibilisation conçus spécialement pour encourager les femmes à se porter candidates à des élections;
k. en assurant aux candidats masculins et féminins l’égalité d’accès aux médias, ainsi qu’en encourageant les professionnels des médias à donner la même couverture aux candidats et élus féminins et masculins, notamment en période électorale.
7. L’Assemblée demande à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe de prendre des mesures de sensibilisation, y compris dans le domaine de l’éducation à l’égalité des sexes, visant à susciter un changement durable des mentalités et des traditions, afin que la participation des femmes aux élections soit pleine et entière à tous les niveaux comme à tous les égards.
8. Enfin, l’Assemblée parlementaire recommande que les parlements nationaux et les organisations internationales assurant le suivi des élections, y compris l’Assemblée elle-même, s’efforcent d’atteindre un équilibre entre les sexes lorsqu’ils nomment les membres des missions d’observation des élections. En outre, l’aspect «égalité des sexes» doit faire l’objet d’une observation appropriée au cours de ces missions.