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Recommandation 1700 (2005)

Discrimination à l’encontre des femmes parmi les demandeurs d’emploi et sur le lieu de travail

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2005 (13e séance) (voir Doc. 10484, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Curdová). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2005 (13e séance).

1. Un des droits fondamentaux des femmes est de ne pas subir de discrimination parmi les demandeurs d’emploi et sur leur lieu de travail. Ce droit est consacré par le droit international, notamment par des conventions des Nations Unies, de l’Organisation internationale du travail (OIT) et par la Charte sociale européenne révisée, ainsi que par le droit national de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et par le droit communautaire. Malheureusement, la réalité n’est pas toujours conforme au droit et, même en Europe, les femmes continuent d’être victimes de multiples discriminations, tant parmi les demandeurs d’emploi que sur leur lieu de travail.
2. Le premier problème que rencontrent les femmes est la difficulté d’accès au marché de l’emploi. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, le taux d’activité professionnelle des femmes est inférieur et leur taux de chômage supérieur à ceux des hommes – même s’il existe de fortes variations d’une région à l’autre. En général, les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois à temps partiel (ce qui ne découle pas toujours d’un choix personnel) et beaucoup sont surqualifiées pour le poste qu’elles occupent. De plus, nombre de femmes sont ce que l’OIT appelle des «travailleurs découragés», à savoir des travailleurs qui n’entrent pas dans les statistiques du chômage de leur pays car ils ne recherchent pas activement un emploi, alors même qu’ils ont une réelle volonté de travailler, soit parce qu’ils pensent qu’ils n’en trouveront pas, soit parce qu’ils se heurtent à la discrimination ou à des barrières structurelles, sociales ou culturelles.
3. Le deuxième problème est celui de la disparité salariale. Les femmes sont souvent moins bien rémunérées que les hommes pour le même travail ou un travail de valeur égale – au moins 15 % de moins en moyenne (jusqu’à 25 à 30 % de moins). Le fait d’avoir un haut niveau d’études n’est aucunement une garantie. Dans bien des pays, le différentiel des salaires se creuse d’autant plus que les femmes ont un degré d’instruction élevé. Par ailleurs, en règle générale, les femmes gagnent moins d’argent que les hommes au cours de leur carrière et se voient donc accorder des conditions d’assurance-vieillesse moins avantageuses, et elles perçoivent également des retraites plus faibles le moment venu, alors qu’elles vivent plus longtemps que les hommes.
4. Le troisième problème concerne ce que l’on appelle le «plafond de verre». En matière de promotions, les hommes sont habituellement préférés aux femmes. Plus un poste est élevé, moins une femme – même aussi qualifiée, voire plus qualifiée, qu’un collègue masculin – a de chances de l’obtenir. Les femmes qui parviennent à franchir ce plafond de verre et à obtenir des fonctions décisionnelles restent l’exception, puisque, même dans les secteurs qui emploient majoritairement des femmes et où celles-ci occupent davantage de postes à responsabilité, un nombre disproportionné d’hommes s’élèvent aux plus hautes fonctions.
5. La principale raison qui explique ces trois problèmes – difficulté d’accès au marché du travail, écart des rémunérations et plafond de verre – est la discrimination dont sont victimes les femmes. Dans la plupart des cas, celles-ci sont pénalisées parce qu’elles sont ou pourraient devenir mères. Bien des employeurs redoutent à tort le coût et les complications que la maternité est susceptible d’entraîner. En réalité, selon de récentes études de l’OIT, le coût supplémentaire engendré par l’embauche d’une femme représente moins de 1 % de sa rémunération brute mensuelle. Mais les raisons financières ne suffisent pas à expliquer les discriminations que subissent les femmes; celles-ci sont dues principalement à des stéréotypes et à des préjugés erronés sur leurs rôles et leurs compétences, leur investissement personnel et leur façon de diriger.
6. A cause de ces stéréotypes, les femmes se voient souvent proposer des emplois précaires, mal rémunérés, n’offrant aucune perspective de carrière et non gratifiants car ne leur permettant pas d’exploiter au maximum leurs compétences. Elles sont souvent exclues des réseaux informels de relations (le «réseau des anciens», majoritairement masculin). En outre, certaines d’entre elles pâtissent d’une culture d’entreprise hostile et peuvent être victimes de harcèlement moral et sexuel, d’intimidations ou voir leurs collègues se liguer contre elles. Enfin, dans bien des Etats membres du Conseil de l’Europe, les responsabilités familiales (tâches ménagères, éducation des enfants, prise en charge des personnes âgées) ne sont pas réparties équitablement entre les femmes et les hommes, et érigent de nouvelles barrières qui s’opposent à ce que les femmes accèdent au marché du travail, restent actives et fassent carrière.
7. Au bout du compte, le taux d’activité plus faible et le taux de chômage plus élevé des femmes alimentent la perte et l’inégalité économiques qui sont à la source d’une inégalité plus générale entre les femmes et les hommes, et peuvent être une cause de dépendance économique et de pauvreté (notamment chez les femmes âgées) pour les femmes touchées par ces phénomènes. Cependant, les femmes ne sont pas les seules à être lésées par les discriminations qu’elles subissent. Les discriminations à l’encontre des femmes parmi les demandeurs d’emploi et sur leur lieu de travail sont en partie responsables d’un affaiblissement de la croissance économique, d’une réduction des recettes fiscales et d’une augmentation des dépenses en termes de prestations de chômage et de prestations sociales. Toute politique économique avisée et soucieuse de cohésion sociale doit donc chercher à éliminer ces discriminations.
8. Il faudrait également résoudre le problème de la situation particulière des femmes handicapées et de celles appartenant à des minorités, qui souvent sont victimes d’une double discrimination.
9. Il est nécessaire de souligner que la discrimination qui s’exerce dans le monde du travail ne disparaîtra pas d’elle-même; il ne faut pas non plus compter sur le marché, laissé à lui-même, pour y mettre un terme. Son élimination exige que toutes les parties intéressées s’engagent dans une politique avisée, ciblée et cohérente pendant une période de temps suffisante.
10. L’Assemblée parlementaire recommande donc au Comité des Ministres :
de charger le comité intergouvernemental compétent de mettre en place un projet pour combattre la discrimination à l’encontre des femmes parmi les demandeurs d’emploi et sur le lieu de travail en invitant les gouvernements :
a. à réviser et à élaborer des lois et traités qui non seulement interdisent la discrimination en droit, mais qui prévoient aussi explicitement l’obligation de prévenir les discriminations et de promouvoir l’égalité ;
b. à garantir une meilleure application et exécution des lois et règlements en vigueur au niveau national, visant à lutter contre la discrimination à l’égard des femmes parmi les demandeurs d’emploi et sur le lieu de travail ;
c. à mettre en place des mécanismes de contrôle efficaces aux niveaux international et national, à garantir leur bon fonctionnement et à obtenir l’adhésion de tous les acteurs du marché, notamment les associations d’employeurs et les syndicats ;
d. à fixer des objectifs concrets au niveau national tant pour les taux d’activité et de chômage des femmes que pour la réduction de l’écart des rémunérations entre les femmes et les hommes, et à prendre les mesures nécessaires à leur réalisation ;
e. à créer et à encourager la mise en œuvre, au niveau national, de programmes d’accès à l’égalité pour lutter contre les préjugés à l’égard des femmes aux postes à responsabilité, afin que, à mérite égal, les candidates féminines soient embauchées ou promues ;
f. à initier et à soutenir des campagnes, à tous les niveaux, contre les stéréotypes défavorables aux femmes existant dans la société (répartition traditionnelle des rôles au sein de la société, de la famille et sur le lieu de travail), et à promouvoir une meilleure répartition entre les femmes et les hommes pour les tâches ménagères et la garde des personnes vivant au foyer ;
g. à faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée pour les femmes et les hommes, et à investir dans des structures de garde pour les enfants et les personnes âgées avec des horaires d’ouverture adaptés ;
h. à soutenir des projets visant à aider les femmes qui ont subi des discriminations à saisir les autorités compétentes et à veiller à ce que la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe soit reportée sur les employeurs ;
de mener une campagne de sensibilisation en vue d’éradiquer les stéréotypes et les idées préconçues défavorables aux femmes en ce qui concerne tant le coût économique de l’embauche et du travail des femmes que leur rôle et leurs compétences, leur engagement personnel et leur façon de diriger sur leur lieu de travail.