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Recommandation 1703 (2005)

Protection et assistance pour les enfants séparés demandeurs d'asile

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 avril 2005 (15e séance) (voir Doc. 10477, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: M. van Thijn). Texte adopté par l’Assemblée le 28 avril 2005 (15e séance).

1. La moitié des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde sont des enfants, à savoir des personnes de moins de 18 ans, selon la définition de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989). Ils fuient leur pays pour échapper aux persécutions, aux violations des droits de l’homme, à l’exploitation, aux sévices ou aux catastrophes naturelles; au cours de ces dix dernières années, plus de 2 millions d’entre eux ont été tués dans des conflits; des milliers ont perdu la vie lors du récent tsunami en Asie du Sud-Est, tandis que ceux qui y ont survécu, traumatisés et désorientés, risquent de devenir la proie de trafiquants sans scrupules.
2. Les enfants sont des êtres vulnérables, et plus vulnérables encore sont ceux qui se trouvent dans un pays étranger auquel ils demandent asile et qui sont séparés de leurs parents ou de leurs principaux tuteurs légaux ou coutumiers. Les enfants séparés demandeurs d’asile représentent environ 4 % du nombre de demandeurs d’asile en Europe; dans certains Etats membres, notamment ceux où l’immigration est un phénomène relativement nouveau, cette proportion s’élève à 10 %.
3. L’Assemblée parlementaire estime que la situation des enfants séparés demandeurs d’asile dans les Etats membres du Conseil de l’Europe est une question urgente à résoudre. Les législations, politiques et pratiques nationales ne répondent pas de manière cohérente aux besoins de triple protection de cette catégorie de population: en tant qu’enfants, en tant qu’enfants séparés de leurs parents ou de leurs tuteurs légaux, et en tant qu’enfants demandeurs d’asile.
4. Même si tous les Etats membres du Conseil de l’Europe sont parties à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, certaines des dispositions qui y sont énoncées sont souvent ignorées par les Etats lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des mesures relatives à l’asile. C’est le cas du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3) qui, aux termes de la convention, devrait être une «considération primordiale» ; du principe d’interdiction des discriminations fondées, notamment, sur la nationalité (article 2) ; des dispositions visant à faciliter la réunification familiale (article 10); du droit pour l’enfant d’être consulté sur toutes les questions susceptibles de l’intéresser (article 12) ; ou encore du droit à une protection spécifique pour les enfants réfugiés ou les enfants cherchant à obtenir le statut de réfugié (article 22).
5. Parce que ces enfants sont séparés de leurs parents ou de leurs principaux tuteurs légaux ou coutumiers, il conviendrait de désigner rapidement un tuteur légal qui serait chargé de défendre leurs intérêts et de garantir leur bien-être, et également de les placer dans des structures d’accueil et de soin adaptées à leur âge et à leur maturité. Souvent, au contraire, la législation des Etats membres du Conseil de l’Europe ne prévoit pas de système de tutelle approprié en faveur des enfants étrangers. Même lorsqu’un cadre juridique adéquat est en place, les retards administratifs mettent gravement en péril la sécurité des enfants, qui risquent d’être davantage exposés à la traite ou à d’autres sévices. En outre, la détention des enfants séparés au cours de la procédure de demande d’asile est pratique courante dans la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, ce qui est manifestement contraire à l’obligation qui leur incombe d’offrir aux enfants des structures d’accueil et de soin adaptées ainsi qu’à l’article 37 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant qui dispose que la détention ne doit être utilisée que comme une mesure de dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible.
6. En ce qui concerne l’asile, l’Assemblée regrette que les enfants séparés se voient souvent refuser l’accès à une protection efficace contre le refoulement du fait de la législation en vigueur: au niveau procédural, dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, les enfants peuvent se voir refuser l’accès au territoire au motif qu’ils ont transité par un pays sûr où ils auraient pu demander asile; leur demande d’asile peut être soumise à des conditions de recevabilité ou être examinée dans le cadre d’une procédure accélérée ; il se peut qu’on ne leur propose pas les services d’un représentant légal; et, sur le fond, la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ne reconnaissent pas les formes de persécution affectant spécifiquement les enfants, telles que le recrutement forcé dans les forces armées, le travail forcé, les mutilations génitales des femmes, les mariages ou les grossesses forcés, comme de la persécution aux termes de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.
7. Plusieurs instances et organes spécialisés ont adopté des recommandations et des lignes directrices en vue de renforcer la protection des enfants séparés demandeurs d’asile, notamment le Comité des droits de l’enfant, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le programme «Enfants séparés en Europe». L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe devrait s’employer à promouvoir le respect, par ses Etats membres, des normes recommandées par ces instances et organes.
8. En outre, le Conseil de l’Europe devrait compléter ces normes par l’adoption d’un instrument cohérent unique sur la question des enfants séparés demandeurs d’asile. Cet instrument devrait réaffirmer les recommandations antérieures de l’Assemblée et du Comité des Ministres en ce qui concerne les aspects affectant spécifiquement les réfugiés mineurs et tenter de combler les lacunes du système de protection.
9. Pour ces motifs, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :
de charger un ou plusieurs des comités spécialisés de mener des études approfondies sur l’accès au territoire et à la procédure de demande d’asile pour les enfants séparés demandeurs d’asile dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que sur l’existence d’un régime de tutelle légale ;
de charger un ou plusieurs des comités spécialisés de mener une étude sur la pratique des Etats membres en ce qui concerne les formes de persécution affectant spécifiquement les enfants ;
en collaboration et en coordination avec le HCR, l’Alliance «Save the Children» et le programme «Enfants séparés en Europe», d’élaborer une recommandation invitant instamment les Etats membres :
a. à reconnaître la primauté du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute décision, procédure, pratique ou mesure législative relative à l’asile ou à l’immigration affectant des mineurs ;
b. à reconnaître et à mettre pleinement en œuvre, en pratique, le principe de non-discrimination, en assurant que tous les droits soient appliqués à tous les enfants sur leurs territoires ou sous leur juridiction, sans exception ;
c. à s’abstenir de refuser, pour quelque motif que ce soit, l’entrée sur leur territoire aux enfants séparés ;
d. à modifier leur législation et à supprimer tous les obstacles administratifs afin de garantir qu’un tuteur et un représentant légaux soient désignés d’urgence au profit des enfants séparés, et au maximum dans les deux semaines qui suivent la date à laquelle les autorités sont informées de leur présence sur le territoire ;
e. à veiller à ce que les enfants séparés soient entendus dans le cadre de la procédure de demande d’asile, soit directement, soit par l’intermédiaire de leur tuteur légal, et qu’ils soient interrogés d’une manière adaptée à leur âge, leur maturité et leur état psychologique ;
f. à modifier leur législation de manière à ce que les enfants séparés ne fassent plus l’objet de procédures d’asile accélérées ou de recevabilité ;
g. à reconnaître les formes de persécution affectant spécifiquement les enfants comme de la persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés ;
h. à accorder des permis spéciaux de séjour humanitaire aux enfants qui ont été victimes de formes de persécution affectant spécifiquement les enfants et auxquels on ne reconnaît pas le statut de réfugiés ;
i. à faciliter la réunification familiale en faveur des enfants séparés, conformément à la Recommandation 1596 (2003) de l’Assemblée sur la situation des jeunes migrants en Europe ;
j. à n’autoriser la détention des enfants séparés qu’en dernier recours et pour la durée la plus courte possible, conformément à la Recommandation Rec(2003)5 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les mesures de détention des demandeurs d’asile ;
k. à veiller à ce que le retour d’un enfant séparé dans son pays d’origine ait lieu seulement si l’intérêt supérieur de l’enfant le commande et avec les garanties énoncées dans les Recommandations de l’Assemblée 1547 (2002) sur les procédures d’expulsion conformes aux droits de l’homme et exécutées dans le respect de la sécurité et de la dignité et 1596 (2003) susmentionnée ;
de soutenir l’organisation et l’offre d’une formation spécifique pour les avocats ainsi que pour les fonctionnaires et autres professionnels qui s’occupent des enfants séparés au cours de la procédure de demande d’asile et dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique et d’une législation de lutte contre la traite ;
d’exhorter les Etats membres à se conformer aux principes directeurs adoptés par le HCR, l’Alliance «Save the Children» et le programme «Enfants séparés en Europe», et en particulier la Déclaration révisée de bonne pratique sur les enfants séparés demandeurs d’asile ;
d’inviter les Etats membres à poursuivre leur coopération avec le HCR et le programme «Enfants séparés en Europe» en vue :
a. d’introduire un modèle unique de collecte des données relatives à l’âge, au sexe et au pays d’origine des enfants séparés, en vue de faciliter leur identification, la recherche de leur famille et la comparabilité des informations recueillies ;
b. d’introduire des normes communes d’appréciation de l’âge des enfants séparés ;
c. d’harmoniser la collecte de données statistiques relatives aux enfants séparés demandant l’asile concernant le sexe, l’âge, le pays d’origine et la décision sur l’asile, et de communiquer ces données au HCR et aux autres organisations concernées ;