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Résolution 1468 (2005)

Mariages forcés et mariages d'enfants

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 5 octobre (29e séance) (voir Doc. 10590, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse : Mme Zapfl-Helbling ; et Doc. 10678, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteuse : Mme Bargholtz). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2005 (29e séance).

1. L’Assemblée parlementaire est très préoccupée par les violations graves et répétées des droits de l’homme et de l’enfant que constituent les mariages forcés et les mariages d’enfants.
2. L’Assemblée constate que le problème se pose principalement dans les communautés immigrées et qu’il touche en premier lieu les jeunes femmes et les jeunes filles.
3. Elle s’indigne de ce que, sous couvert de respect de la culture et des traditions des communautés immigrées, des autorités tolèrent les mariages forcés et les mariages d’enfants, alors qu’il s’agit d’un problème qui viole les droits fondamentaux de chacune des victimes.
4. L’Assemblée définit le mariage forcé comme étant l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage.
5. Portant atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, le mariage forcé ne peut en aucune façon être justifié.
6. L’Assemblée rappelle la pertinence de la Résolution 843 (IX) du 17 décembre 1954 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies qui a déclaré que «certaines coutumes, anciennes lois et pratiques intéressant le mariage et la famille étaient incompatibles avec les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme».
7. L’Assemblée définit le mariage d’enfants comme étant l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas 18 ans.
8. L’Assemblée déplore les conséquences dramatiques du mariage sur les enfants mariés. Le mariage des enfants porte en soi atteinte à leurs droits d’enfants. Il est contraire à leur bien-être physique et psychologique. Souvent un obstacle à la fréquentation de l’école, le mariage d’enfants peut compromettre leur accès à l’éducation ainsi que leur développement intellectuel et social en limitant leur horizon au seul cercle familial.
9. L’Assemblée constate avec consternation que certaines législations autorisent le mariage de mineurs, parfois de façon discriminatoire avec des différences d’âge minimales selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon.
10. Or, de tels mariages n’ont plus lieu d’être dans nos sociétés respectueuses des droits de l’homme et de l’enfant. A cet égard, l’Assemblée fait sienne les considérations de la Convention de 1962 de l’Organisation des Nations Unies sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, qui réaffirme «que tous les Etats, y compris ceux qui ont ou assument la responsabilité de l’administration de territoires non autonomes ou de territoires sous tutelle jusqu’à leur accession à l’indépendance, doivent prendre toutes les mesures utiles en vue d’abolir ces coutumes, anciennes lois et pratiques, en assurant notamment une entière liberté dans le choix du conjoint, en abolissant totalement le mariage des enfants et la pratique des fiançailles des jeunes filles avant l’âge nubile, en instituant, le cas échéant, les sanctions voulues et en créant un service de l’état civil ou un autre service qui enregistre tous les mariages».
11. Le droit au mariage est reconnu par l’article 12 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Cependant, l’Assemblée rappelle que cette disposition prévoit également que ce droit s’exerce selon les lois nationales.
12. Dès lors, elle souligne la nécessité de prendre les mesures législatives nécessaires pour interdire le mariage d’enfants en fixant à 18 ans l’âge minimum pour le mariage. Ainsi, ne pourront pas contracter légalement mariage les personnes qui n’auront pas atteint cet âge.
13. En conséquence, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe de prendre les mesures juridiques suivantes encadrant le droit au mariage :
13.1. ratifier la Convention de 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, s’ils ne l’ont pas encore fait ;
13.2. ratifier la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son amendement et son protocole, s’ils ne l’ont pas encore fait ;
13.3. se mettre en conformité avec la Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la protection des femmes contre la violence.
14. L’Assemblée demande instamment aux parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe :
14.1. de renégocier, d’écarter ou de dénoncer les chapitres des accords internationaux et les règles de droit international privé qui portent atteinte aux principes fondamentaux des droits de l’homme, en particulier en matière de statut personnel ;
14.2. le cas échéant, d’adapter leur législation interne de façon :
14.2.1. à fixer ou à relever l’âge minimal légal du mariage pour les femmes et les hommes à 18 ans ;
14.2.2. à rendre obligatoire la déclaration de tout mariage et son inscription par l’autorité compétente sur un registre officiel ;
14.2.3. à instaurer un entretien préalable à la célébration du mariage entre l’officier d’état civil et les futurs époux, et à permettre à l’officier qui a des doutes sur le libre et plein consentement d’un ou des futurs époux de reconvoquer individuellement l’un et/ou l’autre ;
14.2.4. à ne pas reconnaître les mariages forcés et les mariages d’enfants à l’étranger, sauf, s’agissant des effets du mariage, si cela est dans l’intérêt supérieur des victimes, en particulier pour obtenir des droits auxquels elles ne pourraient prétendre par ailleurs ;
14.2.5. à faciliter l’annulation des mariages forcés, voire à annuler automatiquement ceux-ci ;
14.2.6. à fixer un délai maximum d’un an, dans la mesure du possible, pour l’instruction et le jugement d’une demande d’annulation de mariage forcé ou de mariage d’enfants ;
14.3. de considérer comme viols les relations sexuelles contraintes subies par les victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants ;
14.4. de réfléchir à la possibilité de pénaliser les faits de mariage forcé en tant qu’infraction autonome, y compris la complicité dans l’organisation d’un tel mariage.