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Résolution 1497 (2006)
Réfugiés et personnes déplacées en Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Recommandation 1570 (2002) relative à la situation des réfugiés et des personnes déplacées en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie, croit nécessaire de revenir sur ce problème, car, malgré certaines avancées ponctuelles, il continue de poser une hypothèque grave sur le développement économique, sociopolitique et sanitaire des pays de la région.
2. Le nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans la région est difficile à évaluer. Les législations ou les pratiques administratives des trois pays tendent à reconnaître comme «réfugié» ou «personne déplacée» les descendants des personnes déplacées à titres divers à l’intérieur de la région. Cela a pour conséquence que le nombre total de réfugiés et de personnes déplacées semble ne jamais décroître. Le plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées résulte du conflit du Haut-Karabakh et des expulsions de populations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan; de nombreuses autres personnes ont été déplacées par les conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud, sans oublier les Tchétchènes réfugiés dans la région du Caucase du Sud à cause des conflits en Tchétchénie.
3. Il n’en demeure pas moins que les besoins humanitaires d’urgence continuent d’être importants. Cela oblige les trois pays à utiliser au maximum leurs propres capacités d’assistance, ce dans un contexte de ralentissement des dons de la communauté internationale.
4. L’Assemblée constate que certains retours ont été possibles à l’intérieur des frontières reconnues de la Géorgie. L’Assemblée félicite le Gouvernement géorgien pour ses efforts à trouver une solution à ses conflits internes et lui exprime son soutien à ce processus. Néanmoins, les problèmes de sécurité restent très préoccupants tant en Ossétie du Sud qu’en Abkhazie, et il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la confiance et créer les conditions préalables à des retours volontaires en grand nombre.
5. L’Assemblée doit aussi constater que les efforts poursuivis par l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour trouver une solution au conflit du Haut-Karabakh n’ont débouché à ce jour sur aucun résultat. Ces efforts se poursuivent. Elle déplore les incidents fréquents sur la ligne de cessez-le-feu et les incidents frontaliers, qui pénalisent les réfugiés et les personnes déplacées tout comme les populations locales. Elle regrette la nette insuffisance de coopération entre les deux pays à propos du sort des personnes disparues.
6. L’Assemblée attire également l’attention sur la présence de nombreuses mines, résultant du conflit du Haut-Karabakh, qui occasionnent encore des blessés et, parfois, des morts.
7. Un des principaux objectifs du règlement du conflit consiste à permettre aux réfugiés et aux personnes déplacées de retourner volontairement s’établir dans leur région d’origine.
8. L’Assemblée accueille favorablement le fait que l’Azerbaïdjan, l’Arménie et, dans une moindre mesure, la Géorgie soient maintenant engagés dans des programmes d’intégration locale de leurs réfugiés et personnes déplacées. Ces programmes présentent le double avantage de permettre à ces populations de retrouver leur dignité en vivant dans des conditions décentes et en exerçant une activité, ce qui leur permet de participer au développement des régions qui les ont accueillies, et les prépare au retour volontaire dans de meilleures conditions sociales, sanitaires et psychologiques.
9. Cependant, les obstacles à la réussite de ces programmes sont encore nombreux: la pauvreté, en particulier dans les régions rurales, est endémique et la malnutrition est inquiétante; le chômage reste très élevé; l’accès aux moyens de production et à la propriété est problématique; les infrastructures, notamment celles des centres collectifs ou des zones accueillant un grand nombre de personnes déplacées, sont souvent dans un état déplorable, ce qui représente un frein supplémentaire au développement; les écoles sont encore utilisées comme asiles pour les réfugiés et les personnes déplacées, alors qu’elles devraient pourvoir aux besoins d’éducation des enfants; et les services de santé sont encore inadéquats. Dans ces circonstances, l’assistance humanitaire et la prise en charge des réfugiés et des personnes déplacées ne peuvent être poursuivies sans l’aide internationale.
10. L’aide internationale humanitaire demeure par conséquent nécessaire et devra être augmentée et graduellement remplacée par l’aide internationale au développement, qui ne peut être limitée à la réponse aux besoins urgents des réfugiés et des personnes déplacées, mais doit bénéficier aussi aux populations locales.
11. Par conséquent, l’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
11.1. de soutenir financièrement les efforts de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie pour régler la situation des réfugiés – y compris ceux qui ont obtenu la citoyenneté – et des personnes déplacées, en aidant à la réhabilitation d’immeubles, à la construction de routes et d’infrastructures d’adduction d’eau et de transport d’électricité, à la construction d’hôpitaux et d’écoles, de manière à permettre à ces populations d’être plus activement intégrées tout en facilitant le développement des régions où elles vivent, sans oublier les populations locales, qui vivent elles aussi bien souvent sous le seuil de pauvreté, et en veillant à allouer des ressources financières pour soutenir les initiatives concernant la protection des droits de l’homme et les efforts de réconciliation dans ces trois pays;
11.2. de continuer à apporter une aide humanitaire là où les besoins se font sentir, tout en recherchant d’autres solutions à moyen et à long terme pour améliorer les conditions de vie, l’autonomie et l’intégration des personnes déplacées;
11.3. d’offrir leurs bons offices pour tenter de régler définitivement les conflits qui font encore rage et compromettent le développement de toute la région.
12. L’Assemblée appelle, d’autre part, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie:
12.1. à concentrer tous leurs efforts sur la recherche d’un règlement pacifique des conflits de la région afin de créer les conditions pour le retour volontaire, chez eux, des réfugiés et des personnes déplacées en toute sécurité et dans la dignité;
12.2. à poursuivre activement leur politique d’intégration locale des réfugiés et des personnes déplacées, en dehors des territoires occupés, toujours en concertation avec ceux-ci, et dans l’esprit que le droit au retour volontaire sera garanti par ces Etats, dès que les conditions d’un tel retour seront possibles, ce qui, pour la Géorgie, implique d’adopter des politiques et des mesures d’application claires pour l’intégration locale des réfugiés et des personnes déplacées, et de renforcer celles qui existent déjà;
12.3. à s’abstenir d’exploiter les réfugiés et les personnes déplacées à des fins politiques;
12.4. à faire du retour des personnes déplacées une priorité et à faire tout leur possible lors des négociations pour que ces personnes puissent effectuer ce retour en toute sécurité, avant même un règlement général;
12.5. à mieux coordonner les efforts des organisations internationales et non gouvernementales présentes sur place avec les politiques et les plans de développement du gouvernement;
12.6. à conformer leur législation à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, à la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) et à la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d’apatridie, en veillant à la pleine mise en œuvre de leurs dispositions;
12.7. à poursuivre leurs politiques d’incitation des projets internationaux d’aide dans les secteurs où les besoins se font sentir;
12.8. à conclure rapidement les négociations en cours avec la Banque de développement du Conseil de l’Europe, en vue d’y adhérer;
12.9. à coordonner leurs politiques d’aide aux réfugiés et aux personnes déplacées, et leurs politiques de développement, afin de tenir compte des opportunités matérielles, financières et autres que pourrait leur offrir l’Union européenne dans le cadre de sa nouvelle politique européenne de voisinage;
12.10. à intensifier un dialogue interrégional par l’instauration de mesures de confiance et la tenue de concertations régulières entre les administrations chargées des problèmes spécifiques des réfugiés et des personnes déplacées;
12.11. à poursuivre leurs efforts d’adaptation de leur législation afin de garantir aux réfugiés et aux personnes déplacées les mêmes droits politiques, civiques, économiques et sociaux que les populations locales, sans préjudice de leur statut;
12.12. à revoir les pratiques visant à considérer d’emblée les descendants de réfugiés et de personnes déplacées eux-mêmes comme des réfugiés et des personnes déplacées, afin de faciliter leur intégration locale;
12.13. à préparer, en concertation entre elles et avec les organisations internationales et non gouvernementales, et notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Comité international de la Croix-Rouge, les conditions du retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées, en établissant leurs besoins sur place et en tâchant d’évaluer objectivement le nombre réel de personnes qui pourraient et voudraient rentrer dans un premier temps;
12.14. à poursuivre leurs efforts en vue d’un règlement pacifique et définitif des conflits, basé sur les normes et principes du droit international, en faisant appel, si nécessaire, aux bons offices d’Etats, y compris de la région, et d’organisations internationales;
12.15. à développer une coopération pratique tendant à enquêter sur le sort des personnes disparues, ainsi qu’à faciliter la restitution de documents ou de propriétés, en particulier en se servant de l’expérience des Balkans dans le traitement de problèmes similaires.
13. L’Assemblée demande à la Géorgie d’octroyer un statut plus durable aux réfugiés reconnus, y compris les réfugiés tchétchènes, de leur offrir des raisons supplémentaires d’avoir confiance en leur avenir et de faciliter leur intégration locale.
14. L’Assemblée demande à l’Azerbaïdjan d’adopter une législation visant à assurer une protection subsidiaire aux personnes déplacées fuyant les situations de guerre ou aux personnes qui ont besoin d’une protection internationale et qui n’ont pas accès à la procédure d’asile.
15. L’Assemblée se félicite de la mise en œuvre complète par l’Arménie de la loi de 1999 sur les réfugiés, qui offre une forme de protection complémentaire et encourage le projet du législateur visant à étendre la définition de «réfugié» dans la législation à toutes les personnes nécessitant une protection internationale.