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Résolution 1553 (2007)
Personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie dans les conflits touchant les régions du Haut-Karabakh, d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud
1. La question des personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie continue de causer
une souffrance considérable aux familles des disparus. Elle alimente également les tensions dans la
région et entrave les efforts pour trouver une solution pacifique aux conflits au sujet des régions du
Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
2. C’est aux parties à un conflit ou à une situation de violence interne qu’incombe au premier chef la
responsabilité d’empêcher les disparitions, d’élucider le sort des personnes disparues et de répondre
aux besoins des familles.
3. La question des personnes disparues est un problème humanitaire avec des implications en matière
de droits de l’homme et de droit international humanitaire. Elle ne doit pas être traitée comme une
question politique et ne devrait par conséquent pas dépendre du règlement politique des conflits dans
la région.
4. Le règlement de la question des personnes disparues pourrait contribuer à réduire les niveaux
d’hostilité, de méfiance et d’intolérance, à instaurer la confiance dans la région et à faciliter les
efforts pour trouver un règlement politique aux conflits dans la région.
5. Le temps est une donnée essentielle lorsqu’on veut résoudre la question des disparus. Les retards
ne font qu’accroître l’incertitude et la souffrance des familles, et réduire la probabilité de retrouver,
d’identifier et de restituer les disparus.
6. Le nombre total de personnes disparues dans la région de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la
Géorgie s’élève à 7 538 personnes, dont, selon les parties respectives, 4 499 Azerbaïdjanais et
947 Arméniens à la suite du conflit au sujet de la région du Haut-Karabakh, et 1 763 Géorgiens et
197 Abkhazes à la suite du conflit au sujet de la région de l’Abkhazie. S’agissant du conflit au sujet
de la région de l’Ossétie du Sud, les autorités géorgiennes ont signalé la disparition de 10 Géorgiens
et de 122 Ossètes du Sud à la suite du conflit.
7. Le droit de connaître le sort des proches disparus est un droit fondamental des familles concernées
qui doit être garanti. Le droit de savoir est fermement ancré dans le droit international humanitaire.
En outre, la pratique publique établit comme norme du droit international coutumier, applicable à la
fois aux conflits armés internationaux et non internationaux, les obligations qui incombent à chaque
partie au conflit armé de prendre toutes les mesures possibles pour retrouver les personnes portées
disparues à la suite d’un conflit armé, et de fournir aux membres de leur famille toute information
qu’elle détient sur leur sort. Le droit de savoir est également ancré dans les droits protégés par la
Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5), notamment ses articles 2, 3, 5, 8, 10 et 13.
8. L’Assemblée parlementaire, tout en reconnaissant les efforts déployés par les autorités, regrette
que la question des disparus en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie n’ait en grande partie pas été
résolue, alors même que plus de douze ans se sont écoulés depuis la fin des hostilités dans la région.
9. L’Assemblée est préoccupée par les allégations constantes de détention au secret de personnes
portées disparues et considère que de telles allégations devraient être transmises au Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) afin que
toute la lumière soit faite à leur sujet. Les rumeurs persistantes ne font qu’accroître les tensions dans
la région et ajouter à la souffrance des familles, en particulier dans la mesure où les chances que les
personnes disparues soient encore en vie après une si longue période sont très minces.
10. L’Assemblée souligne que la question des disparus ne peut être réglée unilatéralement par l’une
des parties concernées et qu’une coopération étroite et une coordination sont nécessaires entre les
différentes parties au conflit. A cet égard, l’Assemblée considère qu’il est indispensable d’adresser
ses recommandations non seulement à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan et à la Géorgie, mais également
aux «administrations» des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, par
l’intermédiaire des autorités des pays concernés. Elle réaffirme la souveraineté et l’intégrité
territoriale de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie, et les recommandations qui figurent dans
la présente résolution n’impliquent aucune forme de reconnaissance politique des régions du Haut-
Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
11. En conséquence, l’Assemblée invite instamment l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ainsi que
les «administrations» des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud:
11.1. à apporter tout leur soutien au règlement de la question des disparus;
11.2. à dépolitiser la question et à la considérer en tant que problème humanitaire et de
droits de l’homme;
11.3. à ne pas agir sur la base de la réciprocité pour traiter la question des disparus. Le
fait d’échanger des informations ou de prendre des mesures, par exemple, ne devrait
pas être conditionné au fait que l’autre partie fournisse également des informations ou
prenne des mesures;
11.4. à adopter et mettre en oeuvre, conformément aux normes internationales applicables, un cadre juridique interne approprié, assorti des mesures réglementaires
nécessaires, pour faire face à la question des disparus et tenir compte des obligations
internationales applicables;
11.5. à se mettre d’accord sur des listes consolidées des disparus avec le Comité
international de la Croix-Rouge (CICR) et les autres parties au conflit;
11.6. à veiller à la mise en place et au fonctionnement des commissions chargées de la
question des disparus, et à garantir leur fonctionnement quotidien au moyen de
structures adéquates telles que des groupes de travail ou d’autres mécanismes
appropriés. Ces commissions et leurs structures associées devraient avoir un mandat
clair établi par la loi, ainsi que les ressources et les pouvoirs nécessaires:
11.6.1. pour collecter, centraliser et traiter activement toutes les
informations concernant les personnes disparues, les événements liés et
les lieux de sépulture;
11.6.2. pour organiser, mettre en oeuvre et contrôler toutes les activités
nécessaires pour retrouver toutes les personnes disparues (combattants et
civils de toutes les parties), y compris retrouver et identifier les restes
humains;
11.6.3. pour informer les familles sur les progrès accomplis dans le
règlement de la question des disparus et leur apporter un soutien en
fonction de leurs besoins spécifiques;
11.6.4. pour établir des liens et des relations de travail avec leurs
homologues d’autres commissions et groupes de travail, et pour élaborer
ensemble des protocoles d’accord appropriés pour les guider dans leurs
activités;
11.6.5. pour garantir la fonction humanitaire et non judiciaire de leurs
activités;
11.6.6. pour inclure, le cas échéant, les représentants des familles des
disparus dans la composition des commissions et des structures
associées;
11.7. à mettre en place un mécanisme de coordination multilatéral pour chaque conflit
respectif (Haut-Karabakh, Abkhazie et Ossétie du Sud) afin de définir et de mettre en
oeuvre les procédures d’élucidation du sort des personnes disparues, en particulier pour
ce qui est de retrouver et d’identifier les restes humains;
11.8. à collecter, gérer et protéger les données, telles que les données ante mortem, afin
d’identifier les disparus; à apporter à cet égard un soutien psychologique et de formation à ceux qui collectent ces données ainsi qu’un soutien psychologique aux
membres des familles qui fournissent ces données;
11.9. à prendre toutes les mesures nécessaires pour retrouver et identifier les restes
humains des disparus, notamment:
11.9.1.
11.9.2. localiser les lieux de sépulture possibles et échanger des
informations à leur sujet;
11.9.3. convenir des procédures à suivre pour l’exhumation des tombes
et l’identification des restes humains;
11.9.4. former ceux qui manieront des restes humains de manière à
garantir le respect des normes et à harmoniser les techniques;
11.10. à fournir un cadre juridique interne approprié afin de clarifier le statut juridique,
de garantir les intérêts de toutes les personnes disparues et de prévoir les mesures
juridiques et administratives appropriées pour répondre aux besoins matériels et
juridiques des membres de la famille et personnes à charge, couvrant ainsi des
questions comme la garde des enfants de la personne disparue, les droits successoraux,
les droits de remariage, les droits à pension et le droit à une assistance publique;
11.11. à apporter une aide matérielle, sociale et psychologique aux familles des
disparus;
11.12. à prendre des mesures pour protéger la mémoire des disparus, notamment en
apportant un soutien aux livres du souvenir, aux monuments et aux musées des
disparus, aux journées consacrées à la mémoire des disparus.
12. L’Assemblée invite instamment l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ainsi que les
«administrations» des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud:
12.1. à apporter un soutien aux initiatives de la société civile en faveur des familles des
disparus et à celles liées au règlement de la question des disparus;
12.2. à faciliter les contacts, y compris les contacts transfrontaliers, entre les familles
des disparus;
12.3. à prendre position publiquement au plus haut niveau en faveur du règlement de la
question des disparus et à s’abstenir de toute déclaration en relation avec les disparus
susceptible d’engendrer des sentiments d’animosité et de haine à l’égard des autres
parties au conflit;
12.4. à garantir un contrôle parlementaire sur la question des disparus, notamment en
organisant un débat sur le contenu de la présente résolution.
13. L’Assemblée reconnaît que les progrès pour résoudre la question des disparus varient d’un conflit
à l’autre, et propose par conséquent de soumettre plusieurs recommandations prioritaires à chacune
des parties. Ces recommandations ne devraient en aucune façon être considérées comme limitant la
priorité, pour toutes les parties, de disposer de commissions bien établies et opérationnelles, de
collecter activement des informations, d’établir des mécanismes de coopération, de fournir le cadre
juridique nécessaire, de pourvoir aux besoins des familles des disparus, et d’appliquer les autres
mesures mentionnées précédemment.
14. L’Assemblée invite instamment l’Arménie, à titre prioritaire:
14.1. à veiller à ce que la commission devienne pleinement opérationnelle et à ce qu’un
groupe de travail soit mis sur pied pour traiter les questions qui se présentent au
quotidien;
14.2. à veiller à ce que des contacts de travail soient établis avec la commission mise en
place en Azerbaïdjan;
14.3. à poursuivre la collecte des données ante mortem;
14.4. à recueillir et échanger les informations pertinentes au sujet d’éventuels lieux de
sépulture.
15. L’Assemblée invite instamment l’Azerbaïdjan, à titre prioritaire:
15.1. à ratifier les deux Protocoles additionnels à la Convention de Genève;
15.2. à veiller à ce que des contacts de travail soient établis avec la commission
instituée en Arménie et à ce qu’un modus operandi soit mis en place pour travailler
avec la commission dans la région du Haut-Karabakh;
15.3. à poursuivre la collecte des données ante mortem;
15.4. à recueillir et échanger des informations pertinentes au sujet d’éventuels lieux de
sépulture.
16. L’Assemblée invite instamment l’«administration» de la région du Haut-Karabakh, à titre
prioritaire:
16.1. à mettre en place un modus operandi pour travailler avec la commission en
Azerbaïdjan;
16.2. à poursuivre la collecte des données ante mortem;
16.3. à recueillir et échanger des informations pertinentes au sujet d’éventuels lieux de
sépulture.
17. L’Assemblée invite instamment la Géorgie, à titre prioritaire:
17.1. à poursuivre son travail d’identification des lieux de sépulture et à partager ces
informations avec les parties abkhaze et de l’Ossétie du Sud;
17.2. à continuer à former les personnes chargées des exhumations et à procéder à ces
exhumations avec les autres parties dès lors que les normes et les techniques seront
harmonisées;
17.3. à s’abstenir d’appliquer toute conditionnalité dans le cadre de sa coopération avec
la commission abkhaze.
18. L’Assemblée invite instamment l’«administration» de la région de l’Abkhazie, à titre de priorité:
18.1. à adopter le mandat de la commission chargée de la question des personnes
disparues, en tenant pleinement compte des recommandations du CICR;
18.2. à apporter un soutien et des ressources supplémentaires à la commission de
manière à ce qu’elle dispose de la capacité de traiter au quotidien la question des
personnes disparues;
18.3. à s’abstenir d’appliquer toute conditionnalité dans le cadre de sa coopération avec
la commission géorgienne;
18.4. à travailler avec la commission géorgienne à l’identification d’autres lieux de
sépulture;
18.5. à continuer de former les personnes chargées des exhumations et à procéder à ces
exhumations avec les autres parties dès lors que les normes et les techniques seront
harmonisées.
19. L’Assemblée invite instamment l’«administration» de la région de l’Ossétie du Sud, à titre
prioritaire:
19.1. à rétablir la commission sur les disparus;
19.2. à travailler avec la partie géorgienne à l’identification d’éventuels lieux de
sépulture.
20. L’Assemblée invite également les gouvernements des Etats membres:
20.1. à aider les autorités et les «administrations» de la région concernées par le
règlement de la question des disparus;
20.2. à soutenir les activités du CICR;
20.3. à apporter un soutien aux associations des familles des disparus et aux acteurs de
la société civile s’occupant de la question des disparus, notamment en facilitant les
rencontres entre les familles des disparus des différentes parties.
21. L’Assemblée invite le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à suivre de
près la question des personnes disparues dans la région et à se servir de son influence pour
promouvoir la coopération régionale sur cette question.
22. L’Assemblée invite sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats
membres du Conseil de l’Europe à prendre également en compte la question des personnes disparues
dans ses activités de suivi concernant l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie.
23. L’Assemblée invite également la commission ad hoc du Bureau sur la mise en oeuvre du paragraphe 5 de la Résolution 1416 (2005) sur le conflit du Haut-Karabakh, traité par la Conférence de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à prendre en compte la question des personnes disparues dans ses travaux.
24. L’Assemblée invite le représentant personnel de la présidence en exercice pour le conflit objet de
la Conférence de Minsk de l’OSCE à veiller à ce qu’un soutien total soit apporté pour régler la
question des disparus, qui doit être dépolitisée et considérée en tant que problème humanitaire et de
droits de l’homme.
25. L’Assemblée invite la mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (UNOMIG) à
apporter tout son soutien au processus de règlement de la question des personnes disparues dans la
région de l’Abkhazie.
26. L’Assemblée reconnaît le rôle joué par le CICR qui travaille avec les parties au conflit dans la
région pour les aider à régler la question des disparus. L’Assemblée encourage le CICR à poursuivre
cette tâche essentielle dans cette région.