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Résolution 1588 (2007)

Déchets radioactifs et protection de l’environnement

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 23 novembre 2007 (voir Doc. 11377, rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. Meale).

1. Les déchets radioactifs sont potentiellement très dangereux pour la santé de l’homme et l’environnement, et ils continueront de l’être pour les générations futures, jusqu’à ce que leur radioactivité ait décru à de faibles niveaux; c’est pourquoi il importe de surveiller de très près leur gestion, en particulier leur entreposage et leur stockage. Dans sa Résolution 1435 (2005) sur les systèmes énergétiques et l’environnement, l’Assemblée parlementaire soulignait la nécessité d’évaluer l’entreposage à long terme et le stockage des combustibles usés et des autres formes de déchets nucléaires.
2. Après quelques décennies de stagnation, l’énergie nucléaire a reçu dernièrement une nouvelle impulsion en Europe, particulièrement parce qu’en tant qu’énergie «propre» elle contribue à ralentir le changement climatique et qu’elle répond à la nécessité de réduire la dépendance énergétique de l’Europe, questions dont l’Assemblée a traité récemment dans sa Recommandation 1779 (2007) et sa Résolution 1531 (2007) sur le danger de l’utilisation de l’approvisionnement énergétique comme instrument de pression politique.
3. La Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (la convention commune) de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est entrée en vigueur en 2001. Aujourd’hui, la convention commune, les normes internationales de sûreté des déchets publiées par l’AIEA et d’autres organisations internationales, ainsi que les mécanismes de l’AIEA permettant d’assurer l’application de ces normes ont abouti à un régime international de facto en matière de radiation et de sûreté nucléaire. La convention commune stipule que «chaque Partie contractante prend les mesures appropriées pour que, à tous les stades de la gestion des déchets radioactifs, les individus, la société et l’environnement soient protégés de manière adéquate contre les risques radiologiques et autres».
4. En ce qui concerne les déchets faiblement ou moyennement radioactifs, une série de solutions à long terme ont été trouvées et sont d’ores et déjà appliquées, en particulier les sites d’entreposage en surface ou proches de la surface.
5. Un réacteur nucléaire ordinaire de 1 000 MW produit en moyenne 25 tonnes de combustible usé par an. Le combustible usé fait partie des déchets hautement radioactifs, qui représentent environ 1 % du total des déchets nucléaires. Plus de 60 000 tonnes de combustible usé sont déjà entreposées en Europe sur les sites des réacteurs ou ailleurs. C’est là une réalité dont il faut s’occuper, indépendamment des tendances observées dans l’évolution de l’industrie nucléaire en Europe.
6. S’agissant de la gestion des combustibles usés, on envisage ou on applique déjà les options suivantes:
6.1. stockage des combustibles usés dans des dépôts géologiques;
6.2. retraitement des combustibles usés, recyclage du plutonium et de l’uranium retraités, et stockage des déchets résiduels après les opérations de retraitement;
6.3. politique d’attentisme consistant à entreposer les combustibles usés et à prendre une décision au sujet de leur retraitement ou de leur stockage plus tard.
7. La solution généralement préconisée par les experts est le stockage dans des dépôts géologiques profonds, où le confinement physique et chimique des déchets est assuré à la fois par des barrières naturelles et des dispositifs ouvragés. Toutefois, le choix de sites d’enfouissement s’est avéré difficile dans un certain nombre de pays européens: plusieurs pays ont des structures géologiques inappropriées et, dans de nombreux cas, la population continue d’avoir des craintes quant à la sûreté de cette formule et de se méfier de la technologie employée, et elle ne connaît pas suffisamment les options en présence.
8. Plusieurs pays ont déjà pris des mesures concrètes en vue de la conception et de la construction d’installations géologiques de stockage. Néanmoins, l’état d’avancement de ces projets varie beaucoup selon les pays, ces derniers ayant retenu des méthodes et des calendriers différents à la fois pour consulter l’opinion publique et pour mettre effectivement en pratique les résultats de la recherche. Les pays les plus avancés à cet égard sont la Suède et la Finlande, où le stockage en sites d’enfouissement profond deviendra effectif d’ici à quelques années.
9. La question des déchets nucléaires soulève non seulement le problème technique posé par la construction des installations de stockage définitif, mais aussi le problème éthique de nos responsabilités vis-à-vis des générations futures. Les dépôts destinés à recevoir les combustibles nucléaires usés et les déchets hautement radioactifs doivent être construits de telle sorte qu’ils ne nécessitent qu’un entretien minime, voire aucun, surtout à long terme. Toutefois, les générations futures devront pouvoir à la fois contrôler et, si nécessaire, retirer de ces dépôts les combustibles usés et les déchets hautement radioactifs ainsi stockés (par exemple si, d’ici là, les progrès de la technologie offrent de meilleures solutions, ou bien s’il s’est produit entre-temps des incidents – géologiques, liés à la sûreté, etc. – qui risquent d’affecter la sécurité du dépôt).
10. L’Assemblée se déclare préoccupée par la gestion inappropriée des déchets nucléaires que l’on signale dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe.
11. L’Assemblée demande aux Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe ayant à faire face au problème de la gestion des déchets nucléaires:
11.1. d’encourager les tests géologiques pour identifier des sites appropriés (c’est-à-dire présentant des garanties de stabilité à long terme et autorisant l’usage de multiples barrières pour empêcher les radionucléides d’atteindre la surface terrestre) à la construction de dépôts géologiques profonds pour le stockage des déchets radioactifs (solution considérée à l’heure actuelle comme la plus appropriée), afin d’assurer la sauvegarde à long terme de l’environnement et – si de tels sites sont identifiés – d’y construire ces dépôts;
11.2. de soutenir la recherche et le développement visant à trouver des solutions alternatives à l’enfouissement des déchets radioactifs dans des dépôts géologiques profonds (par exemple la modification de la composition isotopique dans le but de rendre les déchets inoffensifs plus rapidement);
11.3. d’assurer l’indépendance effective des autorités nationales chargées du contrôle et de la gestion des déchets nucléaires;
11.4. d’organiser des débats publics et parlementaires sur les options relatives à la gestion, aux méthodes de stockage et au choix des sites de stockage des déchets nucléaires;
11.5. de sensibiliser davantage les citoyens à tous les aspects de la gestion des déchets radioactifs, en promouvant une politique de transparence au sujet de la production, du transport, de l’entreposage et du stockage définitif des déchets;
11.6. de veiller à ce que le transport des déchets nucléaires depuis les sites de production jusqu’aux sites d’entreposage et/ou de stockage se fasse dans le respect intégral des principes de la convention commune de l’AIEA;
11.7. de prendre des mesures appropriées pour accroître la sûreté et la sécurité vis-à-vis d’éventuelles actions de nature terroriste, que ce soit sur les sites des réacteurs, durant le transport des déchets radioactifs ou sur les sites actuels d’entreposage;
11.8. de veiller à ce que la construction de tous les sites d’entreposage et/ou de stockage soit faite sous une stricte surveillance gouvernementale et internationale, pour que le respect de toutes les normes de sécurité et de qualité soit garanti;
11.9. de veiller, s’ils construisent des dépôts, à ce que les générations futures puissent en contrôler les déchets nucléaires et, si cela s’avère nécessaire, les retirer, tout en ne perdant pas de vue qu’une telle opération de retrait ne devra être ni trop facile, ni trop rapide à réaliser;
11.10. de faire participer le plus possible les collectivités locales, les citoyens et les ONG aux décisions concernant le choix des sites possibles où construire des dépôts de stockage définitif ou autres, afin d’accroître la confiance du grand public dans les méthodes présidant à ce choix comme dans les techniques de gestion à long terme des déchets nucléaires;
11.11. de permettre aux collectivités locales concernées et aux citoyens vivant à proximité des dépôts prévus de faire valoir dans toute la mesure du possible leurs opinions, tout en leur offrant d’être associés au projet par un contrat de collaboration;
11.12. de permettre aux collectivités locales concernées de prendre part à la gestion de tout site de stockage situé sur leurs territoires respectifs;
11.13. de s’assurer que les données sur les sites de stockage soient centralisées à la fois aux niveaux national et international, notamment en collaboration avec l’AIEA, afin qu’aucune perte d’informations ne puisse nuire aux générations futures;
11.14. de ratifier dès que possible, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention commune de l’AIEA sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, et de se conformer strictement à ses prévisions.
12. Enfin, l’Assemblée invite l’Union européenne à élaborer, en coordination avec l’AIEA, des normes et principes communs à respecter dans la gestion des déchets nucléaires, et notamment dans l’établissement ultérieur de dépôts destinés au stockage définitif des déchets nucléaires dans ses Etats membres, ces normes et principes pouvant s’étendre, le cas échéant, à toute la zone géographique paneuropéenne.