Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1642 (2009)
Accès aux droits des personnes handicapées, et pleine et active participation de celles-ci dans la société
1. Plus d’une personne sur dix
souffre d’une forme quelconque de handicap, ce qui représente au
total 650 millions de personnes dans le monde, avec une proportion
encore plus forte en Europe, qui compte à elle seule jusqu’à 200 millions
de personnes handicapées. On constate une corrélation entre l’âge
et le handicap, car, sous l’effet du vieillissement de la population
et de l’amélioration des soins de santé, le nombre de personnes
handicapées en Europe s’accroît et continuera d’augmenter.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle que la Convention européenne
des droits de l’homme du Conseil de l’Europe (STE no 5)
protège toute personne, y compris les personnes handicapées, et
que l’article 15 de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163)
garantit expressément aux personnes handicapées l’exercice effectif
du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation
à la vie de la communauté. Plus récente et très attendue, la Convention
des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
est entrée en vigueur le 3 mai 2008. L’Assemblée salue ce texte
qui décrit en détail les droits des personnes handicapées, y compris
des enfants handicapés, et qui contribuera certainement au changement
de perception essentiel à l’amélioration de la situation physique
et mentale de ces personnes.
3. L’Assemblée constate que, dans la pratique, l’accès aux droits
des personnes handicapées physiques et mentales à égalité avec les
personnes valides reste souvent un vœu pieux et se révèle insuffisant.
Aussi se félicite-t-elle de l’élaboration par le Conseil de l’Europe
du Plan d’action 2006-2015 pour la promotion des droits et de la
pleine participation des personnes handicapées (Recommandation Rec(2006)5
du Comité des Ministres), qui cherche à répondre concrètement aux
problèmes les plus graves et les plus courants rencontrés par les
personnes handicapées, et à favoriser l’égalité des chances, et
qui préconise un ensemble de mesures pour améliorer la situation
des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie quotidienne.
4. L’Assemblée considère que ce plan d’action du Conseil de l’Europe
relatif aux personnes handicapées doit servir de document de référence
pour toutes les nouvelles politiques et actions adoptées dans le
domaine du handicap, et d’outil de promotion en Europe de la Convention
des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
Elle invite tous les Etats membres à participer, à promouvoir et
à mettre en œuvre ce plan d’action, aussi bien au plan national
qu’au niveau local, et à initier les réformes nécessaires pour enfin rectifier
les inégalités qui perdurent malgré les multiples déclarations d’intention.
5. De plus, l’Assemblée demande aux Etats membres, par le biais
de leurs parlements nationaux, de communiquer régulièrement au Conseil
de l’Europe les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan d’action.
Elle invite également les organes compétents du Conseil de l’Europe
à faire le point sur la situation à mi-parcours de ce plan d’action
2006-2015 relatif aux personnes handicapées en organisant une conférence européenne
en 2010.
6. L’Assemblée invite les Etats membres à intégrer les questions
du handicap dans tous les domaines de la décision politique, à s’assurer
que tous les programmes relatifs au handicap bénéficient des ressources suffisantes
et à veiller à ce que les personnes handicapées physiques et mentales
puissent jouir de la pleine citoyenneté sur un pied d’égalité avec
les autres. La lutte contre les discriminations et les violences,
et l’adoption de mesures positives doivent aller de pair. Pour accélérer
l’intégration dans la société, l’Assemblée estime que certains domaines
clés d’intervention doivent être traités en priorité.
7. Tout d’abord, l’Assemblée invite les Etats membres à s’assurer
que les personnes handicapées disposent de la capacité juridique
et l’exercent au même titre que les autres membres de la société:
7.1. en garantissant que personne
ne limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions,
que les mesures les concernant soient adaptées à leur situation
et qu’une tierce personne puisse les aider à prendre des décisions;
7.2. en prenant les mesures nécessaires pour que, en conformité
avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes
handicapées et son protocole facultatif, les personnes mises sous
tutelle ne se voient pas privées de leurs droits fondamentaux (y
compris leur droit d’accéder à la propriété, d’avoir un emploi,
une vie de famille, de se marier, de voter, de créer ou rejoindre
une association, de faire appel à la justice et de rédiger un testament)
et que, lorsqu’elles ont besoin d’une aide extérieure pour les exercer,
une assistance adéquate leur soit accordée sans se substituer à
leur volonté;
7.3. en prévoyant des garanties suffisantes contre les abus
commis sur des personnes sous tutelle, notamment en mettant en place
des mécanismes de contrôle régulier de la tutelle et en s’assurant
que la législation prévoit des examens obligatoires, réguliers et
significatifs de la tutelle, auxquels la personne concernée est
pleinement associée et pour lesquels elle est convenablement représentée
sur le plan juridique.
8. L’Assemblée estime que, pour permettre la participation active
des personnes handicapées à la société, il est impératif de respecter
leur droit de vivre au sein de la collectivité. Elle invite les
Etats membres:
8.1. à s’investir
dans le processus de désinstitutionnalisation en réorganisant les
services et en réaffectant les ressources des établissements spécialisés
aux services de proximité;
8.2. à proposer une assistance adaptée et durable, essentiellement
en moyens humains et matériels (en particulier financiers), aux
familles qui s’occupent d’un proche handicapé à domicile;
8.3. à mettre en place des organes efficaces et indépendants
d’inspection des établissements spécialisés existants.
9. S’agissant de l’emploi, l’Assemblée invite les Etats membres
à assurer – dans toute la mesure du possible – aux personnes handicapées
l’accès à un emploi durable:
9.1. par
des mesures d’incitation à travailler lorsqu’elles le peuvent; après
une évaluation objective et individuelle de l’employabilité des
personnes handicapées, un accompagnement doit leur permettre de trouver
un emploi approprié ou de retrouver leur emploi précédent;
9.2. par des mesures spécifiques appropriées pour faciliter
l’insertion professionnelle des jeunes adultes handicapés au sortir
des institutions où ils ont passé toute leur vie;
9.3. par la protection des personnes handicapées contre la
discrimination, à chacune des étapes de l’embauche – de la sélection
au recrutement – et tout au long du parcours professionnel;
9.4. par des mesures réellement incitatives pour encourager
les employeurs à employer des personnes handicapées, notamment par
l’application de procédures de recrutement qui garantissent que
les offres d’emploi sont effectivement proposées aux personnes handicapées,
et en procédant à des aménagements raisonnables du lieu et/ou des
conditions de travail;
9.5. par la prise en compte, dans la législation et les réglementations
en matière de santé et de sécurité, des besoins spécifiques des
personnes handicapées et l’élimination de toute disposition discriminatoire
à leur égard;
9.6. par la mise en œuvre de mesures de soutien telles que
l’emploi protégé ou assisté pour les personnes qui ont besoin d’une
aide personnalisée sur le marché du travail; il faut également faire
en sorte que les personnes handicapées puissent passer d’un emploi
protégé ou assisté à un emploi normal;
9.7. par des mesures incitant les employeurs à créer de nouveaux
emplois, spécifiquement à l’intention des personnes handicapées.
10. Dans le domaine de l’éducation, autre domaine prioritaire,
l’Assemblée invite les Etats membres:
10.1. à reconnaître à toutes les personnes handicapées, et tout
particulièrement aux enfants, quelles que soient la nature et la
gravité de leur handicap, un accès égal à l’éducation, à tous les
niveaux, et à accorder une attention particulière aux besoins éducatifs
des enfants vivant dans des établissements spécialisés;
10.2. à soutenir et à promouvoir l’apprentissage et la formation
professionnelle tout au long de la vie des personnes handicapées;
il est important que des transitions puissent être assurées entre
chaque phase de leur éducation et entre l’éducation et l’emploi;
10.3. à veiller à ce que tous les programmes et matériels pédagogiques
du système d’enseignement général soient accessibles aux personnes
handicapées;
10.4. à garantir l’accès à une éducation non traditionnelle
afin que les personnes handicapées puissent développer des aptitudes
qu’elles ne pourraient pas acquérir par le biais de l’éducation
normale.
11. L’Assemblée invite les Etats membres à assurer le respect
des droits des personnes handicapées à tous les niveaux du système
éducatif, par toute mesure appropriée, notamment par la sensibilisation
des enfants au handicap dès leur plus jeune âge, dans le cadre des
programmes d’enseignement dispensés dans les écoles et les institutions
d’enseignement général.
12. Pour l’Assemblée, créer une société pour tous implique un
accès égal de tous les citoyens à l’environnement dans lequel ils
vivent. Elle invite les Etats membres à rendre cet environnement
réellement accessible aux personnes handicapées et à supprimer les
obstacles existants qui les empêchent de participer pleinement à
la vie quotidienne et de jouir de leurs droits fondamentaux:
12.1. en intégrant les principes de
la conception universelle dans la formation à tous les métiers concernant
l’environnement bâti, tels que les architectes, les ingénieurs ou
les urbanistes, afin de simplifier la vie de tous en rendant l’environnement
plus accessible, facile d’utilisation et compréhensible;
12.2. en supprimant tous les obstacles existant dans les bâtiments
publics et les espaces publics intérieurs et extérieurs, et en veillant
à ne pas créer de nouvelles difficultés. Toutes les nouvelles constructions
doivent être conformes aux principes de la conception universelle,
comme les trottoirs, qui ne doivent pas être construits sans bordures
inclinées;
12.3. en accordant une attention particulière à la sécurité
des personnes handicapées dans la conception et la réalisation des
procédures d’évacuation et d’urgence;
12.4. en permettant aux animaux, assistant ou guidant les personnes
handicapées, le libre accès à tous les bâtiments et espaces publics.
13. L’Assemblée invite les Etats membres à œuvrer en faveur de
l’égalité d’accès aux installations sociales, aux sites culturels
et aux installations sportives, et à sensibiliser l’opinion au potentiel
qu’offrent l’exercice physique, les sports, un mode de vie sain
et les méthodes psychologiques de rééducation dans la réalisation de
l’intégration et de la réinsertion sociales. L’Assemblée invite
les Etats membres à promouvoir la recherche scientifique dans ces
domaines et à consentir un effort particulier en faveur du développement
et de la promotion du mouvement paralympique.
14. L’Assemblée considère que l’accessibilité au transport demeure
un domaine prioritaire, malgré de réels progrès dans la mise en
œuvre de politiques de transports accessibles, notamment des transports
publics. Elle invite les Etats membres:
14.1. à incorporer une sensibilisation au handicap dans les
cours de formation standard destinés au personnel des transports
publics;
14.2. à obliger les responsables des services de transport public
à fournir des services accessibles à tous les utilisateurs;
14.3. à autoriser et à prévoir une place pour les animaux assistant
ou guidant (les chiens d’aveugle, par exemple) les personnes handicapées
dans tous les transports publics;
14.4. à prévoir un nombre suffisant de places de parking adaptées
pour les véhicules des personnes handicapées à mobilité réduite
et à s’assurer qu’ils en sont les seuls utilisateurs.
15. L’Assemblée demande aux Etats membres d’assurer l’égalité
d’accès des personnes handicapées aux soins de santé et de promouvoir
la consultation des personnes handicapées ou de leurs représentants
dans le processus de décision relatif à leurs soins. Il convient
de veiller:
15.1. à ce que toutes
les informations pertinentes leur soient fournies de manière compréhensible;
15.2. à donner la priorité à l’adoption de directives appropriées
et de mesures efficaces de détection, de diagnostic et de traitement
du handicap à un stade précoce; il convient d’élaborer des directives appropriées
pour la détection précoce ainsi que des mesures d’intervention;
15.3. à tenir compte du vieillissement de la population et des
conséquences sanitaires qui en découlent, notamment pour les personnes
handicapées;
15.4. à ce que les professionnels des soins de santé de tous
les Etats membres acceptent la dimension des droits humains et sociaux
des personnes handicapées, et ne se concentrent pas uniquement sur l’aspect
médical du handicap;
15.5. à former des professionnels, en particulier des travailleurs
sociaux et professionnels de santé, en nombre suffisant et à promouvoir
la prévention de la maltraitance auprès de l’ensemble des acteurs
des établissements de soins;
15.6. à offrir, avec la participation des intéressés, des services
de réadaptation complets, accessibles et adaptés afin de permettre
aux personnes handicapées de parvenir à une autonomie maximale et d’exploiter
au mieux leurs capacités physiques, mentales, professionnelles et
sociales.
16. L’Assemblée invite les Etats membres à garantir aux personnes
handicapées le plein accès aux médias, y compris à la presse écrite,
aux médias électroniques et à l’internet.
17. Le nombre croissant de personnes âgées en Europe augmente
le risque de handicap, d’autonomie réduite, de recours accru à divers
services d’assistance et de détérioration de la qualité de la vie.
De nombreux facteurs de risque concernant le handicap chez les personnes
âgées, dont plusieurs sont liés à des critères socio-économiques
et aux conditions de vie, sont cependant modifiables, mais le manque
de données concernant les personnes handicapées est un frein à l’élaboration
de politiques pertinentes. L’Assemblée estime donc qu’il est urgent
d’effectuer des recherches sur les soins de santé propres aux personnes
âgées handicapées et de conduire des études économiques en la matière,
ainsi que:
17.1. des recherches sur
les facteurs de risque liés à l’environnement, qui n’ont pas fait
l’objet d’un intérêt particulier jusqu’à présent;
17.2. des recherches approfondies sur les mesures visant à réadapter
et à réintégrer les personnes handicapées dans la communauté;
17.3. d’encourager la recherche scientifique appliquée, notamment
en ce qui concerne les nouvelles technologies, les appareils et
les produits pouvant contribuer à une vie autonome et à une meilleure participation
des personnes handicapées à la vie de la communauté.
18. Considérant que l’attitude de la société, les préjugés et
les mentalités figées demeurent l’obstacle le plus important à l’accès
aux droits des personnes handicapées et à leur pleine et active
participation dans la société, l’Assemblée invite les Etats membres:
18.1. à intensifier les campagnes
d’information et de sensibilisation du grand public aux questions relatives
au handicap;
18.2. à poursuivre et à réprimer juridiquement les pratiques
discriminatoires et les attitudes inacceptables à l’encontre des
personnes handicapées, en particulier les actes de maltraitance,
qu’ils soient individuels ou commis au sein d’établissements de
soins;
18.3. à diffuser des exemples de bonnes pratiques dans tous
les domaines de la vie courante, afin de faire mieux comprendre
– à tous et particulièrement aux plus jeunes – la
portée de cette question, que ce soit dans la société civile, dans
l’environnement professionnel ou dans le milieu éducatif;
18.4. à garantir la participation pleine et active des personnes
handicapées à chacun de ces processus.
19. L’Assemblée invite les Etats membres concernés à démontrer
leur volonté politique d’accélérer l’accès aux droits des personnes
handicapées en ratifiant et en mettant en œuvre:
19.1. la Charte sociale européenne
révisée – en acceptant notamment l’article 15 sur les personnes handicapées – et son protocole additionnel
prévoyant un système de réclamations collectives qui permet à des
organisations non gouvernementales nationales et/ou internationales
de soumettre des réclamations au Comité européen des Droits sociaux
en cas de violation de ces derniers par les Etats;
19.2. la récente Convention des Nations Unies relative aux droits
des personnes handicapées et son protocole facultatif qui permet
également aux particuliers et aux groupes de particuliers de faire
valoir leurs droits.