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Résolution 1645 (2009)
Enquêtes sur les crimes qui auraient été commis par de hauts responsables sous le régime Koutchma en Ukraine: l’affaire Gongadze, un exemple emblématique
1. L’Assemblée
parlementaire, rappelant sa Résolution
1466 (2005) sur le respect des obligations et engagements de l’Ukraine,
souligne l’importance qu’elle attache à la sécurité des journalistes
et des militants politiques, notamment ceux liés à des groupes d’opposition,
dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. Les crimes perpétrés à l’encontre de journalistes et de militants
politiques doivent donner lieu à une enquête des autorités compétentes,
en priorité et sans ingérence politique. Les autorités doivent s’efforcer d’identifier
les auteurs directs de ces crimes mais également leurs commanditaires
et organisateurs, sans égard au grade et à la fonction des suspects.
3. S’agissant de l’affaire Gongadze, l’Assemblée salue le langage
clair employé par la Cour européenne des droits de l’homme concluant,
dans son arrêt du 8 novembre 2005, aux violations des articles 2,
3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
Elle souligne l’importance de sa complète exécution en temps utile,
qui doit inclure, sans plus attendre, la mise en œuvre des actes
d’investigation négligés par les autorités.
4. L’Assemblée se félicite également de la récente condamnation
de trois ex-policiers du ministère de l’Intérieur pour l’assassinat
de Georgiy Gongadze. Elle déplore cependant la libération de leur
supérieur hiérarchique direct, le général Poukatch, puis sa fuite
lors d’une nouvelle tentative d’arrestation, ainsi que le décès
soudain de l’ancien ministre de l’Intérieur, Iouri Kravtchenko,
intervenus dans des circonstances troubles.
5. L’Assemblée reste profondément préoccupée par l’absence de
progrès dans la poursuite de ceux qui ont commandité et organisé
l’assassinat de Georgiy Gongadze, et réitère son point de vue selon
lequel l’affaire ne peut être considérée comme réglée tant que les
commanditaires et les organisateurs ne sont pas poursuivis au même
titre que les auteurs directs du crime.
6. L’authenticité des enregistrements de conversations qui auraient
été réalisés dans le bureau du Président, évoquant divers actes
criminels (les «enregistrements Melnytchenko»), devrait être vérifiée
sans plus tarder de manière à permettre l’utilisation, selon le
cas, des conclusions de cette analyse comme preuve devant les tribunaux.
7. L’Assemblée se félicite que le bureau du procureur général
ukrainien soit disposé à autoriser la participation d’experts étrangers
à l’examen des enregistrements et du matériel utilisé pour les réaliser.
Cette démarche devrait inciter le témoin en question à remettre
en temps voulu ces éléments aux autorités. Tout en regrettant que
les autorités ukrainiennes aient tant tardé à lancer une demande
officielle de coopération juridique, elle invite les autorités requises
à y répondre favorablement, compte tenu de la faisabilité technique d’une
telle expertise à un stade aussi avancé.
8. Indépendamment de leur authentification, ces enregistrements
peuvent fournir des pistes précieuses quant aux témoins ou apporter
d’autres preuves qui devraient être exploitées. De nouveaux actes d’investigation,
tels que ceux proposés par une équipe d’enquêteurs en octobre 2005,
restent à entreprendre, notamment une enquête sur les circonstances
dans lesquelles, en 2003, deux fonctionnaires de haut rang, M. Fere
et M. Dagaev, ont été victimes d’une attaque cérébrale, frappant
le premier d’une incapacité permanente et entraînant le décès du
second.
9. S’agissant de l’assassinat du militant politique O. I. Podolsky,
l’Assemblée salue la condamnation des ex-policiers qui ont reconnu
leur culpabilité. Néanmoins, dans le contexte de l’affaire Gongadze,
elle estime qu’il convient maintenant d’identifier et de déférer
en justice les commanditaires et organisateurs de ce crime.
10. D’autres crimes qui ont défrayé la chronique – tels ceux dont
ont été victimes le député de la Verkhovna Rada O. S. Yelyashkevich
et le journaliste I. Aleksandrov, ainsi que le décès, lors de sa
détention, de I. Honcharov, chef présumé d’un groupe criminel agissant
au sein du ministère de l’Intérieur – illustrent le grave dysfonctionnement
des forces de l’ordre durant l’ère Koutchma et au-delà.
11. En conséquence, l’Assemblée invite:
11.1. le bureau du procureur général ukrainien à suivre toutes
les pistes d’enquête pour identifier les instigateurs et organisateurs
du meurtre de Georgiy Gongadze ainsi que des autres crimes mentionnés aux
paragraphes 9 et 10 ci-dessus, et notamment:
11.1.1. à poursuivre résolument l’authentification des «enregistrements
Melnytchenko», avec la participation d’experts étrangers;
11.1.2. à recourir à d’autres moyens disponibles pour établir
l’authenticité de ces enregistrements, tels que l’interrogatoire
en tant que témoins des personnes dont les voix ont été prétendument
enregistrées et la comparaison entre des discussions soi-disant
enregistrées et des événements qui se sont réellement produits;
11.1.3. à ouvrir une enquête pénale pour établir la responsabilité
du manquement – déterminé par la Cour européenne des droits de l’homme
– à protéger Georgiy Gongadze et à enquêter correctement sur sa
disparition comme l’avait demandé l’Assemblée dans sa Résolution 1466 (2005);
11.1.4. à enquêter sur les circonstances de la remise en liberté
du général Poukatch en 2003 et de sa fuite lors de la tentative
d’arrestation qui aurait eu lieu plus tard en Israël, et à engager, le
cas échéant, des poursuites pénales contre les responsables;
11.1.5. à réexaminer les circonstances du décès de l’ancien ministre
de l’Intérieur, Iouri Kravtchenko, et à enquêter aussi sur le délit
d’incitation au suicide qui pourrait avoir été commis;
11.1.6. à interroger en tant que témoins d’autres membres du personnel
de haut rang ou d’anciens membres du ministère de l’Intérieur susceptibles
de détenir des informations sur l’unité spéciale dirigée par le
général Poukatch;
11.1.7. à enquêter sur les circonstances exactes dans lesquelles
deux ex-fonctionnaires de haut rang présumés impliqués dans l’affaire
Gongadze ont été victimes à peu de temps d’intervalle d’une attaque
cérébrale, entraînant le décès de M. Dagaev et plongeant M. Fere
dans le coma;
11.2. toutes les personnes dont les voix figureraient sur les
«enregistrements Melnytchenko», à coopérer pleinement avec le bureau
du procureur général en fournissant des échantillons de voix à des fins
de comparaison et en tant que témoins;
11.3. les responsables politiques ukrainiens à s’abstenir de
toute ingérence dans l’enquête sur les commanditaires et les organisateurs
de l’assassinat de M. Gongadze, et sur d’autres crimes.
12. L’Assemblée décide de continuer d’observer de près la progression
des affaires susmentionnées dans le cadre de sa procédure de suivi
concernant l’Ukraine.