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Résolution 1649 (2009)
Soins palliatifs: un modèle pour des politiques sanitaire et sociale novatrices
1. L’Assemblée
parlementaire note que les soins palliatifs apportent un complément
important et socialement novateur à la médecine curative, qui s’appuie
beaucoup sur la science, subordonne le bien-être subjectif du patient
à la recherche de la guérison et s’accompagne de restrictions liées
au traitement et, parfois, d’importants effets secondaires.
2. A cet égard, l’Assemblée se fonde sur la définition donnée
en 2002 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aux termes
de laquelle les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité
de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une
maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement
de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision,
ainsi que par le traitement de la douleur et des autres problèmes
physiques, psychologiques et spirituels qui y sont liés.
3. L’Assemblée souligne toutefois que cette définition n’insiste
pas assez sur le potentiel novateur de la démarche en question,
ce qui pourrait amener l’opinion publique à penser que les soins
palliatifs sont un luxe humanitaire qu’on ne peut plus se permettre
en raison des difficultés économiques actuelles.
4. L’Assemblée note que, malgré leur qualité et leur coût très
élevés, les soins médicaux actuels apportés aux personnes, en fin
de vie notamment, ne répondent pas aux besoins fondamentaux de nombreuses personnes
(patients atteints d’une maladie grave ou chronique, ou nécessitant
des soins individuels importants). A l’heure où les politiques sanitaire
et sociale sont de plus en plus dictées par des considérations économiques,
il existe un nombre croissant de personnes qui ne peuvent compter
sur un groupe de pression assez fort pour défendre leurs droits
fondamentaux.
5. L’Assemblée voit dans les soins palliatifs un modèle pour
des politiques sanitaire et sociale novatrices, car ils prennent
en compte ce qui change dans notre perception de la santé et de
la maladie et ne partent plus du principe selon lequel le libre
arbitre et la participation à la vie sociale présupposent la guérison.
Il s’ensuit que l’autonomie est une des conditions de la «santé»
entendue de façon subjective, qui suppose la liberté de chacun de
décider de la manière dont on aborde la maladie et la mort.
6. L’Assemblée note que les soins palliatifs permettent aux personnes
atteintes de maladies graves, qui souffrent ou sont en état de grande
détresse, d’exercer leur libre arbitre. Cette approche ne traduit
donc pas uniquement un besoin, mais favorise directement la reconnaissance
des droits de la personne et du citoyen, et le droit de participer
à la vie sociale jusqu’à la mort.
7. L’Assemblée juge nécessaire que soit étendue de toute urgence
la portée de ce mode novateur de traitement et de soins. Les soins
palliatifs devraient devenir accessibles non seulement aux malades
en fin de vie, mais aussi aux patients atteints de maladies graves
ou chroniques ainsi qu’à toutes les personnes qui nécessitent des
soins individuels importants, qui pourraient bénéficier de cette
démarche.
8. Les soins palliatifs peuvent être compris comme relevant d’une
démarche élaborée de façon pragmatique en vue d’apporter des soins
appropriés, ce qui passe par une médication et des soins intégrés
et centrés sur le patient ainsi que par d’autres services liés au
domaine de la santé et d’autres ressources sociales. Cela suppose,
par exemple, l’intervention fructueuse de bénévoles et la possibilité
de recourir, selon les besoins, à un soutien social, psychologique
et spirituel, lequel peut avoir, pour certains patients, plus d’importance
que les soins médicaux proprement dits.
9. Ces constatations amènent l’Assemblée à tirer aussi des conclusions
du débat sur l’euthanasie, dont il est ressorti qu’un Etat de droit
libéral ne saurait laisser en suspens des questions éthiques touchant
à la vie et à la mort d’êtres humains.
10. L’adhésion au pluralisme éthique ne garantit pas à l’individu
une liberté maximale pour ce qui est des questions d’éthique, mais
privilégie, dans la société, l’arbitraire, le relativisme et, en
pratique, le nihilisme par rapport à des positions éthiques raisonnablement
étayées. Cela conduit à une perte de repères générale et, en fin
de compte, à l’érosion de l’Etat de droit libéral.
11. L’Assemblée rappelle, à cet égard, les recommandations pertinentes
concernant les mourants qui figurent dans le rapport de 1980 du
Comité européen de la santé intitulé «Problèmes concernant la mort:
soins apportés aux mourants» et dans sa Recommandation 1418 (1999) sur la protection des droits de l’homme et de la dignité
des malades incurables et des mourants.
12. Elle reconnaît que toute intervention médicale trouve ses
limites dans l’autonomie du patient, dans la mesure où celui-ci
exprime sa volonté de renoncer à un traitement curatif ou lorsque,
indépendamment de toute évaluation médicale de son état de santé,
il l’exprime clairement, par exemple dans un testament de vie.
13. L’Assemblée espère que les soins palliatifs offrent aussi
la perspective d’une mort digne pour les patients qui ont abandonné
tout espoir et qui ont, lorsque la possibilité leur en a été donnée,
renoncé à un traitement curatif, mais qui acceptent d’être soulagés
de leur douleur et d’avoir un soutien social.
14. C’est pourquoi elle considère les soins palliatifs comme un
élément essentiel des soins de santé appropriés fondés sur une conception
humanitaire de la dignité humaine, sur l’autonomie, sur les droits
de l’homme, du citoyen et du patient, ainsi que sur une conception
généralement admise de la solidarité et de la cohésion sociale.
15. Elle souligne que la Recommandation Rec(2003)24 du Comité
des Ministres aux Etats membres sur l’organisation des soins palliatifs
offre déjà une bonne base pour le renforcement de la démarche en
la matière.
16. L’Assemblée réaffirme les quatre domaines d’application des
soins palliatifs qu’énonce la Recommandation Rec(2003)24 dans le
droit-fil de la définition de l’OMS – maîtrise des symptômes; soutien psychologique,
spirituel et émotionnel; soutien à la famille; soutien lors du deuil
– et, en conséquence, elle recommande particulièrement aux Etats
membres:
16.1. de mettre en place
un cadre cohérent et complet au niveau de la politique sanitaire
nationale en matière de soins palliatifs;
16.2. d’encourager la coopération internationale des diverses
organisations, institutions, instituts de recherche et autres instances
œuvrant dans le domaine des soins palliatifs.
17. Etant donné les grandes différences manifestes quant à l’évolution
de ce domaine d’activité dans les pays européens, l’Assemblée est
consciente que, bien qu’une mise en œuvre rapide au sein des structures existantes
de prise en charge soit souhaitable en vue d’un financement durable,
ce dernier risque justement de comporter d’importants obstacles
à l’adoption d’une démarche souple de soins et de traitement.
18. C’est pourquoi elle estime qu’une analyse détaillée des obstacles
structurels ainsi qu’une analyse précise des besoins à l’aide d’un
ensemble minimal de données tel que proposé à l’annexe de la Recommandation
Rec(2003)24 sont nécessaires pour parvenir à des modifications effectives
et durables des systèmes de santé existants.
19. Selon elle, si l’on veut que, dans le système de santé, les
droits fondamentaux prennent le pas sur d’autres droits des patients,
les priorités en matière de soins de santé devront faire l’objet
d’un vaste débat public axé sur des objectifs sanitaires raisonnables.
La protection des droits fondamentaux faisant partie des responsabilités
de l’Etat, elle ne saurait être laissée à une politique de groupes
d’intérêts.
20. L’Assemblée estime que l’éthique, en tant que philosophie
pratique, a donc un rôle fondamental à jouer dans la structuration
du débat public sur les objectifs de santé et l’ordre des priorités
en matière de soins.
21. En conséquence, sur le plan général, l’Assemblée recommande
aux Etats membres:
21.1. de ne pas
aborder l’éthique sous le seul angle de la mise en œuvre, mais de
s’y référer systématiquement, car ce n’est qu’en clarifiant et en
classifiant les positions fondamentales qu’on pourra parvenir, au
sein de la société, à un consensus durable sur des questions éthiques
controversées et à une répartition équitable des ressources;
21.2. de viser, dans le cadre de la politique sanitaire comme
dans celui de la politique économique et financière, à une meilleure
rétribution des prestations de services non liées à des produits
pour que, à l’aide de la politique économique et des incitations
fiscales, la politique sociale puisse contrer plus efficacement
la domination croissante de l’économie sur la société;
21.3. de s’attacher, d’une manière générale, à renforcer le
secteur des soins de santé primaires en vue de mettre les patients
à l’abri d’interventions médicales non indiquées et d’insister de
nouveau davantage sur l’importance de la communication entre le
médecin et le patient, véritable fondement d’une médecine rationnelle
axée sur le patient;
21.4. de promouvoir dans la société, avec les moyens dont dispose
l’Etat pour exercer son influence, une vision de la médecine mettant
l’accent sur les soins palliatifs comme un pilier essentiel des
soins auxquels le patient a droit.
22. Par ailleurs, sur le plan pratique, l’Assemblée recommande
également aux Etats membres:
22.1. de
considérer la maîtrise effective des symptômes chez les personnes
gravement malades comme une condition essentielle de la relation
médecin-patient et du libre arbitre de ce dernier, en vue d’intégrer
le potentiel novateur des soins palliatifs au domaine de la médecine
curative;
22.2. dans le cadre d’une approche cohérente de la politique
sanitaire visant à élaborer une stratégie spécifique destinée à
améliorer l’offre de soins palliatifs, d’identifier des indicateurs
concrets permettant de vérifier les progrès accomplis dans la prise
en charge des patients sur une période donnée;
22.3. d’établir des rapports annuels pour que les lacunes puissent
être examinées le plus rapidement possible et comblées de manière
appropriée;
22.4. de réagir avec diligence, par exemple par le biais de
réglementations spéciales concernant le financement des soins palliatifs,
s’il apparaît que les antalgiques ne sont pas administrés de la
manière souhaitée ou que la normalisation des traitements hospitaliers
(groupes de diagnostic homogènes – GDH) a des retombées négatives
sur les structures et les pratiques existantes;
22.5. en ce qui concerne la réglementation des testaments de
vie:
22.5.1. de s’abstenir de mettre
en place des mécanismes juridiques risquant de créer des problèmes
d’interprétation dans la pratique;
22.5.2. de procéder à une évaluation exhaustive des conséquences
juridiques, parmi lesquelles d’éventuels effets secondaires juridiques
tels que la responsabilité financière («les soins en tant que préjudice
pécuniaire»).