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Résolution 1670 (2009)
Violences sexuelles contre les femmes dans les conflits armés
1. Les violences
sexuelles contre les femmes dans les conflits armés sont un crime
contre l’humanité, un crime de guerre et une arme de guerre absolument
inacceptable.
2. Malheureusement, elles sont aussi une arme de guerre très
efficace. Le fait de violer, d’agresser et de mutiler sexuellement,
de féconder de force et de contaminer par le VIH/sida les épouses,
les filles et les mères des «ennemis» a non seulement de terribles
conséquences physiques et psychologiques pour les victimes elles-mêmes,
mais peut aussi bouleverser, voire détruire, des communautés entières.
3. Lorsque les armes chimiques – un autre type d’armes de guerre
efficaces – ont fait sentir leurs effets dévastateurs lors de la
première guerre mondiale, il n’a pas fallu longtemps pour qu’elles
soient bannies. De même, les effroyables attaques contre la population
civile – là encore, une arme de guerre efficace – pendant la seconde
guerre mondiale ont rapidement été suivies par l’élaboration des
Conventions de Genève, destinées à protéger la population civile.
Ce n’est pas l’efficacité d’une arme qui conduit à interdire son
usage: c’est le fait qu’elle soit totalement inacceptable parce
qu’elle viole les droits de la personne et porte atteinte à la dignité
humaine, voire à l’humanité elle-même.
4. C’est pourquoi il est surprenant qu’il ait fallu des siècles
avant que les violences sexuelles contre les femmes dans les conflits
armés soient prohibées. La reconnaissance du viol et de l’esclavage
sexuel comme crime de guerre et crime contre l’humanité par le Traité
de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, en 1998,
a été une avancée considérable, mais ce n’est qu’en 2008 que la
communauté internationale, par la Résolution 1820 (2008) du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes,
la paix et la sécurité, a reconnu que le viol et d’autres formes
de violence sexuelle peuvent constituer un crime de guerre, un crime
contre l’humanité et un élément constitutif du crime de génocide.
5. Le Conseil de sécurité a exigé «de toutes les parties à des
conflits armés qu’elles mettent immédiatement et totalement fin
à tous actes de violence sexuelle contre des civils», se déclarant profondément
préoccupé par le fait que, malgré des condamnations répétées, les
abus sexuels et la violence contre les femmes et les enfants bloqués
dans des zones de guerre persistent et sont même, dans certains cas,
tellement systématiques et généralisés qu’ils atteignent une «brutalité
épouvantable».
6. Aujourd’hui, les principales victimes de ces crimes se trouvent
dans la République démocratique du Congo (particulièrement dans
le Kivu) – où l’on a pu dire qu’il est plus dangereux d’être une
femme qu’un soldat – et au Soudan (notamment au Darfour). Toutefois,
la violence sexuelle contre les femmes a aussi été une caractéristique
des guerres des Balkans il y a à peine plus de dix ans. Aujourd’hui
encore, les chiffres exacts sont contestés, mais l’on estime que
plus de 20 000 femmes bosniaques, croates et serbes ont subi un viol,
souvent collectif, et que certaines ont été asservies sexuellement
et fécondées de force dans ce que l’on a appelé des «camps de viol»
par des armées et des groupes paramilitaires.
7. Comme il n’y a eu pratiquement aucune poursuite pour viol
ou autres sévices sexuels devant les tribunaux nationaux, par exemple
en Bosnie-Herzégovine, et encore moins devant les juridictions internationales,
des milliers de victimes ont été privées du droit d’obtenir justice
et réparation. Les victimes ont vu leur vie brisée à bien des égards,
tandis que les auteurs des crimes jouissent d’une impunité quasi
totale.
8. Le Conseil de l’Europe a le devoir de s’assurer que les droits
de la personne sont garantis sur le territoire de ses Etats membres.
Même si, aujourd’hui, les viols à grande échelle perpétrés pendant
les guerres des Balkans ne peuvent être portés devant la Cour européenne
des droits de l’homme, il n’est pas exclu que de tels crimes se
reproduisent un jour sur notre continent. Le Conseil de l’Europe
doit non seulement être prêt à faire face à cette menace, mais il
doit aussi étudier la possibilité d’offrir une assistance – notamment
à ses Etats membres – pour qu’ils parviennent à gérer l’héritage
des violences sexuelles commises lors d’un conflit armé.
9. L’Assemblée parlementaire rappelle qu’il ne sera possible
de mettre un terme aux violences sexuelles contre les femmes dans
les conflits armés que si les femmes voient leur position renforcée,
si l’on change les modèles sociétaux patriarcaux et si l’on veille
à ce que justice soit rendue chaque fois qu’une femme est violée dans
un conflit armé, que ce dernier soit proche, sur le sol européen,
ou qu’il se déroule au loin, sur un autre continent. La clé de l’éradication
de la violence sexuelle contre les femmes dans les conflits armés
est l’égalité entre les femmes et les hommes.
10. L’Assemblée appelle en conséquence les Etats membres:
10.1. à se conformer aux Résolutions
1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité des Nations Unies
sur les femmes, la paix et la sécurité, et à élaborer, s’ils ne
l’ont pas encore fait, un plan national d’action;
10.2. à faire pression au niveau des Nations Unies pour étendre
la Résolution 1820 (2008) aux filles et aux femmes qui sont enrôlées de force
dans l’armée et ne relèvent pas du champ d’action de la résolution
actuelle;
10.3. à reconnaître les violences sexuelles perpétrées durant
un conflit armé comme une forme de persécution fondée sur le sexe
permettant aux victimes de bénéficier du droit d’asile dans les
Etats membres;
10.4. à veiller à ce que leur arsenal législatif contienne des
textes de loi adaptés et à se donner les moyens de poursuivre effectivement
en justice les crimes de violence sexuelle dans des conflits armés s’ils
sont commis dans leur juridiction;
10.5. à envisager de sanctionner les pays qui refusent de protéger
les femmes contre les violences sexuelles lors de conflits armés
ou de poursuivre les auteurs de tels actes;
10.6. lorsque des contingents nationaux ou des missions internationales
de maintien de la paix sont envoyés dans des zones de conflit, à
veiller à ce qu’ils soient clairement investis de la mission de protéger
les populations civiles, notamment les femmes et les filles, des
violences sexuelles, et qu’ils soient convenablement formés à la
question de l’égalité entre les femmes et les hommes. De plus, les femmes
devraient constituer une proportion non négligeable de ces missions;
10.7. à envisager d’envoyer des missions civiles pour soutenir
l’Etat de droit et veiller à son respect, en complément de la protection
assurée par les forces de maintien de la paix; ces missions devraient de
préférence être composées d’un nombre égal de femmes et d’hommes,
et leurs membres devraient être convenablement formés à la question
de l’égalité entre les femmes et les hommes;
10.8. à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes,
par le respect de l’intégrité physique des femmes et des filles,
avant, pendant et après les conflits armés, ainsi que par une participation appropriée
de femmes aux processus de paix (au moins 40 %).