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Résolution 1681 (2009)
L’urgence à combattre les crimes dits «d’honneur»
1. Rappelant
sa Résolution 1327 (2003) sur les prétendus «crimes d’honneur», l’Assemblée parlementaire constate
que le phénomène, loin de s’atténuer, s’est aggravé, y compris en
Europe. Il touche principalement les femmes, qui en sont le plus
souvent les victimes, tant en Europe que dans le reste du monde,
en particulier dans des communautés et sociétés patriarcales et
intégristes.
2. Toute forme de violence à l’encontre des femmes et des filles,
au nom de traditionnels codes d’honneur, est considérée comme un
crime dit «d’honneur» et constitue une violation grave des droits
fondamentaux de la personne. Ces violences prennent diverses formes,
telles que les «meurtres d’honneur», les agressions, les tortures,
les restrictions à la liberté de se regrouper, la séquestration
ou l’emprisonnement, et l’ingérence dans le choix d’un conjoint
ou partenaire.
3. L’Assemblée dénonce fermement ces crimes et écarte toute forme
de justification qui les sous-tend: aucune tradition ni aucune culture
ne sauraient se prévaloir d’un quelconque honneur pour porter atteinte
aux droits fondamentaux des femmes. Il n’y a pas d’honneur dans
les crimes dits «d’honneur». L’Assemblée est déterminée à mettre
fin de toute urgence à cette pratique.
4. Elle demande par conséquent aux Etats membres du Conseil de
l’Europe:
4.1. d’élaborer et de
mettre en œuvre un plan national d’action pour combattre la violence
à l’encontre des femmes, y compris la violence commise au nom d’un
prétendu «honneur», si ce n’est pas déjà fait;
4.2. de fournir un enseignement et une éducation de qualité
pour tous, respectueux des droits des filles et des garçons, et
des femmes et des hommes, en application de sa Résolution 1669 (2009) sur les droits des filles d’aujourd’hui: les droits
des femmes de demain;
4.3. d’instaurer une éducation en matière relationnelle, sexuelle
et de santé génésique tant auprès des filles que des garçons, visant
notamment à leur apprendre le respect de leur partenaire et les
droits fondamentaux de la personne;
4.4. de continuer à impliquer les autorités religieuses ou
de commencer un dialogue avec elles, afin de clarifier avec elles
le fait que leur religion impose le respect de la vie et de la liberté
de chacun, et que les crimes dits «d’honneur» n’ont pas de fondement
religieux, et de les inviter à les condamner et à coopérer dans
la prévention de ceux-ci;
4.5. de mener des campagnes de sensibilisation afin de changer
les mentalités et les comportements qui en résultent:
4.5.1. auprès de la population en général,
afin de sensibiliser chacun aux droits des filles et des femmes,
et à l’égalité;
4.5.2. auprès des jeunes non seulement pour les informer de leurs
droits, en particulier celui de choisir librement leur sexualité
et de choisir leur partenaire, et attirer leur attention sur l’existence
des crimes dits «d’honneur», mais aussi pour les inciter à dénoncer,
le cas échéant, ces crimes et à demander la protection des autorités
de leur pays;
4.5.3. dans les communautés concernées, en particulier les communautés
ethniques minoritaires ou issues de l’immigration, même au niveau
national, y compris auprès des adultes, afin de promouvoir les droits
des filles et des femmes, et de montrer la valeur intrinsèque des femmes
autant que celle des hommes;
4.6. de sensibiliser les professionnels de l’enfance, de l’éducation
et du secteur médico-social, pour leur permettre de détecter les
risques de crimes dits «d’honneur»;
4.7. de sensibiliser les journalistes à la cruauté de ces crimes,
de les inviter à les dénoncer et à en montrer l’inhumanité, tout
en préservant la dignité et la vie privée des victimes;
4.8. de protéger et de soutenir les victimes effectives ou
potentielles:
4.8.1. en créant un
nombre suffisant d’hébergements, répartis en fonction des besoins
sur tout le territoire, afin de leur permettre de se cacher ou d’être
protégées de leurs agresseurs;
4.8.2. en mettant en place des programmes de soutien physique
et psychologique de longue durée, afin de leur permettre de se reconstruire
physiquement et psychologiquement;
4.8.3. en les aidant à avoir ou à retrouver une autonomie financière;
4.8.4. en leur fournissant, le cas échéant, une nouvelle identité
ainsi qu’une protection policière;
4.9. de créer et de diffuser un numéro d’aide téléphonique
pour répondre à toutes les questions concernant la violence à l’égard
des femmes et les orienter vers les structures d’aide d’urgence;
4.10. de mettre en place une véritable base de données ou des
statistiques tenant compte du concept des crimes «d’honneur», nécessaires
pour avoir une compréhension plus large du problème;
4.11. de former les policiers et les magistrats à la complexité
des crimes dits «d’honneur» et en particulier:
4.11.1. de former les policiers chargés
des enquêtes à l’accueil des victimes et les agents chargés des
poursuites pénales à la spécificité de ces crimes et à leur identification,
afin qu’ils recueillent un maximum de preuves sur le caractère spécifique
de l’infraction lorsque les faits dénoncés laissent supposer que
le crime a pu être commis au nom d’un prétendu «honneur»;
4.11.2. de former le personnel judiciaire à la spécificité de
ces crimes et à la manière de conduire les interrogatoires, et d’éviter
les pressions sur les victimes, ainsi qu’à juger conformément à
la gravité des violences commises;
4.11.3. de créer une unité spécialisée au sein des services de
poursuite, pour faire face aux crimes dits «d’honneur», afin que
chaque individu impliqué soit mis en examen et, s’il part pour l’étranger,
fasse l’objet d’une demande d’extradition;
4.12. de soutenir les organisations non gouvernementales dans
les pays d’accueil et les pays d’origine, qui jouent un rôle de
prévention et d’assistance essentiel dans ce domaine, et qui peuvent
assurer le lien entre les communautés immigrées et leurs pays d’origine;
4.13. de soutenir et de financer les organisations non gouvernementales
qui luttent contre les crimes dits «d’honneur» et qui soutiennent
et accueillent les victimes.
5. Elle demande aux parlements nationaux des Etats membres du
Conseil de l’Europe:
5.1. de légiférer,
s’ils ne l’ont pas encore fait, sur l’incrimination des faits de
crimes «d’honneur» en prévoyant des peines qui correspondent à la
gravité des faits commis, tant à l’égard de leurs auteurs que de
leurs complices et commanditaires, soit en créant une infraction
spécifique, soit en prévoyant une circonstance aggravante des peines;
5.2. de prévoir l’octroi d’un dédommagement juste et équitable
qui correspond à la gravité des préjudices subis par la victime,
le cas échéant à l’aide d’un fonds garanti par l’Etat;
5.3. de prévoir, après une évaluation des risques, la protection
judiciaire de la victime effective ou potentielle qui dénonce de
tels faits, ainsi que des témoins, y compris l’interdiction, pour
les mineurs en danger, de sortir du territoire;
5.4. de prévoir le financement des services d’hébergement,
d’aide et de soutien aux victimes;
5.5. de développer des politiques et des programmes pour lutter
contre la pauvreté des femmes et la féminisation de la pauvreté.
6. Elle encourage le Centre européen pour l’interdépendance et
la solidarité mondiales (Centre Nord‑Sud) à renforcer ses programmes
relatifs à l’égalité entre les sexes et la lutte contre la violence
fondée sur le genre, et à poursuivre le dialogue entre les pays
du Nord et les pays du Sud sur les enjeux de l’égalité entre les
sexes et la lutte contre les violations graves des droits de la
personne.
7. Elle décide d’intégrer la lutte contre les formes les plus
sévères de violence à l’égard des femmes dans ses programmes d’assistance
et de coopération parlementaires.