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Résolution 1703 (2010) Version finale
Corruption judiciaire
1. L’Assemblée parlementaire constate
qu’un système judiciaire corrompu affaiblit l’Etat de droit – pilier
de toute démocratie pluraliste; il met en question l’égalité de
traitement devant la loi ainsi que le droit à un procès équitable,
et sape la légitimité de l’ensemble des pouvoirs publics.
2. La corruption judiciaire favorise l’impunité dont l’Assemblée
a revendiqué l’éradication, en tant que priorité, dans sa Résolution 1675 (2009) «Situation
des droits de l’homme en Europe: nécessité d’éradiquer l’impunité».
3. La corruption judiciaire et celle des autres institutions
publiques ainsi que celle du secteur privé se nourrissent et se
renforcent mutuellement. L’éradication de la corruption, une fois
entrée dans les mœurs, est beaucoup plus difficile que sa prévention,
d’où l’importance de lutter contre les premiers signes de corruption, particulièrement
dans les pays épargnés par ce fléau.
4. La lutte contre la corruption en général passe par son éradication
dans les tribunaux. Ces derniers sont chargés de sanctionner toutes
les personnes corrompues de manière égale et objective, et de protéger
les «donneurs d’alerte», indispensables pour une lutte efficace
contre toutes les formes de la corruption.
5. L’Assemblée souligne l’importance d’une réelle volonté politique
qui doit se manifester par des mesures concrètes et énergiques,
et pas seulement à travers des discours et des lois largement symboliques.
Une justice intègre et indépendante favorise un climat politique
dans lequel la corruption et le clientélisme deviennent moins fréquents,
car plus risqués pour tous les participants.
6. L’Assemblée déplore que la corruption judiciaire soit profondément
ancrée dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, qui
souffrent également de graves problèmes de corruption au sein d’autres institutions
publiques et privées. Selon le baromètre mondial 2009 de la corruption,
publié par Transparency International, certains de ces pays – l’Arménie,
la Bulgarie, la Croatie, la Géorgie et «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» –, se distinguent de manière particulièrement alarmante
car c’est la justice elle-même qui y est perçue par la population
comme l’institution la plus corrompue. C’est également le cas du Kosovo ,
qui n’est pas un Etat membre du Conseil de l’Europe.
7. L’Assemblée demande instamment aux autorités de tous les Etats
visés ci-dessus de prendre des mesures rigoureuses et exceptionnelles
pour restaurer la confiance du public dans le système judiciaire.
8. L’Assemblée s’inquiète d’une tendance dans certains Etats
à nier a priori l’existence de toute corruption judiciaire en leur
sein. Aucun Etat n’étantcomplètement
à l’abri de la corruption, notamment par ces temps de crise économique,
l’Assemblée invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe
à faire preuve d’autocritique et à entreprendre – à l’instar de
l’Allemagne – une étude en profondeur du niveau de corruption dans
leurs systèmes judiciaires, et à prendre des mesures préventives
et correctives au premier signe de danger.
9. En matière de prévention, l’Assemblée encourage tous les Etats
membres à mettre en place un cadre minimisant les risques de corruption
judiciaire:
9.1. en s’assurant que
les juges, les procureurs et tous les acteurs du processus de justice
– notamment les représentants des forces de l’ordre – sont conscients
de l’importance et de la dignité de leur rôle, notamment en assurant
une rémunération en conséquence et en mettant à leur disposition
des ressources humaines et matérielles suffisantes;
9.2. en développant des normes professionnelles et éthiques
pour les juges et les procureurs, ainsi que des mécanismes de suivi
efficaces;
9.3. en soumettant la situation patrimoniale des juges et procureurs
à un mécanisme de contrôle adapté à la situation dans chaque pays,
qui doit respecter l’indépendance et la dignité des acteurs de la justice;
9.4. en s’assurant que les procédures de recrutement, de promotion
et de révocation des juges et des procureurs sont claires et transparentes,
fondées uniquement sur la qualification et le mérite, prenant en
compte la Charte européenne sur le statut des juges et la recommandation
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), selon laquelle tous les Etats membres devraient disposer
de conseils judiciaires indépendants regroupant des membres élus principalement
par les magistrats;
9.5. en s’assurant que les mandats des juges et des procureurs
sont suffisamment longs et ne sont pas liés à une évaluation externe
de leurs décisions;
9.6. en assurant une formation spécifique de tous les juges
et procureurs sur les questions de corruption et d’éthique;
9.7. en menant des campagnes publiques et/ou en mettant en
place des programmes en vue d’accroître le respect du judiciaire
en général et d’améliorer la compréhension par les citoyens de l’importance
et des implications de l’indépendance du judiciaire et de la séparation
des pouvoirs.
10. Pour être efficace, la lutte contre la corruption doit comporter
des enquêtes, des poursuites et, in fine, des
condamnations. Pour ce faire, l’Assemblée invite les Etats membres:
10.1. à développer des mécanismes
spécifiques permettant d’assurer la responsabilité, y compris pénale,
des juges et procureurs sans mettre à mal leur indépendance et leur
impartialité;
10.2. à assurer que les immunités des membres du judiciaire
ne font pas obstacle à des poursuites effectives à leur encontre;
10.3. à assurer la formation adéquate d’enquêteurs spécialisés,
et à mettre à leur disposition des ressources suffisantes.
11. En tant que mesures à la fois préventives et répressives,
l’Assemblée invite tous les Etats membres à signer et à ratifier,
le cas échéant, la Convention pénale sur la corruption (STE no 173)
et la Convention civile sur la corruption (STE no 174),
et à coopérer efficacement avec les mécanismes de surveillance et
de conseil prévus par ces instruments.
12. Le Conseil de l’Europe se doit de participer activement à
la lutte contre la corruption judiciaire sous toutes ses formes,
y compris les abus du système judiciaire motivés par des considérations
politiques. L’Assemblée encourage notamment sa commission pour le
respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil
de l’Europe (commission de suivi) à préparer des rapports thématiques
à ce sujet ou au moins à y consacrer un chapitre substantiel dans
ses rapports pour tous les pays sous procédure de suivi et dans
le contexte d’un dialogue postsuivi.