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Résolution 1719 (2010) Version finale

Les femmes et la crise économique et financière

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2010 (13e séance) (voir Doc. 12195, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Memecan). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2010 (13e séance). Voir également la Recommandation 1911 (2010).

1. L’Assemblée parlementaire note que, dans un monde où les femmes possèdent 1 % des richesses mondiales et 10 % des revenus mondiaux, occupent 14 % des postes de direction dans les secteurs public et privé, mais représentent 70 % de la population défavorisée, la crise économique et financière actuelle a inévitablement un impact différent sur les femmes et sur les hommes.
2. Les femmes figurent en tête des groupes qui souffrent de manière disproportionnée parce qu’elles disposent de protections moins nombreuses et moins efficaces face aux difficultés économiques. L’Assemblée regrette que l’impact spécifique et néfaste de la crise sur les femmes ne soit pas reflété dans la couverture médiatique de la crise. Alors que, au cours des dernières décennies, la place des femmes dans le monde du travail avait lentement progressé – accès à la vie active, création de leur propre entreprise et, à l’occasion, dépassement du «plafond de verre» –, même ces maigres avancées risquent d’être effacées par la crise. Le fossé salarial entre les femmes et les hommes, la répartition inégale des tâches ménagères et de la garde des personnes vivant au foyer, les obstacles au travail à temps plein, bien rémunéré, sûr et officiel des femmes, et l’absence de celles-ci dans les prises de décisions politiques, financières et économiques ont en tout cas obstinément persisté dans la plupart des pays.
3. La crise financière qui a déclenché la crise économique a littéralement été provoquée par les hommes. Si les décideurs masculins des milieux financiers sont en grande partie responsables du déclenchement de la crise financière, les politiciens, les organismes de supervision et de régulation ainsi que les ménages et les entreprises imprudents portent également une part de responsabilité. L’excès de confiance, la prise de risque irresponsable, la prise en compte insuffisante de tous les acteurs, la cupidité et la préférence donnée aux bénéfices individuels à court terme ont conduit à la crise financière mondiale. Très peu de femmes étaient impliquées dans les processus décisionnels qui ont conduit à la crise financière, car très peu de femmes étaient aux postes ayant un pouvoir de décision. De ce fait, il existe de solides raisons pour remettre en question le manque de participation des femmes dans les décisions qui ont conduit à la crise et pour les inclure davantage à l’avenir dans les prises de décision.
4. La plupart des experts s’accordent à reconnaître que la crise financière aurait pu être évitée s’il y avait eu davantage de femmes aux postes de prise de décision. Les études ont montré que les femmes prennent des risques de manière plus responsable et ont une approche plus globale, avec une vision à plus long terme, dans leurs prises de décisions financières.
5. Pour éviter que l’histoire ne se répète, et pour assurer une saine croissance de l’économie mondiale, il est de ce fait nécessaire de mettre en place des mesures pour assurer un nombre équilibré de femmes et d’hommes dans les conseils d’administration et aux postes élevés de direction et de prise de décision. La diversité dans les conseils d’administration va entraîner des approches plus saines pour rechercher des solutions, favorisant aussi des prises de décisions stratégiques à long terme plus saines. De ce fait, une action devrait être entreprise immédiatement pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes lors de la réforme des institutions financières et des mécanismes de supervision et de régulation proprement dits.
6. Malheureusement, la réponse des Etats à la crise économique et financière risque d’aggraver encore les effets négatifs de la crise sur les femmes. Les programmes de renflouement des banques et des compagnies d’assurances, couplés aux investissements notamment dans des projets d’infrastructure et en soutien à l’industrie automobile, où les hommes constituent la majorité de la main-d’œuvre, profitent pour l’essentiel aux hommes. Cet accent partial mis sur des secteurs dominés par les hommes risque de mener à l’ajournement d’investissements pourtant indispensables dans des secteurs qui bénéficieraient principalement aux femmes, par exemple celui des soins et de l’éducation, sans parler de projets destinés à renforcer l’autonomisation des femmes.
7. Une approche globale est indispensable si nous voulons tirer des leçons durables de cette crise et prévenir ainsi des crises futures. La dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes doit être prise en compte dans toutes les politiques afin d’augmenter la représentation des femmes dans les organes décisionnels, de favoriser l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, de combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et de stimuler l’esprit d’entreprise. Les femmes doivent pouvoir s’exprimer au même titre que les hommes dans toutes les discussions sur les plans de sauvetage et de relance, que ces discussions concernent leur conception ou l’évaluation de leurs résultats. L’Assemblée reconnaît que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas un sujet superflu, à aborder seulement en période de croissance économique: il s’agit d’une obligation morale et juridique, et elle est économiquement rentable.
8. C’est pourquoi l’Assemblée recommande que les Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. reconnaissent que la crise financière et économique imputable aux hommes a eu et continue d’avoir un impact néfaste et spécifique sur les femmes, tant en Europe que dans le reste du monde;
8.2. intègrent la dimension de genre dans l’ensemble de leurs plans de sauvetage et de relance, donnent aux femmes une voix égale lors de la conception de ces plans et de l’évaluation de leurs résultats, et s’assurent que les besoins des femmes sont pris en compte dans ces plans;
8.3. emploient des outils tels que des statistiques ventilées par sexe et élaborent des budgets différenciés selon les sexes pour évaluer les répercussions de la crise elle-même et des plans mis en œuvre;
8.4. prennent les mesures pour assurer qu’un équilibre entre les femmes et les hommes – notamment une plus grande parité dans la prise de décision – est pris en compte lors de la réforme ou de la refonte du système des institutions financières et des mécanismes de supervision et de régulation pour prévenir une nouvelle crise;
8.5. fassent de l’atteinte de l’égalité des genres de facto une priorité: depuis le partage des tâches ménagères et de la garde des personnes vivant au foyer en passant par le comblement du fossé salarial entre les femmes et les hommes, jusqu’à la garantie de l’égalité d’accès aux postes de décision dans l’économie, la finance et la politique.
9. L’Assemblée recommande que les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.1. appliquent les recommandations formulées dans la Résolution 1706 (2010) «Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux» et la Résolution 1715 (2010) sur le fossé salarial entre les femmes et les hommes;
9.2. vérifient que la réponse apportée par les gouvernements à la crise économique et financière ainsi que la mise en œuvre de cette réponse prennent en compte les différences entre les sexes.