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Recommandation 1917 (2010) Version finale
Migrants et réfugiés: un défi permanent pour le Conseil de l’Europe
1. Les migrations continuent de façonner
l’économie, la culture et la société européennes. La mondialisation,
avec ses disparités croissantes, et la récession économique récente
posent de nouveaux problèmes auxquels l’Union européenne mais également
les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe doivent s’attaquer.
2. Renforcer les droits et la protection des migrants, des réfugiés,
des demandeurs d’asile et des personnes déplacées, contribuer à
une stratégie cohérente et coordonnée de gestion des migrations,
et améliorer la réactivité face aux nouvelles orientations: tels
sont les défis que doit tout particulièrement relever le Conseil
de l’Europe.
3. L’Assemblée parlementaire estime que l’Organisation devrait
attribuer un degré de priorité bien plus élevé à la résolution de
ces problèmes, notamment dans le cadre de son processus de réforme.
Le Conseil de l’Europe est une organisation fondée sur des valeurs,
qui a été créée pour protéger les droits de toutes les personnes
en Europe. Les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et
les personnes déplacées sont souvent parmi les personnes les plus
vulnérables en Europe. Il est nécessaire de renforcer leurs droits,
mais également de veiller à ce que ces droits soient garantis dans
la pratique.
4. Le Conseil de l’Europe devrait privilégier les secteurs dans
lesquels il peut apporter une valeur ajoutée au niveau paneuropéen.
Ses principaux points forts sont ses normes en matière de droits
de l’homme et de prééminence du droit. Il a également pour atout
de bénéficier des expériences de ses Etats membres, qui incluent
des pays d’origine, de transit et de destination. Tandis que l’Union
européenne fait porter l’essentiel de son action sur les processus
migratoires, le Conseil de l’Europe devrait se concentrer en priorité
sur les personnes impliquées dans ces processus et étudier les questions
de migrations, d’asile et de personnes déplacées essentiellement
sous l’angle des droits de l’homme dans le contexte des processus
migratoires.
5. L’Assemblée est d’avis que, pour la définition des priorités
et des actions futures, l’Organisation devrait affiner les priorités
établies lors du 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du
Conseil de l’Europe, tenu en 2005 à Varsovie, ainsi que lors de
la 8e Conférence des ministres responsables des questions de migration
du Conseil de l’Europe, tenue en 2008 à Kiev. Elle devrait également
tenir compte des recommandations de 2005 de la Commission mondiale
sur les migrations internationales (CMMI) et des dispositions du
Programme de Stockholm (2010-2014) de l’Union européenne.
6. L’Assemblée estime important que le Conseil de l’Europe formule
sa propre stratégie à moyen terme en matière de migrations, d’asile
et de personnes déplacées en Europe. Il doit rassembler l’essentiel
du travail qui a été effectué par les divers organes et secteurs
de l’Organisation, et rationaliser ses priorités en vue de la création
d’un espace européen au sein duquel les migrants et les personnes
nécessitant une protection bénéficieraient d’un traitement conforme
aux droits de l’homme et au principe de la prééminence du droit,
ainsi que d’un accès aux droits fondamentaux et aux recours judiciaires.
Plus spécifiquement, cette stratégie devrait renforcer la protection
des droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile, des
réfugiés et des personnes déplacées à toutes les grandes étapes
de leurs déplacements; promouvoir la diversité culturelle et accroître
le niveau d’intégration des migrants et des réfugiés dans les sociétés
européennes; améliorer l’élaboration et la mise en œuvre des politiques
dans les Etats membres afin de gérer l’impact à long terme des migrations
sur la société; multiplier les activités dans les domaines de la
lutte contre la xénophobie, la discrimination et la traite des êtres
humains; et améliorer la cohésion et la collaboration intra-institutionnelles de
l’Organisation dans le domaine des migrations, de l’asile et des
personnes déplacées.
7. S’appuyant sur la vaste expérience acquise au sein de tous
les secteurs de l’Organisation, l’Assemblée considère qu’il est
nécessaire de mettre en place un projet transversal du Conseil de
l’Europe sur les migrants, les demandeurs d’asile et les personnes
déplacées en Europe, principalement axé sur la protection de leurs droits
et la promotion de leur intégration.
8. L’Assemblée rend hommage au Comité européen sur les migrations
(CDMG) et à son travail sur la protection des droits de l’homme
et de la dignité des migrants vulnérables, ainsi que sur le renforcement
de la position des migrants et de la cohésion sociale dans son programme
d’action pour 2009-2012. Elle le félicite aussi pour son initiative
visant à promouvoir la cohérence entre migrations, développement
et intégration en encourageant le dialogue entre les pays d’origine,
de transit et de destination. L’Assemblée apprécie également le
travail d’autres comités intergouvernementaux, du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, et des mécanismes de
suivi du Conseil de l’Europe qui ont, en particulier, traité des questions
importantes relatives aux droits de l’homme et à l’intégration.
Par ailleurs, il convient de mentionner tout particulièrement le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe pour ses
positions de principe sur de nombreuses questions relatives aux
migrations, à l’asile et aux personnes déplacées.
9. L’Assemblée se félicite également de ce que le Comité des
Ministres ait traité de nombreuses questions relatives aux migrations,
à l’asile et aux personnes déplacées, mais regrette que ses demandes
au sujet de la création d’un comité pour remplacer l’ancien Comité
ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial,
des réfugiés et des apatrides (CAHAR) – qui fournissait à l’Organisation
une expertise très utile sur les questions relatives à l’asile,
aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays
– n’aient toujours pas été examinées. L’Assemblée note que le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe a proposé d’interrompre, de suspendre
ou de réduire de façon significative les activités intergouvernementales
dans le domaine des migrations, ce qui laisserait un vide dans le
travail intergouvernemental sur les questions relatives aux migrations,
à l’asile et aux personnes déplacées.
10. L’Assemblée reconnaît la nécessité d’améliorer l’efficacité
et l’impact du travail du Conseil de l’Europe dans un contexte budgétaire
de rigueur; toutefois, cela ne devrait pas se faire aux dépens de
la protection des droits des migrants, des demandeurs d’asile et
des personnes déplacées, ni aux dépens de l’amélioration de leur
intégration dans les sociétés européennes. L’Assemblée réaffirme
son point de vue selon lequel le Conseil de l’Europe a besoin d’un
organe intergouvernemental recentré et doté de ressources suffisantes,
capable de s’intéresser aux questions en rapport avec les droits
des migrants, des demandeurs d’asile, des réfugiés et des personnes
déplacées.
11. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité
des Ministres:
11.1. de créer un
poste de coordinateur des migrations, de l’asile et des personnes
déplacées, qui serait chargé de préparer une stratégie à moyen terme
sur les migrations, l’asile et les personnes déplacées, ainsi que
de mettre en œuvre un projet transversal sur les migrants, les demandeurs
d’asile et les personnes déplacées dans les sociétés européennes;
11.2. d’établir un nouveau comité intergouvernemental ayant
pour mandat permanent d’examiner les questions relatives à l’asile,
aux réfugiés et aux personnes déplacées, afin de remplacer le CAHAR ou, dans
l’éventualité où les activités du CDMG prendraient fin, de créer
un nouveau comité intergouvernemental unique, centré sur les droits
et ayant pour mandat permanent d’examiner les questions relatives
aux migrations, à l’asile, aux réfugiés et aux personnes déplacées;
11.3. de soutenir le travail intergouvernemental et celui d’autres
organes du Conseil de l’Europe relatif à la protection des droits
des personnes concernées par les processus de migration, d’asile
et de déplacement à l’intérieur de leur propre pays.
12. L’Assemblée recommande que, lors de l’élaboration d’une stratégie
à moyen terme sur les migrations, l’asile et les personnes déplacées,
le Comité des Ministres tienne compte des priorités suivantes:
12.1. encourager les Etats membres
à signer, ratifier et mettre en œuvre toutes les conventions du Conseil
de l’Europe sur les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés
et les personnes déplacées, entre autres la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), la
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE
no 157), la Convention européenne relative
au statut juridique du travailleur migrant (STE no 93),
la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique
au niveau local (STE no 144), la Convention
européenne sur la nationalité (STE no 166),
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie
en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200)
et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197). Dans
des circonstances appropriées, le Comité des Ministres devrait envisager
de réviser les conventions que trop peu d’Etats sont prêts à signer
ou ratifier;
12.2. combler les lacunes dans les normes juridiques actuelles
du Conseil de l’Europe en développant de nouveaux instruments de
droit souple et de droit contraignant, et des activités concrètes
concernant les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés et
les personnes déplacées. A cet égard, le Comité des Ministres est
encouragé à tenir compte, entre autres, des questions spécifiques
suivantes, dont certaines ont fait l’objet de recommandations de
l’Assemblée:
12.2.1. inclure le droit de demande d’asile
dans la Convention européenne des droits de l’homme;
12.2.2. réviser la Charte sociale européenne (STE no 35)
pour veiller à ce que tous les migrants réguliers se retrouvent
dans son champ d’application et que des droits minimaux garantissant
la dignité humaine soient au moins inclus pour les migrants en situation
irrégulière;
12.2.3. élaborer de nouvelles normes et lignes directrices sur
l’intégration des migrants dans les sociétés européennes;
12.2.4. œuvrer en faveur des normes communes qui garantissent
des droits minimaux aux migrants en situation irrégulière, et proposer
des stratégies pour s’occuper des migrants en situation irrégulière
qui ne peuvent ou ne veulent pas être renvoyés;
12.2.5. compléter les Règles pénitentiaires européennes par des
règles européennes pour les centres de rétention de migrants et
de demandeurs d’asile;
12.2.6. élaborer des lignes directrices sur les alternatives à
la détention des migrants en situation irrégulière et des demandeurs
d’asile;
12.2.7. examiner la nécessité d’élaborer des lignes directrices
sur le principe de non-refoulement, compte tenu du nombre croissant
de cas d’expulsion dont est saisie la Cour européenne des droits
de l’homme et des problèmes liés aux interventions en mer;
12.2.8. étudier la nécessité de créer un mécanisme de contrôle
de la qualité et de la cohérence des décisions en matière d’asile
en Europe;
12.2.9. préparer des lignes directrices sur les retours volontaires
pour compléter les lignes directrices du Comité des Ministres sur
les retours forcés, ainsi que des lignes directrices sur l’application
des accords de réadmission;
12.2.10. préparer des lignes directrices sur la réintégration des
personnes de retour dans leur pays d’origine, qu’il s’agisse de
retours volontaires ou forcés;
12.2.11. trouver des solutions durables pour le retour, l’intégration
locale ou la réinstallation des personnes déplacées et garantir
la protection de leurs droits;
12.3. promouvoir une coopération européenne et internationale
plus étroite impliquant les pays d’origine, de transit et de destination;
12.4. renforcer la coopération et l’assistance dans le domaine
des migrations, de l’asile et des personnes déplacées:
12.4.1. en
soutenant un programme d’assistance pour les Etats membres, financé
par des contributions volontaires, en vue de renforcer leurs capacités
dans le domaine des politiques migratoires et de la planification,
notamment pour les pays d’origine et de transit européens qui ne
sont pas membres de l’Union européenne;
12.4.2. en soutenant un programme d’assistance, financé par des
contributions volontaires, permettant aux Etats membres qui sont
des pays de destination de bénéficier de l’expérience d’autres Etats
membres dans le traitement de la question délicate de l’intégration;
12.4.3. en renforçant la coopération avec des acteurs clés dans
le domaine des migrations et de l’asile, notamment le Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM), l’Organisation internationale du travail (OIT),
le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des organisations
non gouvernementales nationales et internationales;
12.4.4. en renforçant la coopération avec l’Union européenne,
en particulier eu égard au Programme de Stockholm récemment adopté
et au travail des agences telles que l’Agence européenne pour la
gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures
(Frontex), l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
et le bureau européen d’appui en matière d’asile, qui doit être
créé prochainement;
12.5. faire davantage d’efforts pour aider les migrants à connaître
non seulement leurs droits, mais aussi leurs obligations, afin de
leur assurer une meilleure intégration et une meilleure acceptation
par le pays hôte;
12.6. renforcer l’impact et la visibilité des activités du Conseil
de l’Europe en matière de droits des migrants, des demandeurs d’asile,
des réfugiés et des personnes déplacées:
12.6.1. en publiant
un recueil des normes du Conseil de l’Europe relatives aux droits
de l’homme applicables aux migrants, aux demandeurs d’asile, aux
réfugiés et aux personnes déplacées;
12.6.2. en apportant un soutien à un site internet interactif
sur les migrations et l’asile, partagé par les différents secteurs
du Conseil de l’Europe travaillant dans ce domaine;
12.6.3. en soutenant et en renforçant le travail du groupe de
travail informel sur les migrations du Conseil de l’Europe, qui
est un mécanisme de liaison entre les différents secteurs de l’Organisation
impliqués dans les questions de migrations et d’asile.
13. L’Assemblée encourage le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe à continuer d’accorder la priorité dans son
travail à la question des droits des migrants, des demandeurs d’asile,
des réfugiés et des personnes déplacées.
14. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à l’informer dans
les deux ans des progrès réalisés en matière de mise en œuvre de
la présente recommandation.