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Résolution 1801 (2011)

Le respect des obligations et engagements de la Géorgie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 13 avril 2011 (14e séance) (voir Doc. 12554, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), corapporteurs: MM. Islami et M.A. Jensen). Texte adopté par l'Assemblée le 13 avril 2011 (14e séance).

1. L’Assemblée parlementaire se félicite des efforts significatifs que déploient les autorités géorgiennes pour s’acquitter de leurs obligations et engagements restants envers le Conseil de l’Europe. D’énormes progrès ont été réalisés depuis le dernier rapport de suivi adopté en 2008, malgré l’incidence considérable et les conséquences de la guerre avec la Russie en août 2008.
2. S’agissant de l’environnement politique en Géorgie, l’Assemblée salue les mesures prises par les autorités pour venir à bout de la polarisation et du regrettable climat de confrontation qui prévaut dans le paysage politique, et pour renforcer la position et le rôle de l’opposition. L’Assemblée réaffirme sa conviction que l’existence d’une opposition dynamique, pluraliste et engagée est essentielle à la stabilité politique et à la consolidation démocratique du pays.
3. L’Assemblée estime que les élections locales qui se sont tenues le 30 mai 2010 ont marqué une étape importante pour l’établissement d’un environnement politique à la fois diversifié et constructif dans le pays. En outre, les élections présidentielle et législatives qui auront lieu prochainement seront un test décisif pour la consolidation d’un système démocratique abouti et plus solide en Géorgie. S’agissant des processus électoraux, l’Assemblée:
3.1. note avec satisfaction la reconstitution du Groupe de travail électoral dans le but de parvenir à un vaste consensus sur les réformes électorales nécessaires pour les prochaines élections présidentielle et législatives, et appelle l’ensemble des partis politiques à se rallier à ce groupe de travail, s’ils ne l’ont pas déjà fait, et à prendre part à ses activités en toute bonne foi;
3.2. considère que le Groupe de travail électoral devrait concentrer son attention sur l’administration des élections mais aussi s’entendre sur un système électoral auquel toutes les parties prenantes aux élections accorderaient leur pleine confiance;
3.3. recommande vivement l’adoption d’un code électoral entièrement nouveau qui corrigerait les imperfections constatées notamment par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et par l’Assemblée, s’agissant en particulier de l’égalité de suffrage, de la délimitation des circonscriptions électorales et de l’abrogation de l’interdiction de présenter des candidatures individuelles;
3.4. exhorte tous les partis à s’assurer que le système électoral est établi selon un commun accord et qu’un nouveau code électoral a été adopté bien avant l’annonce des élections législatives à venir;
3.5. note avec satisfaction la détermination dont ont fait preuve les autorités et le parti au pouvoir pour modifier la Constitution, le cas échéant, en vue de mettre en œuvre les modifications acceptées par le Groupe de travail électoral.
4. L’Assemblée se félicite de l’adoption d’amendements constitutionnels, le 15 octobre 2010, qui, entre autres choses, garantissent davantage l’indépendance du pouvoir judiciaire, renforcent considérablement le rôle et les pouvoirs du parlement, et assurent un système de freins et de contrepoids plus complet et de meilleure qualité entre les différents pouvoirs. L’Assemblée estime cependant qu’un ensemble de dispositions devraient être davantage clarifiées ou améliorées pour éviter toute éventuelle tension systémique. En conséquence, elle exhorte les autorités géorgiennes à mettre en œuvre les recommandations de la Commission de Venise. Elle recommande notamment:
4.1. que la procédure d’adoption d’une motion de censure à l’encontre du gouvernement soit révisée conformément aux recommandations de la Commission de Venise, en vue de consolider les pouvoirs du parlement dans le cadre de cette procédure;
4.2. que le rôle du Président dans la négociation des traités internationaux soit clarifié, pour éviter d’éventuelles tensions entre le gouvernement et le Président;
4.3. que le rôle du parlement dans les affaires budgétaires soit renforcé.
5. L’Assemblée considère que l’environnement médiatique en Géorgie continue de servir d’exemple pour la région, tout en faisant remarquer que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer sa transparence et son pluralisme. A cet égard, l’Assemblée:
5.1. accueille favorablement le projet de loi sur la transparence de la propriété des médias, adopté en première lecture le 7 décembre 2010, et s’attend maintenant à ce que ce projet de loi soit adopté sans plus tarder;
5.2. considère qu’il est essentiel pour le pluralisme des médias que de nouveaux groupes puissent pénétrer le marché médiatique et recommande, de ce fait, que les autorités compétentes organisent des appels d’offres publics pour des fréquences de radiodiffusion supplémentaires;
5.3. appelle les autorités à évaluer le cadre légal de l’accès aux informations publiques en vue d’améliorer sa mise en œuvre;
5.4. note avec satisfaction la création d’une chaîne de télévision politique spéciale qui dépend de la radiotélévision publique géorgienne (GPB) et l’augmentation du nombre de membres nommés par l’opposition au conseil de direction du diffuseur public.
6. S’agissant du renforcement de l’autonomie locale, l’Assemblée:
6.1. se félicite des changements apportés récemment à la Constitution concernant l’autonomie locale et exhorte les autorités à mettre en œuvre l’intégralité des recommandations de la Commission de Venise, et, avant tout, celles ayant trait à l’organisation du pouvoir exécutif et au contrôle exercé par l’Etat sur les autorités locales;
6.2. prend note de la stratégie de décentralisation élaborée avec l’aide du Conseil de l’Europe, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la Commission européenne, et s’attend maintenant à ce que le gouvernement adopte officiellement cette stratégie;
6.3. recommande d’améliorer la base fiscale des collectivités locales afin de renforcer leur indépendance globale;
6.4. est favorable au principe de régionalisation du pays, qui est un objectif affiché des autorités, tout en considérant que ce type de processus ne devrait pas nuire au développement d’une solide et réelle autonomie à l’échelon municipal.
7. Au vu de l’expérience positive de l’élection au suffrage direct du maire de Tbilissi, l’Assemblée recommande que les autorités étudient la possibilité de mettre en place ce mode de suffrage direct pour élire les maires de toutes les autres municipalités ou, tout du moins, ceux des autres grandes villes autonomes.
8. L’Assemblée salue les efforts constants des autorités pour renforcer l’indépendance du système judiciaire, qui transparaissent dans les nombreuses réformes poursuivies ces dernières années. Dans le même temps, elle se déclare préoccupée par les informations qui lui ont été rapportées sur le manque de confiance du public dans l’équité et l’indépendance du système judiciaire, et recommande que les autorités poursuivent leurs efforts pour accroître encore le niveau de confiance du public. Elle estime par conséquent que les efforts déployés par les autorités pour renforcer l’indépendence du système judiciaire devraient être intensifiés. A cet égard, l’Assemblée:
8.1. se félicite des changements constitutionnels qui ont renforcé l’indépendance du Haut Conseil de la justice et aboli le rôle du Président dans la nomination de tous les juges excepté des juges de la Cour suprême. Pour garantir davantage l’indépendance de la Cour suprême, l’Assemblée recommande que la prérogative liée à leur nomination soit transférée du président au Haut Conseil de la justice;
8.2. se félicite de l’introduction du principe de nomination à vie des juges par les changements constitutionnels de 2010, mais propose que les autorités étudient la possibilité de supprimer ou de raccourcir la période probatoire des juges, conformément aux normes européennes.
9. L’Assemblée se félicite de l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, qu’elle recommande depuis longtemps. Elle note avec satisfaction que ce nouveau code permettra, entre autres, de renforcer considérablement l’indépendance du système judiciaire. Compte tenu de la mise en place d’un système fondé sur le principe du contradictoire, l’Assemblée recommande vivement d’établir sur la base des mesures existantes un système complet d’aide juridictionnelle gratuite, financé de façon appropriée, pour ceux qui en ont besoin.
10. L’Assemblée se félicite de l’entrée en vigueur de la loi sur le ministère public. Elle se déclare néanmoins préoccupée par les pouvoirs considérables que cette loi confère au ministre de la Justice, notamment du pouvoir de conduire lui-même des poursuites contre des personnalités de haut niveau, tels le Président et les membres du gouvernement. En conséquence, l’Assemblée recommande:
10.1. que des critères clairs et détaillés pour le licenciement de tous les procureurs soient énoncés dans la législation;
10.2. que soient abolis les pouvoirs conférés au ministre de la Justice de conduire lui-même des poursuites contre, entre autres, le Président de la Géorgie, les membres du parlement, les juges, les membres du gouvernement, le défenseur public, les procureurs et les officiers militaires de haut rang;
10.3. que les pouvoirs du ministre de la Justice sur le ministère public lui interdisent expressément de donner des instructions ou d’influer de quelque manière que ce soit sur les poursuites dans des affaires particulières.
11. L’Assemblée exprime son inquiétude quant aux problèmes d’administration de la justice qui pourraient nuire aux principes d’égalité de l’application de la législation et du droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). L’Assemblée en appelle aux autorités géorgiennes pour qu’elles règlent ces problèmes qui, s’ils ne le sont pas, pourraient porter atteinte aux progrès notables qu’elles ont accomplis dans le domaine de la réforme judiciaire et du renforcement de l’indépendance du judiciaire.
12. L’Assemblée note également les questions soulevées au sujet de l’utilisation de plus en plus fréquente du système de transaction. Elle recommande que les autorités géorgiennes prennent les mesures appropriées pour dissiper les inquiétudes à cet égard, qui nuisent à la confiance du public dans l’équité du système judiciaire.
13. L’Assemblée se déclare à nouveau satisfaite des efforts constants et de la détermination politique affichée pour lutter contre la corruption en Géorgie. Elle note que ces efforts ont abouti à des résultats significatifs, en particulier s’agissant de la corruption à petite échelle L’Assemblée appelle les autorités à poursuivre leurs efforts et à s’assurer que la législation en vigueur concernant la lutte contre la corruption est mise en œuvre pleinement et de façon cohérente. S’agissant de la lutte contre la corruption, l’Assemblée:
13.1. prend note des allégations persistantes selon lesquelles la corruption de haut niveau n’a pas été totalement éradiquée et en appelle aux autorités pour qu’elles mènent des enquêtes cohérentes et crédibles sur toutes ces allégations;
13.2. se félicite des enquêtes réalisées sur les cas d’allégation de corruption d’un certain nombre de responsables de haut niveau, ce qui témoigne de la volonté politique de combattre tout sentiment d’impunité pour la corruption de haut niveau en Géorgie;
13.3. se félicite de l’adoption des amendements à la loi sur les conflits d’intérêt et la corruption dans la fonction publique qui ont été formulés avec l’aide du Conseil de l’Europe, ainsi que de l’adoption de la loi sur la Chambre de contrôle;
13.4. recommande que les autorités géorgiennes évaluent le cadre légal pour l’accès aux informations publiques, qui pourrait être un outil très précieux dans la lutte contre la corruption, en vue d’en améliorer la mise en œuvre.
14. L’Assemblée se félicite des réformes considérables qui ont été mises en œuvre s’agissant des forces de police. Il a résulté de ces réformes une élimination presque totale de la corruption des forces de police et des mauvais traitements pratiqués sur les détenus. L’usage excessif de la force par les forces de l’ordre pendant les manifestations demeure source de préoccupation, en particulier puisque les enquêtes concernant des plaintes pour usage excessif de la force ne semblent pas avoir été menées de façon systématique et effective, ou que les condamnations n’ont pas été appliquées. Les autorités devraient prendre les mesures qui s’imposent pour éviter que cette situation ne contribue à créer un sentiment d’impunité parmi les forces de l’ordre.
15. L’Assemblée se déclare également préoccupée par les enquêtes prolongées et inefficaces conduites par les forces de police, en particulier sur les affaires politiquement sensibles. Elle déplore que, malgré ses appels répétés à la conduite d’enquêtes crédibles, aucun coupable n’ait été trouvé pour les assauts lancés contre les manifestants au cours des manifestations de 2007 et de 2009. L’Assemblée insiste sur le fait que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige clairement que des enquêtes soient lancées, mais aussi que ces enquêtes soient efficaces pour être jugées crédibles. L’Assemblée exhorte les autorités géorgiennes à traiter ce point en urgence.
16. L’Assemblée salue les efforts et la détermination politique des autorités géorgiennes pour faire face au problème de la surpopulation et des conditions de vie inadéquates dans les prisons géorgiennes. Elle estime que l’augmentation continue de la population carcérale, à l’origine de cette surpopulation des prisons, découle en grande partie des directives très strictes, voire quelquefois disproportionnées, sur les peines incompressibles, même pour les délits mineurs, et des dispositions selon lesquelles les peines sont exécutées consécutivement et non pas concurremment. En conséquence, l’Assemblée:
16.1. se félicite de l’élaboration par les autorités géorgiennes d’une stratégie complète pour la libéralisation du système carcéral qui donne la priorité à des domaines tels que la prévention du crime et qui étend l’usage de diverses mesures alternatives à la privation de liberté telles que des programmes de diversion, de médiation et de guidance pour les délinquants juvéniles, les travaux d’intérêt général, l’assouplissement des conditions pour bénéficier d’une libération conditionnelle et la réforme du système de probation pour les adultes;
16.2. recommande que les autorités revoient les directives relatives aux peines incompressibles, réfléchissent à des peines alternatives et élaborent des directives claires et améliorées pour la remise en liberté anticipée;
16.3. appelle les autorités à poursuivre leurs efforts pour lutter contre les mauvais traitements en prison et pour protéger des représailles les détenus qui portent plainte contre des gardiens de prison.
17. La Géorgie est le pays du Caucase qui a la population la plus multiethnique. L’Assemblée se félicite par conséquent des efforts que produisent sans relâche les autorités géorgiennes pour améliorer l’intégration des différentes minorités dans la société géorgienne. L’Assemblée appelle les autorités:
17.1. à intensifier leurs efforts pour améliorer la participation des minorités nationales à la vie publique;
17.2. à améliorer le système d’enseignement des langues pour les minorités nationales, y compris l’enseignement des langues minoritaires et du géorgien en tant que deuxième langue;
17.3. à prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre la marginalisation de la population rom;
17.4. à intensifier leurs efforts pour combattre toute forme d’intolérance et de discours de haine au motif de l’origine ethnique, de la religion, du genre ou de l’orientation sexuelle.
18. L’Assemblée salue l’adoption du Plan national pour la tolérance et l’intégration, ainsi que la mise en place de la commission interorganismes sur les questions de minorités, en vue de faciliter la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157). L’adoption d’une loi complète sur les minorités nationales fait partie des engagements auxquels la Géorgie n’a pas encore satisfait. L’Assemblée serait prête à considérer cet engagement comme satisfait si un cadre juridique complet pour la protection des minorités nationales contenu dans une série de lois spécifiques était en place et, selon l’avis du Comité consultatif sur la Convention-cadre, de nature appropriée et pleinement conforme aux normes européennes.
19. La liberté de religion et la tolérance sont des principes essentiels à la promotion de la cohésion sociale et à la consolidation des sociétés démocratiques. Par conséquent, l’Assemblée s’inquiète de l’absence de statut juridique et de protection juridique appropriés pour les confessions et croyances religieuses autres que l’Eglise orthodoxe géorgienne. Elle appelle donc les autorités géorgiennes:
19.1. à adopter une loi spécifique sur la religion, prévoyant un statut et une protection juridiques égaux pour toutes les confessions et croyances religieuses du pays;
19.2. à répondre aux questions pendantes en ce qui concerne la restitution, aux communautés concernées, des propriétés religieuses historiques confisquées durant l’ère soviétique.
20. L’Assemblée déplore que la Géorgie, dix ans après son adhésion au Conseil de l’Europe, ne se soit pas encore acquittée de son engagement à signer la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148). L’Assemblée invite instamment les autorités géorgiennes à signer et à ratifier la charte sans plus tarder.
21. L’Assemblée salue la détermination politique affichée par les autorités géorgiennes à résoudre la question du rapatriement de la population meskhète conformément à l’engagement souscrit lors de son adhésion au Conseil de l’Europe. Prenant note du fait que le délai d’application en vertu de la loi sur le rapatriement expirait au 1er janvier 2010, l’Assemblée recommande aux autorités géorgiennes:
21.1. de procéder à une évaluation appropriée des résultats du processus de rapatriement en cours, une fois que l’ensemble des demandes auront été acceptées ou rejetées;
21.2. de faire preuve d’un maximum de souplesse en ce qui concerne les formalités pour veiller à ce qu’aucune demande ne soit rejetée uniquement pour des raisons techniques;
21.3. d’élaborer, sans plus tarder, un mécanisme complet et efficace pour le rapatriement et la réintégration.
22. L’Assemblée dénonce une nouvelle fois les violations persistantes des droits de l’homme en conséquence de la guerre de 2008, y compris les graves violations du principe de la liberté de circulation et du droit des personnes déplacées à l’intérieur (PDI) à être rapatriées à la suite de l’occupation des deux régions séparatistes de la Géorgie et du conflit précédent. Conformément à la Résolution 1683 (2009) «La guerre entre la Géorgie et la Russie: un an après», l’Assemblée appelle les autorités géorgiennes à mener une enquête crédible sur tous les cas d’allégation de violation du droit humanitaire international et des droits de l’homme par des individus relevant de leur juridiction ou sous leur contrôle au moment de la guerre de 2008 avec la Russie, et à autoriser l’accès illimité des organisations internationales aux deux régions séparatistes.
23. L’Assemblée fait part de son inquiétude quant à la manière dont les PDI ont été récemment expulsées de leurs lieux de résidence à Tbilissi et exhorte les autorités géorgiennes à s’assurer que toute expulsion se conforme pleinement aux normes internationales.
24. Dans l’attente de nouveaux progrès sur les points évoqués précédemment, l’Assemblée décide de poursuivre sa procédure de suivi vis-à-vis de la Géorgie et se déclare à nouveau prête à aider le pays à s’acquitter de ses obligations et engagements envers le Conseil de l’Europe.