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Résolution 1806 (2011)

Les femmes en milieu rural en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 14 avril 2011 (17e séance) (voir Doc. 12460, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Quintanilla Barba; et Doc. 12532, avis de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, rapporteur: Mme John-Calame). Texte adopté par l’Assemblée le 14 avril 2011 (17e séance).

1. Les femmes constituent une force motrice pour l’entretien, la sauvegarde et le développement des zones rurales, tant au plan culturel qu’au plan économique. Non seulement elles contribuent à préserver et à transmettre les traditions, mais elles représentent aussi une proportion non négligeable de la main-d’œuvre agricole et soutiennent le développement du secteur rural face à une dépopulation constante.
2. Malheureusement, certaines conditions spécifiques prédominent dans les zones rurales, telles que le chômage, la pauvreté, la médiocrité des transports et l’absence de certains services de base liés à l’éducation, à la santé et aux soins, et les mentalités traditionnelles perdurent, imposant des rôles homme-femme stéréotypés et maintenant les femmes au rang de subordonnées dans la vie privée comme dans la vie publique. En conséquence, les femmes en milieu rural sont confrontées à des défis majeurs pour obtenir l’égalité entre les sexes et la pleine jouissance de leurs droits. A cela s’ajoute que les femmes en milieu rural appartenant à des minorités ethniques, et en particulier les femmes roms, font l’objet de discriminations graves et multiples, bien davantage que les hommes appartenant aux mêmes groupes ethniques ou que les femmes appartenant au groupe majoritaire. A cause de cette situation, beaucoup de femmes, en particulier les jeunes, ont tendance à quitter la campagne, ce qui, avec les changements démographiques, accroît le processus de dépopulation du milieu rural.
3. Ce problème est souvent aggravé par l’échec des Etats membres du Conseil de l’Europe à assurer une application adéquate des mesures législatives et des politiques concernant l’agriculture et les zones rurales qui intègrent réellement la problématique homme-femme, comme cela s’est produit lors du processus de privatisation qui a marqué les années 1990 dans plusieurs Etats aujourd’hui membres du Conseil de l’Europe. En outre, les femmes en milieu rural font rarement l’objet de mesures législatives et de politiques spécifiques et ciblées.
4. L’Assemblée parlementaire note que, malgré des différences régionales marquées dans la situation de ces femmes dans les Etats membres, plusieurs sujets de préoccupation communs peuvent être identifiés: les femmes vivant en milieu rural ne sont pas correctement prises en compte dans les statistiques nationales; leurs perspectives d’emploi sont limitées, de même que leur accès au crédit, à la couverture sociale, aux soins de santé et aux services sociaux; elles subissent des contraintes dans le domaine de l’accès à la propriété et des droits de succession; elles ont des difficultés à concilier le travail et la vie de famille, et participent très peu – si elles y participent – aux prises de décision au sein des entreprises familiales.
5. Qui plus est, l’Assemblée constate avec regret que les femmes en milieu rural sont particulièrement vulnérables à la violence, y compris les crimes dits «d’honneur» et la violence domestique, et que, dans certains Etats membres où les zones rurales subissent un chômage et une pauvreté généralisés, elles sont particulièrement exposées au risque de devenir victimes de la traite des êtres humains.
6. L’Assemblée craint que l’effet combiné de la mondialisation et de la crise financière et économique actuelle ne dégrade encore plus les conditions de vie des femmes en milieu rural, renforçant ainsi leur vulnérabilité et leur exposition à la discrimination et aux violations des droits humains.
7. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
7.1. à concevoir des mesures juridiques et politiques particulières visant spécifiquement à améliorer la situation des femmes en milieu rural et favorisant l’égalité des chances afin de créer les conditions pour que les femmes puissent rester dans les zones rurales;
7.2. à veiller à adopter une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’élaboration et la mise en œuvre de toutes les politiques ayant une incidence sur la situation des femmes en milieu rural;
7.3. à prévoir l’implication des femmes en milieu rural dans l’élaboration de la politique agricole aux niveaux national, régional et local, ainsi que pour toute décision les concernant;
7.4. à promouvoir une participation accrue des femmes en milieu rural dans la prise de décision, en encourageant leur présence dans la vie politique locale et dans les organes directeurs des entreprises, des coopératives, des instances agricoles locales et des associations agricoles;
7.5. à veiller à la bonne application du droit par les agents de la force publique et autres agents publics dans les zones rurales, notamment dans le domaine de la justice, de la lutte contre la discrimination, du droit du travail et du droit pénal, afin de renforcer le respect de l’Etat de droit;
7.6. à s’assurer que les agents de la force publique et les membres de la magistrature des zones rurales reçoivent une formation sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et sur la violence domestique, et à promouvoir la présence de femmes dans leurs effectifs;
7.7. à mettre en place ou à soutenir des actions de visibilité et des campagnes de sensibilisation ainsi que des services d’information pour apprendre aux femmes à connaître leurs droits;
7.8. à promouvoir l’établissement de forums pour que s’échangent connaissances, bonnes pratiques et expériences aux plans national et international sur la situation des femmes en milieu rural;
7.9. à soutenir les réseaux d’information et de communication entre les femmes vivant en milieu rural et les institutions gouvernementales, avec l’aide des associations professionnelles, de la société civile et des médias;
7.10. à établir des budgets prenant en compte l’égalité des sexes;
7.11. à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), à veiller à sa stricte application et à coopérer avec son mécanisme de suivi (GRETA);
7.12. à soutenir les négociations sur la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210).
8. En outre, concernant les statistiques, l’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. d’établir des statistiques visant à donner un aperçu clair de la situation et des conditions de vie des femmes en milieu rural, afin d’élaborer des politiques adaptées;
8.2. d’améliorer les données statistiques et les informations sur les raisons qui poussent les femmes à quitter les zones rurales, en vue de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour résorber cet exode;
8.3. de réaliser des études statistiques sur l’impact de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans les zones rurales, y compris une évaluation de l’impact des genres, afin d’établir des politiques permettant de régler ces problèmes;
8.4. d’étudier la possibilité de mettre en place des observatoires nationaux pour recueillir et partager des données et des informations, et de suivre l’évolution de la situation.
9. Afin d’améliorer la situation économique des femmes en milieu rural, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.1. à veiller à ce que les femmes ne subissent pas de discrimination en matière d’accès à la propriété et de droits de succession;
9.2. à prendre des dispositions juridiques relatives au concept de «propriété partagée»;
9.3. à estimer la valeur du travail non ou peu rémunéré fourni sur le domaine agricole pendant la vie conjugale, afin que celui-ci soit pris en compte en cas de séparation ou de divorce du couple;
9.4. à éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans l’accès à l’emploi et la discrimination salariale;
9.5. à faciliter l’octroi de microcrédits, de fonds et de prêts pour les femmes vivant en milieu rural qui souhaitent monter une entreprise, seules ou en coopérative, notamment pour les projets innovants et créateurs d’emplois pour les femmes en milieu rural;
9.6. à intégrer dans les stratégies de développement régional et local des programmes de formation destinés aux femmes en milieu rural afin d’améliorer leurs compétences professionnelles dans le domaine de l’agriculture durable et de développer leurs compétences entrepreneuriales;
9.7. à apporter une valeur ajoutée aux produits agricoles, à créer pour eux des débouchés commerciaux et à contribuer à diversifier l’économie rurale;
9.8. à favoriser le recours aux nouvelles technologies en matière d’information et de communication, et leur accessibilité;
9.9. à promouvoir des possibilités de travail à domicile pour les femmes vivant en milieu rural;
9.10. à accroître les opportunités d’emploi en zone rurale dans des secteurs autres que l’agriculture, comme les télécommunications, les services locaux, le tourisme et les loisirs;
9.11. à créer des incitations pour les entreprises qui décident de s’implanter en zone rurale et d’employer des femmes.
10. Afin d’améliorer la situation sociale des femmes en milieu rural, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1. à élaborer un cadre législatif complet sur le statut des femmes travaillant en tant qu’épouses aidantes, qui leur permettrait de bénéficier d’une couverture sociale, d’une pension de retraite, de soins médicaux, de congés de maternité et de prestations liées à la maternité, et à veiller à l’application des règlements nationaux de sécurité et de santé;
10.2. à établir un système pour enregistrer celles qui travaillent en tant qu’épouses aidantes, afin d’assurer la pleine jouissance de leurs droits sociaux, en conformité avec la Résolution 1752 (2010) de l’Assemblée sur des pensions de retraite décentes pour les femmes et la Résolution 1329 (2003) sur le statut du conjoint collaborateur dans l’entreprise familiale;
10.3. à améliorer les conditions de travail des femmes et des hommes dans l’agriculture, et à veiller à prendre en compte les approches soucieuses du genre lors de l’estimation des risques et de la prévention des accidents du travail et des dangers sanitaires chez les travailleurs agricoles. Une attention spéciale doit être accordée à la situation des femmes enceintes et des mères qui allaitent;
10.4. à renforcer la disponibilité de services essentiels tels que les garderies, les écoles obligatoires, l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées, les services sociaux et de santé, afin que les femmes en milieu rural puissent plus facilement concilier travail et vie familiale;
10.5. à veiller à la disponibilité de structures de soins médicaux dans les zones rurales et de services liés à la santé sexuelle et génésique, et à la planification familiale, en créant si nécessaire des unités mobiles;
10.6. à promouvoir la scolarité, l’éducation des adultes et la formation professionnelle pour les femmes et les filles dans les zones rurales;
10.7. à établir ou à encourager l’établissement de bureaux d’information et d’associations de défense fournissant aux femmes vivant en milieu rural des conseils sur leurs droits et leur représentation en justice;
10.8. à investir dans des infrastructures et des services comme les routes, les transports publics, la téléphonie à haut débit et les connexions internet, y compris dans les zones rurales reculées, afin de diminuer l’isolement des habitants – des femmes en particulier – et d’accroître leurs opportunités d’emploi et d’éducation;
10.9. à mettre en place des programmes et des centres de réinsertion des victimes de la traite des êtres humains en zone rurale, ainsi que des dispositifs de protection, des services et des hébergements pour les victimes de violence, y compris la violence domestique.
11. Enfin, l’Assemblée appelle le Parlement européen et la Commission européenne, dans le cadre de leurs compétences respectives:
11.1. à poursuivre leurs efforts pour garantir une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes leurs politiques et leurs mesures, que ce soit dans le cadre de la Politique agricole commune ou des fonds structurels;
11.2. à veiller à l’exécution de la Directive 2010/41/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, et abrogeant la Directive 86/613/CEE du Conseil.