Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1869 (2012) Version finale
L'impact environnemental des épaves englouties
1. Les épaves, l’acidification des
océans et l’immersion des déchets dans les océans comptent parmi
les principales sources de pollution marine. Quelque 75 % des épaves
englouties ont coulé pendant la seconde guerre mondiale. Cela signifie
que leurs structures métalliques sont vieillissantes et que les
tôles se détériorent, risquant de libérer leur contenu dans l’océan
sous les effets de la corrosion.
2. L’océan Atlantique Nord renferme 25 % des épaves potentiellement
polluantes du monde. On estime que ces épaves contiennent environ
38 % du volume total des hydrocarbures contenus dans des bateaux engloutis.
La Méditerranée, quant à elle, contient 4 % des épaves au niveau
mondial et environ 5% du volume estimé de ces hydrocarbures, des
chiffres élevés compte tenu de sa taille et de l’écosystème marin
fragile qui caractérise une mer fermée.
3. Les hydrocarbures ne sont pas la seule menace à la biodiversité
marine. Les navires de guerre de la seconde guerre mondiale transportaient
également des munitions qui, au fil du temps, approchent un état
de corrosion susceptible de provoquer des fuites non négligeables
de produits toxiques. Certains de ces produits toxiques, comme le
mercure, ne sont pas biodégradables et peuvent contaminer chimiquement
la chaîne alimentaire.
4. En se référant à la recherche menée par le Fonds mondial pour
la nature (World Wide Fund for Nature –
WWF), Italie, et l’organisation non gouvernementale Legambiente,
ainsi qu’au rapport de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée
intitulé «Le déversement de déchets toxiques et radioactifs et la
traite des êtres humains en Méditerranée», l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe exprime sa forte préoccupation concernant
le rejet illégal en mer de déchets toxiques et radioactifs transportés
dans des navires vétustes que l’on a délibérément fait sombrer dans
la Méditerranée.
5. L’Assemblée souligne ainsi que, sans cartographie de ces risques,
il ne pourra être procédé à aucune évaluation exacte des menaces.
Un inventaire des épaves potentiellement polluantes a été dressé
par l’Environmental Research Consulting (ERC) en 2004. L’International
Marine Shipwreck Database (base de données internationale des épaves
marines) a identifié quelque 8 569 épaves potentiellement polluantes
dans le monde, dont 1 583 bateaux-citernes. Toutefois, les informations
et les données précises sur les épaves de grands fonds englouties
au-delà de 600 mètres sont rares.
6. L’Assemblée considère que la décision de récupérer les hydrocarbures
et les autres produits dangereux d’une épave engloutie doit se fonder
sur une évaluation fiable des risques et sur une analyse coûts/bénéfices approfondie,
car tout effort de récupération est généralement coûteux, chronophage
et périlleux.
7. La nécessité d’une politique commune concernant le traitement
et l’enlèvement des épaves a longtemps été débattue au sein de l’Organisation
maritime internationale. La Convention internationale de Nairobi
sur l’enlèvement des épaves (Convention de Nairobi), ouverte à la
signature en 2007, offre par conséquent un cadre juridique harmonisé,
adapté à la gestion des épaves. La convention propose un ensemble
de règles ayant pour but de permettre un enlèvement rapide des épaves
qui peuvent présenter un obstacle à la navigation ou une menace
à l’environnement et qui se situent dans les zones économiques exclusives
des Etats parties, dans leurs zones de protection environnementale
ou sur leur plateau continental.
8. L’Assemblée note avec satisfaction l’inclusion dans la Convention
de Nairobi d’un régime d’assurance financière censé garantir que
le propriétaire d’un navire englouti est en premier chef responsable
et financièrement en charge de baliser puis d’enlever l’épave menaçant
l’environnement.
9. Toutefois, l’Assemblée déplore le fait que seuls quatre pays
aient à ce jour signé la Convention de Nairobi – à savoir l’Estonie,
la France, l’Italie et les Pays-Bas – ce qui empêche son entrée
en vigueur pour l’instant.
10. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire recommande
aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1. de signer et de ratifier la Convention internationale
de Nairobi sur l’enlèvement des épaves;
10.2. de créer une base de données européenne sur les épaves,
leur localisation, leur cargaison et leur potentiel polluant, en
coordination avec les organismes nationaux chargés de la pollution
marine ou dans le cadre des conventions de mers régionales: la Convention
pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (Convention
OSPAR), 1992, entrée en vigueur le 25 mars 1998; la Convention sur
la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée
(Convention de Barcelone), 1976, amendée en 1995; et la Convention
sur la protection du milieu marin dans la zone de la mer Baltique (Convention
d’Helsinki), 1974, révisée en 1992;
10.3. de conduire des évaluations systématiques des épaves afin
de recenser celles qui représentent un risque pour l’environnement
et d’actualiser régulièrement ces informations;
10.4. de soutenir la recherche afin d’améliorer:
10.4.1. les
prévisions en matière de progression de la corrosion et de dégradation
des épaves englouties en fonction de leur environnement (température
de l’eau, courants, etc.);
10.4.2. les connaissances des propriétés physiques des hydrocarbures
et des substances toxiques et radioactives en eau profonde, en eau
froide et lorsqu’ils sont soumis à la forte pression de l’eau;
10.4.3. la technologie des véhicules sous-marins commandés à distance (remotely operated underwater vehicles – ROVs), en
vue de réduire les coûts de reconnaissance et de localisation des
épaves, ainsi que les coûts de pompage d’hydrocarbures ou de neutralisation
des déchets toxiques ou radioactifs, et/ou d’enlèvement des épaves;
10.5. d’envisager la création d’un fonds européen pour les anciennes
épaves, lorsque le propriétaire n’est pas connu, pas joignable ou
insolvable, pour financer le coût des investigations et les interventions sur
les épaves menaçant l’environnement.