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Résolution 1883 (2012) Version finale
Les cimetières juifs
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
la contribution historique des communautés juives à la création
du tissu social, culturel et économique de l’Europe, et souligne
l’importance de préserver l’identité religieuse, historique et culturelle
des communautés juives.
2. L’Assemblée souligne l’importance de la liberté de religion
et d’expression religieuse, et défend le droit de reposer en paix,
interprété comme un aspect particulier du droit au respect de la
vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5). L’Assemblée estime
qu’il y a une responsabilité de protéger la dignité humaine au sens
large en préservant les défunts dans leur sépulture d’une manière
compatible avec leur religion.
3. Les cimetières et les fosses communes juifs (ci-après «lieux
d’enterrement») font partie du patrimoine culturel européen. La
Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine
culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro») établit
un lien important entre la protection des droits fondamentaux et
celle du patrimoine, et affirme l’existence d’une «responsabilité
européenne commune» vis-à-vis du patrimoine culturel, qui embrasse
non seulement les éléments exceptionnels, mais aussi ordinaires du
patrimoine et les valeurs qui y sont attachées.
4. L’histoire tragique du peuple juif a conduit à l’extermination,
à l’exode ou au transfert de nombreuses communautés locales. Bien
qu’il y ait encore souvent des traces des anciens cimetières dans
les villes et villages qui ont perdu leur population juive, leur
préservation et leur protection sont constamment menacées.
5. L’Assemblée relève que les dommages subis par les lieux d’enterrement
juifs en Europe ne se limitent pas aux profanations de tombes mais
sont très souvent le résultat d’une gestion déficiente, d’un manque
de ressources, de violations des mesures de protection, de règles
d’urbanisme inadaptées ou d’abus de propriété.
6. En outre, le statut juridique des lieux d’enterrement juifs
est complexe, compte tenu de la variété des situations juridiques
dans lesquelles se trouvent à la fois ces sites et les communautés
juives dans différents pays européens. Il se peut aussi que, notamment
dans les pays d’Europe centrale et orientale, un statut juridique
spécial ait été tout simplement négligé ou oublié à la suite d’importants
changements de régime politique.
7. Toutefois, l’Assemblée attire également l’attention sur les
exemples positifs d’efforts de protection et de préservation des
lieux d’enterrement juifs, déployés conjointement par des organisations
locales et internationales juives et non juives, en coopération
avec les autorités locales, dans toute l’Europe. Ces efforts mettent
en évidence la volonté de favoriser une prise de conscience et de
tirer les enseignements de l’Histoire, et une détermination à assumer
une responsabilité commune pour la sauvegarde de ce patrimoine.
8. Un Itinéraire européen du patrimoine juif – établi sous les
auspices de l’Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe sur les
itinéraires culturels – crée les opportunités et les conditions
favorables pour protéger et préserver le patrimoine juif, dont les
lieux d’enterrement, dans le cadre de son objectif général: contribuer
à la réintégration spirituelle et historique des communautés juives
détruites et à une connaissance accrue de l’histoire de l’Europe.
9. Par conséquent, l’Assemblée recommande aux Etats membres du
Conseil de l’Europe:
9.1. de signer,
de ratifier et de mettre en œuvre la Convention de Faro;
9.2. d’adhérer à l’Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe
sur les itinéraires culturels et, le cas échéant, de participer
à son Itinéraire européen du patrimoine juif, qui constitue un excellent
cadre pour une action concertée aux niveaux national et international;
9.3. de réviser, si besoin est, les cadres juridique, financier
et professionnel nationaux afin notamment:
9.3.1. que la
réglementation applicable, comme celle relative à l’urbanisme, prenne
en compte les dispositions particulières en matière de conservation;
9.3.2. que les projets de développement local fassent l’objet
d’un contrôle effectif pour éviter la violation des lieux d’enterrement
juifs;
9.3.3. que les décisions concernant d’éventuels aménagements
de ces sites tiennent dûment compte des valeurs et traditions culturelles
et religieuses juives;
9.4. de mettre en œuvre, en partenariat avec les autorités
locales concernées et les organisations juives intéressées, comme
le Comité pour la préservation des cimetières juifs en Europe et
l’organisation mondiale Agudath Israel, des initiatives visant à
améliorer la gestion, l’entretien, la préservation et la restauration
des lieux d’enterrement juifs et, en particulier:
9.4.1. de
favoriser les actions conjointes entre les pouvoirs publics et les
parties prenantes concernées telles que des experts, des universitaires,
des centres d’archivage publics et privés, des entreprises et des
organisations non gouvernementales;
9.4.2. de recenser et de recueillir les meilleures pratiques,
et d’élaborer des lignes directrices nationales;
9.4.3. d’établir des programmes de localisation des lieux d’enterrement
juifs, en recourant à des moyens techniques non intrusifs (comme
les radars à pénétration de sol) et de faciliter les recherches
techniques et le recensement de ces sites;
9.4.4. de constituer des bibliothèques virtuelles des sites,
comportant des cartes, des photographies et des témoignages, et
de les actualiser en permanence;
9.4.5. de promouvoir la connaissance de l’histoire locale et
du patrimoine culturel local juif dans le cadre des stratégies de
développement local;
9.4.6. de sensibiliser les communautés locales au besoin impérieux
de préserver les sites menacés de profanation, de dégradation ou
de disparition;
9.4.7. de lancer ou d’encourager des projets pilotes faisant
participer des établissements scolaires et des associations locales
à la construction de murs protecteurs, à l’entretien des cimetières,
à la consultation des archives locales, à «l’adoption» de cimetières,
etc.;
9.5. de coopérer avec le Conseil de l’Europe:
9.5.1. pour
élaborer des instruments pratiques destinés à promouvoir la mise
en œuvre de la Convention de Faro, comme des mécanismes participatifs
visant à associer les communautés patrimoniales à la protection,
à la restauration, à l’entretien et à la transmission du patrimoine culturel
et religieux local;
9.5.2. pour échanger les meilleures pratiques et élaborer des
lignes directrices communes concernant la protection du patrimoine
juif, dont les lieux d’enterrement juifs;
9.5.3. pour promouvoir, avec le concours d’organisations juives
locales et internationales, la connaissance de l’histoire juive,
en mettant tout particulièrement l’accent sur la contribution positive
des Juifs, individuellement ou collectivement, et de leur culture
aux sociétés européennes, et sur leur rôle dans l’histoire locale
et nationale.
10. L’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
du Conseil de l’Europe à prendre en compte la présente résolution
et à promouvoir la coopération entre les autorités locales et régionales
à cet égard.
11. L’Assemblée invite l’Union européenne à coopérer avec le Conseil
de l’Europe afin de soutenir la mise en œuvre effective de la Convention
de Faro, d’élaborer des principes directeurs et de mettre en place
des incitations financières pour protéger et préserver les sites
patrimoniaux juifs dans le cadre de l’Accord partiel élargi du Conseil
de l’Europe sur les itinéraires culturels.