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Rapport | Doc. 13083 | 20 décembre 2012

Géorgie et Russie: la situation humanitaire dans les régions touchées par la guerre et les conflits

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Tina ACKETOFT, Suède, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12979, Renvoi 3884 du 29 juin 2012. 2013 - Première partie de session

Résumé

Pour l’essentiel, les besoins humanitaires urgents qui se sont manifestés au lendemain du conflit de 2008 entre la Géorgie et la Russie ont été pris en charge, mais il reste dans ce domaine d’importants défis à long terme qui ne pourront être résolus tant que perdure cette situation de conflit gelé et que la priorité est donnée à la politique au détriment de la population.

A l’exception des rares personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) rentrées dans les régions de Gali et d’Akhalgori, les perspectives de retour de personnes déplacées restent minces. Par conséquent, la fourniture de solutions de logement durable et de moyens de subsistance pour les personnes déplacées continuera de représenter un défi pour les autorités géorgiennes.

Du point de vue de la sécurité, la situation est toujours tendue, sans atteindre toutefois le niveau de tension qui a abouti à la guerre de 2008. Sans une observation internationale ou la présence de forces internationales de maintien de la paix solides et non partisanes des deux côtés de la ligne de démarcation administrative, il sera difficile d’apaiser les craintes liées au sentiment d’insécurité.

En dépit de ce sombre tableau, quelques légers aménagements permettraient d’améliorer le quotidien des personnes affectées par le conflit. Faciliter le franchissement de la ligne de démarcation administrative, renforcer le dialogue à tous les niveaux (étudiants, société civile, échelon politique) afin de remédier à la méfiance si profondément ancrée, ne sont que deux exemples de mesures susceptibles d’être prises.

Quatre recommandations pratiques sont formulées à l’attention du Comité des Ministres. Il conviendrait d’une part de recourir à l’expertise du Conseil de l’Europe en matière d’éducation pour garantir l’enseignement dans la langue maternelle, en particulier aux locuteurs natifs du géorgien de la région de Gali. La deuxième serait d’apporter une assistance pour une intégration réussie des personnes déplacées dans leur nouveau lieu d’installation. Troisièmement, apporter de l’aide pour lutter contre la violence domestique qui s’est aggravée par suite de la guerre. Enfin, encourager une plus grande liberté de circulation de part et d’autre de la ligne de démarcation administrative.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 27 novembre 2012.

(open)
1. Plus de quatre ans après la guerre qui a éclaté en 2008 entre la Géorgie et la Russie, les conséquences humanitaires du conflit demeurent très préoccupantes.
2. Alors que les besoins urgents des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et des réfugiés ont été pour l’essentiel pris en charge, on assiste à un gel lent mais indubitable du conflit, l’intérêt politique primant sur la vie des personnes. Cette situation rend difficile tout progrès sur le front humanitaire.
3. L’attention portée de toutes parts aux questions de statut, au franchissement de la ligne de démarcation administrative (LDA) et aux problèmes de terminologie étouffe toute possibilité de progrès sur le front humanitaire. Ces questions sont de nature politique et devraient être secondaires, au lieu de dominer le débat sur les questions humanitaires. Des changements politiques récents suite aux élections du 1 er octobre 2012 en Géorgie constituent une opportunité pour un changement de dialogue de chaque partie.
4. Le droit au retour volontaire, en toute sécurité et dans la dignité, des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et des réfugiés est l’une des questions humanitaires essentielles. Dans la pratique, ce droit est largement ignoré pour la plupart des PDI, à l’exception, dans une certaine mesure, des PDI dans les zones de Gali et Akhalgori. Il est important que des possibilités de retour restent ouvertes pour les PDI, même si cela doit se faire pas à pas.
5. Du point de vue de la sécurité, la situation reste tendue, en particulier pour les personnes qui vivent à proximité de la LDA, sans atteindre toutefois le niveau qui a abouti à la guerre de 2008. La forte présence militaire russe, tant en Abkhazie, Géorgie, qu’en Ossétie du Sud, Géorgie, est perçue de manière contradictoire. D’un côté, elle est vue comme l’occupation d’une partie du pays par l’armée d’un pays voisin, tandis que, de l’autre, elle est ressentie comme une garantie contre la reprise du conflit. Ce ne sont pas des armées se faisant face le long de la LDA qui permettront de rétablir la sécurité et la confiance à long terme, mais plutôt la présence de forces internationales d’observation et de maintien de la paix solides et non partisanes, de part et d’autre de cette ligne.
6. Le plus grand problème humanitaire auquel est confronté le Gouvernement géorgien est la fourniture de solutions de logement durables et de moyens de subsistance aux PDI. S’il convient de féliciter le gouvernement pour les efforts déployés dans ce domaine, de nombreux problèmes persistent, s’agissant notamment de l’hébergement de PDI dans des centres collectifs, des logements privés ou encore des PDI relogées après 2008 dans des abris temporaires dans l’ensemble du pays.
7. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par la situation des Géorgiens de souche dans les régions de Gali et d’Akhalgori. Bien que ces deux régions diffèrent à bien des égards, la population locale y rencontre des problèmes similaires. Le franchissement de la LDA pour des raisons familiales, économiques, liées à la santé ou à l’éducation, ou autres, reste difficile et incertain. Certains signes positifs laissent toutefois entrevoir qu’un simple assouplissement des modalités et l’ouverture de nouveaux points de passage permettraient de faciliter le franchissement de cette ligne, mais nous n’avons pour l’heure aucune garantie quant à la mise en œuvre de telles mesures. L’Assemblée est également préoccupée par les problèmes liés aux documents d’identité et d’enregistrement qui conditionnent les voyages, mais aussi l’accès à un large éventail de droits, dont celui de propriété. Elle s’inquiète par ailleurs des approches qui entravent l’enseignement dans la langue maternelle plutôt que de le favoriser. Tout en axant la présente résolution sur les questions humanitaires, l’Assemblée rappelle la position politique qu’elle a adoptée dans sa Résolution 1633 (2008)sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie et dans sa Résolution 1683 (2009)sur les suites données.
8. Afin d’améliorer la situation humanitaire, l’Assemblée invite la Géorgie, la Russie et les autorités de fait de Soukhoumi et Tskhinvali:
8.1. à prendre pleinement en compte et à mettre en œuvre les recommandations de l’Assemblée qui figurent dans les Résolutions 1648 (2009) et 1664 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie;
8.2. à travailler activement à la résolution des problèmes de sécurité au sein du premier groupe de travail établi dans le cadre des Discussions internationales de Genève et à engager un véritable dialogue sur la question de l’observation des deux côtés de la LDA, en y associant la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE), et à œuvrer de bonne foi à la mise en place d’un mécanisme international de maintien de la paix pour échapper à la situation très instable d’armées se faisant face dans les zones de conflit;
8.3. à soutenir pleinement le Mécanisme de prévention et de règlement des incidents (IPRM) dans les formes convenues dans les Discussions internationales de Genève et à veiller à ce que le dispositif couvrant la région d’Abkhazie soit réactivé d’urgence, dans les formes convenues précédemment;
8.4. à maintenir la question du retour des PDI et des réfugiés à l’ordre du jour du deuxième Groupe de travail établi dans le cadre des Discussions internationales de Genève, y compris dans les régions de Gali et d’Akhalgori, où des retours volontaires continuent, dans une certaine mesure, de se produire;
8.5. à garantir la sûreté et la sécurité de l’ensemble des personnes dans la région et en particulier des PDI qui sont rentrés, en prenant des mesures fermes pour lutter contre la criminalité, notamment le racket, la corruption et le travail forcé;
8.6. à s’attaquer à la question de la violence faite aux femmes, liée aux conséquences de la guerre, et à attirer l’attention sur ce problème, en mettant à profit l’expertise et l’assistance du Conseil de l’Europe;
8.7. à garantir la liberté de circulation par-delà la LDA afin de permettre la reprise économique et d’améliorer les moyens de subsistance de la population locale, notamment en ouvrant de nouveaux points de passage et en supprimant les restrictions administratives;
8.8. à défendre le droit à l’enseignement dans la langue maternelle, en particulier, mais pas seulement, pour les locuteurs de langue géorgienne dans les régions de Gali et d’Akhalgori, et à garantir la liberté de circulation par-delà la LDA pour des raisons d’éducation;
8.9. à coopérer pleinement aux travaux sur les personnes disparues, notamment à la collecte de données ante-mortem et d’informations sur les lieux où sont susceptibles de se trouver les disparus et à l’exhumation et au rapatriement des corps, ainsi qu’à l’apport d’un soutien psychologique à leurs familles;
8.10. à mettre en place une enquête internationale chargée d’examiner les allégations de dégradation de monuments du patrimoine culturel dans les régions touchées par le conflit;
8.11. à faciliter une visite de la rapporteure de l’Assemblée dans les régions de Tskhinvali et d’Akhalgori.
9. L’Assemblée encourage les autorités géorgiennes à poursuivre leurs efforts visant à répondre aux besoins humanitaires des PDI, et en particulier:
9.1. à offrir des solutions de logement durables et, notamment, à répondre aux besoins des personnes hébergées dans des logements privés, à réhabiliter ou à fermer certains des centres collectifs, à privatiser les nouveaux ensembles une fois que les défauts de construction auront été réglés et à proposer, selon le cas, le versement d’une indemnité à défaut de logement;
9.2. à veiller, si tant est que de nouvelles expulsions de PDI s’avèrent nécessaires, au respect des procédures normalisées convenues et à faire en sorte que les personnes concernées soient pleinement informées et averties à l’avance et se voient proposer, au besoin, un autre logement convenable;
9.3. à redoubler d’efforts pour garantir des moyens de subsistance adéquats aux PDI, en particulier à celles hébergées dans les nouveaux ensembles, afin de briser le cycle de la dépendance et d’éviter qu’ils ne se transforment en ghettos;
9.4. à réexaminer le «Plan d’action pour l’engagement», adopté dans le cadre de la «Stratégie d’Etat sur les territoires occupés», afin d’assurer que son objectif, qui est de favoriser la réintégration, soit atteint.
10. L’Assemblée invite les autorités russes:
10.1. à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apporter des solutions à la situation critique en matière de logement de beaucoup de réfugiés ossètes de souche depuis les conflits en Géorgie du début des années 1990, mais aussi suite au conflit de 2008, en tirant pleinement parti des financements fédéraux, régionaux ou internationaux, comme proposé dans la Résolution 1879 (2012)de l’Assemblée sur la situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région;
10.2. à régulariser la situation des personnes qui avaient fui en Russie après les conflits antérieurs en Géorgie et qui vivent en situation irrégulière et qui sont, dans certains cas, apatrides.
11. L’Assemblée demande à la Cour européenne des droits de l’homme d’accélérer l’audition de la requête interétatique de la Géorgie contre la Russie (Requête n o 38263/08) qui est devant la Grande Chambre.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté par la commission le 27 novembre 2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution ... (2013) sur la Géorgie et la Russie: la situation humanitaire dans les régions touchées par la guerre et les conflits.
2. Elle note en particulier que les besoins urgents des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et des réfugiés ont été pris en compte, mais que d’importants problèmes humanitaires subsistent, s’agissant notamment du retour des PDI et de la fourniture de logements durables et de moyens de subsistance à l’ensemble de ces personnes. La sécurité est une question toujours d’actualité et le franchissement de la ligne de démarcation administrative est l’un des problèmes qui affectent le plus la vie des personnes habitant à côté de cette ligne.
3. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe a un rôle à jouer s’agissant de l’amélioration de la situation humanitaire dans les zones touchées par le conflit et se félicite des activités déjà menées par le Conseil de l’Europe, qui contribuent à maintenir un dialogue et à instaurer la confiance dans la région.
4. Outre l’encouragement à poursuivre les mesures de confiance actuellement mises en œuvre qu’elle adresse au Comité des Ministres, l’Assemblée lui recommande :
4.1. de fournir une expertise en matière d’éducation pour renforcer l’enseignement dans la langue maternelle, en particulier dans la région d’Abkhazie, Géorgie, en tenant compte des besoins de tous les groupes linguistiques, Géorgiens ou autres;
4.2. d’apporter une assistance aux autorités géorgiennes pour les aider à garantir l’intégration réussie des PDI dans leur nouveau lieu d’installation, étant entendu que l’intégration est toujours un processus qui fonctionne dans les deux sens;
4.3. d’apporter son soutien pour s’attaquer au problème de la violence domestique et aider les personnes qui en sont victimes, en tenant compte de l’effet que le conflit a eu sur ce phénomène ainsi que des problèmes et des besoins qui ont été relevés dans toute la Géorgie, y compris dans les zones de conflit;
4.4. d’user de son influence politique pour faciliter le franchissement de la ligne de démarcation administrative. Plus que toute autre mesure, ceci permettrait d’améliorer la vie quotidienne de l’ensemble des personnes touchées par le conflit.

C. Exposé des motifs, par Mme Acketoft, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le présent rapport fait suite à deux précédents rapports, établis par Mme Corien Jonker (Pays-Bas, PPE/DC) au nom de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population, qui ont conduit à l’adoption de la Résolution 1648 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie et de la Résolution 1664 (2009) sur les suites données.
2. Au moment de l’élaboration de ce rapport, plus de quatre ans se sont écoulés depuis les hostilités d’août 2008 qui ont donné lieu au déplacement de quelques 192 000 Géorgiens de souche et 36 000 Ossètes de souche. Alors que la grande majorité de ces personnes ont été en mesure de regagner leurs foyers, 18 789 personnes restent déplacées dans les régions non contestées de Géorgie et 3 914 autres ont été déplacées deux fois. Selon les autorités géorgiennes, le nombre total de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) est actuellement de 265 295 
			(3) 
			Statistiques
du ministère géorgien des Personnes originaires des territoires
occupés déplacées à l’intérieur du pays, du Logement et des Réfugiés
à fin mars 2012, citées dans le Rapport du Secrétaire général des
Nations Unies du 22 mai 2012 sur la «Situation des déplacés et réfugiés
d’Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie)».. Les estimations font par ailleurs état de 15 000 personnes déplacées à l’intérieur de l’Ossétie du Sud, Géorgie 
			(4) 
			Dans la suite du rapport,
j’emploierai l’expression «la région d’Ossétie du Sud» pour faire
référence à l’Ossétie du Sud, Géorgie., à la suite du conflit de 2008, et de 5 000 personnes déplacées à la suite du conflit des années 1990 
			(5) 
			D’après
les statistiques du 31 juillet 2009 établies par le HCR et dans
le rapport du 14 janvier 2010 du Secrétaire général des Nations
Unies – citées dans «Internal Displacement Monitoring Centre’s (IDMC)
report on Georgia: partial progress towards durable solutions for
IDPs», 21 mars 2012.. Le nombre de PDI en Abkhazie, Géorgie 
			(6) 
			Dans la
suite du rapport, j’emploierai l’expression «la région d’Abkhazie»
pour faire référence à l’Abkhazie, Géorgie., reste quant à lui inconnu.
3. Le présent rapport a pour objet d’examiner la situation humanitaire des personnes les plus touchées par le conflit, notamment les PDI affectées par les conflits récents et antérieurs et les familles des personnes disparues. L’approche adoptée est de nature humanitaire; elle s’attache aux personnes et non à la politique. Cela étant, dans le cadre de l’élaboration du rapport, il n’a pas toujours été possible de dissocier les deux, notamment lorsqu’il s’agit de chercher des solutions réalistes aux problèmes posés, d’en comprendre l’origine et de les replacer dans leur contexte. Par ailleurs, toutes les parties au conflit ont malheureusement trop souvent accordé la priorité aux aspects politiques à long terme plutôt qu’aux problèmes immédiats rencontrés par les personnes touchées par le conflit.
4. Pour l’élaboration de ce rapport, je me suis rendue à Tbilissi du 19 au 23 septembre 2011. Je suis ensuite retournée en Géorgie du 12 au 15 décembre 2011 afin d’effectuer une visite dans la région d’Abkhazie et de tenir des réunions à Gali et à Soukhoumi. Je me suis également rendue à Moscou du 9 au 11 octobre 2012. Il m’a cependant été impossible d’aller en Ossétie du Sud en raison d’un désaccord politique quant aux modalités régissant mon entrée et ma sortie du territoire.
5. Je tiens à remercier toutes les personnes et les organisations qui ont facilité mes visites et m’ont fourni diverses informations. Je voudrais tout particulièrement exprimer ma reconnaissance à Mme Rosaria Puglisi qui, en sa qualité de consultante, m’a assistée durant les dernières étapes de l’élaboration du présent rapport.
6. Il convient de souligner que rien dans le présent rapport ne saurait être interprété comme étant contraire au plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, conformément à la position de l'Assemblée parlementaire à cet égard et en particulier à celle adoptée dans sa Résolution 1633 (2008)et sa Recommandation 1846 (2008)sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie et les résolutions et recommandations subséquentes y afférentes.

2. La situation générale en Géorgie

2.1. Evolution politique récente à prendre en considération

7. Les Discussions de Genève constituent le principal forum politique consacré aux besoins sécuritaires et humanitaires, en particulier pour les PDI et les réfugiés. Les discussions se poursuivent à intervalles réguliers, le 21 e cycle ayant eu lieu en octobre 2012. Au sein du premier groupe de travail, chargé de traiter les questions de sécurité, les parties ont commencé à travailler sur un accord de non-recours à la force, élément fondamental pour la sécurité et la stabilité dans la région. Il convient de noter à cet égard que la Géorgie a déjà déclaré renoncer unilatéralement au recours à la force, tout comme les autorités de fait à Tskhinvali et Soukhoumi. Le deuxième groupe de travail, qui s'intéresse principalement aux PDI et aux réfugiés, n’a pas connu d’avancée majeure. Le succès le plus significatif des Discussions de Genève reste la mise en place et le bon fonctionnement du Mécanisme de prévention et de réaction en matière d'incidents (IPRM), qui examine les incidents d’ordre sécuritaire et conçoit des solutions pratiques aux problèmes rencontrés. A titre d’exemple, outre le traitement des incidents en matière de sécurité, des progrès ont été signalés dans le domaine de l’eau, notamment avec des projets d’irrigation et de distribution d’eau potable, qui ont des répercussions des deux côtés de la ligne de démarcation administrative (LDA). Cela dit, un problème est survenu lors de la 36e réunion de l’IPRM, le 24 avril 2012, lorsque les procédures de participation établies et convenues ont été remises en question par les autorités abkhazes de fait, qui étaient opposées à la participation du Chef de la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE). Il est important de résoudre ce problème afin que l’IPRM puisse se réunir et poursuivre au plus vite son travail fort utile.
8. Au niveau des Nations Unies, l’Assemblée générale a adopté le 3 juillet 2012 une Résolution sur la «Situation des déplacés et réfugiés d’Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie)». C’est la cinquième année consécutive qu’elle adopte un tel texte. Dans cette résolution, l’Assemblée générale se déclare «préoccupée par les changements démographiques forcés résultant des conflits en Géorgie» et appelle à l’instauration «des conditions de sécurité propices au retour volontaire sans entrave, dans la sécurité et la dignité, de tous les déplacés et réfugiés dans leurs foyers».
9. Le 8 novembre 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a présenté son «Rapport de synthèse sur le conflit en Géorgie (Avril 2012-Septembre 2012)» 
			(7) 
			Voir
SG/Inf(2012)28rév..
10. Le changement de gouvernement intervenu récemment en Géorgie suite aux élections législatives du 1er octobre 2012 constitue probablement le développement politique le plus important. Bien qu’il soit peu probable que cela donne lieu à un changement radical de politique à l’égard du conflit, certains signes laissent entrevoir l’adoption d’une approche plus souple, ce qui est encourageant.

2.2. Faits juridiques récents – Affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme

11. Deux types d’affaires sont en instance devant la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»). Il s’agit dans le premier cas d’une requête interétatique introduite par la Géorgie contre la Russie (Requête n o 38263/08), concernant «le conflit armé qui a éclaté entre la Géorgie et la Fédération de Russie». Cette requête a été déclarée recevable par une chambre de la Cour, qui s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre le 3 avril 2012.
12. Le second type d’affaires est constitué par les requêtes individuelles. 3 300 requêtes individuelles contre la Géorgie ont été déposées après les hostilités d’août 2008. Un grand nombre a été rayé du rôle, la Cour ayant conclu que les requérants ne souhaitaient plus donner suite. Il reste 1 712 requêtes, dont 9 ont été communiquées au gouvernement. Leur examen sera probablement coordonné à la progression de la requête interétatique.
13. Vingt autres requêtes ont été enregistrées, à la fois contre la Géorgie et la Fédération de Russie, et 208 autres, impliquant plus de 900 requérants, ont été déposées contre la Fédération de Russie. Elles ont été communiquées à la Fédération de Russie pour information.
14. La rapporteure attend avec intérêt les conclusions de la Cour, estimant qu’elles marqueront une étape importante et essentielle pour le traitement des conséquences humanitaires et autres de la guerre.

2.3. Politique gouvernementale

2.3.1. Stratégie relative aux personnes déplacées et Plan d'action

15. La Stratégie nationale en faveur des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays a été complétée par un Plan d’action pour la mise en œuvre de la Stratégie d’Etat pour les PDI au cours de la période 2009-2012. Celui-ci a été tout récemment complété par le Plan d’Action pour les PDI pour la période 2012-2014 adopté par décret gouvernemental no 1162 du 13 juin 2012.
16. Globalement, la Stratégie et le Plan d’action ont bénéficié d’un accueil positif. Les acteurs internationaux qualifient de constructive l’approche du gouvernement et font état de l’engagement dont il témoigne. La question des PDI demeure cependant très politisée et plusieurs aspects particulièrement préoccupants seront étudiés plus avant dans le présent rapport.
17. S’agissant de l’actualisation du Plan d’action pour la période 2012-2014, les organisations internationales préconisent de passer d’une approche axée sur la situation des personnes à un modèle d’assistance sociale fondé sur les besoins. Ce changement constituera un défi majeur pour les autorités des points de vue politique, économique et juridique et exigera une préparation minutieuse, en particulier pour anticiper les implications de cette réorientation. Dans ce contexte, un nouveau programme d’évaluation des besoins des PDI a été lancé en juillet 2012. Il porte en priorité sur les secteurs de la santé, de l’agriculture et de l’emploi.

2.3.2. Stratégie relative aux territoires occupés et Plan d'action

18. En janvier 2010, le Gouvernement géorgien a adopté la Stratégie d’Etat sur les territoires occupés: engagement par la coopération. Elle instaure un mécanisme permettant de mener des activités et des projets communs de part et d’autre de la LDA. Elle couvre des domaines tels que les relations économiques, les infrastructures, les transports, l’éducation, les contacts personnels, les mesures juridiques et administratives et les droits de l’homme.
19. Le Plan d'action pour l'engagement a été adopté le 3 juillet 2010 et définit les modalités de mise en œuvre des objectifs définis dans la Stratégie. Il institue, entre autres, un Mécanisme de liaison qui assure la communication entre les communautés divisées et facilite la conduite de projets internationaux ainsi que la fourniture de médicaments. J’ai eu recours à ce mécanisme pour franchir la LDA et organiser des réunions lors de ma visite à Gali et à Soukhoumi. Le système s’est avéré efficace et a bien fonctionné.
20. L'introduction de cartes d’identité et de documents de voyage neutres est l’un des autres instruments mis en place. Ces documents devraient en principe permettre aux personnes qui résident habituellement dans les régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (à l’exclusion des militaires russes) de bénéficier des services médicaux, éducatifs et sociaux au même titre que tous les citoyens des autres régions de Géorgie. Par ailleurs, l’objectif est que ces documents de voyage permettent, au final, à leurs titulaires de se rendre à l’étranger à des fins médicales, éducatives ou de renforcement de la confiance. Cependant, à l’heure actuelle, peu de pays ont décidé d’accepter ces documents et les interlocuteurs rencontrés à Soukhoumi et Moscou ont fait part de leur ferme opposition à leur utilisation, remettant en cause leur neutralité (il est fait référence à la Géorgie dans le code du pays et au ministère géorgien de l’Intérieur en tant qu’autorité émettrice). Peu de personnes auraient fait la demande de ces documents, qui risquent de ne pas rencontrer le succès escompté par les autorités géorgiennes 
			(8) 
			Dix pays ont reconnu
les documents de voyage neutres: la Bulgarie, l’Estonie, Israël,
le Japon, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République slovaque,
la République tchèque et les Etats-Unis d’Amérique. Le Gouvernement géorgien
a délivré 200 de ces documents selon le «Rapport de synthèse sur
le conflit en Géorgie (avril 2012-septembre 2012)» présenté par
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe (SG/Inf(2012)28rév).. Ils représentent néanmoins l’une des différentes options offertes aux personnes qui souhaitent obtenir les avantages procurés par ces documents, comme la possibilité de voyager à l’étranger
21. Le gouvernement a également approuvé, en octobre 2010, les modalités d’intervention dans ces régions 
			(9) 
			Voir le document du
Gouvernement géorgien intitulé «Modalités d’engagement des organisations
déployant des activités dans les territoires occupés de Géorgie»., qui définissent les procédures à suivre et permettent, par exemple, de mener une action humanitaire d’urgence sans notification préalable. J’ai cru comprendre que l’ensemble des projets soumis a pour l’heure été autorisé et que 125 «avis de non-objection» ont été rendus.
22. Dans la pratique, les autorités géorgiennes sont ouvertes aux projets humanitaires, mais d’autres formes de coopération se heurtent au problème du statut et à la crainte que cette coopération risque de promouvoir la construction et la reconnaissance d’un Etat.
23. La rapporteure a appris des organisations internationales intervenant dans la région d’Abkhazie, qu’elles parviennent à travailler sereinement et à résoudre divers problèmes tant qu’elles évitent d’aborder les sujets de controverse, qui prennent sinon rapidement une tournure politique et touchent à la question du statut. Cela dit, fin octobre 2012, des organisations non gouvernementales (ONG) internationales ont été invitées à fermer leurs bureaux à Soukhoumi et à restreindre leurs interventions à la seule zone de Gali. Si cela se concrétise, le dialogue et la coopération en seront entravés, ce qui constituera un retour en arrière pour le renforcement de la société civile à Soukhoumi. La situation est différente dans la région d’Ossétie du Sud, où la seule organisation internationale présente est le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
24. Le Conseil de l’Europe a mené tout un éventail d’activités de renforcement de la confiance, qui se sont avérées positives et constructives. Dans le cadre de ces activités, bilatérales, des journalistes ont été formés à couvrir de manière équilibrée les événements politiquement sensibles, un séminaire de formation a été organisé sur l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer les aptitudes à la communication interculturelle, un projet a été mené pour réunir des artistes en faveur du dialogue, de même qu’une initiative visant à mettre à la disposition de groupes de la société civile et d’établissements d’enseignement des documents sur les droits de l’homme. Plusieurs autres projets sont à l’étude, notamment un projet sur les droits du patient, un séminaire destiné aux enseignants et aux formateurs d’enseignants sur les enfants en détresse psychologique ainsi qu’une activité portant sur la préservation du patrimoine culturel. Il convient de s’en féliciter. Je crois comprendre que l’organisation de ces activités se heurte à certaines difficultés (comme la question de savoir si elles doivent dépasser le stade bilatéral et prendre une dimension européenne plus large ou des problèmes concernant les documents de voyage). J’espère toutefois que toutes les parties feront preuve de suffisamment de souplesse pour permettre leur poursuite. Par ailleurs, je tiens à encourager le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à développer encore ses activités de renforcement de la confiance. Sans de tels contacts et activités, il ne sera pas possible d’instaurer la confiance.
25. Au cours de ma visite à Tbilissi, la création d’un Fonds fiduciaire par les autorités géorgiennes a suscité certaines inquiétudes. Elle a été perçue comme un moyen de centraliser l’ensemble des actions et des financements afin de contrôler les activités dans les régions. En réponse à ces inquiétudes, les autorités géorgiennes ont déclaré qu’il s’agissait d’un mécanisme supplémentaire, qui ne porte pas préjudice à ceux qui sont déjà en place ou aux dispositifs de financement international mis en place par la communauté internationale.
26. J’estime que cette Stratégie, si elle ouvre la voie à une coopération limitée et à l’accès humanitaire, est toutefois assez peu utile à la réintégration. Tous les interlocuteurs rencontrés au cours de ma visite à Soukhoumi, y compris les acteurs de la société civile, m’ont clairement fait savoir qu’ils éprouvaient une certaine méfiance à l’égard de la Stratégie et de sa motivation. Ils ont par ailleurs indiqué être peu enclins à la réintégration. Pour garantir l’impact et le succès de cette stratégie ou d’une autre, toutes les parties prenantes devront se montrer plus conciliantes. La nécessité pour les autorités géorgiennes de garder le contrôle est compréhensible; elle ne doit cependant pas nuire à l'objectif visé, c'est-à-dire la réintégration. Certains éléments amènent toutefois à penser que les élections législatives qui ont eu lieu récemment en Géorgie et la nomination d’un nouveau gouvernement qui s’en est suivie devraient entraîner une réorientation de la stratégie et du plan d’action, qui devrait se traduire par un renforcement, plutôt que par une diminution, de l’engagement, de la négociation et de la coopération. Il est à souhaiter qu'un compromis du côté géorgien entraînera une attitude similaire de la part des autorités de fait à Soukhoumi et Tskhinvali.

2.3.3. Loi sur les PDI

27. La modification apportée en décembre 2011 à la loi sur les PDI limite la définition des «personnes déplacées» aux seuls «résidents en provenance des territoires occupés». Cette modification a été critiquée parce qu'elle n'est pas conforme aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays et parce que son application rétroactive priverait de toute protection juridique de nombreuses personnes déplacées dont les foyers non sécurisés sont situés dans des villages situés du côté de la LDA sous contrôle géorgien. Le Gouvernement géorgien a l'obligation internationale de porter assistance à sa population de personnes déplacées d'une manière non discriminatoire et devrait donc remédier à cette absence potentielle de protection.

2.4. Sécurité

28. La sécurité aux abords de la LDA et le long de celle-ci s'est, dans l'ensemble, améliorée depuis le dernier rapport de la commission, en 2009. Aucun incident majeur comparable à ceux qui ont engendré le précédent conflit n’a été enregistré et les tensions se sont apaisées. Certains incidents préoccupants restent cependant à déplorer sur le plan de la sécurité. Ils sont très variés 
			(10) 
			Understanding and responding
to security needs, Lessons learnt from working with communities
in Shida Kartli. Emily Speers Mears et David Wood, Institut caucasien
pour la paix, la démocratie et le développement et Saferworld, février
2011.: coups de feu, mouvements de troupes, vols d’hélicoptères ou d’avions à basse altitude, explosions de mines et dommages causés par des engins non explosés, déplacement de la LDA, détentions, enlèvements et autres crimes, entrave à l’accès aux pâturages, aux champs et à l’eau, etc. L'absence ou la manipulation d’informations des deux côtés de la LDA, ainsi que le manque d’interaction et les restrictions à la liberté de circulation par-delà la LDA contribuent à renforcer le sentiment d’insécurité. Par ailleurs, en 2010-2011, une douzaine d’attentats ou tentatives d’attentats à la bombe ont été signalés en Géorgie. A ce sujet, les autorités géorgiennes ont accusé la Russie non seulement d’entretenir un réseau d’espions, mais aussi de jouer un rôle dans ces attentats 
			(11) 
			Georgia–Russia: Learn
to Live like Neighbours. Crisis Group Europe Briefing, n° 65, 8
août 2011. .
29. La forte présence militaire russe par-delà la LDA est perçue par la Géorgie comme une menace constante et une occupation du territoire géorgien. De l’autre côté de la LDA, les autorités de fait y voient une garantie contre toute reprise du conflit. Ce ne sont pas des armées se faisant face le long de la LDA qui permettront de rétablir la sécurité et la confiance à long terme, mais plutôt la présence de forces internationales d’observation et de maintien de la paix solides et non partisanes, de part et d’autre de cette ligne. A cet égard, il est regrettable que la MSUE n’ait pas la possibilité de remplir son mandat des deux côtés de la LDA, ce qui pourrait tout au moins assurer un contrôle non partisan de la situation et des incidents d’ordre sécuritaire. Malheureusement, il semble pour l’heure n’y avoir aucune volonté politique de trouver des solutions alternatives au maintien de la paix ou au contrôle, qu’il s’agisse de l’établissement d’une force multinationale de maintien de la paix (menée par les Russes ou par d’autres) ou de toute autre option.
30. Alors que les opérations de déminage ont été achevées dans la région d’Abkhazie, nul ne peut être sûr à 100 % que toutes les mines ou munitions non explosées ont été éliminées. Le long de la LDA avec la région d’Ossétie du Sud, certaines zones sont encore minées. Pour donner un exemple, en juin de cette année, un véhicule avec à son bord huit gardes forestiers géorgiens a sauté sur une mine près de cette ligne. Il est donc vital que l’ensemble de la population, et en particulier les enfants, restent conscients de ces risques dans les régions touchées par le conflit. Une première mesure pourrait être de limiter, comme les Géorgiens l’ont largement fait, la présence militaire dans une zone de 15 kilomètres de part et d’autre de la LDA, en veillant à ce que les différentes parties n’y disposent que de capacités défensives, plutôt qu’offensives.

2.5. Situation des PDI (anciens et nouveaux dossiers)

2.5.1. Logement

31. Grâce à l'injection de fonds substantiels de la communauté internationale, le Gouvernement géorgien a, depuis 2008, déployé de gros efforts pour répondre aux besoins urgents de logement des nouvelles PDI et résoudre les problèmes rencontrés par celles des conflits antérieurs. Selon le ministre des Réfugiés, des logements durables ont été attribués à 28 861 familles, ce qui représente environ 100 000 personnes.
32. En dépit des mesures prises, les conditions de logement demeurent très préoccupantes pour la majorité des PDI. La situation diffère toutefois d’une région à l’autre et est en générale meilleure pour les personnes déplacées dans la capitale 
			(12) 
			Il convient toutefois
de souligner le fait qu’il existe des centres collectifs délabrés
à Tbilissi comme ailleurs et que les personnes déplacées hébergées
dans des logements privés sont parfois mal logées, indépendamment
du secteur où elles se trouvent.. Le Défenseur public de la Géorgie s’est montré particulièrement actif et critique à cet égard 
			(13) 
			Voir
par exemple le Rapport du Défenseur public de la Géorgie sur la
situation en matière de droits de l’homme des personnes déplacées
et touchées par le conflit en Géorgie.. Les PDI n’ont pas été suffisamment informées des autres solutions qui leur étaient offertes, les opérations ont manqué de transparence et des problèmes de délais de transfert des droits de propriété et de qualité des constructions ont été constatés. Par ailleurs, de nombreuses personnes continuent d’être mal logées, dans des hébergements relevant aussi bien du secteur public que privé.
33. Il est important de noter que toute une série de mesures a été mise en œuvre pour trouver des logements de substitution aux personnes déplacées par le conflit de 2008 et les conflits antérieurs. Les logements baptisés «nouveaux ensembles» où sont hébergées les personnes déplacées par le conflit de 2008 sont des pavillons (13) et des tours d'habitation (25). La majorité de ces ensembles ont été construits en l’espace de quelques mois après le conflit de 2008, alors que les besoins étaient criants et que l’hiver approchait. Ayant eu l’occasion de visiter certains de ces pavillons dans le village de Tserovani, j’ai pu constater que la qualité et la durabilité de ces constructions laissent grandement à désirer. Les remontées d’humidité dues à l’absence de fondations, les inondations, la mauvaise qualité de l’isolation, des installations électriques et des sanitaires sont monnaie courante. J’ai été informée qu’un dispositif est actuellement mis en place pour prendre en charge les réparations de ces habitations et d’autres constructions. Il est essentiel que les réparations et les améliorations soient réalisées avant la privatisation de ces logements, dans la mesure où leur utilisation s’intensifie, ce qui les convertit de fait en solutions de logement durables tant que les retours demeurent impossibles.
34. Selon le ministère géorgien des Personnes déplacées 
			(14) 
			Voir le site du ministère
géorgien des PDI des territoires occupés, du Logement et des Réfugiés <a href='http://mra.gov.ge/main/ENG'>http://mra.gov.ge/main/ENG#section/50.</a>, il y a actuellement 101 323 PDI hébergées dans des centres collectifs et 157 276 dans le secteur privé 
			(15) 
			Lors de
la conférence «Looking forward: Updating the IDP Action Plan 2010»
organisée en février 2010, des statistiques à propos des 467 centres
collectifs propriétés de l’Etat ont été communiquées. 243 de ces
centres ont été rénovés, 45 ont été qualifiés de solutions d'hébergement
durables et 179 étaient destinés à retrouver leur utilisation antérieure.
Cependant, seuls 58 % de ces centres appartiennent à l’Etat, 28 %
sont privés et 14 % relèvent à la fois du secteur public et privé.
Ces données statistiques permettent de mieux cerner l’ampleur du
problème.. Malgré les travaux d’envergure réalisés, la réhabilitation des centres collectifs et le transfert des droits de propriété aux PDI sont loin d’atteindre les objectifs prévus dans le Plan d’action. Plus de 10 000 familles déplacées attendent la privatisation de leur logement. Le ministère des Personnes déplacées n’est pas le seul fautif. Le manque de coordination entre les différents ministères semble être l’une des causes de ce retard. Il convient de remédier à ce problème.
35. Les problèmes les plus courants sont la mauvaise qualité des travaux entrepris et le sentiment de frustration face au manque d’informations relatives au processus de privatisation des centres collectifs et aux expulsions.
36. Certaines expulsions ont été particulièrement problématiques en 2010. Elles ont concerné plus de 1 100 PDI. Les biens concernés n'étaient à l’origine pas officiellement déclarés comme des centres collectifs pour PDI et accueillaient un mélange de personnes déplacées, présentant des besoins, des problèmes et des statuts divers et variés. Les différentes critiques exprimées portaient notamment sur le délai très court dans lequel les expulsions ont été menées, le manque d’informations sur d’autres possibilités de logement adaptées et sur les comportements déplacés ou insultants qui ont accompagné ces expulsions. A la suite de ces critiques, un moratoire a été prononcé sur les expulsions jusqu'à la mise en place d'un programme d'hébergement à l'automne 2010. En outre, des procédures normalisées pour les expulsions ont été élaborées en collaboration avec le HCR et avec d’autres organisations internationales. Ces mesures ont permis d'améliorer le déroulement des expulsions.
37. De nouveaux logements, que l’on pourrait qualifier de modèle de bonne pratique , sont actuellement mis à disposition à Batoumi, à Poti et à Tsqaltubo. Ils sont partiellement financés par l’Union européenne. L’ensemble de Poti, par exemple, comprend 18 immeubles de cinq étages et 14 de quatre étages, ce qui permet d’offrir des solutions durables à 1 168 familles. Selon un récent rapport du HCR, les appartements sont de bonne qualité et les occupants sont satisfaits 
			(16) 
			Observations du HCR
sur le processus de relogement des PDI sur le nouveau site de Maltakva,
Poti, septembre 2011.. L’accès aux services, y compris à l’éducation et à la santé, est également convenable, de même que le choix de l’emplacement. Toutefois, il convient encore, semble-t-il, de résoudre les problèmes liés aux moyens de subsistance et de veiller à ce que ces habitations et les autres solutions de logement ne contribuent pas à une forme de «ségrégation résidentielle». Le Conseil de l’Europe pourrait apporter son assistance en contribuant à garantir l’intégration réussie des PDI dans leur nouveau lieu d’installation, étant entendu que l’intégration est toujours un processus qui fonctionne dans les deux sens.
38. Les personnes hébergées dans des logements privés sont probablement celles qui requièrent le plus d’attention, dans la mesure notamment où leurs besoins n’ont, dans l’ensemble, pas été pris en compte. Elles seraient 135 455 dans cette situation, bien au-delà de 50 % de l’ensemble des PDI. Des études n’ont été menées que très récemment pour évaluer leurs besoins et le Défenseur public a demandé à ce que l’on s’intéresse davantage aux PDI logées dans le secteur privé. Pour donner un aperçu de l’ampleur du problème, selon un rapport de 2011 du Conseil danois des réfugiés 
			(17) 
			Conseil danois des
réfugiés, Rapports d'enquêtes sur les personnes déplacées hébergées
dans des logements privés dans la région de Samegrelo et à Tbilissi,
janvier 2011., 25 % des PDI en hébergement privé dans la région située au Nord-Ouest de Samegrelo et 22 % à Tbilissi avaient un besoin urgent de solutions de logement durables, qu’elles soient ou non elles-mêmes propriétaires du logement concerné. Par ailleurs, beaucoup des personnes en location ou occupant un logement qu’on leur a prêté vivent dans l’insécurité.
39. Du fait de la grande diversité des besoins et des situations des personnes hébergées dans des logements privés, il est important de mener des recherches supplémentaires afin de disposer de données de référence fiables sur les conditions socio-économiques de ce groupe. Les personnes nécessiteuses doivent être aidées, qu'elles possèdent ou non leur propre logement.
40. Sinon, une autre solution est proposée avec le versement d’une indemnité en espèces équivalente à $US 10 000. D’après les statistiques publiées en 2010, 1 684 familles avaient perçu cette somme, mais d’autres attendent encore leur indemnité 
			(18) 
			Cette indemnité est
une aide forfaitaire qui est proposée uniquement aux personnes déplacées
par le conflit de 2008. D'après le Gouvernement géorgien, ce programme
a dû être arrêté en raison des contraintes budgétaires. Le plan d'action
prévoit qu'une aide financière sera proposée aux PDI à un stade
ultérieur de sa mise en œuvre. Comme les financements ne sont pas
disponibles, la mise en œuvre de ce type de mesure ne peut pas être
programmée.. Il faut de toute évidence aider ces personnes à se loger dans l’attente du versement de cette indemnité.
41. En conclusion, la rapporteure note qu’il reste beaucoup à faire et que les autorités géorgiennes ont elles-mêmes reconnu que 800 millions de dollars supplémentaires étaient nécessaires pour pouvoir satisfaire les besoins des PDI en termes de logement. A ce jour, toutefois, les promesses de contributions des donateurs sont seulement de l’ordre de 350 à 400 millions de dollars 
			(19) 
			Voir le rapport de
l’IDMC sur la Géorgie, op. cit.,
citant les chiffres avancés par le Gouvernement géorgien. . Il incombe aux autorités géorgiennes de veiller à ce que toutes les sommes versées soient effectivement utilisées et que leur emploi soit dûment justifié.
42. La création d’un mécanisme permettant aux PDI de récupérer leurs logements, leurs terres et autres biens, indépendamment du lieu où ils se trouvent, ou de percevoir une indemnité, est un point qu’il convient encore d’examiner. A cet effet, les autorités ont été invitées à mener une étude sur les différents droits de propriété et sur les modalités de mise en place d’un mécanisme de réclamation 
			(20) 
			Voir le rapport de
l’IDMC sur la Géorgie, op. cit. .

2.5.2. Moyens de subsistance

43. Le manque de moyens de subsistance est particulièrement problématique pour les personnes vivant dans les lotissements pavillonnaires, mais touchent également les autres. Même celles qui ont déménagé à Poti ou Batoumi, villes qui offrent plus d’opportunités de gagner sa vie ou de trouver un emploi (la première sera une zone de libre entreprise et la seconde un centre touristique), ne s’en sortiront pas sans mal.
44. La communauté internationale s’attache de plus en plus à améliorer les moyens de subsistance des PDI en soutenant des programmes de formation professionnelle, en octroyant de petits prêts à ceux qui désirent monter une entreprise, en impliquant les PDI dans les programmes de réhabilitation de centres collectifs, etc. Il convient cependant de faire davantage, ce qui vaut aussi pour le gouvernement. Beaucoup de PDI sont issues d’un milieu agricole et la mise à disposition de terres et d’équipements agricoles serait à n’en pas douter d’une aide précieuse. Sur un plan général toutefois, il reste beaucoup à faire pour briser le cycle de la dépendance dans lequel se trouvent enfermées de nombreuses PDI, notamment du fait qu’une bonne partie des nouveaux programmes de logements ou d’appartements sont encore loin de constituer des communautés viables. Pour donner une idée de l’ampleur du problème, il a été estimé que les deux tiers des familles déplacées installées dans les nouveaux villages n’ont pour seule source de revenu que les subsides versés par le gouvernement 
			(21) 
			Voir le rapport de
l’IDMC sur la Géorgie, op. cit.,
citant CARE, 31 décembre 2009, Baseline Survey of the IDP settlements
and their neighbouring communities in Kvemo Kartli and Shida Kartli. . Une mesure qui pourrait être prise pour améliorer la situation serait de fournir une aide structurée pour aider les PDI à trouver un travail, prenant en compte leurs compétences et leurs souhaits en matière de moyens de subsistance.

2.5.3. Santé, scolarité et groupes vulnérables

45. L’accès aux soins de santé des PDI a, dans l’ensemble, bien été pris en compte. Cela étant, le Défenseur public a fait savoir qu’en dépit des mesures mises en œuvre par l’Etat pour fournir aux PDI les soins médicaux de base, le manque d’informations sur les droits y afférents demeure problématique, de même que le coût des médicaments.
46. En matière de scolarité, les autorités ont pris les mesures nécessaires pour garantir le droit à l’éducation des enfants de PDI. Je me félicite des progrès qui ont été réalisés en matière d’éducation intégrée. Fait intéressant, une étude récente 
			(22) 
			Conseil norvégien des
réfugiés, «Not displaced, but out-of-place» (mars 2010). L’étude
a également montré que les enfants de PDI étaient défavorisés, mais
davantage du fait de leur situation économique qu’en raison de la
discrimination.a révélé que ces enfants n'aimaient pas qu'on leur attribue l'étiquette «PDI», preuve de leur volonté d'une meilleure intégration. La rapporteure invite instamment les autorités à poursuivre dans cette voie et à étudier les moyens d’éviter au mieux toute ségrégation scolaire lorsqu’elles décident de construire de nouveaux sites d’accueil pour les PDI.
47. Depuis le conflit de 2008, plusieurs ONG ont constaté une recrudescence de la violence domestique en Géorgie (Réseau géorgien de lutte contre la violence, Association géorgienne des jeunes avocats – Antenne de Gori, ONG «Sakhli»). S’il est difficile d’établir un lien direct entre ce constat et la guerre, il est clair que le déplacement, l'incertitude, le chômage et l'absence de perspectives liés aux conséquences du conflit ont eu un effet indirect sur l’ampleur de la violence domestique. Ce problème doit faire l’objet d’une plus grande publicité et j’invite instamment les autorités à prendre de nouvelles mesures, au besoin avec l’aide du Conseil de l’Europe.
48. Selon le Défenseur public, les besoins des personnes handicapées et d’autres groupes défavorisés présentant des besoins particuliers, ainsi que de leurs familles, n’ont pas été pris en considération dans les centres collectifs, les nouveaux hébergements ou lors du processus de relogement. Ce point mérite l’attention urgente des autorités, qui sont invitées à donner la priorité aux besoins de ces groupes vulnérables dans le cadre du plan d’action révisé pour 2012-2014.

3. La situation humanitaire en Abkhazie, Géorgie

49. La région d’Abkhazie est très isolée, malgré son accès côtier et la bonne route qui la relie à la Russie. Elle dépend de cette dernière, notamment pour ce qui est de son économie et de ses capacités militaires. La plupart des habitants de la région peuvent difficilement entretenir des contacts ou voyager dans d’autres pays que la Russie, à moins d’obtenir un passeport russe (que la plupart possèdent, même si cela ne leur garantit pas la possibilité de voyager dans d’autres pays), de franchir la LDA ou de demander des documents de voyage neutres.
50. Les Géorgiens de souche vivant dans la région de Gali, dont beaucoup ont fui avant de revenir, sont confrontés à des difficultés particulières. Le reste de la population connaît aussi des problèmes liés à l’isolement économique, politique et social, mais ils sont de nature et d’ampleur différentes. Il convient toutefois de ne pas les minimiser.
51. Beaucoup de PDI ne sont pas en mesure de rentrer, notamment en dehors de la région de Gali, en raison principalement de l’interdiction qui leur en est faite, laquelle reposerait sur la méfiance collective et la crainte qu'elles constituent une «quatrième colonne» pour les autorités géorgiennes. Pour moi, il ne fait aucun doute que même si ces personnes étaient autorisées à rentrer aujourd’hui, la durabilité et la sécurité de leur retour seraient largement compromises en l’absence d’une forme quelconque de mécanisme international de contrôle.
52. A tous points de vue, la situation humanitaire dans la région de Gali est loin d’être bonne. Les conditions de vie déplorables constituent un problème déjà mis en lumière dans une évaluation des PDI de retour effectuée en 2011 par le HCR 
			(23) 
			Synthèse des résultats
de l’évaluation participative relative aux PDI de retour à Gali,
Abkhazie, Géorgie, 2011.. J’ai moi-même été témoin de cette situation lors de ma visite dans la région.
53. Le récent rapport de Human Rights Watch «Living in Limbo» 
			(24) 
			Voir
«Living in Limbo», Human Rights Watch, juillet 2011, <a href='http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/georgia0711LR.pdf'>www.hrw.org/sites/default/files/reports/georgia0711LR.pdf</a>. analyse les droits des Géorgiens de souche retournés dans la région et dresse un constat quasi identique. Si l’on s’en tenait à cela, le tableau ne serait pas complet et ne serait d’aucune utilité aux habitants de la région, qu’il s’agisse de Géorgiens, d’Abkhazes, d’Arméniens ou de tout autre groupe ethnique.
54. Sur le front humanitaire, certaines choses se sont améliorées. Ces progrès ne sont peut-être pas suffisants, mais certains influent positivement sur le dur quotidien des habitants de la région.
55. Aleksander Ankvab a remporté les élections à la présidence de fait organisées en août 2011. Il a pris quelques mesures prometteuses qui, bien qu’insuffisantes, vont dans la bonne direction sur le plan humanitaire. Les mesures qu’il a prises pour améliorer la sécurité et mettre fin au racket et à la corruption au cours de la récolte de 2011 dans la région de Gali en sont un exemple.

3.1. Situation en matière de sécurité (notamment à Gali)

56. Au moment de ma visite, en 2011, les conditions de sécurité n’étaient plus aussi tendues que par le passé. Depuis lors, cependant, les nombreux incidents qui se sont produits montrent qu’il ne faut pas sous-estimer la situation sécuritaire dans la région, ni le stress lié au fait de vivre dans un environnement marqué par une forte présence militaire.
57. Voici quelques exemples des incidents récents qui se sont produits: une attaque contre le convoi de M. Ankvab tuant deux de ses gardes du corps (réputé comme étant un acte de représailles commis par des éléments criminels suite aux mesures prises pour lutter contre la criminalité); plusieurs assassinats dans la région de Gali; une attaque contre un poste de police géorgien; mort de deux officiers de police de fait et d’un civil dans un café de Gali, imputée aux services de sécurité géorgiens, et d’autres allégations laissant entendre que les autorités géorgiennes auraient constitué des formations paramilitaires et seraient les instigateurs d’actes de sabotage et de terrorisme. En l’absence d’un contrôle indépendant, à l’instar de celui qu’effectue la MSUE, il est impossible de vérifier ces différents incidents d’ordre sécuritaire, mais il est clair que la région connaît un degré de violence et un nombre d’assassinats élevés.
58. De nombreuses personnes ont été arrêtées pour avoir soi-disant «franchi illégalement la LDA» ou commis des enlèvements. Beaucoup d’habitants de la région de Gali mènent une double vie, leur famille étant séparée par la LDA. Pour eux, il est donc essentiel de pouvoir franchir cette ligne et les difficultés rencontrées (aussi bien aux points de passage «légaux» qu’aux autres) renforcent encore leur sentiment d’insécurité physique et d’incertitude, puisqu’ils ne peuvent jamais savoir s’ils pourront passer et à quel prix.
59. L’une des préoccupations majeures des jeunes hommes est la conscription et notamment le traitement infligé aux conscrits géorgiens de souche. Beaucoup tentent d’y échapper en s’éclipsant au moment de l’appel sous les drapeaux, alors que d’autres n’ont pas demandé le «passeport» afin de ne pas figurer dans les registres et d’éviter la conscription, même si cela ne marche pas toujours.
60. La sécurité personnelle, dans ses diverses formes, est l’un des droits les plus fondamentaux. En tant que rapporteure, j’ai constaté qu’il reste encore beaucoup à faire, même si des mesures ont été prises pour améliorer la situation.

3.2. Droit au retour

61. Selon les autorités géorgiennes, plus de 400 000 personnes ont fui les zones de conflit depuis les années 1990, dont 256 000 sont restées en Géorgie tandis que les autres se sont dispersées à l’étranger. Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte du fait qu’il y a eu des retours spontanés et non organisés. Dans son dernier rapport sur les PDI dans la région, le Secrétaire général des Nations Unies estime à 45 000 le nombre de personnes qui seraient sur le retour ou déjà rentrées spontanément dans la région de Gali 
			(25) 
			Le récent recensement
publié à Soukhoumi, en décembre 2011, indique que 43 166 Géorgiens
de souche vivent dans l’ensemble de la région (pas seulement dans
la zone de Gali), ce qui représente 17,93 % de la population. Il convient
de signaler que ces chiffres sont contestés. .
62. Le droit au retour est un droit fondamental. Il est rappelé dans toutes les résolutions de l’Assemblée ayant trait à des conflits et a été réaffirmé dans la résolution adoptée en juillet 2012 par l’Assemblée générale des Nations Unies sur la situation des personnes déplacées et des réfugiés de la région.
63. Il est regrettable que toute discussion sur la question des retours soit quasiment impossible, tant au sein du Groupe de travail spécialement créé par le processus de Genève pour régler les questions humanitaires, que dans d'autres cadres. Il convient de souligner que le retour des réfugiés et des PDI est un droit et que toutes les parties doivent œuvrer à un retour sûr et digne de ces deux catégories de personnes. J’ai conscience du fait que, dans la pratique, les conditions ne sont, pour l’heure, pas favorables à un retour des PDI en dehors de la région de Gali 
			(26) 
			Dans une étude sur
les déplacements en Géorgie, il a été estimé que 64 % des PDI de
Gali sont revenues pour rendre visite à leurs amis et à leurs proches,
entretenir leurs biens ou les tombes familiales, ce qui leur a permis
de garder des contacts qui peuvent s’avérer essentiels dans le futur,
si des retours à plus grande échelle deviennent possibles. Cependant,
le chiffre global pour l’ensemble de la région abkhaze est de 25 %,
ce qui signifie que les personnes rentrées dans des régions autres
que celle de Gali sont extrêmement rares. Dans cette même étude,
il est dit que seulement 9 % des personnes envisageaient de rentrer
dans la région si celle-ci restait hors du contrôle de la Géorgie,
alors que 87 % reviendraient si la Géorgie en reprenait le contrôle.
(Displacement in Georgia: IDP attitudes to conflict, return and
Justice. avril 2011, Conciliation Resources, p. 5). Les autorités de fait déclarent ouvertement qu’elles ne permettront pas le retour des Géorgiens de souche, qu’elles considèrent responsables des atrocités perpétrées durant les conflits. Toute personne responsable d’atrocités devrait être tenue de rendre des comptes, mais j’estime qu’il est inacceptable de faire porter une responsabilité collective à tous les Géorgiens de souche. L’application de cette responsabilité collective et le maintien d’une politique de non-retour conduisent à un nettoyage ethnique d’une grande partie de la région d’Abkhazie, à moins que les retours ne soient autorisés et puissent se dérouler dans la dignité et dans de bonnes conditions de sécurité.
64. La situation diffère dans la région de Gali, où, malgré le grand nombre de personnes parties de l’autre côté de la LDA, un nombre significatif de retours a été observé. Ce fait mérite d'être salué. Il s’agit d’un signe positif et il convient d’encourager les autorités de fait à poursuivre dans cette voie. Mais c’est encore insuffisant et des préoccupations subsistent quant à l’avenir. Avant les conflits, Gali était peuplé à près de 100 % de Géorgiens de souche. Sans eux, la région serait déserte. Or elle a besoin d’une population capable d’exploiter les terres, de contribuer à l’économie et d’assurer la maintenance des infrastructures.
65. S’agissant de cette région, ma principale crainte est que des freins soient désormais mis aux retours. En effet, la population est désormais suffisante pour assurer le fonctionnement du district, sans pour autant que les Abkhazes de souche aient le sentiment que leur majorité est menacée. Plusieurs déclarations laissent entrevoir que la limite maximum des retours a été franchie. En ma qualité de rapporteure, je me dois d’affirmer clairement que le droit au retour n’est pas une option, mais bien un droit.

3.3. Accès

66. L’accès aux activités dans la région est régi par les «Modalités d’engagement», mais également par le «Mécanisme de liaison», que j’ai employé avec succès lors de ma visite dans la région. Il convient de saluer la volonté de l’ensemble des parties de soutenir ce mécanisme.
67. Lors de mon voyage dans la région, le seul point de passage «officiel» était le pont sur l’Ingouri, avec une moyenne de 1 000 passages par jour selon la MSUE. Dans la pratique, il existe de nombreux points de passage officieux tout au long de la LDA. Cependant, toute personne prise en flagrant délit de franchissement «illégal» de la limite encourt une amende, une peine de prison, un placement en détention arbitraire ou le paiement d’un pot de vin, en fonction des personnes par lesquelles elle est interceptée.
68. La situation deviendra probablement de plus en plus difficile pour les résidents locaux, des deux côtés de la LDA, à mesure que le processus dit «d’instauration d’une frontière» est mis en œuvre, avec la construction de clôtures et d’autres obstacles, parallèlement à la présence militaire russe le long de la ligne. Les demandes de plus en plus insistantes de présentation d’un «passeport abkhaze» limiteront encore davantage les possibilités de franchissement de la LDA pour tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas obtenir ce document.
69. Il est essentiel que les possibilités de franchissement de la LDA ne soient pas restreintes à un point de passage unique, étant donné l’impact que cela aura sur les familles et les proches, l’éducation des enfants, les opportunités économiques, la santé et d’autres domaines. Je me félicite des nouvelles faisant état de projets d’ouverture de points de passage supplémentaires, notamment à Otobaya, Nabakevi, Tagiloni, Saberio et Lekukhona, bien que ces projets peinent à se concrétiser. Il est important que ces points de passage soient ouverts dès que possible et qu’ils permettent la circulation de piétons et de véhicules. D’autre part, il convient de trouver des solutions pour les enfants franchissant la LDA pour se rendre à l’école. Pour l’instant, je me félicite de la souplesse dont font actuellement preuve les deux parties, ce qui permet à 50 enfants 
			(27) 
			Les chiffres sur le
nombre d’enfants franchissant la LDA varient, mais celui-ci est
probablement le plus fiable. de franchir quotidiennement la ligne à cette fin.

3.4. Enfants et scolarité

70. La scolarité est une des questions qui me préoccupent le plus. Les enfants sont l’avenir et il faudra une génération pour réparer les erreurs d’aujourd’hui. Il convient de souligner dès le départ le droit des parents de voir leurs enfants suivre une scolarité conforme à leurs propres convictions religieuses et philosophiques et l’importance de l’enseignement dans la langue maternelle pour le développement des enfants. Ceci s’applique en toutes circonstances, que la langue maternelle soit le géorgien, l’arménien, le russe ou l’abkhaze.
71. Chacune de ces langues soulève des préoccupations légitimes, mais elles ne devraient pas générer de conflit d'ordre linguistique. Il convient de prendre en compte aussi bien l’enseignement dans les langues concernées que l’enseignement de ces langues. Il faut par ailleurs insister sur la continuité, afin que les études dans l’une ou l’autre de ces langues ouvrent la porte à de nouvelles possibilités de formation et ne mènent pas à une impasse.
72. Au sujet de l’enseignement du géorgien et de l’enseignement en géorgien, la région de Gali est peuplée presque entièrement de Géorgiens de souche. Plus à l’Est, la situation diffère et plusieurs langues maternelles sont employées.
73. La région de Gali a effectivement été scindée en deux parties, la partie supérieure (Est) et la partie inférieure (Ouest). Traditionnellement, l’enseignement était principalement assuré en géorgien. Désormais, dans la partie supérieure, l’enseignement est censé être dispensé en russe, le géorgien n’étant enseigné que durant un nombre limité d’heures, en fonction du niveau d’étude.
74. On dénombre 31 écoles (11 dans la partie inférieure) et 733 enseignants dans la région. La grande majorité des enseignants sont des Géorgiens de souche, dont beaucoup n’ont pas les compétences linguistiques nécessaires pour enseigner en russe (seuls 57 d’entre eux ont suivi des études supérieures en russe). Ainsi, dans les faits, certaines classes sont assurées en géorgien, avec du matériel pédagogique géorgien. Aucune sanction officielle n’est prise à cet égard, mais on relève une pénurie d’enseignants et beaucoup sont âgés. Les enseignants d’autres origines ethniques n’ont généralement pas envie d’exercer dans la région de Gali. Pour instaurer le russe en tant que langue d’enseignement dans la partie supérieure de la région de Gali, les enseignants maîtrisant mal le russe sont désormais tenus de suivre une formation et de passer des examens en russe, dont un portant sur l’histoire de la Russie, faute de quoi ils ne pourront plus enseigner. Cela ne réglera cependant pas le problème de la pénurie d’enseignants et la nécessité de remplacer les plus âgés.
75. La situation diffère dans la partie inférieure de Gali. La langue d’enseignement est le géorgien, bien que les cours d’histoire et de géographie soient assurés en russe.
76. L’abkhaze est une matière obligatoire dans toutes les écoles, avec 1 à 2 heures de cours hebdomadaire en fonction du niveau d'étude, selon les informations communiquées. Pour les personnes d’origine abkhaze, l’enseignement est dispensé principalement en russe. L’enseignement supérieur se fait aussi en russe, à Soukhoumi.
77. Hors de Gali, il y a des écoles dans lesquelles la langue d’enseignement est l’arménien, mais les cours d'histoire et de géographie sont assurés en russe. Il n’existe aucune possibilité de suivre des études supérieures en arménien dans la région.
78. L’ensemble de la région manque de crèches et, bien que j’aie pu en visiter une, en cours de construction, il est clair qu’il en faudrait d’autres.
79. L’arrivée prévue des familles des militaires russes posera de nouveaux problèmes. Ces enfants devront être scolarisés dans les établissements de la région ou disposer de leurs propres écoles, ce qui inquiète certains habitants de la région. J’ai profité de ma visite à Moscou pour demander certains éclaircissements sur ce point et j'ai appris que ces enfants intégreront fort probablement les écoles existantes.
80. Il est clair que la qualité de l’enseignement dans la région laisse à désirer, étant donné le manque de matériel pédagogique adapté, les problèmes au niveau des programmes, la pénurie d’enseignants convenablement formés et dotés des compétences linguistiques nécessaires et l’absence de toute perspective de poursuite des études au niveau supérieur. Il est nécessaire de revoir le système éducatif et le Conseil de l’Europe pourrait y contribuer.

3.5. Santé

81. La prestation de soins de santé s’avère problématique, en dépit des améliorations des infrastructures médicales à Soukhoumi, où un nouvel hôpital a été construit et une maternité rénovée avec l’aide financière de la Russie. Si les soins de santé primaire sont généralement assurés, certains villages sont dépourvus de dispensaire, ce qui pose un réel problème à leurs habitants. Les personnes souffrant de problème de santé graves sont souvent obligées de franchir la LDA pour se rendre à Zougdidi ou Tbilissi, ou d'aller en Russie. Lors de ma visite à Soukhoumi, j’ai été informée que la toxicomanie est un réel problème et que le PNUD a mis en place un programme de prévention, qui porte aussi sur le VIH/sida.
82. Le système dépend des fonds et des médicaments fournis par la Russie et aussi de la prise en charge de patients dans ce pays. Un soutien similaire est également assuré, gratuitement, par les autorités géorgiennes 
			(28) 
			Pour
donner une idée du soutien accordé par les autorités géorgiennes,
en 2010 et 2011 (jusqu’au mois d’août) environ 1 626 personnes venant
de la région d’Abkhazie ont bénéficié d’un traitement médical. Par
ailleurs, le ministère de la Santé a fourni des médicaments, des
vaccins et soutenu la rénovation d'établissements de santé dans
la région. Le budget total de ce programme s’est élevé en 2010 à
1 590 274 GEL.. Toutefois, cela ne saurait suffire. Trop souvent, des personnes doivent parcourir de longues distances pour se faire soigner, alors qu’elles ne sont pas en état de voyager.
83. Dans la région de Gali, j’ai rencontré le chef de fait de l’hôpital de Gali, qui a confirmé les difficultés rencontrées par les malades dans la région pour suivre un traitement. Le recrutement de personnel médical qualifié est un problème majeur, de même que la pénurie de médicaments, que les malades sont obligés de se procurer par leurs propres moyens. Les services d’ambulance jouent un rôle déterminant, y compris pour transporter les malades jusqu’à Soukhoumi, de l’autre côté de la LDA, ou même en Russie. Le prix des médicaments est particulièrement élevé car ils sont, pour la plupart, importés de Russie en raison des restrictions dont ils font l’objet au passage de la LDA. Ces restrictions doivent être levées. C’est là une priorité.
84. J’ai été heureuse d’apprendre que le franchissement de la LDA ne pose généralement 
			(29) 
			Je
dis bien généralement, car j’ai aussi appris qu’il est parfois quand
même difficile d’obtenir les permis dits «de sortie», les appels
urgents passés pour demander ces permis restant sans réponse. pas de problème lorsqu’il en va de questions médicales à caractère humanitaire. Ce point a été confirmé par le CICR et il convient de saluer la souplesse dont font preuve toutes les parties.

3.6. Moyens de subsistance

85. L’économie de la région d’Abkhazie repose sur l’assistance de la Russie et sur le tourisme, principalement à Soukhoumi et sur les bords de la Mer Noire. Or le tourisme a périclité, les infrastructures n’étant pas à la hauteur de ce qui est proposé ailleurs. Dans l’Est, de grandes étendues étaient consacrées à la culture du thé, mais les terres ont été désertées en raison du conflit et, de plus, le thé n’est plus un produit viable. Les principaux produits agricoles sont les noisettes, le maïs et, dans une moindre mesure, les agrumes. Beaucoup d’habitants de la région de Gali complètent leurs revenus en réclamant aux autorités géorgiennes les allocations destinées aux PDI ou des pensions d’Etat.
86. Les personnes qualifiées, telles que les charpentiers, les maçons ou les plombiers, sont attirées par les possibilités offertes en-dehors de la région, à Tbilissi ou à Moscou, voire plus judicieusement du côté de Sotchi, où il existe une demande de main d’œuvre pour la préparation des Jeux olympiques d’hiver de 2014.
87. Dans la région de Gali, l’agriculture de subsistance constitue le principal moyen d’existence, de petits jardins ou terrains cultivables fournissant l’alimentation de base et un excédent de noisettes et d’agrumes permettant de dégager un maigre revenu après la récolte. La répression du racket et de la corruption au cours de la saison de récolte de 2011 a eu des effets bénéfiques pour les habitants de la région de Gali. Elle a non seulement contribué à restaurer chez eux un sentiment de sécurité, mais aussi influé de manière positive sur leurs moyens de subsistance et leur capacité à affronter l’hiver sur le plan économique. Il n’y a cependant pratiquement aucune possibilité d’emploi dans la région.
88. Globalement, la situation économique de la région d’Abkhazie est déplorable. Compte tenu de sa position géographique, le potentiel de la région en matière de tourisme, d’agriculture et même de petites entreprises, n’est pas seulement sous-développé, mais même en régression. L’isolement qui lui est imposé et que s’imposent les autorités de fait – essentiellement pour des raisons politiques et par crainte de questions compromettantes liées au statut – affecte grandement le niveau de vie de la population et sa capacité à interagir avec les habitants d’autres régions.

3.7. Violence domestique

89. La violence domestique est un problème exacerbé par le conflit, même s’il n’est pas très visible. Lors des discussions que j’ai eues à Soukhoumi et Gali, j’ai été frappée d’apprendre comment certains nient son existence et aussi impressionnée par l’engagement dont font preuve les ONG œuvrant dans ce domaine, avec le soutien de la communauté internationale. Dans la région de Gali, une équipe médicale mobile a traité 72 cas de violence domestique en huit mois. Ce type de projets doit être soutenu et le Conseil de l’Europe devrait envisager d’appuyer ces actions à l’avenir.

3.8. Documents d’identité et voyages

90. La délivrance des «passeports abkhazes» se poursuit. Environ 12 000 de ces passeports ont été octroyés à des personnes de la région de Gali et 3 000 demandes sont en cours de traitement. En outre, et malgré la condamnation par la communauté internationale, y compris par l’Assemblée 
			(30) 
			Dans
sa Résolution 1455 (2005)sur le respect des obligations et engagements de la Fédération
de Russie, l’Assemblée appelait la Fédération de Russie à mettre
un terme aux pratiques qui, comme la délivrance de passeports russes
aux habitants des régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du
Sud, peuvent – de manière directe ou indirecte – porter atteinte
à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie., de cette pratique consistant à délivrer massivement des passeports et à octroyer la citoyenneté aux résidents d’Etats étrangers, la Fédération de Russie a continué de délivrer ces passeports aux habitants de la région.
91. Tout en insistant sur le fait que ces «passeports abkhazes» n’ont aucune validité en droit international, la rapporteure reconnaît leur nécessité, sur le plan pratique, pour la population locale. Sans ce document, ces personnes rencontrent de nombreuses difficultés pour faire reconnaître leurs droits de propriété, franchir la LDA, faire scolariser leurs enfants, accéder aux soins de santé, ainsi que pour tous leurs autres contacts avec l’administration. Si une famille souhaite rester à Gali, l’un de ses membres au moins doit être titulaire d’un tel document.
92. Les démarches pour l'obtention de ce document sont longues et coûteuses en raison du nombre et de la nature des justificatifs requis. Le rapport de Human Rights Watch mentionné plus haut observe que la procédure de demande est discriminatoire envers les Géorgiens de souche 
			(31) 
			Voir
Living in Limbo, Human Rights Watch, juillet 2011.. Il indique aussi que le délai d’obtention s’est parfois avéré extrêmement long pour certaines personnes.
93. Au début, toute personne demandant un document d’identité devait remettre son passeport géorgien. Ce n’est plus nécessaire, car il est clair que les personnes concernées peuvent très facilement obtenir un nouveau passeport en se rendant de l’autre côté de la LDA.
94. Ces «passeports abkhazes» ne sont pas reconnus par la communauté internationale, hormis par la Fédération de Russie et les quelques pays qui ont reconnu cette région.
95. Ceux qui utilisent un passeport géorgien n'ont pas de problème pour se rendre à l'étranger. Par contre, pour les personnes qui ont obtenu un passeport russe, les voyages à l’étranger ne sont pas toujours possibles. Elles sont soumises aux mêmes exigences de visa que les citoyens russes, mais se heurtent parfois à un refus dès lors qu’il apparaît qu’elles sont titulaires d’un passeport délivré dans la région d’Abkhazie (et non en Russie). Lors de nos réunions à Soukhoumi, nous avons constaté un fort sentiment de frustration face aux restrictions posées à la possibilité de voyager. Les intéressés ont affirmé que cette situation les isole et les pousse encore un peu plus dans les bras de la Russie.
96. A la lumière des réticences de la communauté internationale et des réactions négatives tant à Soukhoumi qu’en dehors, il n’est pas du tout certain que les documents de voyage neutres proposés par les autorités géorgiennes soient une solution. Cela dit, ces documents sont une solution parmi d’autres et il convient d’adopter une approche pragmatique, au cas par cas, pour d’autres documents de voyage.

3.9. Personnes disparues

97. Les estimations font état de 1 763 Géorgiens et 197 Abkhazes disparus à l’issue du conflit de 1992-1993. Depuis les derniers travaux de l’Assemblée sur cette question 
			(32) 
			Voir la Résolution 1553 (2007)sur les personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan
et en Géorgie dans les conflits touchant les régions du Haut-Karabakh,
d’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud., un nouveau mécanisme de coordination a été établi sous l’égide du CICR, et un groupe de travail médicolégal paritaire, réunissant les deux parties, a été créé au début de l’année 2011. Ce groupe a commencé son travail et se réunit régulièrement. Au total, il a été procédé à quatre exhumations: deux en 2010, en dehors du mécanisme de coordination, mais avec la participation du CICR, et deux en mai, dans le cadre de ce mécanisme. Les dernières Discussions internationales de Genève ont laissé entrevoir des signes extrêmement positifs qui témoignent de la volonté de toutes les parties de progresser et de parvenir à des solutions réalistes. Chaque famille a le droit de connaître le sort de ses membres disparus. Les travaux de collecte de données ante-mortem ont repris et il est important qu’ils bénéficient du soutien plein et entier de toutes les parties, auxquelles il appartient de tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur le sort des disparus. En l’absence de progrès, la situation ne fera que s’envenimer et il sera encore plus difficile de trouver une solution au conflit. Parallèlement à ces travaux, il est également essentiel de fournir un soutien aux familles des personnes disparues et on ne peut que se féliciter que le CICR organise cette action par l’intermédiaire de réseaux constitués avec des ONG.

3.10. Vallée de Kodori

98. Sur les 2 000 habitants que comptait la Vallée de Kodori avant le conflit de 2008, il n’en reste que 200. Pour le CICR, cette population, qui vit dans la région habitée la plus haute et la plus inaccessible du Caucase, est particulièrement exposée. Il est heureux que ces personnes continuent de bénéficier de l’aide alimentaire et autre du CICR et d’un soutien à l’agriculture. Des projets de culture de pommes de terre ont par exemple pu être réalisés grâce aux plants fournis par le CICR. La question du retour des personnes déplacées de la Vallée de Kodori ne doit pas être éludée. Elle est d’une importance particulière pour cette petite communauté vulnérable vivant dans une région reculée et isolée.

3.11. Monuments historiques

99. Selon certaines allégations, des monuments historiques, principalement des églises, auraient été altérés pour effacer les traces historiques de la cohabitation entre Géorgiens et Abkhazes dans la région. La rapporteure n’est pas en mesure de commenter ces allégations, mais estime que la question devrait être examinée par un groupe international d’experts, qui pourrait s’appuyer, si nécessaire, sur l’expertise du Conseil de l’Europe, pour éviter qu’elle ne devienne une autre source de tension dans la région.

3.12. Bases militaires russes

100. Il est important d’analyser l’impact des bases militaires russes sur la région. D’une part, leur présence a contribué à réduire le nombre d’incidents liés à la sécurité le long de la LDA. Des représentants de la société civile à Soukhoumi m’ont indiqué qu’ils se félicitaient de la présence des troupes russes, expliquant qu’après plusieurs années, ils se sentaient désormais en sécurité et protégés de ce qu’ils qualifient d’une «éventuelle agression géorgienne». Ils ont affirmé avoir peu «confiance» en la Géorgie.
101. Tout en saluant cette protection, les représentants des ONG locales ont évoqué plusieurs problèmes liés à cette présence militaire, notamment l’isolement accru par rapport à la communauté internationale, la durée du maintien de ces bases, l’impact de l’installation des familles de militaires dans la région, les droits de résidence des militaires retraités et la responsabilité en cas d’accidents causés par des membres de l’Armée russe.
102. Les habitants de la région de Gali expriment d’autres inquiétudes. Elles concernent la crainte d’une extension progressive des grandes bases, qui empiéteraient sur leurs terres et leurs habitations. Ils s’inquiètent de l’impact de la présence de nombreux enfants russes dans les écoles et de la colonisation graduelle de la zone par des militaires russes et leurs familles, y compris après le départ à la retraite des militaires.
103. Pour les autorités géorgiennes, les bases militaires russes constituent purement et simplement une forme «d’occupation».
104. Comme je l’évoquais précédemment, j’estime que la sécurité à long terme devrait être assurée par la communauté internationale dans son ensemble et non par une seule nation. D'un point de vue humanitaire, il faut veiller à ce qui sert le mieux les intérêts de tous, de part et d'autre de la LDA. L’implantation de ces grandes bases militaires russes ne fait qu’accentuer la séparation imposée par la LDA et vient conforter encore l’argument des autorités géorgiennes selon lesquelles les troupes russes occupent le territoire.

4. La situation humanitaire en Ossétie du Sud, Géorgie

105. Il m’est difficile d’exposer en détail la situation humanitaire dans la région sans avoir eu la possibilité de m’y rendre et d’en faire le constat de visu. Néanmoins, je suis en mesure d’en fournir un bref aperçu d’après les contacts que j’ai eus et les informations recueillies.
106. La région est encore plus isolée que celle d’Abkhazie. La population est estimée à près de 30 000 personnes, bien que les autorités de fait avancent le chiffre de 72 000 et que les responsables géorgiens parlent de 8 000 à 15 000 personnes 
			(33) 
			Voir South Ossetia:
the burden of recognition, International Crisis Group, Europe Report
n o 205 – 7 juin 2010, p. 2. . La région dépend entièrement de la Russie sur le plan économique et de la sécurité militaire. Il reste très peu de Géorgiens de souche dans la région. Toutefois, dans la zone d’Akhalgori, la population, estimée selon les sources entre 700 et 4 000 personnes, est majoritairement d’origine géorgienne. Auparavant, près de 8 000 personnes y vivaient.
107. Les conditions de vie sont extrêmement dures, en raison notamment des coupures d’électricité et de gaz auxquelles ont procédé les autorités géorgiennes. Certains logements ont été remis en état, mais beaucoup restent inhabitables. Il semble qu’une bonne part des sommes allouées par la Russie au secteur du logement ait été détournée, ce qui fait que le nombre de maisons construites ou remises en état est bien moins élevé que prévu au départ.
108. La sécurité demeure préoccupante, mais les tensions ne sont toutefois pas comparables à celles enregistrées au lendemain immédiat de la guerre. Comme dans la région d’Abkhazie, beaucoup de militaires russes sont stationnés dans la région. Des différends de toute sorte éclatent régulièrement le long de la LDA. Ainsi, en septembre de cette année, les autorités de fait se sont plaintes du survol de drones appartenant aux forces militaires géorgiennes et du repositionnement d’un point de contrôle de la police géorgienne près de la LDA dans le village de Zardiantkari. Par ailleurs, des personnes continuent d’être arrêtées pour franchissement «illégal» de la ligne, même si elles sont en général rapidement libérées.
109. Aucun retour, à part celui du regroupement familial du CICR, n’a eu lieu dans les environs de Tskhinvali. Les villages auparavant habités essentiellement par des Géorgiens de souche sont toujours en ruines et certains rapports font état de projets de démolition de huit d’entre eux. Je suis heureuse d’apprendre que ces informations ont été démenties, mais ce n’est pas la première fois que des projets de ce genre sont rapportés. Des personnes vivaient dans ces villages et ces maisons et même si le conflit est gelé et qu’il n’y a pas de perspectives de retour dans un avenir proche, ces lieux ne doivent pas être rayés de la carte. Dans ce contexte, il est important de souligner que le retour des personnes déplacées et des réfugiés doit être l’objectif à long terme, même si les conditions actuelles ne sont, à l’évidence, pas propices aux retours volontaires dans la sécurité et la dignité.
110. Les retours restent toutefois possibles dans la région d’Akhalgori. Ils sont cependant liés à tout un éventail de facteurs, dont la sécurité, la scolarisation, les perspectives économiques, les récoltes, la saison, les soins de santé, les pensions, les salaires et d’autres. Je suis dans l’incapacité de donner un chiffre exact des retours effectués dans la région.
111. Certains ont également évoqué le «retour» de réfugiés d’Ossétie du Nord. Il s’agit principalement de personnes qui auraient été déplacées d’autres régions de Géorgie lors des conflits antérieurs. Près de 4 000 familles seraient dans cette situation. Il est difficile d’imaginer les moyens de subsistance dont elles pourraient bénéficier et où elles seraient logées, compte tenu du fait que ces familles n’étaient, pour la plupart, pas originaires de la région.
112. Une autre question liée à celle des retours est celle du regroupement familial, que le CICR s’efforce de faciliter des deux côtés de la LDA. D’août 2008 à août 2012, 412 personnes ont ainsi été réunies, pratiquement dans les mêmes proportions de chaque côté de la LDA.
113. A Tskhinvali et aux alentours, la coupe du bois et l’agriculture vivrière constituent les seuls moyens d’existence et certains agriculteurs rencontrent des difficultés d’accès à l’eau. L’économie dépend presque totalement de l’aide de la Russie. Ces deux dernières années, plus de 230 millions d’euros ont été alloués à la région pour la reconstruction. A la suite d’allégations laissant entendre qu’une bonne partie de cette somme aurait été détournée, des mesures ont été prises afin de renforcer la responsabilisation et un audit est actuellement réalisé par les autorités russes. Des discussions ont été engagées pour promouvoir la région en tant que région thermale, avec ses eaux minérales, mais également en tant que station de sports d’hiver. Toutefois, ces idées doivent être approfondies. Le CICR, seule organisation internationale présente dans la région, fournit aux plus nécessiteux une petite aide au démarrage. Compte tenu du peu de demandes, cette aide consiste principalement à soutenir la création de petites exploitations consacrées à l’agriculture vivrière (et notamment l’achat du bétail et de petits tracteurs).
114. Les personnes rentrées dans la région d’Akhalgori dépendent essentiellement des salaires et pensions versés par le gouvernement géorgien et de quelques activités commerciales par-delà la LDA. L’isolement de la région entrave les possibilités de subsistance. Une fois achevée, la route reliant Tskhinvali à Akhalgori, financée par les autorités russes, sera d’une grande utilité.
115. Il n’existe que quatre points de passage de la LDA, situés à Akhalgori, Karzmani, Sinagouri et Artsevi. Pour avoir le droit de passer, il faut être en possession du «Formulaire no 9», délivré localement. Selon les estimations, il en aurait été délivré 4 000. Il serait prévu de faciliter le passage de la LDA, en particulier près d’Akhalgori, non seulement pour les personnes qui habitent la région, mais aussi pour celles qui possèdent des terres ou un logement dans la zone. Les arrestations pour «franchissement illégal» de la LDA se poursuivent. Bon nombre d’entre-elles concernent des personnes qui vont surveiller leur bétail, ramasser du bois de chauffage ou travailler dans les champs. Le manque de clarté quant au tracé exact de la LDA continue de poser problème.
116. S’agissant de la scolarité, des mesures visant à introduire un enseignement bilingue (russe et ossète) dans le district de Tskhinvali à partir de la classe de première année ont été annoncées en août 2012. Certaines écoles ont été rénovées avec l’aide de la Russie et des manuels scolaires russes leur ont été fournis, mais il reste encore beaucoup à faire.
117. La région d’Akhalgori compterait 11 écoles, dont six établissements géorgiens. Selon certaines informations, le statut de ces écoles géorgiennes serait remis en question car elles perdraient leur personnalité juridique. Beaucoup de familles auraient par conséquent pris la décision de déménager définitivement du côté géorgien de la LDA. Les enseignants et d’autres fonctionnaires qui exercent des deux côtés de la ligne sont tenus de choisir de quel côté ils souhaitent désormais vivre et travailler.
118. Malgré la remise en état de certains immeubles et la construction de nouvelles maisons avec l’aide de la Russie, la qualité des logements demeure préoccupante. A Tskhinvali, beaucoup de personnes sont encore hébergées dans des centres collectifs, dans des conditions difficiles. Dans la campagne, certaines habitations ne disposent pas de l’eau courante. Même si, dans certains cas, ce problème est imputable au conflit, il est également dû au manque d’entretien des infrastructures au fil des ans. Le CICR a apporté son aide dans ce domaine et projette actuellement d’acheminer l’eau jusqu’à des villageois de Satigar grâce à une conduite d’environ 8 km.
119. En ce qui concerne le dossier des personnes portées disparues, j’ai eu le plaisir d’apprendre que des progrès ont été réalisés. Un mécanisme de coordination sur les personnes portées disparues, placé sous l’égide du CICR, a été mis en place. Dans un premier temps, il a fonctionné comme un forum humanitaire dans le cadre duquel était examinée la question des personnes disparues à la suite du conflit de 2008. En 2011, il a été décidé qu’il devrait aussi s’intéresser aux disparus du conflit des années 1990. Actuellement, la liste des personnes disparues depuis le récent conflit compte 44 personnes: 2 Russes, 8 Ossètes de souche et 34 Géorgiens de souche. Celle du conflit des années 90 contient 141 noms, bien que des informations supplémentaires soient nécessaires pour la compléter. Grâce à l’action menée dans le cadre de ce mécanisme, trois personnes ont été retrouvées vivantes et 11 corps ont été exhumés, ce qui a permis d’identifier sept personnes, dont les dépouilles ont été rendues aux familles. C’est un travail important, qui continuera, je l’espère, d’être soutenu par toutes les parties.
120. Avec ce bref passage en revue des différents problèmes, j’espère être parvenue à donner un aperçu de la situation humanitaire dans cette petite région, dont la viabilité passe par une aide massive de l’extérieur. Son isolement s’explique par le fait qu’elle est coupée du Sud et traversée par des montagnes dans la partie nord conduisant à l’Ossétie du Nord. Ses habitants connaissent des conditions de vie difficiles à tous les niveaux, sans grande perspective d’amélioration. La forte présence militaire russe n’empêchera pas la persistance des tensions le long de la LDA et d’incidents d’ordre sécuritaire. La possibilité de traverser la LDA est essentielle pour améliorer la situation humanitaire de tous les personnes qui vivent dans cette région et aux abords de la ligne, ainsi que de celles qui ont été déplacées. Cet accès est primordial pour toutes sortes de raisons économiques et humanitaires évidentes, mais aussi pour commencer à lever les obstacles posés à la communication, pour remédier au manque total de confiance entre les différentes parties et pour offrir aux personnes qui ont perdu leur maison la perspective d’y revenir un jour.
121. Sans me rendre dans la région, il m’est impossible d’approfondir mon analyse. J’ai l’espoir de pouvoir y effectuer une visite dans un avenir proche et de rendre compte de manière plus précise de la situation humanitaire après avoir entendu et rencontré personnellement les personnes les plus touchées.

5. Réfugiés et personnes déplacées en Russie

122. A la suite des différents conflits en Géorgie, un nombre considérable de personnes sont arrivées en Russie après avoir été déplacées. Certaines sont des réfugiés, d’autres, dont les maisons ont été détruites, ont décidé de commencer une nouvelle existence là où elles pensaient avoir le plus de chances de gagner leur vie.
123. Le premier groupe est composé d’Ossètes de souche qui ont fui la Géorgie durant les conflits du début des années 1990 vers l’Ossétie du Nord-Alanie. Quelque 24 000 personnes ont quitté la région et beaucoup se sont vues accorder le statut de réfugié, puis ultérieurement, la citoyenneté russe. Le logement constitue leur principal problème. Elles seraient nombreuses à être hébergées dans des conditions précaires dans une trentaine de dortoirs/centres collectifs délabrés, dont certains n’ont ni eau courante, ni installations sanitaires adéquates. Il y aurait 3 329 familles sur liste d’attente pour l’obtention d’un logement. Malgré une amélioration de la situation l’an passé, grâce à l’octroi de certificats de logement, seules 81 familles ont bénéficié d’une solution de logement 
			(34) 
			Informations fournies
par l’ONG russe Memorial..
124. Le deuxième groupe est composé des personnes ayant fui le conflit dans la région d’Abkhazie. Majoritairement géorgiennes de souche, ces personnes, parmi lesquelles figurent de nombreux anciens combattants, n’ont jamais reçu quoi que ce soit de la part des autorités russes. Elles exercent pour la plupart une activité économique et n’ont jamais demandé d’aide. Près de 50 000 se sont installées en Russie, dont 30 000 dans la région de Moscou. Leur problème vient de leur absence de statut, ce qui fait qu’elles sont traitées comme des immigrés clandestins. Chaque fois qu’il y a une dégradation des relations entre Moscou et Tbilissi, elles sont victimes de ce qu’une ONG a qualifié de «chasse aux sorcières». Cette persécution serait telle que des instructions seraient données aux écoles pour qu’elles déscolarisent ces enfants géorgiens.
125. Bon nombre de ces personnes sont en réalité apatrides, ayant pour seul document d’identité leur ancien passeport soviétique, qui n’est plus valable. Certaines ont des enfants nés en Russie. Si l’éducation ne constitue généralement pas un problème, il n’en va pas de même des soins de santé. Comme elles n’ont pas de passeport, elles sont dans l’incapacité de quitter le pays ou d’y revenir.
126. Selon les statistiques fournies par le Service fédéral des migrations de la Fédération de Russie 
			(35) 
			Rapport du Secrétaire
général de l’ONU, 22 mai 2012, op. cit.,
paragraphe 21. , au cours de la période 2005-2011, 4 269 familles (5 346 personnes) en provenance de Géorgie (ressortissants géorgiens et apatrides) ont demandé l’asile en Fédération de Russie et 152 familles (199 personnes) l’ont obtenu. De manière assez attendue, c’est en 2008 que le nombre de demandes enregistrées a été le plus élevé (1 805 familles, soit 2 278 personnes). Il est tombé à 280 familles (314 personnes) en 2011.
127. Les autorités russes doivent prendre des mesures pour résoudre les problèmes de ces personnes. Il s’agit notamment de remédier à la situation critique en matière de logement que connaissent beaucoup de réfugiés ossètes de souche de Géorgie vivant en Ossétie du Nord-Alanie et de régulariser la situation des nombreux Géorgiens qui ont fui le conflit et vivent depuis de nombreuses années en Russie et dont certains sont aujourd’hui apatrides.

6. Conclusions

128. Si la situation humanitaire s'est améliorée depuis les jours sombres de l'immédiat après-guerre, il reste encore beaucoup à faire. Il faut en particulier trouver des solutions de logement durable pour les PDI et les réfugiés victimes des conflits récent et antérieurs. L’ensemble des parties et la communauté internationale doivent donc poursuivre leurs efforts.
129. La question du retour des PDI est plus ou moins en sommeil, hormis dans les régions de Gali et d’Akhalgori. Les problèmes de sécurité font planer une menace permanente sur la région du conflit et, sans de véritables forces indépendantes de maintien de la paix des deux côtés de la LDA et la possibilité pour la MSUE de remplir son mandat des deux côtés de la ligne, on voit difficilement comment les habitants pourraient se sentir en sécurité à long terme.
130. Dans la région d’Abkhazie, j’ai relevé quelques développements positifs. Des mesures ont été prises pour améliorer la sécurité des habitants de la région de Gali (réduction de la corruption et du racket). Il convient de s'en féliciter. Certains éléments indiquent en outre qu’il pourrait devenir plus facile de franchir la LDA. Dans la région d’Ossétie du Sud, certaines informations laissent aussi entendre que des améliorations pourraient intervenir pour ce qui est du passage de la ligne. Toutefois, cette région demeure isolée et coupée du reste du monde, et notamment de l’assistance que pourraient apporter les acteurs internationaux.
131. La vie des habitants des zones touchées par le conflit peut être sensiblement améliorée grâce à quelques mesures simples, comme l’amélioration de la sécurité, l’absence d’obstacles au passage de la LDA ou l’amélioration de l’enseignement requis dans les écoles. C’est pour cette raison que j’insiste sur ces questions dans les projets de résolution et de recommandation figurant dans le présent rapport.
132. En ma qualité de rapporteure, je n’ai pas pu me rendre dans la région d’Ossétie du Sud, mais j’espère que cela sera possible à l’avenir, afin qu’un tableau plus complet de la situation humanitaire dans cette région puisse être présenté.