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Résolution 1912 (2013) Version finale
La situation au Kosovo* et le rôle du Conseil de l'Europe
1. L’Assemblée parlementaire constate
que, depuis la déclaration unilatérale d’indépendance en 2008, le Kosovo
est toujours en quête d’une reconnaissance internationale, tout
en poursuivant le développement de ses institutions démocratiques.
2. Les autorités du Kosovo continuent de partager le pouvoir
avec une présence internationale opérant dans le cadre, neutre sur
le plan du statut, de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies. Cette présence, qui comprend la Mission d’administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et la Mission Etat
de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX), a été peu à peu
réduite au fil des ans.
3. L’Assemblée estime que l’état actuel des négociations menées
avec la médiation de l’Union européenne entre Pristina et Belgrade,
au niveau des Premiers ministres, témoigne d’une plus forte volonté
des deux parties de promouvoir la réconciliation et de surmonter
les séquelles du passé, et ouvre la voie à la résolution de problèmes
politiques fondamentaux et de questions d’ordre technique.
4. L’Assemblée note que le Conseil de l’Europe continue d’appliquer,
à l’égard du Kosovo, une politique de neutralité du point de vue
du statut, en dépit de la reconnaissance du Kosovo comme Etat souverain
et indépendant par 34 de ses 47 Etats membres. Rappelant sa Résolution 1739 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de
l’Europe, elle souligne une fois encore que, indépendamment du statut
du Kosovo, les personnes y vivant doivent bénéficier d’une bonne
gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des
mêmes droits, y compris les droits de l’homme, que les autres personnes
vivant en Europe.
5. A cet égard, l’Assemblée déplore la lenteur des progrès réalisés
sur un plan général en termes d’amélioration de la prééminence du
droit au Kosovo, s’agissant en particulier de la lutte contre la
criminalité organisée et la corruption, dans le nord comme dans
le sud du Kosovo. Elle regrette par ailleurs que le système judiciaire
continue à pâtir de l’ingérence politique, d’un manque d’efficacité
et de transparence, ainsi que de la non-application de la législation.
L’Assemblée se félicite par conséquent de la récente restructuration
de la mission EULEX visant à accorder la priorité à certains domaines
relevant de la prééminence du droit comme la lutte contre la corruption
et la criminalité organisée, en particulier dans le nord du Kosovo.
6. Ainsi qu’elle l’a souligné dans la Résolution 1839 (2011) sur la situation politique dans les Balkans, l’Assemblée
est particulièrement préoccupée par la situation, y compris en ce
qui concerne la sécurité de la communauté serbe dans le nord du
Kosovo, où persistent des tensions et des incidents liés à la sécurité.
Elle reste convaincue qu’un accord politique sur la manière de diriger
cette région est une condition préalable à une solution durable
et à la réalisation des aspirations de Belgrade et de Pristina d’adhérer
à l’Union européenne.
7. Depuis que les municipalités serbes bénéficient d’une plus
grande autonomie, les sentiments des Serbes vivant au sud de l’Ibar
semblent changer, se traduisant entre autres par une augmentation
du taux de participation électorale. Toutefois, l’Assemblée regrette
la persistance des craintes quant à leur sécurité et au plein respect
de leurs droits, et estime que les relations entre les communautés
serbes et albanaises du Kosovo doivent être davantage encouragées.
Par ailleurs, la stratégie adoptée par les autorités pour protéger et
promouvoir les droits des communautés rom, ashkali et égyptienne
vivant au Kosovo doit être mise en œuvre avec plus de vigueur.
8. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les
autorités du Kosovo, EULEX et la MINUK à continuer de renforcer
la prééminence du droit et le cadre juridique, institutionnel et
politique afin de lutter contre la corruption, notamment:
8.1. en prenant des mesures concrètes
pour garantir la bonne mise en œuvre du cadre juridique afin de
réduire l’ingérence politique dans les activités du système judiciaire
et en fournissant à ce dernier le soutien, les ressources et la
formation appropriés;
8.2. en donnant davantage de pouvoirs aux organes indépendants
de lutte contre la corruption et en mettant en place une procédure
accélérée de communication aux autorités judiciaires des informations relatives
aux affaires de corruption;
8.3. en simplifiant le contrôle de l’attribution des marchés
publics et en vérifiant l’application des règles existantes;
8.4. en améliorant la législation, les politiques et les pratiques
dans les domaines du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme,
de la traite des êtres humains, du trafic de stupéfiants et d’armes,
ou encore de la confiscation d’actifs;
8.5. en développant un système adéquat de protection des témoins;
8.6. en octroyant les fonds et le personnel nécessaires à la
mise en place d’un système d’administration publique efficace, compétent
et multiethnique, et en assurant une formation à la déontologie
et à la lutte contre la corruption.
9. L’Assemblée accueille avec satisfaction le soutien de l’Union
européenne aux programmes de coopération du Conseil de l’Europe
et encourage cette dernière:
9.1. à
continuer de donner une perspective européenne à l’ensemble des
Balkans occidentaux, y compris au Kosovo;
9.2. à veiller à ce que ses dialogues politiques avec le Kosovo
soient axés tout particulièrement sur le renforcement de la prééminence
du droit et liés à des incitations et des conditions prioritaires, conformément
aux récentes recommandations de la Cour des comptes européenne;
9.3. à s’assurer que le processus de normalisation entre Pristina
et Belgrade aille de pair avec la mise en œuvre des normes européennes
en matière de droits de l’homme et de prééminence du droit dans l’ensemble
de la région;
9.4. à soutenir les autorités serbes afin d’élaborer des solutions
durables et de faciliter l’intégration au plan local, en Serbie,
des personnes déplacées internes qui ne souhaitent pas rentrer chez
elles, afin d’accélérer le processus de normalisation;
9.5. à renforcer sa mission EULEX:
9.5.1. en améliorant la responsabilité et l’efficacité de ses
actions de lutte contre la corruption de haut niveau et la criminalité
organisée;
9.5.2. en mettant l’accent sur les enquêtes et les poursuites
des crimes de guerre, parallèlement à un programme de protection
des témoins efficace et doté des moyens financiers nécessaires;
9.5.3. en mettant en œuvre les recommandations formulées dans
l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise) sur les mécanismes actuels d’examen de la
compatibilité des actes de la MINUK et d’EULEX au Kosovo avec les
normes relatives aux droits de l’homme.
10. L’Assemblée appelle les autorités de Pristina et de Belgrade:
10.1. à s’engager dans le dialogue
mené avec la médiation de l’Union européenne dans un esprit ouvert
et sans condition préalable;
10.2. à continuer de coopérer avec les organes pertinents d’EULEX
exerçant des fonctions exécutives de maintien de l’ordre public
au Kosovo, y compris les unités d’enquête sur les crimes de guerre
et le crime organisé, ainsi qu’avec le Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et avec la task force spéciale d’enquête
de l’Union européenne (SITF);
10.3. à s’abstenir de recourir à des moyens non judiciaires,
tels que s’adresser à la presse, ce qui pourrait être perçu comme
une menace à l’intégrité du processus judiciaire;
10.4. à intensifier leurs efforts pour éviter que la situation
dans le nord du Kosovo se transforme en un conflit gelé, et à trouver
des moyens d’associer au dialogue la société civile serbe du Kosovo;
10.5. à lutter contre le crime organisé transnational et la
corruption, notamment en progressant sur la voie de la création
d’un mandat d’arrêt régional pour les pays des Balkans et d’un mécanisme d’extradition
panbalkanique qui, pour être véritablement efficaces, devront inclure
le Kosovo; à cet égard, la signature d’un protocole opérationnel
entre les autorités serbes et EULEX améliorerait l’entraide judiciaire
dans les affaires de corruption;
10.6. à allouer les ressources adéquates au groupe de travail
Belgrade-Pristina sur les personnes portées disparues et à renforcer
la coopération régionale pour aider à élucider le sort des disparus;
10.7. à intensifier la coopération technique afin d’établir
des statistiques claires correspondant au retour des réfugiés et
des personnes déplacées internes et à l’intégration locale; à continuer
d’apporter leur assistance pour favoriser le retour et la réintégration
des réfugiés dans leur lieu d’origine ou, le cas échéant, l’intégration
dans leur lieu d’accueil, en coopération avec la communauté internationale,
en privilégiant la promotion de l’accès aux droits fondamentaux,
notamment le droit au logement, à l’éducation, à la santé, à l’emploi
et aux services sociaux;
10.8. à condamner publiquement et à enquêter sur les crimes
interethniques et tous les actes d’intolérance religieuse et de
vandalisme contre des symboles religieux ou culturels;
10.9. à soutenir les initiatives transfrontalières, populaires
et de la société civile visant à réconcilier les citoyens et à favoriser
un changement culturel.
11. L’Assemblée invite les autorités au Kosovo:
11.1. à poursuivre la réforme judiciaire
pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et la transparence de
la justice, en particulier:
11.1.1. à
prévoir des ressources suffisantes pour assurer le bon fonctionnement
des tribunaux, notamment dans le district de Mitrovica;
11.1.2. à assurer la sécurité et la protection des juges, des
procureurs, des parties et des témoins;
11.1.3. à restructurer le ministère public et à pourvoir les postes
vacants réservés aux minorités;
11.1.4. à moderniser le système de traitement des affaires;
11.1.5. à améliorer la prise en compte des droits de l’homme dans
les décisions de justice;
11.2. à renforcer l’indépendance financière de l’Assemblée du
Kosovo et des autres institutions indépendantes;
11.3. à mettre en œuvre les recommandations de l’institution
du médiateur au Kosovo et à garantir les ressources nécessaires
à son fonctionnement;
11.4. à mettre en œuvre les dispositions prévues par le cadre
juridique et institutionnel pour protéger et promouvoir les droits
des minorités, et faciliter l’interaction entre les communautés,
en particulier:
11.4.1. en procédant
rapidement à des enquêtes sur les agressions à motivation ethnique
ou religieuse, et en améliorant la collecte des données;
11.4.2. en s’assurant que les membres des communautés minoritaires
sont employés dans l’administration publique, y compris à des postes
d’encadrement;
11.4.3. en permettant aux enfants de recevoir un enseignement
dans leur langue maternelle dans les écoles publiques et en établissant
une procédure d’accréditation des établissements d’enseignement
privés qui dispensent une éducation dans la langue de leur choix;
11.4.4. en allouant des ressources suffisantes aux bureaux d’état
civil, en étant à l’écoute des communautés vulnérables et en appliquant
des droits d’enregistrement abordables;
11.4.5. en allouant des ressources suffisantes au Bureau du commissaire
aux langues, chargé de contrôler la loi sur l’emploi des langues
au Kosovo;
11.4.6. en assurant la diffusion des programmes de l’opérateur
public de radio et de télévision du Kosovo en langue serbe;
11.4.7. en soutenant les travaux de la commission des litiges
relatifs aux biens immobiliers, afin de réduire le nombre d’affaires
en attente;
11.4.8. en appliquant la législation sur la protection du patrimoine
culturel;
11.4.9. en allouant le financement nécessaire à la mise en œuvre
de la stratégie pour l’intégration des communautés rom, ashkali
et égyptienne, et en prêtant attention à la situation des communautés
turques et bosniaques;
11.4.10. en assurant que toutes les obligations relatives aux plaques
d’immatriculation sont remplies, sans discrimination;
11.5. à créer les conditions propices à un retour durable et
à la réintégration des personnes déplacées et rapatriées, en particulier:
11.5.1. en allouant du personnel et
des ressources suffisants aux bureaux mis en place au niveau local
à l’intention des communautés et aux groupes de travail sur les
retours;
11.5.2. en se conformant aux normes internationales régissant
la restitution des biens à la suite d’un conflit;
11.6. à garantir l’indépendance des médias et la protection
adéquate des journalistes, en particulier:
11.6.1. en mettant pleinement en œuvre les lois concernant la
Radio Télévision Kosovo (RTK) et la Commission indépendante des
médias (IMC);
11.6.2. en élaborant un manuel détaillant les procédures à suivre
pour traiter les cas de violence à l’encontre de journalistes;
11.6.3. en appliquant pleinement la loi sur l’accès aux documents
officiels;
11.6.4. en promouvant davantage l’accès à l’information pour les
communautés non albanaises;
11.7. à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes,
et l’autonomisation des femmes, en particulier:
11.7.1. en renforçant la lutte contre
la traite des êtres humains;
11.7.2. en mettant en œuvre le plan d’action sur la violence domestique
pour la période 2012-2015;
11.7.3. en finalisant les directives générales à l’intention des
victimes de la violence domestique et en élaborant des programmes
de réinsertion pour les victimes;
11.7.4. en invitant l'Assemblée du Kosovo à établir une collaboration
avec le réseau parlementaire de l'Assemblée parlementaire «Pour
le droit des femmes de vivre sans violence».
12. L’Assemblée se félicite de la récente instruction donnée
par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe au Secrétariat
de l’Organisation, qui autorise les agents du Conseil de l’Europe
à collaborer avec les autorités du Kosovo afin de faciliter la réalisation
des activités et des programmes de l’Organisation.
13. Afin de contribuer au fonctionnement démocratique des institutions
du Kosovo, l’Assemblée:
13.1. encourage
l’Assemblée du Kosovo à améliorer la communication avec les institutions indépendantes
telles que l’institution du médiateur au Kosovo, et à veiller à
ce qu’elles bénéficient des ressources nécessaires pour accomplir
leur mandat;
13.2. encourage les partis politiques du Kosovo à favoriser
la diversité ethnique parmi leurs membres et dirigeants;
13.3. décide d’intensifier et d’élargir son propre dialogue
avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée
du Kosovo et invite son Bureau à en définir les modalités dans le
plein respect de la neutralité quant au statut.
14. Enfin, l’Assemblée maintient son engagement à promouvoir la
démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit au
Kosovo, et décide par conséquent de continuer de suivre de près
les développements dans ces domaines ainsi que les activités du
Conseil de l’Europe s’y rapportant.