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Résolution 1915 (2013) Version finale

Dialogue postsuivi avec la Bulgarie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 janvier 2013 (4e séance) (voir Doc. 13085, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), rapporteur: M. Volontè). Texte adopté par l’Assemblée le 22 janvier 2013 (4e séance).

1. L'Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1211 (2000) sur le respect des obligations et engagements de la Bulgarie, dans laquelle elle a décidé de clore la procédure de suivi et d'ouvrir un dialogue avec les autorités bulgares sur un certain nombre de problèmes en suspens mentionnés dans cette résolution, ou sur tout autre problème découlant des obligations de chaque Etat membre du Conseil de l'Europe en vertu de l'article 3 du Statut en matière de démocratie pluraliste, de prééminence du droit et de droits de l'homme.
2. Pendant toute la période du dialogue postsuivi, la Bulgarie a continué de progresser de façon substantielle vers l'accomplissement de ses obligations non encore respectées. Ces efforts ont été confirmés par son adhésion, en 2007, à l'Union européenne. Depuis l'adoption par l'Assemblée de la Résolution 1730 (2010) sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie, le pays a pris un certain nombre de mesures importantes destinées à mettre en œuvre les recommandations de l'Assemblée.
3. L'Assemblée s’attend à ce que les autorités bulgares montrent et continuent de démontrer une volonté et un engagement politiques soutenus pour honorer pleinement les obligations et engagements qui leur incombent en leur qualité de membre du Conseil de l'Europe, et pour respecter les normes démocratiques, comme en atteste leur intense coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
4. L'Assemblée reconnaît que des progrès importants ont été accomplis en ce qui concerne le cadre législatif et les réformes déterminantes qui ont été mis en place depuis la clôture de la procédure de suivi, notamment depuis l’adhésion à l’Union européenne. En particulier, l'Assemblée salue l'adoption de plusieurs lois sur le fonctionnement du système judiciaire, qui visent à améliorer son indépendance, la mise en œuvre de sa responsabilité ainsi que sa transparence.
5. Les modifications successives apportées à la loi sur le système judiciaire, qui ont été adoptées entre 2008 et 2012 conformément aux recommandations de la Commission de Venise, en particulier celles concernant la mise en place d'une nouvelle procédure de sélection et de nomination des membres du Conseil judiciaire suprême et de son Inspectorat, les procédures de nomination et d'appréciation des magistrats, ainsi que les mesures visant à améliorer les pratiques judiciaires et d'instruction, ont dans une large mesure créé des conditions favorables au bon fonctionnement de la justice.
6. L'adoption en 2010 de la Stratégie de poursuite de la réforme judiciaire, dont l'objectif est de renforcer la confiance du public, d'améliorer la gestion et de combattre la corruption dans le système judiciaire, avec la participation de la société civile et des magistrats, devrait permettre d'améliorer encore le fonctionnement de la justice.
7. Cela étant, plusieurs points – notamment le rôle du ministre de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême, la structure de cet organe et la procédure de nomination de ses membres, la période probatoire de cinq ans imposée aux nouveaux juges ainsi que la séparation des trois pouvoirs judiciaires (juges, procureurs et magistrats instructeurs) et la non-ingérence entre ces trois pouvoirs – exigent une réflexion complémentaire et devraient être examinés. Malheureusement, certains principes fondamentaux, notamment l'indépendance de la justice, n'ont pas toujours été pleinement respectés et certaines nominations importantes n'ont pas été effectuées selon des considérations liées au mérite et à l'intégrité. En même temps, il faut reconnaître que certains changements supposent d’avoir le courage de remettre en question des intérêts octroyés, ce qui vaut également au sein du système judiciaire.
8. Garantir la mise en œuvre effective du cadre juridique et en exploiter le plein potentiel, en particulier s'agissant du rôle directeur et de premier plan du Conseil judiciaire suprême, dont l'indépendance et l'intégrité devraient être au-dessus de tout soupçon, sont des conditions nécessaires à la pérennité et à l'irréversibilité du processus. Il est aujourd'hui de la plus haute importance que les autorités et la justice s'approprient pleinement les réformes.
9. L'Assemblée salue les efforts accomplis par la Bulgarie pour adopter un cadre législatif et administratif complet ainsi que des mesures préventives pour lutter contre la corruption et le crime organisé, efforts qui se sont renforcés depuis l'adhésion du pays à l'Union européenne. En particulier, elle se félicite de l'adoption finale, en 2012, de la loi relative à la confiscation au profit de l'Etat de biens acquis de manière illicite et, en 2010, de la loi renforcée sur les conflits d'intérêts.
10. L’Assemblée salue les efforts importants accomplis par les autorités bulgares, en particulier la ratification par le parlement, le 19 décembre 2012, de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198, “Convention sur le blanchiment de fonds”), ce qui constitue un pas significatif dans la bonne direction, et confirme le caractère durable et irréversible du processus démocratique. L’Assemblée encourage vivement le Parlement et le Gouvernement bulgares à mettre pleinement en œuvre les dispositions de ce traité.
11. Malgré les progrès accomplis dans ce domaine, certains problèmes ne sont qu’en partie résolus, comme en témoigne l'absence de résultats en ce qui concerne les décisions de justice définitives dans des affaires de corruption très médiatisées. Cette efficacité médiocre s'explique, dans une très large mesure, par des dysfonctionnements dans les procédures d'enquête et des faiblesses dans la pratique judiciaire. Si certaines insuffisances dans la législation en vigueur, qui ont été relevées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et par la Commission européenne, doivent être réglées dans les plus brefs délais, la mise en œuvre des lois existantes et l’application pleine et entière des instruments disponibles restent un objectif essentiel.
12. La future adoption du nouveau code pénal, qui est en cours d'élaboration avec la coopération d’experts juridiques du Conseil de l'Europe, devrait contribuer à améliorer la situation.
13. S'agissant de l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, l'Assemblée note avec satisfaction que l’Assemblée nationale a adopté, en septembre 2012, une loi prévoyant la mise en place d'une disposition faisant obligation au gouvernement de présenter tous les ans au parlement un rapport sur le nombre et la nature des arrêts ainsi que des informations sur la mise en œuvre des décisions de la Cour, conformément aux recommandations de l'Assemblée parlementaire.
14. L'Assemblée reconnaît les progrès accomplis par la Bulgarie dans la lutte contre les atteintes aux droits de l'homme par les forces de l’ordre, les autorités ayant pris un certain nombre de mesures, notamment la modification de la loi relative au ministère de l'Intérieur, adoptée en mai 2012, qui institue une formation systématique aux droits de l'homme pour les policiers et la mise en place de mesures concrètes visant à éradiquer l'impunité et l'absence de chaîne de responsabilité pour les pratiques abusives.
15. Tout en saluant l'adoption, en 2010, d'une nouvelle loi faisant obligation aux organes de la presse écrite de divulguer les noms de leurs véritables propriétaires, l'Assemblée souligne la nécessité d'adopter des dispositions analogues dans le secteur de la radiodiffusion.
16. L'Assemblée est préoccupée par la montée de l'idéologie et des actes nationalistes, et par le climat d'hostilité croissante envers les minorités, comme en témoignent le comportement agressif des militants du parti politique Ataka à l'égard de fidèles devant la mosquée de Sofia en mai 2011, ainsi que les propos haineux ou incitant à la violence à l’encontre des Roms, qui ont été tenus à Sofia et dans 14 autres villes en octobre 2011. De plus, en dépit de progrès et d’efforts indéniables pour que soient reconnus des droits des personnes appartenant à des minorités, un certain nombre de problèmes recensés par les mécanismes de suivi concernés du Conseil de l'Europe subsistent et doivent être résolus sans plus attendre.
17. L'Assemblée rappelle les problèmes relevés par ses observateurs au cours des dernières élections législatives en 2009 ainsi que les recommandations formulées par la Commission de Venise au sujet de l'actuel code électoral, et demande aux autorités bulgares de les résoudre à temps pour les prochaines élections, qui se tiendront à l'été 2013.
18. Pour que les efforts se poursuivent, et que la pérennité et l'irréversibilité des réformes en Bulgarie se confirment, l'Assemblée demande aux autorités de prendre les mesures suivantes:
18.1. s'agissant de l'indépendance de la justice:
18.1.1. garantir l'indépendance de la justice et s'abstenir d'exercer sur elle une quelconque pression;
18.1.2. revoir le rôle du ministre de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême et envisager l'introduction d'un vote à la majorité qualifiée dans l'élection du quota parlementaire du Conseil judiciaire suprême;
18.1.3. réduire la durée de la période probatoire imposée aux nouveaux juges;
18.1.4. assurer la séparation des trois pouvoirs judiciaires (juges, procureurs et magistrats instructeurs) au sein du Conseil judiciaire suprême et la non-ingérence entre ces pouvoirs, conformément aux recommandations de la Commission de Venise;
18.1.5. encourager et soutenir le Conseil judiciaire suprême et son Inspectorat dans leur mission d'amélioration de l'efficacité de la justice et des pratiques judiciaires, en particulier:
18.1.5.1. élaborer une stratégie en matière de ressources humaines qui encouragerait le professionnalisme, l’indépendance et l'intégrité, notamment en s'attaquant aux insuffisances du système d'appréciation, en mettant en place un mécanisme uniforme et cohérent d'évaluation de l’action des juges, des procureurs et des magistrats instructeurs, et en reliant ce mécanisme à l'évolution des carrières;
18.1.5.2. assurer la cohérence des sanctions, notamment en cas de retard dans la publication des motifs de décision, mettre sur pied un système unique et efficace d'affectation aléatoire et nationale des affaires, et définir des critères clairs pour évaluer la complexité des affaires et leur incidence sur la répartition du volume de travail;
18.1.5.3. effectuer une analyse des insuffisances de la pratique judiciaire en vue d'y remédier, élaborer une stratégie de réduction du délai de publication des motifs de décision, et combler les failles dans l'exécution des décisions de justice, notamment en évitant que des personnes condamnées à des peines de prison se soustraient à la justice ou que les sanctions financières prononcées par les tribunaux ne soient pas appliquées;
18.1.5.4. organiser les prochaines élections du nouveau membre de la Cour constitutionnelle et du chef de l’Inspectorat du Conseil judiciaire suprême conformément aux normes les plus élevées de professionnalisme et d’intégrité;
18.1.6. encourager la participation de la société civile et des organisations professionnelles à l'élaboration et au suivi de nouvelles stratégies de réforme de l'appareil judiciaire;
18.1.7. achever les travaux sur un nouveau code pénal, en coopération étroite avec des experts juridiques du Conseil de l'Europe, et veiller à sa mise en œuvre après son adoption;
18.2. s'agissant de la lutte contre la corruption et le crime organisé:
18.2.1. mettre en œuvre les recommandations formulées par le GRECO – en particulier celles concernant l'incrimination claire de corruption et de trafic d'influence –, veiller à une interprétation plus large du concept d'avantage indu, à l'application intégrale et à l'utilisation des possibilités offertes par la loi relative à la confiscation au profit de l'Etat de biens acquis de manière illicite, adoptée en mai 2012;
18.2.2. réviser la loi sur les conflits d'intérêts en vue d'une application plus efficace des sanctions dissuasives; réviser le système de déclaration de patrimoine et de vérification dans le but d'améliorer l'efficacité de ce mécanisme de détection de l'enrichissement illicite;
18.2.3. mettre sur pied des institutions indépendantes dans le domaine de la lutte contre la corruption en les dotant de la compétence et de l'obligation de formuler des propositions, d'intervenir de façon proactive et d'assurer un suivi indépendant, conformément aux recommandations formulées par la Commission européenne; et veiller à ce que ces institutions disposent des ressources nécessaires pour mener à bien des enquêtes financières complexes;
18.2.4. effectuer une analyse exhaustive des insuffisances dans les procédures d'enquête dans le but de redresser la situation et, sur la base des expériences passées, améliorer l’efficacité de la police, du ministère public et des tribunaux;
18.2.5. veiller à la pleine mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur le blanchiment de fonds (STCE no 198), qui a récemment été ratifiée par le parlement et qui est un pas en avant décisif pour la Bulgarie;
18.3. s'agissant des pratiques abusives exercées par des membres des forces de l'ordre:
18.3.1. poursuivre les efforts visant à éradiquer les pratiques abusives exercées par des membres des forces de l'ordre, en mettant effectivement en œuvre les mesures visant à éliminer l'impunité et l'absence de chaîne de responsabilité pour ces faits, en particulier en veillant à ce que chaque affaire fasse l'objet d'une instruction dans les règles, en mettant en place des garanties procédurales lors des gardes à vue, en encourageant le contrôle exercé par la société civile et en développant la formation continue et les actions de sensibilisation;
18.4. s'agissant de l'indépendance des médias:
18.4.1. adopter une législation faisant obligation aux médias de radiodiffusion de divulguer les noms de leurs véritables propriétaires, comme c'est désormais le cas pour la presse écrite;
18.4.2. veiller à ce que la diffamation et la calomnie ne soient pas pénalisées dans le nouveau code pénal qui est en cours d'élaboration;
18.5. s'agissant des droits des personnes appartenant à des minorités nationales:
18.5.1. condamner systématiquement et sans conditions les discours de haine contre toutes les minorités, en particulier toute action agressive à l’égard de personnes roms et sintis, renforcer les mesures visant à favoriser la tolérance et le respect mutuel, et encourager les responsables politiques à adopter un comportement exemplaire;
18.5.2. veiller à la pleine mise en œuvre de l'ensemble des dispositions contenues dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157), en particulier celles concernant le champ d'application personnel de cet instrument, et signer et ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148);
18.5.3. s'attaquer aux problèmes recensés par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en ce qui concerne les droits de l'homme des Roms, en particulier en matière d'expulsions forcées et d'accès aux droits sociaux, y compris les droits à l'éducation, au logement et aux soins;
18.5.4. prendre dûment en considération les plaintes des anciens prisonniers politiques de l'île de Béléné, dans le cadre de la loi bulgare relative à la réhabilitation politique et civique des victimes de la répression pendant le régime totalitaire;
18.5.5. continuer à faire progresser les droits des personnes appartenant à des minorités en ce qui concerne l’enseignement de et dans leur langue maternelle, promouvoir la connaissance de l’identité culturelle des minorités et favoriser la tolérance par l’éducation;
18.5.6. assurer l’égalité des chances des membres des minorités en matière d’emplois dans le secteur public;
18.6. s'agissant du Code électoral et de la procédure électorale: pour appliquer les normes du Conseil de l’Europe et répondre aux préoccupations et recommandations exprimées par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Parlement bulgare devrait réviser dès que possible le Code électoral afin de garantir l’égalité et la transparence du processus électoral, et de le rendre pleinement conforme aux normes internationales pour les prochaines élections législatives de l’été 2013.
19. L'Assemblée encourage les autorités bulgares à mettre en œuvre et à respecter tous les engagements pour garantir des avancées démocratiques. Elle espère avoir raison de faire confiance à la Bulgarie pour continuer d'avancer dans la bonne direction. Elle escompte que les problèmes restants seront résolus de façon démocratique et dans le strict respect des mécanismes et des procédures qui s'appliquent.
20. L'Assemblée attend des autorités bulgares qu'elles poursuivent leur coopération fructueuse avec la Commission de Venise et les experts juridiques du Conseil de l'Europe dans le but de remédier aux insuffisances qui subsistent dans la législation.
21. Compte tenu de ce qui précède, l'Assemblée décide de poursuivre le dialogue postsuivi avec les autorités bulgares concernant la réforme du judiciaire, la liberté des médias, la transparence de la propriété et la révision du Code électoral, et de continuer à suivre de près, conformément à ses procédures internes, l'évolution de la situation dans ce pays.