Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13193 | 24 avril 2013

Contestation pour des raisons formelles des pouvoirs non encore ratifiés de M. Andriy Shevchenko (Ukraine, PPE/DC)

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteure : Mme Nataša VUČKOVIĆ, Serbie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision de l’Assemblée du 22 avril 2013 2013 - Deuxième partie de session

Résumé

Le 22 avril 2013, les pouvoirs non encore ratifiés de M. Andriy Shevchenko ont été contestés pour des raisons formelles, conformément à l’article 7 du Règlement de l’Assemblée parlementaire, au motif qu’il remplace dans la délégation ukrainienne M. Sergiy Vlasenko, qui a été déchu de son mandat parlementaire national par une décision de justice qui pourrait avoir une motivation politique. Conformément au Règlement de l’Assemblée, ces pouvoirs ont été renvoyés à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.

La commission du Règlement considère que les raisons formelles de contestation énumérées à l’article 7.1 du Règlement de l’Assemblée ne s’appliquent pas au cas d’espèce et que les pouvoirs de M. Andriy Shevchenko sont conformes à l’article 6 du Règlement de l’Assemblée.

En application de l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe, aucun représentant ne peut être relevé de son mandat au cours d'une session de l'Assemblée parlementaire sans l'assentiment de celle-ci. Par conséquent, l’Assemblée est invitée à se prononcer formellement sur la levée du mandat de M. Sergiy Vlasenko.

La commission propose, en conséquence, que l’Assemblée relève de son mandat M. Sergiy Vlasenko et ratifie les pouvoirs de M. Andriy Shevchenko.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 24 avril 2013.

(open)
1. Le 22 avril 2013, les pouvoirs non encore ratifiés de M. Andriy Shevchenko (Ukraine, PPE/DC) ont été contestés par M. Pieter Omtzigt pour des raisons formelles, conformément à l’article 7 du Règlement de l’Assemblée parlementaire, au motif qu’il remplace dans la délégation ukrainienne M. Sergiy Vlasenko, qui a été déchu de son mandat parlementaire national par une décision de justice qui pourrait avoir une motivation politique.
2. L’Assemblée rappelle qu’en application de l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe, aucun représentant ne peut être relevé de son mandat au cours d'une session de l'Assemblée sans l'assentiment de celle-ci. Cette disposition vise à protéger les élus contre tout pouvoir arbitraire, en particulier dans le cas de poursuites pouvant mener à la révocation de leur mandat en raison, notamment, des opinions exprimées ou des positions défendues au sein de l’Assemblée. Il résulte tant du Statut du Conseil de l'Europe que du Règlement de l’Assemblée que les parlements nationaux ont la possibilité de pourvoir des sièges vacants à l'Assemblée uniquement si la vacance est due au décès, à la démission ou à des élections législatives. C’est pourquoi, la possibilité de pourvoir des sièges vacants, pour tous les autres cas, est assortie de la sauvegarde importante figurant à l’article 25.b du Statut du Conseil de l’Europe qui fait de l’Assemblée la seule et unique instance pouvant se prononcer sur la révocation, au cours d’une session, du mandat d’un de ses membres.
3. L’Assemblée note que la désignation de M. Andriy Shevchenko, dont les pouvoirs non encore ratifiés ont été contestés, pour le siège devenu vacant suite à la déchéance du mandat national de M. Sergiy Vlasenko par la Haute Cour administrative de l’Ukraine, a été examinée par la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à la lumière des exigences formelles formulées à l’article 7 du Règlement dans le cadre duquel lesdits pouvoirs ont été contestés. Elle a conclu que M. Andriy Shevchenko appartient à la même fraction politique «Batkivtshchyna» à laquelle M. Vlasenko a appartenu. Par ailleurs, il a été désigné remplaçant de M. Sergiy Vlasenko par le Président de la fraction «Batkivtshchyna», dans le respect des procédures de la Verkhovna Rada, et sa nomination ne remet pas en cause la représentation équitable des groupes et partis politiques par rapport à la constitution actuelle de la Verkhovna Rada.
4. L’Assemblée rappelle sa position suivant laquelle, dans le cas où un membre de l’Assemblée a été déchu de son mandat par une décision judiciaire définitive, et dans la mesure où toutes les voies de recours internes ont été épuisées, il existe une présomption que la décision s’applique mutatis mutandis à l’Assemblée, compte tenu de l’article 25.a du Statut du Conseil de l'Europe qui stipule que «l’Assemblée est composée de Représentants de chaque Membre élus par son parlement en son sein ou désignés parmi les membres du Parlement». Elle considère, par ailleurs, qu’il ne lui appartient pas de se substituer ni à la Verkhovna Rada ni à la Cour européenne des droits de l'homme – qui a été formellement saisie – s’agissant d’apprécier la validité de la décision de justice à l’origine de la déchéance du mandat de M. Vlasenko au regard des législations, réglementations et procédures nationales pertinentes ou des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme.
5. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a également examiné les diverses objections soulevées et a établi que la désignation de M. Andriy Shevchenko auprès de l’Assemblée parlementaire s’est faite dans le respect de l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe et de l’article 6 du Règlement de l’Assemblée. Par ailleurs, l’Assemblée note que l’existence de violations substantielles du Statut du Conseil de l'Europe, dont les obligations s’imposent aux Etats membres, relève d’une procédure distincte qui n’a pas été mise en œuvre par les contestataires à l’ouverture de la partie de session.
6. En conséquence, au vu de ces circonstances, l’Assemblée décide de relever M. Sergiy Vlasenko de son mandat et de ratifier les pouvoirs de M. Andriy Shevchenko.

B. Exposé des motifs, par Mme Vučković, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 22 avril 2013, les pouvoirs non encore ratifiés de M. Andriy Shevchenko (Ukraine, PPE/DC) ont été contestés par M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC) pour des raisons formelles, conformément à l’article 7 du Règlement de l’Assemblée parlementaire, au motif qu’il remplace dans la délégation ukrainienne M. Sergiy Vlasenko, qui a été déchu de son mandat parlementaire national par une décision de justice qui pourrait avoir une motivation politique. Conformément à l’article 7.2, l’Assemblée a renvoyé sans débat les pouvoirs à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.
2. La commission doit donc examiner si la procédure de désignation de M. Andriy Shevchenko:
  • a été conforme aux principes énoncés à l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe considéré en liaison avec l’article 6 du Règlement de l’Assemblée; et
  • si elle n’a pas méconnu les principes garantis par les articles 7.1.a et 7.1.b du Règlement de l’Assemblée 
			(2) 
			Article 7.1:«Les pouvoirs peuvent être contestés
par au moins dix membres de l’Assemblée présents dans la salle des
séances, appartenant à cinq délégations nationales au moins, se
fondant sur des raisons formelles basées sur:a. une ou plusieurs dispositions applicables du Statut
(notamment les articles 25 et 26);b. les principes énoncés dans l’article 6.2 du Règlement
selon lesquels les délégations parlementaires nationales doivent
être composées de façon à assurer une représentation équitable des
partis ou groupes politiques existant dans leurs parlements et comprendre,
en tout état de cause, un représentant du sexe sous-représenté désigné
en qualité de représentant;c. l’absence de déclaration solennelle, telle qu’indiquée
à l’article 6.2.b. La contestation doit être dûment motivée par ses auteurs.».
3. Aux termes de l’article 7.2, «[s]i la commission conclut à la ratification des pouvoirs, elle peut transmettre au Président de l’Assemblée un simple avis dont il donnera lecture en Assemblée plénière ou en Commission permanente, sans que celles-ci en débattent. Si la commission conclut à la non-ratification des pouvoirs ou à leur ratification assortie de la privation ou de la suspension de certains des droits de participation ou de représentation, le rapport de la commission est inscrit à l’ordre du jour pour débat dans les délais prescrits».

2. Les dispositions applicables et leur interprétation

4. Aux termes de l’article 25 du Statut du Conseil de l’Europe:
«a. L'Assemblée Consultative [parlementaire] est composée de Représentants de chaque Membre, élus par son parlement en son sein ou désignés parmi les membres du Parlement selon une procédure fixée par celui-ci, sous réserve toutefois que le Gouvernement de tout Membre puisse procéder à des nominations complémentaires quand le Parlement n'est pas en session et n'a pas établi la procédure à suivre dans ce cas. Tout Représentant doit avoir la nationalité du Membre qu'il représente. Il ne peut être en même temps membre du Comité des Ministres.
Le mandat des Représentants ainsi désignés prend effet à l'ouverture de la session ordinaire suivant leur désignation; il n'expire qu'à l'ouverture de la session ordinaire suivante ou d'une session ordinaire ultérieure, sauf le droit des Membres de procéder à de nouvelles désignations à la suite d'élections parlementaires.
Si un Membre pourvoit aux sièges devenus vacants par suite de décès ou de démission, ou procède à de nouvelles désignations à la suite d'élections parlementaires, le mandat des nouveaux Représentants prend effet à la première réunion de l'Assemblée suivant leur désignation.
b. Aucun Représentant ne peut être relevé de son mandat au cours d'une session de l'Assemblée sans l'assentiment de celle-ci.
c. Chaque Représentant peut avoir un Suppléant qui, en son absence, aura qualité pour siéger, prendre la parole et voter à sa place. Les dispositions du paragraphe a ci-dessus s'appliquent également à la désignation des Suppléants.»
5. Aux termes de l’article 10 du Règlement de l’Assemblée relatif à la durée du mandat des représentants et suppléants:
«10.1. Le mandat des représentants et suppléants prend effet dès la ratification de leurs pouvoirs.
10.2. Sous réserve des dispositions des paragraphes 3 et 4, le mandat des représentants et suppléants expire à l’ouverture de la session ordinaire suivante.
10.3. A la suite d’élections législatives, le parlement national concerné ou une autre autorité compétente doit procéder à des désignations à l’Assemblée dans un délai de six mois après l’élection. (…).
10.4. Si un siège devient vacant par suite de décès ou de démission, il peut être occupé à titre provisoire à l’Assemblée par un suppléant et en commission par un autre représentant ou suppléant de même nationalité, dans l’attente qu’une nouvelle désignation soit faite au sein de la délégation nationale concernée.»
6. Un avis juridique préparé en 1997 à l’intention de la commission du Règlement par la Direction des affaires juridiques du Conseil de l'Europe sur «le mandat des membres de l'Assemblée qui ont perdu leur siège dans leur parlement national» 
			(3) 
			AS/Pro (1997) 11., présente les conclusions suivantes quant à l’interprétation de ces dispositions:
«a. la perte du siège au parlement national entraîne la fin quasi automatique du mandat à l'Assemblée uniquement si elle est due au décès, à la démission ou à de nouvelles élections législatives;
b. pour tous les autres cas, à savoir ceux dans lesquels l'intéressé est privé de son siège et ne le perd pas du fait de son décès, de sa démission ou d'élections, l'assentiment de l'Assemblée est requis;
c. le principe qui veut que la composition de l'Assemblée se fonde sur l'appartenance à un parlement national (article 25 a) n'est strictement applicable qu'à la désignation des membres pour une session entière; dans l'éventualité d'un remplacement ultérieur, l'Assemblée peut prendre la décision de maintenir le parlementaire concerné dans ses fonctions, les critères de cette décision n'étant pas spécifiés.
2. Le Règlement de l'Assemblée, en particulier les articles 6 et 7, découlent de l'article 25 du Statut. (…)
Toutefois, aucune clause expresse ne détermine selon quels critères l'Assemblée est censée accorder ou refuser son assentiment en vertu de l'article 25b du Statut. Elle bénéficie par conséquent d'une importante liberté d'appréciation politique.»

3. La révocation du mandat parlementaire du député de l'opposition ukrainien M. Sergiy Vlasenko

7. M. Sergiy Vlasenko a joué ces dernières années un rôle de premier plan en assurant la défense de l’ancienne Premier ministre de l’Ukraine Ioulia Timochenko dans le cadre de ses différentes procédures judiciaires. Il a été membre de la Verkhovna Rada lors de la législature précédente. Suite aux élections législatives tenues en Ukraine le 22 octobre 2012, M. Sergiy Vlasenko a été réélu sur la liste du parti «Batkivtshchyna» qui détient actuellement 99 sièges sur 450 (élus soit au scrutin de liste proportionnel, soit au scrutin majoritaire de circonsription).
8. M. Sergiy Vlasenko est membre de l’Assemblée parlementaire depuis le 21 janvier 2013. Il figure dans la délégation en qualité de suppléant inscrit comme représentant de la fraction politique «Batkivtshchyna», ainsi qu’il est stipulé dans la lettre en date du 14 janvier 2013, transmise à l’Assemblée le 15 janvier 2013, du Président de la Verkhovna Rada de l’Ukraine, M. Volodymyr Rybak, communiquant la composition de la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée parlementaire pour la durée de la session 2013.
9. Le 28 février 2013, le Président de la Verkhovna Rada d'Ukraine, sur la base de l'avis de la commission du Règlement, d’éthique parlementaire et du fonctionnement mettant en cause le cumul par M. Sergiy Vlasenko de son mandat de député avec son activité d’avocat, a saisi la justice d’un recours approprié.
10. Le 6 mars 2013, la Haute Cour administrative a révoqué le mandat parlementaire de M. Sergiy Vlasenko au motif que ce dernier a omis de déclarer une incompatibilité de l’exercice du métier d’avocat avec le mandat parlementaire auprès de la commission de la qualification et de la discipline du Barreau, et ce, conformément aux dispositions transitoires de la loi sur le Barreau et l’activité d’avocat dans le délai de 90 jours à compter du 15 août 2012, date de son entrée en vigueur. Cette décision interne définitive est non susceptible d’un recours en appel ou en cassation.
11. Le 18 mars 2013, la Commission centrale électorale a désigné M. Roman Stadniychuk, inclus dans la liste du parti «Batkivtshchyna» sous le numéro 65, comme député. Le lendemain, M. Stadniychuk a prêté serment.
12. Le 5 avril 2013, le Président de la fraction «Batkivtshchyna» M. Arceniy Yatsenyuk, a déposé une demande auprès du Président de la commission des affaires étrangères de la Verkhovna, M. Kaluyzhniy, afin de remplacer M. Sergiy Vlasenko par un autre membre de la fraction «Batkivtshchyna», M. Andriy Shevchenko. Après avoir examiné cette demande lors de sa réunion du 16 avril 2013, la commission a approuvé le changement dans la délégation.
13. Le 17 avril 2013, le Président de la Verkhovna Rada a communiqué cette décision au Président de l’Assemblée.

4. Réactions suite à la révocation du mandat de M. Sergiy Vlasenko au sein des institutions européennes

4.1. Conseil de l’Europe

14. Le 7 mars 2013, les corapporteurs pour l'Ukraine de la commission de suivi de l'Assemblée, Mailis Reps (Estonie, ADLE) et Marietta de Pourbaix-Lundin (Suède, PPE/DC), ainsi que le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur le thème «Séparer la responsabilité politique de la responsabilité pénale», Pieter Omtzigt, ont ensemble fait part de leur vive préoccupation et de leur déception à la suite de la révocation du mandat parlementaire du député de l'opposition ukrainien Sergiy Vlasenko 
			(4) 
			 «Cela
agite le spectre d'une sanction infligée à M. Sergiy Vlasenko parce
qu'il est un allié politique et le conseiller juridique de l'ex-Premier
ministre incarcéré Ioulia Timochenko», ont déclaré les trois rapporteurs.
«I est privé de son mandat populaire à la suite d'une procédure
qui aurait été entachée de nombreuses violations. Cela survient
après qu'il a été empêché d'assister à la session de l'Assemblée
parlementaire à Strasbourg, en janvier de cette année, pour des motifs
contestables qui sont inacceptables et cela ne fait que renforcer
notre inquiétude.» 
			(4) 
			Voir également la déclaration écrite
n° 539 déposée le 22 avril 2013 par M. Pieter Omtzigt et 26 collègues
intitulée «L’élection directe par les citoyens ne peut pas être
annulée par les autorités»..
15. Le même jour, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, demandait aux autorités ukrainiennes d'expliquer sur quelle base légale M. Sergiy Vlasenko, député de l'opposition, a été déchu de son mandat parlementaire 
			(5) 
			«Je trouve qu'il est
très inhabituel qu'un député élu par le peuple puisse être exclu
du Parlement sans préavis alors qu'il n'a commis aucune infraction
grave. J'ai demandé aux autorités ukrainiennes de fournir une explication
à cet acte susceptible d'affecter un principe fondamental de la
démocratie, la souveraineté d'un peuple à élire ses députés», a-t-il déclaré..
16. Enfin, le 27 mars 2013, le Comité des Ministres a examiné, lors de sa 1166e réunion, les explications transmises par le Ministre de la Justice, M. Oleksandr Lavrynovych, concernant la procédure de révocation 
			(6) 
			DD(2013)341
du 28 mars 2013. Ce document expose la procédure suivie au niveau
interne ayant conduit à la révocation du mandat national de M. Vlasenko.
Il fait l’inventaire des actes législatifs nationaux comportant
le principe d’interdiction du cumul du mandat d’élu avec l’exercice
de certaines activités (l’article 78 de la Constitution de l’Ukraine) dont
les activités onéreuses (l’article 3 de la loi de l’Ukraine sur
le statut des députés du peuple de l’Ukraine), ainsi que la procédure
à suivre pour révoquer le mandat impliquant la branche administrative
des tribunaux (l’article 81 § 4 de la Constitution, l’article 5
de la loi de l’Ukraine sur le statut des députés du peuple de l’Ukraine,
le code de la justice administrative)..

4.2. Union européenne

17. Le 6 mars 2013, les porte-parole de Catherine Ashton, Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, et Štefan Füle, commissaire chargé de l'élargissement et de la politique européenne de voisinage, ont fait une déclaration dans laquelle ils se disaient profondément préoccupés par les procédures judiciaires récentes menant à l'annulation éventuelle des mandats de deux membres du parlement sur la base de raisons juridiques contestées. Ils prêtaient donc une attention particulière à la situation liée à l'affaire de M. Sergiy Vlasenko et à la révocation éventuelle de son mandat parlementaire et appelaient les autorités ukrainiennes à remédier à cette situation afin d'éviter de créer une perception d'une mauvaise utilisation de l'appareil judiciaire à des fins politiques. Selon eux, des procédures judiciaires qui sont venues des mois après la confirmation des résultats définitifs des élections soulèvent des préoccupations politiques et juridiques.

5. Evaluation

18. La vérification des pouvoirs à laquelle la commission du Règlement se livre à l’occasion de son examen mené au titre de l’article 7 du Règlement ne lui permet pas de se prononcer sur les différends éventuels existants au niveau des parlements nationaux entre les partis politiques ou au sein d’une même force politique. Elle cherche à établir si les exigences formelles formulées à l’article 7.1, en l’occurrence les alinéas a et b, ont été respectées. Dans ce contexte, la commission du Règlement devrait examiner de surcroît si l’Accord général sur les Privilèges et Immunités a été respecté dans la mesure où l’expulsion du parlement national n’est pas liée à un acte commis en qualité de membre de l’Assemblée, et, d’autre part, si la nouvelle désignation ne compromet pas l’équilibre de la représentation équitable des forces politiques au sein de la délégation concernée.

5.1. Conséquences de la perte du mandat de parlementaire national au regard du respect des dispositions applicables du Statut, en particulier l’article 25

19. En vertu de l’article 25 du Statut, quelles que soient les dispositions prises par un Etat membre pour la désignation et le renouvellement de sa délégation, le mandat d’un représentant commence avec l’ouverture de la session ordinaire suivant sa désignation et n’expire qu’à l’ouverture de la session ordinaire suivante. Toutefois, l’article 25 du Statut prévoit la possibilité de pourvoir des sièges devenus vacants suite à la démission d’un représentant ou d'un décès. Par ailleurs, si des élections législatives se sont tenues en cours d’une session ordinaire, les parlements nationaux doivent procéder aux désignations des membres de leurs délégations à l’Assemblée dans les six mois suivant les élections 
			(7) 
			Règlement, article
10.3. Dans tous ces cas l’assentiment de l’Assemblée est indispensable pour relever un membre de l’Assemblée de son mandat au cours de l’année parlementaire.
20. La position de l’Assemblée parlementaire, avant 1997, consistait à considérer que, sauf cas de décès, de démission, ou de nouvelles désignations suite à des élections, le mandat d’un membre à l’Assemblée dont les pouvoirs ont été dûment ratifiés demeurait valable pendant le restant de l’année parlementaire, jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire  suivante 
			(8) 
			Citons
le cas d’un membre turc, M. Feridun Ergin, qui avait été exclu de
son parti politique en 1955 et empêché d’assister à la session de
l’Assemblée; le Président de l’Assemblée avait alors rappelé aux
autorités turques les termes de l’article 25 et confirmé la validité
du mandat de M. Ergin à l’Assemblée parlementaire sur toute la durée
de la session.. Toutefois, en 1997, l’Assemblée a eu à connaître pour la première fois du cas de la déchéance de plein droit du mandat national d’un membre de l’Assemblée suite à une décision judiciaire 
			(9) 
			M.
Pierre Lacour, membre du Sénat français, a été déchu de son statut
de sénateur sur la base d’une décision du Conseil Constitutionnel. ce qui lui a permis de préciser sa position en la matière. Il a été considéré que, dans le cas où le membre a été déchu de son mandat par une décision judiciaire, et dans la mesure où toutes les voies de recours internes ont été épuisées, il existe une présomption que la décision s’applique mutatis mutandis à l’Assemblée parlementaire 
			(10) 
			AS/Pro
(1997) 16, cette position de la commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles a été approuvée par l’Assemblée
le 26 janvier 1998 dans le rapport d’activité du Bureau et de la
Commission permanente (Doc. 7978).. Cette interprétation serait aussi en accord avec l’esprit de l’article 25.a qui stipule que «l’Assemblée Consultative [parlementaire] est composée de Représentants de chaque Membre élus par son Parlement en son sein ou désignés parmi les membres du Parlement».
21. Néanmoins, il a été décidé que la décision finale sur la déchéance du mandat incombe à l’Assemblée conformément à l’article 25.b du Statut et sur la base d’un rapport de la commission du Règlement.

5.2. Lien entre la perte du mandat de parlementaire national et le respect de l’Accord Général sur les Privilèges et Immunités du Conseil de l’Europe

22. Les immunités des représentants et suppléants à l’Assemblée sont définies par les textes suivants:
  • l’article 40.a du Statut du Conseil de l’Europe:
    «(…) les représentants des Membres (…) jouissent sur les territoires des Membres, des immunités et privilèges nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. En vertu de ces immunités, les Représentants à l’Assemblée Consultative (Parlementaire) ne peuvent notamment être ni arrêtés ni poursuivis sur les territoires de tous les Membres en raison des opinions ou des votes émis au cours des débats de l’Assemblée, de ses comités ou commissions.»;
  • l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe du 2 septembre 1949 et son Protocole additionnel du 6 novembre 1952, qui complètent l’article 40.a du Statut et instaurent deux types d’immunité:
    • irresponsabilité parlementaire:
      Article 14: «Les représentants à l’Assemblée Consultative (Parlementaire) et leurs suppléants ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions.»
    • inviolabilité parlementaire:
      Article 15: «Pendant la durée des sessions de l’Assemblée Consultative (Parlementaire), les représentants à l’Assemblée et leurs suppléants, qu’ils soient parlementaires ou non, bénéficient:
      a. sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du Parlement de leurs pays;
      b. sur le territoire de tout autre Etat membre, de l’exemption de toutes mesures de détention et de toute poursuite judiciaire.»
23. Les membres de l’Assemblée parlementaire bénéficient de deux formes de protection, à savoir une irresponsabilité, garantie par l’article 14, qui les soustrait à toute procédure judiciaire – pénale mais aussi civile et administrative – en raison d’une opinion exprimée ou d’un vote émis dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires, et une inviolabilité, contre toute arrestation, détention ou poursuite judiciaire.
24. L’article 5 du Protocole additionnel à l’Accord général précise que «[c]es privilèges, immunités et facilités sont accordés aux représentants des Membres, non à leur avantage personnel, mais dans le but d’assurer en toute indépendance l’exercice de leurs fonctions en rapport avec le Conseil de l'Europe (…)». Par ailleurs, comme le stipule l’article 66 du Règlement, ces immunités sont accordées pour conserver l’intégrité de l’Assemblée et pour assurer l’indépendance de ses membres dans l’accomplissement de leur mandat européen.
25. Il convient de souligner à cet égard que M. Sergiy Vlasenko est un allié politique et le conseiller juridique de l’ex-Premier ministre incarcéré Ioulia Timochenko. Il assure notamment la représentation de celle-ci devant la Cour européenne des droits de l’homme. Toutefois, on peut difficilement soutenir que la révocation du mandat de M. Sergiy Vlasenko serait due à son activité en tant que membre de l’Assemblée parlementaire. Par conséquent, le rapporteur ne peut pas conclure que la révocation du mandat a été liée à un acte commis par M. Sergiy Vlasenko en qualité de membre de l’Assemblée.

5.3. Sur le respect de la représentation équitable des partis ou des groupes politiques au sein de la délégation nationale

26. La notion de représentation équitable des partis et groupes politiques a été progressivement précisée à travers plusieurs résolutions de l’Assemblée 
			(11) 
			Voir
la Résolution 1798 (2011), qui comporte les «principes visant à apprécier la notion
de représentation équitable des partis ou groupes politiques dans
les délégations nationales à l’Assemblée parlementaire», ainsi que
la Recommandation 1027
(1986) et la Résolution
932 (1989).. A l’occasion des débats à l’origine de ces résolutions, il a été rappelé que l’Assemblée devait éviter de s’immiscer dans les détails du dosage de la composition politique des délégations des parlements nationaux. L’Assemblée doit en principe simplement vérifier que les grands courants politiques présents dans un parlement donné sont représentés et que la délégation comprend notamment des représentants de partis se trouvant dans l’opposition 
			(12) 
			Doc. 5497, paragraphe 7; Doc.
6101, paragraphe 11 . Par exemple, lors du débat du 29 janvier 1986 à l’Assemblée consacré à l’amendement des articles 14 et 25 du Statut du Conseil de l’Europe, le rapporteur a déclaré: «Cela ne signifie pas qu’il faudra se livrer à des comptes d’apothicaire pour constituer les délégations, mais il s’agit de faire en sorte que les délégués qui viennent ici représentent effectivement leur parlement et les forces politiques présentes dans leur pays. (…) Il s’agit là d’une disposition qui contribuera à ce que chacun de nous puisse vraiment s’exprimer au nom de son pays.»
27. Or, la commission du Règlement constate que M. Andriy Shevchenko, dont les pouvoirs non encore ratifiés ont été contestés, appartient à la même fraction politique «Batkivtshchyna» à laquelle M. Sergiy Vlasenko a appartenu. Par ailleurs, il a été désigné remplaçant de M. Sergiy Vlasenko par le Président de la fraction «Batkivtshchyna», dans le respect des procédures, et sa nomination ne remet pas en cause la représentation équitable des groupes et partis politiques par rapport à la constitution actuelle de la Verkhovna. Tout au contraire, la nomination de M. Sergiy Shevchenko offre à l’opposition parlementaire ukrainienne l’opportunité de conserver un siège de suppléant au sein de l’Assemblée qui pourra être occupé de manière effective.

6. Conclusions

28. Lors de sa réunion du 24 avril 2013, la commission du Règlement a entendu les observations de M. Ivan Popescu, président de la délégation ukrainienne, ainsi que celles de M. Serhiy Sobolev, membre de la délégation ukrainienne et membre de la commission du Règlement.
29. Après examen des objections soulevées, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles considère que les raisons formelles de contestation énumérées à l’article 7.1 du Règlement de l’Assemblée ne s’appliquent pas au cas d’espèce et que les pouvoirs de M. Andriy Shevchenko sont conformes à l’article 6 du Règlement de l’Assemblée.
30. La commission du Règlement observe que le cas de M. Sergiy Vlasenko fait l’objet de toute l’attention des corapporteurs de la commission de suivi, dans le cadre du suivi des obligations et des engagements de l’Ukraine, et qu’il n’y a dès lors pas lieu d’entrer dans des considérations politiques qui ne relèvent pas strictement de son mandat. S’agissant de l’appréciation juridique de l’affaire, la commission note que M. Vlasenko a introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme le 12 mars 2013.
31. La commission propose, en conséquence, que l’Assemblée relève de son mandat M. Sergiy Vlasenko et ratifie les pouvoirs de M. Andriy Shevchenko.
32. Aux termes de l’article 7.2, «[s]i la commission conclut à la ratification des pouvoirs, elle peut transmettre au Président de l’Assemblée un simple avis dont il donnera lecture en Assemblée plénière ou en Commission permanente, sans que celles-ci en débattent». Toutefois, en application de l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe, aucun représentant ne peut être relevé de son mandat au cours d'une session de l'Assemblée sans l'assentiment de celle-ci. Par conséquent, l’Assemblée est invitée à se prononcer formellement sur la levée du mandat de M. Sergiy Vlasenko. Le rapport de la commission et le projet de résolution seront donc inscrits à l’ordre du jour pour débat.