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Recommandation 2025 (2013) Version finale
Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
que, depuis l’adhésion du pays au Conseil de l’Europe en 2002, elle
n’a eu de cesse, à maintes reprises, d’exhorter la Bosnie-Herzégovine
à entamer une réforme constitutionnelle – pour la première fois
en 2004, dans sa Résolution
1383 (2004) sur le respect des obligations et engagements
de la Bosnie-Herzégovine (paragraphe 3).
2. L’Assemblée rappelle notamment sa Résolution 1701 (2010) sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle
elle appelait les principaux acteurs politiques à engager, avant
les élections législatives d’octobre 2010, un dialogue constructif
sur des propositions concrètes d’amendements à la Constitution afin
d’adopter un ensemble complet de réformes, supprimant notamment l’interdiction
constitutionnelle qui s’exerce à l’égard des «autres» – c’est-à-dire
les membres des minorités nationales ou les personnes refusant de
se voir étiquetées «peuples constituants» (les Bosniaques, les Serbes ou
les Croates) – et les empêche de se porter candidats aux élections
à la Présidence et à la Chambre des peuples, situation mise en évidence
par l’arrêt Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine rendu
le 22 décembre 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme.
3. L’Assemblée rappelle aussi sa Résolution 1725 (2010) sur le besoin
urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine, dans
laquelle elle exprimait sa vive inquiétude sur la non-adoption, avant
les élections de 2010, des amendements nécessaires à la Constitution
et à la loi électorale. Bien que globalement libres et justes, ces
élections se sont donc tenues sur la base d’un cadre constitutionnel
et juridique contraire à la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 5) et à ses protocoles.
La légitimité démocratique des membres de la Présidence et des parlementaires
s’en trouve affectée, leur élection reposant sur un système vicié
à la base.
4. L’Assemblée évoque également sa Résolution 1855 (2012) sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle
elle rappelle aux autorités que l’arrêt Sejdić
et Finci est juridiquement contraignant et qu’il doit
être mis en œuvre. L’Assemblée a également averti la Bosnie-Herzégovine
que, si les amendements nécessaires n’étaient pas adoptés en temps
voulu avant les prochaines élections de 2014, la qualité de membre
du Conseil de l’Europe du pays serait remise en cause.
5. L’Assemblée réaffirme que l’exécution de l’arrêt Sejdić et Finci constitue une première
étape dans la réforme constitutionnelle globale nécessaire pour
se défaire du carcan institutionnel instauré par la Constitution
de Dayton et, ce faisant, pour s’orienter vers une démocratie moderne,
eurocompatible et fonctionnelle dans laquelle tous les citoyens,
quelle que soit leur origine ethnique, jouissent des mêmes droits et
libertés. L’Assemblée estime, en particulier, que les règles de
quorum restrictives, le recours excessif au vote par entité (une
double majorité qualifiée servant à toutes les prises de décision
du parlement) et la définition ambiguë du prétendu «intérêt national
vital» – au lieu d’empêcher, par le dialogue et la recherche de compromis,
la mise en minorité des groupes ethniques – ont été systématiquement
et abusivement utilisés et entravent aujourd’hui tous les processus
décisionnels.
6. L’Assemblée regrette vivement que les autorités n’aient déployé
aucun effort crédible pour mettre en place, avant les élections
de 2010 ou après, un processus institutionnalisé sérieux destiné
à préparer un ensemble complet d’amendements constitutionnels, en
concertation avec la société civile et un large éventail d’experts
juridiques.
7. A cet égard, l’Assemblée rappelle aux autorités de Bosnie-Herzégovine
que, en ne mettant pas en œuvre l’arrêt Sejdić
et Finci, le pays non seulement manque à ses obligations
et engagements envers le Conseil de l’Europe, mais qu’il empêche
également l’entrée en vigueur de l’Accord de stabilisation et d’association
conclu avec l’Union européenne en 2008, et qu’il s’interdit la possibilité
de soumettre sa candidature à l’Union européenne tant qu’il ne respecte
pas ce jugement. Les autres pays de la région sont en progression,
mais la Bosnie-Herzégovine reste de plus en plus à la traîne.
8. Par conséquent, l’Assemblée regrette vivement que les responsables
politiques n’aient pas respecté la feuille de route convenue avec
l’Union européenne le 27 juin 2012 dans le cadre du dialogue de
haut niveau sur le processus d’adhésion à l’Union européenne, document
par lequel ils s’engageaient à déposer des amendements constitutionnels
devant le parlement avant le 31 août 2012 et à modifier la Constitution
avant novembre 2012.
9. Les institutions démocratiquement élues, telles que l’Assemblée
parlementaire de Bosnie-Herzégovine ou la Présidence tripartite,
ne doivent pas recevoir d’ordre de la part de chefs de partis politiques,
mais travailler conformément au mandat de quatre ans qu’elles ont
reçu des électeurs. L’Assemblée estime que les amendements constitutionnels
nécessaires ne devraient pas être négociés à huis clos par des dirigeants
de partis politiques généralement non élus, mais soumis au parlement
et votés. Aussi déplore-t-elle que les trois amendements constitutionnels
déposés devant le parlement en août 2012, bien que mutuellement incompatibles,
n’aient même pas encore été soumis au vote.
10. L’Assemblée rappelle aux autorités de Bosnie-Herzégovine que,
selon les normes du Conseil de l’Europe, notamment celles formulées
par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), le système électoral ne doit pas être modifié moins
d’un an avant des élections, afin de permettre à l’administration
électorale de faire face aux changements adoptés. Par conséquent,
il est de toute première importance que les amendements constitutionnels
nécessaires à la mise en œuvre de l’arrêt Sejdić
et Finci, de même que les changements correspondants
apportés à la loi électorale, soient adoptés en temps voulu avant
les prochaines élections d’octobre 2014 pour la Présidence de Bosnie-Herzégovine,
pour le Parlement au niveau de l’Etat, pour les parlements au niveau
des entités et, enfin, pour les assemblées cantonales de la fédération.
11. L’Assemblée ne tolérera plus d’autres élections en violation
flagrante de l’arrêt Sejdić et Finci. L’Assemblée
encourage toutes les parties prenantes politiques de Bosnie-Herzégovine
à faire tout leur possible pour que le pays, en tant que membre
du Conseil de l’Europe, satisfasse d’ici à la fin 2013 aux exigences
découlant de l’arrêt Sejdić et Finci.
12. De plus, l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’inviter
instamment les autorités et les responsables politiques de Bosnie-Herzégovine
à amender sans délai la Constitution et la législation électorale,
conformément à l’arrêt Sejdić et Finci.
13. Enfin, l’Assemblée rappelle qu’une réforme constitutionnelle
est indispensable pour le fonctionnement de l’Etat, mais qu’elle
s’impose également au niveau des entités. C’est pourquoi elle appelle
la Republika Srpska à relancer la procédure d’amendements constitutionnels,
rejetée en avril 2012 du fait de l’opposition de la faction bosniaque
du Conseil des peuples de la Republika Srpska. Il est inacceptable,
par exemple, que la Constitution de la Republika Srpska prévoie
encore la peine de mort.
14. La fédération, l’autre entité de la Bosnie-Herzégovine – composée
de dix cantons, chacun doté de sa propre Constitution et de son
assemblée cantonale élue –, doit, elle aussi, adopter d’urgence
des amendements à sa Constitution, notamment en ce qui concerne
la suppression des dispositions constitutionnelles relatives au
médiateur de la fédération, lequel n’existe plus depuis la mise
en place, en 2008, d’une institution de médiation unifiée au niveau
de l’Etat.
15. L’Assemblée n’a cessé d’appeler à une réforme profonde de
la fédération car le système actuel, outre le fait qu’il est inefficace,
n’est pas viable en temps de crise économique et financière. Par
conséquent, l’Assemblée invite les autorités de la fédération à
sérieusement examiner les 185 propositions de réforme constitutionnelle
soumises par des experts nationaux, y inclus la fusion de certains
cantons et la redéfinition de la répartition des compétences entre
niveaux municipal, cantonal et fédéral.
16. Dans sa Résolution 1855
(2012), l’Assemblée regrette vivement, à la suite des
élections de 2010, l’important retard pris pour constituer les deux
chambres de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine: la
Chambre des représentants n’a commencé à fonctionner que vers la
fin mai 2011, et la Chambre des peuples au début de juin 2011. Au
niveau de l’Etat, le gouvernement n’a été formé qu’en février 2012,
soit plus de quatorze mois après les élections.
17. L’Assemblée salue l’adoption, en février 2012, du budget de
l’Etat pour 2011 et des lois sur le recensement et sur les aides
de l’Etat, conditions requises par l’Accord de partenariat européen
avec l’Union européenne. Elle regrette que le recensement ait été
à nouveau reporté à octobre 2013, rappelant que la Bosnie-Herzégovine
est le seul pays de la région, hormis «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», à ne pas avoir organisé de recensement en 2011.
18. L’Assemblée est profondément préoccupée par la crise politique
persistante qui a fait suite à la scission de la coalition des six
partis au niveau de l’Etat, en mai 2012, après le refus du Parti
d’action démocratique (SDA) de voter le budget 2012. Cette crise
a une double origine: d’une part, la tentative du Parti social-démocrate
(SDP) – soutenu par le Parti pour un meilleur avenir (SBB) et par
les deux partis de l’Union démocratique croate (HDZ BiH et HDZ 1990)
– d’exclure le SDA et ses alliés des coalitions au pouvoir au niveau
de l’Etat, de la fédération et des cantons et, d’autre part, le
refus du SDA de se retirer.
19. L’Assemblée note que le SDP et ses partenaires au sein de
la coalition au niveau de l’Etat ont, certes, réussi à révoquer
du gouvernement au niveau de l’Etat les trois ministres affiliés
au SDA, mais seulement à la fin octobre 2012. En outre, le SDP,
le SBB et les deux partis HDZ ont aussi réussi à opérer un remaniement des
autorités dans quatre cantons et dans quelques municipalités. Toutefois,
à ce jour, ces partis n’ont toujours pas réussi à remanier le gouvernement
au niveau de la fédération, bien que détenant une importante majorité parlementaire,
laquelle a voté une motion de censure au gouvernement dans les deux
chambres du parlement à la mi-février 2013. La faction bosniaque
dominée par le SDA a bloqué la mise en œuvre du vote de défiance en
invoquant l’«intérêt national vital» à la Chambre des peuples du
parlement. Or, la question de l’intérêt national vital n’a pu être
tranchée, les juges manquants n’ayant été nommés à la Cour constitutionnelle
de la fédération et à son panel sur l’intérêt national vital que
fin juillet 2013. La fédération se trouve donc complètement paralysée
et hors d’état de fonctionner.
20. Par ailleurs, l’Assemblée note avec inquiétude un manque de
respect grandissant de l’Etat de droit. Les hauts responsables de
la Republika Srpska ont, à plusieurs reprises, attaqué les principales
institutions de l’Etat telles que la Cour constitutionnelle de la
Bosnie-Herzégovine, la Cour d’Etat et le parquet, le Conseil supérieur
des juges et des procureurs, et la Commission électorale centrale
de la Bosnie-Herzégovine. Dans la fédération, il est souvent arrivé
que des responsables et des partis politiques ignorent ou, dans
certains cas, violent directement les obligations inscrites dans
les Constitutions et les lois, et ce par opportunisme politique. Plus
inquiétante encore est la tendance croissante à purement et simplement
ne pas mettre en œuvre les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle
au niveau de l’Etat.
21. L’Assemblée, en particulier, condamne la non-exécution de
l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, en 2010, sur certaines
dispositions précises liées au système électoral de Mostar, ville
divisée depuis la fin de la guerre. Etant donné le vide juridique
créé par cette non-exécution, les élections locales n’ont pu avoir
lieu à Mostar le 7 octobre 2012. Le mandat des membres précédents
du conseil municipal a expiré en novembre 2012 et, depuis lors,
la ville se retrouve sans budget propre ni responsables légalement
élus. L’Assemblée appelle instamment les acteurs politiques à mettre
fin à cette situation, extrêmement pénible pour la population. Elle
déplore également la non-exécution persistante de la décision prise,
en juillet 2012, par la Cour constitutionnelle d’abroger la loi
de la Republika Srpska sur les biens nationaux, ainsi que l’important retard
pris par le parlement au niveau de l’Etat pour adopter des amendements
à la loi sur le numéro d’identification à 13 chiffres des citoyens
pour se conformer aux décisions prises, en 2011 et au début 2013, par
la Cour constitutionnelle. Ainsi, quelque 3 000 enfants nés depuis
mars 2013 sont restés privés de soins de santé ou des documents
nécessaires pour se rendre à l’étranger.
22. L’Assemblée estime que la situation actuelle empêche l’aboutissement
de réformes indispensables dans des secteurs clés tels que les institutions
démocratiques, l’Etat de droit et les droits de l’homme, et qu’elle ralentit
les progrès du pays sur la voie de l’intégration européenne. L’Assemblée
observe que, depuis 2006, la Bosnie-Herzégovine a réalisé très peu
de progrès dans la mise en œuvre de certains engagements clés pris envers
le Conseil de l’Europe.
23. Pour briser le cycle de blocages et d’affrontements perpétuels,
l’Assemblée invite à nouveau les autorités de Bosnie-Herzégovine
et les principaux acteurs de la scène politique à assumer leurs responsabilités,
à mettre un terme à l’obstructionnisme et à travailler de manière
constructive au niveau des institutions d’Etat.
24. L’Assemblée suivra de près la situation en Bosnie-Herzégovine
et fera le point sur les progrès réalisés quant à la mise en œuvre
de la présente résolution et des précédentes. Si aucun progrès n’est
réalisé sur les questions mentionnées dans la présente résolution
avant la fin septembre 2014, l’Assemblée n’aura pas d’autre possibilité
que de discuter et de déterminer, lors de la prochaine partie de
session d’octobre 2014, les mesures à prendre dans ses relations
avec la Bosnie-Herzégovine.