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Rapport | Doc. 13384 | 10 janvier 2014

La lutte contre le racisme dans la police

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. David DAVIES, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12888, Renvoi 3863 du 27 avril 2012. 2014 - Première partie de session

Résumé

Aucune partie de la société n’est épargnée par le racisme et la police ne fait pas exception. Le racisme peut s’observer dans les attitudes ou les comportements des policiers, dans leur interaction avec la population ou d’autres fonctionnaires. Sa présence peut également être constatée dans les règles et réglementations qu’applique la police; on parlera dans ce cas de racisme institutionnel. Dans ce contexte, le profilage racial est particulièrement préoccupant.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent avoir le courage de reconnaître l’existence de racisme dans la police et prendre les mesures qui s’imposent. Ils devraient mettre en place des mécanismes indépendants de plaintes et s’assurer que les crimes racistes perpétrés par la police fassent immédiatement l’objet d’enquêtes et soient sanctionnés de manière adéquate afin d’éviter l’impunité, maintenir la confiance dans la police et encourager le signalement de tels crimes. Les Etats membres devraient également revoir les législations en vigueur et les pratiques de la police afin d’identifier et modifier celles qui pourraient avoir une connotation raciste.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 5 décembre
2013.

(open)
1. Aucun niveau de la société n’est épargné par le racisme et aucune institution ne semble être à l’abri du racisme. La police ne fait pas exception. Le racisme peut s’observer dans les attitudes ou les comportements des policiers, dans leur interaction avec la population ou d’autres fonctionnaires. Sa présence peut également être constatée dans les règles et réglementations qu’applique la police; on parlera dans ce cas de racisme institutionnel.
2. A cet égard, l’Assemblée parlementaire est particulièrement préoccupée par le profilage racial. Il correspond à l’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’investigation. Les attitudes et comportements racistes au sein de la police envers les minorités visibles peuvent avoir un impact négatif sur l’opinion publique et amplifier les stéréotypes et préjugés.
3. Considérant que la reconnaissance de l’existence d’un problème est le premier pas vers sa solution, l’Assemblée encourage tous les Etats membres à examiner la situation dans leurs pays respectifs et à avoir le courage de reconnaître l’existence de racisme dans la police et, le cas échéant, prendre les mesures qui s’imposent. Il ne peut y avoir d’impunité pour les manifestations de racisme dans ou de la police et les policiers doivent être tenus de répondre individuellement de leur comportement.
4. Peu d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont mis en place des mécanismes indépendants de plaintes contre la police. Des enquêtes efficaces et indépendantes sur les crimes racistes doivent être menées et considérées comme prioritaires pour maintenir la confiance dans la police et encourager le signalement de tels crimes.
5. L’Assemblée est convaincue qu’il ne se produira pas de changement concret s’il ne s’opère pas d’abord un changement d’état d’esprit et que changer les attitudes culturelles au sein de la police est affaire de volonté politique. En outre, la formation à la diversité et l’apprentissage tout au long de la vie aident à faire en sorte que la police représente et comprenne la population qu’elle sert. L’Assemblée reconnaît les difficultés et les défis auxquels les policiers se heurtent dans leur travail quotidien. Ils représentent un lien entre la loi et la population qui devrait avoir une forte confiance en eux pour ne jamais hésiter à signaler la violence, y compris la violence raciste.
6. L’Assemblée rappelle la Recommandation Rec(2001)10 du Comité des Ministres sur le Code européen d’éthique de la police et encourage une large application de ses principes. Elle rappelle également les travaux de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et sa Recommandation de politique générale n° 11 sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans les activités de la police qui énonce des principes directeurs concernant les moyens de prévenir la discrimination raciale et d’interdire le profilage racial.
7. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
7.1. en ce qui concerne la prévention du racisme:
7.1.1. à examiner les législations en vigueur et les pratiques de la police en vue d’identifier et de modifier celles qui pourraient avoir une connotation raciste;
7.1.2. à demander aux forces de police qui ne l’ont pas encore fait d’adopter un code de déontologie interne en ce qui concerne la prévention du racisme;
7.1.3. à encourager la diversité dans le recrutement des policiers;
7.1.4. à proposer à la suite du recrutement et tout au long de la carrière des formations portant sur la prévention du racisme et de la discrimination raciale et les moyens de les combattre, en plus de la formation à la diversité;
7.1.5. à prévoir, lorsque cela est possible et utile, des classes de formation linguistique pour les policiers afin de leur permettre d’interagir et d’échanger avec la population qu’ils servent;
7.1.6. à effectuer des recherches et à recueillir des informations sur les incidents racistes dans la police, y compris les réactions de la police aux agissements racistes de policiers de manière à suivre attentivement la situation et à garantir une réponse institutionnelle appropriée;
7.1.7. à doter la police de ressources suffisantes lui permettant de travailler dans des conditions satisfaisantes et dans le respect absolu des droits des personnes dont elle s’occupe;
7.1.8. à encourager l’échange de bonnes pratiques entre les forces de police dans la prévention du racisme;
7.2. s’agissant de condamner le racisme et d’engager des poursuites en cas de comportements ou d’incidents racistes au sein de la police:
7.2.1. à exhorter les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires de la police à condamner publiquement toute forme de discrimination raciale;
7.2.2. à établir des mécanismes indépendants de plaintes contre la police là où ils n’existent pas encore, à les doter des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement et à veiller à ce que des sanctions soient infligées aux policiers à la suite d’un incident raciste;
7.2.3. à mener promptement des enquêtes approfondies, efficaces et impartiales sur toutes les allégations de discrimination raciale, y compris du fait de la police;
7.2.4. à demander aux policiers d’adopter, y compris sur les réseaux sociaux, un profil public et une attitude correspondant aux valeurs fondamentales de la police;
7.3. en ce qui concerne le renforcement de la confiance dans la police;
7.3.1. à mettre en œuvre les dispositions de la Recommandation de politique générale n° 11 de l’ECRI sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans les activités de la police;
7.3.2. à définir clairement le profilage racial, à veiller à ce qu’il soit interdit et à dispenser une formation spécifique à tous les policiers sur la manière de mener les contrôles d’identité;
7.3.3. à veiller à ce que les policiers portent en permanence une forme d’identification visible, tel qu’un numéro d’identification;
7.3.4. à mettre en place, là où elle n’existe pas encore, la pratique consistant à remplir un récépissé après les contrôles d’identité et les fouilles;
7.3.5. à assurer un suivi des opérations de contrôle d’identité et de fouille;
7.3.6. à encourager la création de la fonction d’agent de liaison avec les communautés, là où elle n’existe pas encore;
7.3.7. à encourager les parlementaires et la police à renforcer leur interaction par des consultations régulières, y compris par des mécanismes parlementaires appropriés.
8. L’Assemblée invite les représentants de la société civile à renforcer leur dialogue avec la police par des consultations périodiques et d’autres moyens appropriés.

B. Exposé des motifs, par M. Davies, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le racisme et la discrimination raciale comptent au nombre des violations des droits de l’homme les plus répandues, touchant toutes les strates sociales. Comme Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, l’a déclaré, «Nous devons lutter contre le racisme à tous les niveaux, individuel, institutionnel et culturel, tout comme aux échelons national et international. (…) Nos sociétés doivent être fondées sur les principes d’égalité et de non‑discrimination. En attendant ce jour, le rêve d’une paix internationale, pour paraphraser un célèbre musicien, restera une illusion éphémère» 
			(2) 
			Discours du Haut-Commissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme, le 21 mars 2012, à l’occasion
de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination
raciale..
2. L’Europe est en butte à une multiplicité de défis, la crise économique et financière mettant à mal sa stabilité politique et démocratique. D’une part, la crise abaisse la confiance des citoyens dans les institutions; d’autre part, elle provoque la montée de l’extrémisme, comprenant l’intolérance et l’hostilité à l’égard des minorités visibles.
3. Des mesures ont été prises pour prévenir et combattre le racisme mais aucun secteur ne semble épargné par ce phénomène. La police ne fait pas exception. «Le racisme existe dans la société, et par conséquent aussi dans la police», soulignait Mme Deborah Glass, Vice-présidente de la Commission indépendante des plaintes contre la police (Independent Police Complaints Commission – IPCC, Royaume-Uni), le 3 octobre 2012. Ces dernières années, les affaires impliquant des policiers qui ont failli à leur obligation de traiter tous les citoyens à égalité ou violé les lois et la réglementation en s’occupant de cas concernant des personnes issues de minorités visibles ont été portées sur la place publique et relatées dans les médias, suscitant dans l’opinion une prise de conscience de ce problème.
4. Au Royaume-Uni et dans toute l’Europe, l’affaire Stephen Lawrence a fait avancer la discussion sur la question du racisme dans la police et provoqué un débat sur les moyens d’y faire face. Stephen Lawrence a été poignardé à mort en 1993 et ses assassins n’ont été condamnés que 18 ans plus tard. A la suite du rapport sur l’enquête («le rapport Macpherson»), il y a eu la reconnaissance d’un échec collectif dans l’enquête et de l’existence d’un racisme institutionnel au sein des forces de l’ordre. Selon M. Mevlüt Çavuşoğlu, ancien Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, «face à la gratuité de ce meurtre, à la défaillance initiale de la police et au caractère expéditif des premières poursuites, l’approche des relations raciales au Royaume-Uni et sur le reste du continent a changé du tout au tout» 
			(3) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-fr.asp?newsid=3765&lang=1'>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-fr.asp?newsid=3765&lang=1</a>..
5. Les attitudes et les comportements racistes de la police envers les minorités visibles peuvent avoir un impact sur l’opinion publique et favoriser les stéréotypes et les préjugés 
			(4) 
			Mme Lanna Hollo, Open
Society Justice Initiative, Strasbourg, 3 octobre 2012..

2. Origine, portée et objectifs du rapport

6. Le présent rapport a pour origine une proposition de résolution déposée par Tina Acketoft et plusieurs de ses collègues 
			(5) 
			Doc. 12888.. La proposition souligne que l’Assemblée devrait examiner la question du racisme au sein des institutions judiciaires et policières afin d’identifier les bonnes pratiques destinées à prévenir ce phénomène dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, d’assurer la transparence du travail des fonctionnaires des forces de l’ordre et de les obliger à rendre des comptes à cet égard.
7. Lors sa réunion du 3 octobre 2012 à Strasbourg, la commission sur l’égalité et la non-discrimination a décidé de restreindre le cadre du rapport aux seules forces de police, et d’en exclure les institutions judiciaires. Un nouveau titre «La lutte contre le racisme dans la police» a donc été donné à ce rapport. J’ai essayé de tenir dûment compte des spécificités du cadre institutionnel des différents Etats membres.
8. Dans mon rapport, je souhaite être aussi équitable et impartial que possible: je tiens à souligner le dévouement des policiers et les conditions difficiles dans lesquelles ils travaillent, mais je souhaite aussi appeler l’attention sur des attitudes et des pratiques qui relèvent du racisme ou qui s’en approchent, afin de proposer des solutions et des garde-fous adaptés dans certains Etats membres. En résumé, le rapport examine à la fois le racisme individuel et le racisme institutionnel.
9. Les éléments réunis ici proviennent de recherches documentaires et d’une audition tenue le 3 octobre 2012 à Strasbourg lors d’une réunion de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, à laquelle ont participé Mme Deborah Glass, Vice-présidente de la commission indépendante des plaintes contre la police (Royaume-Uni), M. Julien Le Gars, Sous-directeur des libertés publiques, ministère de l’Intérieur (France), Mme Chantal Pons-Mesouaki, Secrétaire générale adjointe du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (France) et Mme Lanna Hollo, Open Society Justice Initiative (France).
10. Le présent rapport inclut les résultats de trois visites d’information. Lors de la première, les 10 et 11 décembre 2012 au Royaume-Uni, je me suis entretenu avec des policiers, des organisations non gouvernementales (ONG), des commissaires de l’IPCC, des membres de la Fédération de la police et des représentants de New Scotland Yard. Le rapport contient également les résultats de la visite d’information en Grèce les 12 et 13 juin 2013, où j’ai rencontré des représentants de fédérations de la police, des fonctionnaires du ministère de l’Ordre public, des parlementaires, le procureur en charge des crimes racistes, le médiateur et le médiateur adjoint, des ONG, des demandeurs d’asile, des réfugiés et des avocats. Lors de la troisième visite, les 28 et 29 octobre 2013 en Allemagne, je me suis entretenu avec des policiers, des parlementaires, des représentants des syndicats de la police, des représentants de l’Institut allemand pour les droits de l’homme, des formateurs de la police, des demandeurs d’asile et des ONG. Je saisis l’occasion pour remercier ici les délégations du Royaume-Uni, de la Grèce et de l’Allemagne auprès de l’Assemblée parlementaire de leur soutien et de leur excellente coopération au cours des visites.

3. Définitions

11. Le racisme, la discrimination raciale et le racisme institutionnel ont des définitions variées. Selon la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe, «on entend par “racisme” la croyance qu’un motif tel que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique justifie le mépris envers une personne ou un groupe de personnes ou l’idée de supériorité d’une personne ou d’un groupe de personnes» 
			(6) 
			Recommandation de politique
générale n° 7 de l’ECRI, décembre 2002..
12. Dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’expression «discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique 
			(7) 
			Convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CERD.aspx'>www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CERD.aspx.</a>.
13. La discrimination raciale peut être directe ou indirecte. D’après la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»), pour pouvoir parler de discrimination directe, il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations comparables. «Une telle distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé» 
			(8) 
			Burden
c. Royaume-Uni, Requête no 13378/05,
arrêt du 29 avril 2008, paragraphe 60.. Concernant la discrimination indirecte, la Cour a déclaré «qu’une différence de traitement pouvait aussi consister en l’effet préjudiciable disproportionné d’une politique ou d’une mesure qui, bien que formulée de manière neutre, a un effet discriminatoire sur un groupe» 
			(9) 
			D.H.
et autres c. République tchèque, Requête no 57325/00,
arrêt du 13 novembre 2007, paragraphe 184..
14. Il peut y avoir deux types de racisme dans la police. Le premier concerne les attitudes, les comportements et les convictions des policiers. Le deuxième tient aux réglementations appliquées par la police. Il est souvent désigné par le terme «racisme institutionnel». Le rapport Macpherson de 1999 sur la mort de Stephen Lawrence le définit comme «le manquement collectif d’une organisation à fournir un service adapté et professionnel à certaines personnes en raison de leur couleur, de leur culture ou de leur origine ethnique. On peut le discerner dans des processus, attitudes ou comportements qui sont discriminatoires à travers le préjugé inconscient, l’ignorance, le manque de réflexion et les stéréotypes racistes qui désavantagent les gens appartenant à des minorités ethniques» 
			(10) 
			<a href='http://www.irr.org.uk/research/statistics/definitions/'>www.irr.org.uk/research/statistics/definitions/</a> et <a href='http://www.guardian.co.uk/uk/1999/feb/24/lawrence.ukcrime7'>www.guardian.co.uk/uk/1999/feb/24/lawrence.ukcrime7</a>.. Le racisme institutionnel ne signifie pas que tous les agents d’une institution ont un comportement raciste mais que ce racisme existe dans les procédures et la culture de l’institution.

4. Situation dans quelques Etats membres du Conseil de l’Europe

15. Les Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas tous pareillement conscience de l’existence d’un éventuel problème de racisme au sein de la police. Le Royaume-Uni a su reconnaître le phénomène et trouver des solutions. Dans d’autres Etats, le simple fait de soulever la question est parfois perçu comme une attaque envers l’institution policière; les critiques proviennent davantage des ONG et quelquefois directement de la population que des pouvoirs publics eux-mêmes.
16. Les contrôles d’identité, destinés à vérifier l’identité des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction, figurent parmi les procédures les plus controversées. D’une part, les réglementations applicables sont considérées comme étant potentiellement racistes, parce qu’elles reposent sur le profilage. D’autre part, des policiers ont été accusés d’avoir des attitudes racistes lorsqu’ils procèdent à ce type de contrôles.
17. Je tiens à clarifier la définition du profilage racial qui est «l’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’investigation 
			(11) 
			Recommandation de politique
générale no 11 de l’ECRI sur la lutte
contre le racisme et la discrimination raciale dans la police, adoptée
à Strasbourg le 29 juin 2007: <a href='http://www.coe.int/t/dlapil/codexter/Source/ECRI_Recommendation_11_2007_FR.pdf'>www.coe.int/t/dlapil/codexter/Source/ECRI_Recommendation_11_2007_FR.pdf</a>.».
18. En outre, les distinctions qu’opèrent les policiers dans le traitement des personnes avec lesquelles ils entrent en contact peuvent être le signe d’un comportement raciste. Les attitudes individuelles des fonctionnaires de police peuvent dénoter un sentiment raciste dans le vocabulaire employé et les remarques et commentaires formulés. Les menaces verbales et l’usage de la force contre des personnes issues de minorités visibles peuvent également être la manifestation d’une attitude raciste.
19. Je présenterai ci-après la situation dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe telle qu’elle ressort de mes recherches et visites d’information, en décrivant les mesures qui ont été prises pour reconnaître, prévenir, combattre, condamner et sanctionner le racisme dans la police.

4.1. Autriche

20. Dès 2002, le ministère fédéral de l’Intérieur reconnaissait l’existence du racisme dans la police en demandant aux forces de l’ordre de s’abstenir d’utiliser des termes et expressions discriminatoires, dans une ordonnance prévoyant également la mise en place d’une formation aux droits de l’homme pour les policiers. A noter en outre, l’organisation d’une campagne spéciale de recrutement intitulée «Vienne a besoin de vous» visant à diversifier la composition ethnique des forces de l’ordre dans la capitale. En avril 2010, la direction de la police fédérale à Vienne a ouvert un service chargé des contacts avec les minorités (Referat für Minderheitenkontakte) 
			(12) 
			Autriche, rapport de
l’Etat au CERD, 2012, <a href='http://tbinternet.ohchr.org/_Layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD%2fC%2fAUT%2fCO%2f18-20&Lang=en'>http://tbinternet.ohchr.org/_Layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD%2fC%2fAUT%2fCO%2f18-20&Lang=en.</a>. Je tiens aussi à saluer l’engagement pris par l’Autriche devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies d’intenter des poursuites pénales et/ou administratives à l’encontre de policiers ayant un comportement raciste 
			(13) 
			Ibid. .
21. En 2012, dans une communication sur l’Autriche destinée au CERD, Amnesty International a attiré l’attention sur le niveau de préjugés contre les minorités visibles en signalant que «les ressortissants étrangers et les membres des minorités ethniques risquent davantage que les citoyens autrichiens d’être soupçonnés d’avoir commis des infractions et d’être maltraités par la police (…) et que le fait que les institutions policière et judiciaire n’offrent pas la même qualité de service aux ressortissants étrangers et aux membres des minorités ethniques résulte d’un racisme institutionnel» 
			(14) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/ngos/Al_Austria_CERD81.pdf'>http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/ngos/Al_Austria_CERD81.pdf</a>.. Le CERD lui-même s’est déclaré préoccupé par les cas de profilage racial qui lui ont été signalés 
			(15) 
			CERD, Observations
finales sur l’Autriche, 2012, <a href='http://tbinternet/ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD%2fC%2fAUT%2fCO%2f18-20&Lang=en'>http://tbinternet/ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD%2fC%2fAUT%2fCO%2f18-20&Lang=en.</a>.
22. Dans son rapport de 2012 sur l’Autriche, l’ECRI a demandé la création d’un organisme indépendant doté des pouvoirs nécessaires pour examiner les plaintes individuelles de violations des droits de l’homme par la police, y compris les faits de racisme et de discrimination raciale. Le Bureau fédéral de lutte contre la corruption (BAK), un organisme indépendant créé le 1er janvier 2010, et le Bureau central du Procureur chargé des affaires de criminalité économique et de corruption (WKStA), créé le 1er septembre 2011, sont habilités à enquêter sur les faits d’abus de pouvoir, y compris la discrimination raciale, mais ne constituent pas une autorité de recours indépendante 
			(16) 
			Conclusions
de l’ECRI sur la mise en œuvre des recommandations faisant l’objet
d’un suivi intermédiaire adressées à l’Autriche, 4 décembre 2012, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Austria/AUT-IFU-IV-2013-004-FRE.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Austria/AUT-IFU-IV-2013-004-FRE.pdf</a>..

4.2. France

23. Evoquer l’existence de racisme au sein de la police reste une question sensible. Les policiers ont en même temps le sentiment que la population a beaucoup de préjugés contre la police. M. Julien Le Gars, sous-directeur des libertés publiques au ministère français de l’Intérieur, a souligné durant notre audition à Strasbourg le 3 octobre 2012 que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme était une priorité absolue pour le Gouvernement français et que la police et les forces de gendarmerie françaises coopéraient avec les agences publiques pour combattre le racisme. Le ministère de l’Intérieur fait rapport chaque année à la Commission consultative nationale pour les droits de l’homme sur les mesures de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.
24. Je salue les efforts déployés pour diversifier le recrutement des policiers en France. Nous ne disposons pas de statistiques sur la composition des forces de police mais, selon les estimations, 10 % du personnel est d’origine migrante. Une formation est proposée à tous les membres des forces de police pour les aider à développer leurs compétences de communication et établir un dialogue ouvert avec la population 
			(17) 
			Mme Chantal
Pons-Mesouaki, Secrétaire générale adjointe du syndicat des cadres
de la sécurité intérieure, à l’occasion de l’audition à Strasbourg
le 3 octobre 2012. .
25. Des plaintes contre la police peuvent être déposées auprès du Défenseur des droits, indépendant de la police. Celui-ci a été saisi au total de 475 plaintes contre des fonctionnaires de police en 2012 (police, gendarmerie, douanes). Cela étant, nous ne disposons pas d’information concernant le nombre de plaintes portant sur les cas de discrimination raciale 
			(18) 
			Défenseur
des droits, rapport annuel 2012 – Annexe 4 – Déontologie de la sécurité: 
			(18) 
			<a href='http://www.defenseurdeesdroits.fr/sites/default/files/upload/raa-2012-annexe-4_securite.pdf'>www.defenseurdeesdroits.fr/sites/default/files/upload/raa-2012-annexe-4_securite.pdf</a>. .
26. Le nombre et la fréquence des contrôles d’identité suscitent la controverse en France. Les ONG et les organes internationaux comme l’ECRI ont publié des recommandations sur la question. L’organisation Human Rights Watch a publiquement exprimé son inquiétude face à ce qu’elle définit comme des pratiques abusives lors des contrôles d’identité en France: «Les données statistiques et empiriques laissent penser que les policiers prennent la décision de contrôler telle ou telle personne en fonction de son apparence, notamment ethnique, plutôt que du comportement réel de l’individu 
			(19) 
			France: Pour mettre
fin au délit de faciès, Human Rights Watch, <a href='http://www.hrw.org/fr/news/2012/06/08/pour-mettre-fin-au-d-lit-de-faci-s'>www.hrw.org/fr/news/2012/06/08/pour-mettre-fin-au-d-lit-de-faci-s</a>..» Contrôler l’identité d’une personne n’est pas une procédure raciste, mais contrôler plusieurs fois par jour l’identité de la même personne peut donner à penser qu’une minorité visible est ciblée. Une étude conduite par l’Open Society Justice Initiative avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris a montré que les personnes d’origine arabe étaient contrôlées huit fois plus souvent, et les noirs six fois plus souvent que les blancs 
			(20) 
			Le profilage
ethnique dans l’Union européenne: omniprésent, inefficace et discriminatoire,
mai 2009, <a href='http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/profiling_20090526.pdf'>www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/profiling_20090526.pdf</a>..
27. Le gouvernement français actuel a envisagé de délivrer un récépissé aux personnes dont l’identité est contrôlée, mais y a finalement renoncé. Cette décision a été critiquée par des organisations de défense de droits de l’homme, ainsi que par le Défenseur des droits, Dominquie Baudis, qui ont souligné qu’il était essentiel de conserver des traces écrites des interpellations effectuées par la police afin d’éliminer la discrimination et son soupçon 
			(21) 
			Rapport
relatif aux relations police/citoyens et aux contrôles d’identité,
18 octobre 2012, <a href='httpl://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/rapport_controle-identite-final_0.pdf'>www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/rapport_controle-identite-final_0.pdf.</a>. Une évolution positive concerne la publication d’un nouveau code de déontologie pour la police, le 6 décembre 2012. D’après ce nouveau code, les policiers doivent faire attention à leur façon de s’exprimer et ne sont plus autorisés à tutoyer les personnes lors d’un contrôle d’identité ou de tout autre type d’intervention
28. Le 19 juillet 2013, un contrôle d’identité sur deux femmes portant le voile intégral, à Trappes, a suscité des critiques à propos de l’attitude des policiers, qui a été qualifiée de raciste. Ce contrôle d’identité a donné lieu à des violences et à des protestations, et la police aurait fait usage d’une force excessive. Suite à l’incident, des remarques racistes sur un forum non officiel de la police ont été condamnées par la hiérarchie de celle-ci. Toutefois, «la France attend encore l’équivalent de l’affaire Stephen Lawrence, un moment historique au cours duquel l’ensemble des forces de police seront confrontées à leurs éléments racistes» 
			(22) 
			France: ce sont les
brutalités policières, pas les burqas, qui sont source de tensions,
Myriam Francois-Cerrah, 28 juillet 2013, AlJazeera, <a href='http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2013/07/2013724132229777442.html'>www.aljazeera.com/indepth/opinion/2013/07/2013724132229777442.html</a>..

4.3. Allemagne

29. La discussion sur l’existence du racisme au sein de la police allemande a reçu une grande attention du fait de l’affaire NSU (Nationalsozialistischer Untergrund) dont le procès est en cours. Il s’agit d’une série de meurtres perpétrés entre 2000 et 2006 avec huit victimes d’origine turque, l’une d’origine grecque et un policier. Les auteurs présumés des meurtres étaient trois membres du NSU. Ma visite d’information en Allemagne faisait suite à la publication des conclusions de la commission d’enquête parlementaire en charge de l’affaire. Mme Ewa Högl, membre de la commission d’enquête, a souligné qu’il ressortait des conclusions du rapport que la police ne reconnaissait pas que le crime pouvait avoir eu des motifs racistes et qu’elle n’était pas consciente de la gravité de la menace que représentait le groupe NSU pour la population. Cette affaire a porté préjudice à la confiance globale de la population dans la police. Cela étant, j’ai appris que la police n’admettait pas que des erreurs avaient été commises. Mes interlocuteurs m’ont dit que pour des victimes d’origine étrangère, les policiers ordinaires auront tendance à supposer qu’elles se livraient sans doute à une forme ou une autre d’activité criminelle. Pour les crimes dont les victimes sont des immigrés, la police part souvent invariablement de l’hypothèse que les auteurs du crime appartiennent au même groupe ethnique ou font partie des proches 
			(23) 
			Entretien avec M. Peer
Stolle, avocat, 29 octobre 2013..
30. Mme Beate Rudolf, Directrice de l’Institut allemand des droits de l’homme, a souligné lors de notre entretien l’existence dans la police de structures et procédures pouvant conduire au racisme et à la discrimination raciale. La question du profilage racial fait débat en Allemagne. Alors que les représentants de syndicats de la police expliquent clairement que la couleur de la peau peut être un critère conduisant à une fouille, M. Dieter Romann, Chef de la police fédérale, M. Bernd Krömer, Secrétaire permanent du Service des affaires intérieures du Sénat, et M. Claus Kandt, Chef de la police de Berlin, nient l’existence de ce type de pratique 
			(24) 
			Entretiens lors de
la visite d’information à Berlin le 28 octobre 2013.. M. Rainer Wendt, Président fédéral du syndicat allemand de la police (Deutsche Polizeigewerkschaft) déclare qu’il est normal de contrôler des personnes qui ont l’air d’être des étrangers dans les zones frontalières. Plusieurs policiers m’ont dit faire confiance à leur «intuition» pour les contrôles d’identité auxquels ils décident de procéder sur des individus donnés. Après établissement du caractère potentiellement dangereux d’un quartier, la police se voit conférer des pouvoirs accrus et peut mener des opérations de contrôles d’identité de grande ampleur.
31. Amnesty International a fait état de comportements répréhensibles de la police dans le rapport paru en 2010 sous le titre «Agresseur non identifié: investigation insuffisante sur les allégations de mauvais traitement de la part de la police en Allemagne» 
			(25) 
			<a href='http://www.amnesty.org/en/library/asset/EUR23/002/2010/en/a713144c-f16a-4a12-84c1-2b9b6ecae901/eur230022010en.pdf'>www.amnesty.org/en/library/asset/EUR23/002/2010/en/a713144c-f16a-4a12-84c1-2b9b6ecae901/eur230022010en.pdf</a>.. L’un des grands problèmes relevés dans le rapport est l’absence de numéros d’identification des policiers. A ce jour, porter une identification n’est pas obligatoire en Allemagne et les syndicats semblent peu favorables à l’idée d’en avoir une. J’ai vu à Berlin des policiers portant un badge soit avec un numéro d’identification soit avec leur nom. J’encouragerais plutôt l’utilisation d’un numéro d’identification, de préférence au nom, pour éviter toute éventuelle stigmatisation du policier concerné.
32. L’ECRI a déploré en 2009 l’absence d’un mécanisme d’investigation indépendant pour traiter les plaintes déposées à l’encontre de la police, notamment à la suite du décès de personnes appartenant à des minorités visibles alors qu’elles étaient détenues par la police. 
			(26) 
			4e rapport
de l’ECRI sur l’Allemagne, 2009, <a href='http://hudoc.ecri.coe.int/XMLEcri/ENGLISH/Cycle_04/04_CbC_eng/DEU-CbC-IV-2009-019-ENG.pdf'>http://hudoc.ecri.coe.int/XMLEcri/ENGLISH/Cycle_04/04_CbC_eng/DEU-CbC-IV-2009-019-ENG.pdf</a>. Il n’existe pas à ce jour de mécanisme général de plaintes contre la police permettant une surveillance des activités de l’ensemble des forces de police. Une personne qui veut porter plainte contre un policier pour comportement raciste peut déposer une plainte dans un commissariat. Cela étant, Human Rights Watch a signalé que de nombreuses victimes n’ont pas confiance dans la police et ne déposeront donc pas de plainte dans un commissariat. Le dépôt de plainte peut aussi se faire par mail et en ligne. Les représentants des syndicats se sont déclarés contre la mise en place d’un mécanisme de plainte indépendant.
33. La police allemande cherche à diversifier le recrutement au niveau fédéral et au niveau régional. A Berlin, 12% des policiers sont d’origine turque et la police étudie la possibilité de recruter des policiers polonais.
34. Alors que j’ai rencontré plusieurs policiers parlant couramment diverses langues, les demandeurs d’asile du camp de protestation de l’Oranienplatz m’ont dit que les policiers ne s’adressaient à eux qu’en allemand – ce que je n’ai pas pu vérifier. Plusieurs policiers auxquels j’ai parlé m’ont fait part de leur inquiétude concernant l’attitude négative de la population à leur égard et le manque de confiance dans la police.
35. Les forces de police (à l’exception de la police fédérale) suivent des formations dispensées au niveau des Länder, chaque Land étant responsable du programme de la formation. Pour les nouvelles recrues, la formation porte sur les compétences et le respect interculturels et vise à leur apprendre comment prévenir les situations d’affrontement. Le but est d’améliorer le dialogue entre la police et les minorités, d’encourager l’acceptation de la diversité et de sensibiliser aux perceptions culturelles. J’ai visité l’académie de police du Brandebourg, située dans les locaux dans lesquels ont été formés les gardiens de tous les camps de concentration. L’histoire du centre de formation, proche du camp de concentration d’Oranienburg, est un rappel permanent de l’urgente nécessité de combattre le racisme et ses racines. J’ai été particulièrement ému par la présentation de M. Rainer Grieger, Directeur du centre de formation, qui a souligné que les policiers ne sont pas coupables pour le passé mais responsables pour l’avenir.
36. Je me félicite de l’ouverture d’esprit et tiens à saluer le dévouement de tous les policiers avec lesquels je me suis entretenu au cours de la visite. Les syndicats et les policiers eux-mêmes se sont déclarés disposés à accueillir des représentants de la société civile pour leur permettre d’observer leur travail. Je ne puis qu’encourager toutes autres mesures allant dans ce sens.

4.4. Grèce

37. Afin de comprendre la situation en Grèce, il faut s’intéresser au contexte de la crise économique et sociale sans précédent que connaît ce pays, à laquelle s’ajoute une forte immigration, la Grèce constituant la principale porte d’entrée vers l’Union européenne. La crise engendre un climat général négatif à l’encontre des immigrés. Les clichés négatifs sur les immigrés dans la population influencent manifestement la police, et contribuent à exacerber les tensions. D’après M. Kostis Papaioannou, Président de la Commission nationale grecque des droits de l’homme et des libertés civiles, «Ces dernières années, le nombre de crimes violents à motivation raciste n’a pas fortement augmenté, et leur intensité croissante est alarmante» 
			(27) 
			Le racisme s’intensifie
en Grèce, Deutsche Welle,
25 avril 2013, <a href='http://www.dw.de/racism-increases-in-greece/a-16773119'>www.dw.de/racism-increases-in-greece/a-16773119</a>. il insiste sur le fait que les violences racistes se retrouvent de plus en plus dans les structures de l’État.
38. Ces dernières années, les organisations des droits de l’homme ont signalé des allégations de mauvais traitements et de comportements racistes de la part de la police. Selon l’ECRI, des plaintes font également état de l’inertie de la police en matière d’infractions à motivation raciste et de préjugés contre les immigrés. En 2011, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et la Commission nationale des droits de l’homme ont créé le réseau d’observation de la violence raciste, afin de surveiller les incidents racistes en Grèce. Vingt‑trois organisations non gouvernementales et autres organismes proposant des services de soutien juridique, médical ou social aux victimes de violence raciste en font désormais partie 
			(28) 
			<a href='http://www.unhcr.gr/fileadmin/Greece/News/2012/pr/ConclusionsOctober2012EN.pdf'>www.unhcr.gr/fileadmin/Greece/News/2012/pr/ConclusionsOctober2012EN.pdf</a>.. Entre janvier et septembre 2012, le réseau d’observation de la violence raciste a recensé 87 incidents de violence raciste, dont 15 incidents impliquant la police 
			(29) 
			Ibid.,
et Mme Kondylia Gogou, chercheuse d’Amnesty International pour la
Grèce, Audition sur la violence envers les migrants en Grèce, commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Strasbourg,
2 octobre 2012..
39. Au cours de l’été 2012, le Gouvernement grec a lancé l’opération Xenios Zeus, une campagne de contrôles d’identité visant à vérifier le statut des immigrés. D’après les informations obtenues par Human Rights Watch, 85 000 personnes d’origine étrangère ont été interpellées par la police et emmenées au poste pour un contrôle des documents d’identité entre le 4 août 2012 et le 22 février 2013. A peine 6 % d’entre elles (4 811) résidaient illégalement dans le pays 
			(30) 
			Des hôtes indésirables:
Abus perpétrés par la police grecque à l’encontre des migrants à
Athènes, Human Rights Watch, 12 juin 2013, <a href='http://www.hrw.org/node/116082'>www.hrw.org/node/116082</a>.. Aucun critère n’avait été défini pour ces contrôles de police. Mme Calliope Spanou, Médiatrice, m’a confirmé son sentiment que la police avait eu recours au profilage racial 
			(31) 
			Entretien avec Mme
Calliope Spanou, Médiatrice, 12 juin 2013, Athènes..
40. Au cours de ma visite au commissariat d’Omonia, le 12 juin 2013, j’ai demandé à visiter également des cellules de garde à vue. Je me suis entretenu avec des migrants en situation irrégulière en provenance du Bangladesh, d’Irak et du Nigéria. Certains d’entre eux étaient en détention préventive depuis près d’un an dans des conditions difficiles, qualifiées de «honteuses» par M. Christos Fotopoulos, Président de la Fédération panhellénique de la police 
			(32) 
			Entretien avec M. Christos
Fotopoulos, Président de la Fédération panhellénique de la police,
Athènes, 13 juin 2013. . Des détenus m’ont signalé que certains policiers leur avaient manqué de respect, mais que d’autres se montraient attentionnés dans leurs rapports avec eux et s’étaient même cotisés pour leur acheter de la nourriture, de l’eau ou des cigarettes.
41. D’après Human Rights Watch, les immigrés sans-papiers sont habituellement dissuadés de porter plainte. Au cours de mes entretiens avec des réfugiés et des demandeurs d’asile d’Afghanistan, de Syrie et d’Iran, il m’a été confirmé que les victimes ont peur de signaler les incidents à caractère raciste à la police. M. Nikolaos Ornerakis, procureur d’Athènes en charge des crimes racistes, m’a confirmé qu’un dépôt de plainte coûtait environ € 100 
			(33) 
			Lors de notre réunion
le 12 juin 2013.. Ce montant a été établi afin de décourager le dépôt de «plaintes farfelues» 
			(34) 
			Interview de Human
Rights Watch avec George Kaloudis, procureur adjoint de première
instance, bureau du Procureur d’Athènes, 8 décembre 2011, rapport
«La haine dans les rues – violence xénophobe en Grèce», juillet
2012.. La ligne d’appel d’urgence permettant de signaler les incidents à caractère raciste est payante.
42. Un réfugié originaire d’Iran m’a indiqué qu’au cours d’un contrôle d’identité, la police avait ouvert son sac sans lui en demander l’autorisation, et pris de force son portable en lui disant qu’il ne pourrait pas passer d’appel. J’ai également entendu des allégations d’insultes racistes proférées par des policiers à l’encontre d’immigrés, de demandeurs d’asile et de réfugiés 
			(35) 
			Réunion au Forum grec
des Réfugiés, avec des réfugiés et des demandeurs d’asile d’Afghanistan,
d’Iran, de Somalie et de Syrie, le 12 juin 2013.. Un réfugié originaire d’Afghanistan m’a dit n’avoir jamais fait l’objet d’un contrôle d’identité. Au cours de la mission, on m’a également raconté une opération de recherches de la police qui est entrée dans un bus pour demander à tous les noirs d’en descendre.
43. Je tiens à mentionner plusieurs mesures prises par les autorités pour prévenir et combattre le racisme dans la police. Un code de déontologie policière a été adopté et une ordonnance promulguée en 2004 interdit l’utilisation par la police de termes offensants pour les Roms. Le chef de la police a également publié, en 2006, une circulaire sur la «lutte contre le racisme, la xénophobie, le fanatisme et l’intolérance dans la police». D’après la circulaire, «La motivation raciste fait l’objet d’une enquête dans les cas suivants: a) elle est reconnue par les auteurs des faits, b) elle est dénoncée par des victimes et des témoins, c) il existe des preuves au sens du Code de procédure pénale, d) les auteurs présumés des faits et les victimes d’un crime s’identifient à des groupes raciaux, religieux ou sociaux différents ou y appartiennent. De plus, la circulaire prévoit l’obligation, pour les policiers, d’enquêter sur une éventuelle motivation raciste dans le contexte des procédures disciplinaires pour des comportements contraires à l’éthique d’agents de la police à l’encontre de personnes appartenant à des groupes ethniques, religieux ou sociaux vulnérables ou d’étrangers. Il faut alors que les conclusions des enquêtes disciplinaires mentionnent si une motivation raciale a pu être établie. Toutefois il conviendrait d’incorporer ces dispositions au Code de déontologie de la police pour renforcer leur caractère réglementaire et donner le sentiment que leur respect est obligatoire» 
			(36) 
			La haine dans les rues:
violences xénophobes en Grèce Human Rights Watch, juillet 2012, <a href='http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/greece0712ForUpload_0.pdf'>www.hrw.org/sites/default/files/reports/greece0712ForUpload_0.pdf</a>..
44. En mars 2011, la loi n° 3938/2011 a notamment permis la création d’un Bureau des faits de conduite arbitraire par les forces de l’ordre, qui dépend du ministère de la Protection des citoyens. Au cours de ma visite, il m’a été confirmé que ce bureau n’était pas encore opérationnel en raison d’un manque de fonds et de personnel. Il n’existe à ce jour aucun mécanisme indépendant de plaintes pour enquêter sur les comportements répréhensibles de la police.
45. M. Nikolaos Ornerakis, nommé au poste – créé fin 2012 – de procureur d’Athènes en charge des crimes racistes m’a confirmé lors de notre entretien que son poste avait été créé dans le but de combattre le phénomène du racisme. Il travaille cependant seul 
			(37) 
			Entretien avec M. Nikolaos
Ornerakis, Athènes, 12 juin 2013..
46. Le programme de formation des policiers comprend des cours sur les droits de l’homme, y compris le racisme et la xénophobie, mais ils sont seulement théoriques. Ils ne portent pas sur les techniques concrètes d’enquête sur les crimes motivés par la haine.
47. En janvier 2013, le ministère de l’Intérieur a créé 70 unités spéciales de police pour signaler les incidents racistes, avec un total de 200 agents déployés sur l’ensemble du pays. Par contre, la formation dont ils ont bénéficié jusqu’ici reste minime. Certains syndicats ont pris l’initiative d’organiser leurs propres formations de lutte contre le racisme. J’ai pu participer à des discussions franches avec tous les interlocuteurs au cours de ma mission d’information, ce qui me permet d’affirmer que les policiers eux-mêmes reconnaissent l’existence du racisme au sein de la police grecque.
48. Le 1er février 2013, à l’issue de sa visite en Grèce, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, a invité la police à appliquer la législation en vigueur contre le racisme et exhorté le ministère de l’Ordre public à tout mettre en œuvre pour établir un mécanisme indépendant et efficace de plaintes contre la police 
			(38) 
			<a href='http://www.coe.int/t/commissioner/News/2013/130201Greece_fr.asp'>www.coe.int/t/commissioner/News/2013/130201Greece_fr.asp</a>..
49. L’association de policiers avec des partis et des organisations racistes et xénophobes est un phénomène inquiétant. Des études semblent indiquer qu’un nombre important de policiers ont voté pour le parti politique Aube dorée aux dernières élections législatives. Aube dorée a salué la police et le rôle qu’elle a joué dans le pays au cours des dernières années, ce qui a été perçu positivement dans un climat globalement hostile à la police, mais pourrait toutefois dissuader les victimes de porter plainte pour racisme 
			(39) 
			Audition
sur la violence contre les migrants en Grèce avec la participation
de Mme Veronika Goldston, Human Rights Watch,
commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées,
Strasbourg, 2 octobre 2012..
50. Le meurtre du rappeur et militant antifasciste Pavlos Fyssas qu’aurait perpétré un militant d’Aube dorée le 18 septembre 2013 a conduit à une condamnation politique des crimes racistes et à l’ouverture d’une enquête sur les liens entre les forces de police et Aube dorée. Le gouvernement a remplacé plusieurs hauts fonctionnaires de la police, notamment les chefs des forces spéciales, de la sécurité interne et du crime organisé afin de garantir une objectivité absolue 
			(40) 
			La Grèce prend des
mesures énergiques contre le fascisme: enquêtes au sein de la police, New York Times, 24 septembre 2013, 
			(40) 
			<a href='http://www.nytimes.com/2013/09/25/world/europe/greece-in-anti-fascist-crackdown-investigates-police.html?_r=0'>www.nytimes.com/2013/09/25/world/europe/greece-in-anti-fascist-crackdown-investigates-police.html?_r=0</a>. . Le 30 octobre 2013, Panagiotis Stathis, chef des services internes de la police grecque, a annoncé qu’il avait été établi que dix policiers étaient liés «de manière directe ou indirecte aux activités criminelles d’Aube dorée» 
			(41) 
			La police grecque déclare
que dix policiers ont des liens avec le parti l’Aube dorée, New York Times, 30 octobre 2013, <a href='http://www.nytimes.com/2013/10/31/world/europe/greek-police-say-10-officers-have-links-to-golden-dawn.html'>www.nytimes.com/2013/10/31/world/europe/greek-police-say-10-officers-have-links-to-golden-dawn.html</a>..

4.5. Hongrie

51. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est déclaré préoccupé par les abus et le profilage racial dont sont aujourd’hui encore victimes les Roms de la part de la police en Hongrie 
			(42) 
			Compilation
établie par le Haut-commissariat aux droits de l’homme, conformément
au paragraphe 15.b de l’annexe à
la Résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, en vue de l’Examen
périodique universel de la Hongrie (2011).. Des mesures ont été prises pour favoriser la diversité des forces de police 
			(43) 
			Quatrième
rapport de l’ECRI sur la Hongrie, 2009, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/country-by-country/hungary/HUN-CbC-IV-2009-003-FRE.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/country-by-country/hungary/HUN-CbC-IV-2009-003-FRE.pdf</a>.. Des formations sur les droits de l’homme destinées aux policiers couvrent la tolérance et la gestion de situations concernant des personnes issues des groupes minoritaires.

4.6. Norvège

52. Le profilage racial lors des interpellations et des fouilles menées par la police reste courant en Norvège d’après les informations reçues par l’ECRI. Des procureurs en charge des affaires de racisme et de discrimination raciale ont été nommés dans les 27 districts de police depuis juillet 2004 
			(44) 
			Quatrième rapport de
l’ECRI sur la Norvège, 2009, <a href='http://hudoc.ecri.coe.int/XMLEcri/FRENCH/Cycle_04/04_CbC_fre/NOR-CbC-IV-2009-004-FRE.pdf'>http://hudoc.ecri.coe.int/XMLEcri/FRENCH/Cycle_04/04_CbC_fre/NOR-CbC-IV-2009-004-FRE.pdf</a>..

4.7. Portugal

53. Selon l’ECRI, des incidents de harcèlement, de mauvaise conduite et d’abus de la police à l’encontre des Roms ont été signalés au Portugal 
			(45) 
			Quatrième
rapport de l’ECRI sur le Portugal, 2013, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Portugal/PRT-CbC-IV-2013-020-FRE.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Portugal/PRT-CbC-IV-2013-020-FRE.pdf</a>.. Les informations officielles communiquées à l’ECRI, il ressort que de 2006 à 2012, un total de 31 plaintes ont été déposées contre la police pour des faits de racisme ou de discrimination raciale au sens de la Loi n° 18/2004. Quinze affaires ont donné lieu à une procédure pénale ou disciplinaire suite aux enquêtes menées par l’Inspection générale de l’administration interne (IGAI) 
			(46) 
			Ibid..

4.8. Fédération de Russie

54. La Constitution russe interdit toutes les formes de restrictions des droits des citoyens fondées sur des raisons sociales, raciales, ethniques, linguistiques ou religieuses. Cependant, des organisations nationales et internationales des droits de l'homme ont signalé, outre une indifférence aux attaques racistes, des actes de harcèlement et d'intimidation des minorités ethniques par la police 
			(47) 
			<a href='http://www.amnesty.org.uk/news_details.asp?NewsID=13843'>www.amnesty.org.uk/news_details.asp?NewsID=13843</a>.. Un rapport d’Amnesty International, intitulé «Russie: déchaînement de violence raciste» (2006), a présenté des exemples montrant que des meurtres et agressions graves commis par des «skinheads» extrémistes étaient régulièrement qualifiés par la police et le parquet comme des infractions moins graves de «hooliganisme» 
			(48) 
			<a href='http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR46/022/2006'>www.amnesty.org/en/library/info/EUR46/022/2006</a>.. En 2006, l’ECRI a noté des «cas de comportements abusifs de la part des fonctionnaires de police» et «la méconnaissance, de la part de la police et des procureurs, de ce qui doit être considéré comme raciste» 
			(49) 
			Troisième rapport de
l’ECRI sur la Fédération de Russie, 2006, <a href='http://hudoc.ecri.coe.int/XMLEcri/FRENCH/Cycle_03/03_CbC_fre/RUS-CbC-III-2006-21-FRE.pdf'>http://hudoc.ecri.coe.int/XMLEcri/FRENCH/Cycle_03/03_CbC_fre/RUS-CbC-III-2006-21-FRE.pdf</a>..
55. Lors de sa 82e session, le 1er mars 2013, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies a signalé que «les minorités ethniques, en raison de leur aspect physique, tels que les Tchétchènes et d’autres personnes originaires du Caucase, d’Asie centrale ou d’Afrique ainsi que les Roms, continuent de faire l’objet de contrôles d’identité d’une fréquence disproportionnée, d’interpellations et de placements en détention arbitraires, et de harcèlement de la part de la police et d’autres agents des forces de l’ordre». Le CERD a également reçu des rapports faisant état d’«extorsion de pots-de-vin, de confiscation des documents d’identité et de recours à la violence et aux insultes raciales lors des contrôles d’identité, ainsi que de l’absence d’enquête, de poursuites et de sanction effectives à l’encontre des représentants de la loi en cas de comportements répréhensibles, abus ou discrimination envers les minorités ethniques». Le CERD s’est également dit préoccupé par les «informations selon lesquelles des “patrouilles cosaques” bénévoles ont commencé à se former en 2012 dans diverses régions pour mener à bien des fonctions de maintien de l’ordre public aux côtés de la police, et qu’elles auraient eu recours à la violence envers des minorités ethniques ou religieuses» 
			(50) 
			Observations finales
du CERD sur la Fédération de Russie, 2013, <a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/co/CERD-C-RUS-CO-20-22_en.pdf'>http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/co/CERD-C-RUS-CO-20-22_en.pdf</a> (en anglais uniquement, traduction libre)..
56. Dans son troisième rapport paru en 2013, l’ECRI a souligné que “des allégations de mauvaise conduite de la police envers des personnes appartenant à des groupes vulnérables et de fréquence excessive de contrôles d’identité, arrestations et harcèlement concernant des Roms, des Nord-Caucasiens, des migrants et des noirs continuent d’être signalées (…) Le profilage racial doit être clairement défini et interdit par la loi. Les autorités doivent s’assurer de l’existence d’un organe d’investigation de toutes les plaintes contre la police concernant des allégations de discrimination raciale.” L’ECRI a également indiqué que les personnes en provenance d’Asie centrale avaient 22 fois plus de chances d’être interpellées et fouillées par la police.
57. L’ECRI a signalé que la Commission d’enquête, agence fédérale mise en place en septembre 2007, est devenue indépendante et fait rapport depuis janvier 2011 directement au Président. Elle dispose de pouvoirs pour enquêter sur les crimes graves, les crimes violents et la corruption, y compris ceux perpétrés par les policiers. Une ligne d’assistance téléphonique 24/24 et un site internet pour le dépôt de plainte ont également été mis en place.
58. En juillet 2013, la police de Moscou a lancé une opération de ratissage au cours de laquelle elle aurait arrêté plus de 4 000 personnes en ciblant les lieux où se réunissent les migrants et en recourant au profilage racial. Les ressortissants d’apparence «non slave» ont été systématiquement contrôlés. «Rien ne peut justifier des détentions massives fondées sur le profilage ethnique», a souligné Mme Tanya Lokshina de Human Rights Watch 
			(51) 
			<a href='http://www.hrw.org/news/2013/08/08/russia-mass-detention-migrants'>www.hrw.org/news/2013/08/08/russia-mass-detention-migrants</a>..
59. Le licenciement d’un fonctionnaire de la police de l’immigration pour la tenue de propos racistes dans un entretien paru dans les médias a envoyé un signal positif 
			(52) 
			Un fonctionnaire de
la police de l’immigration licencié pour racisme, Reuters, 20 avril
2011, <a href='http://uk.reuters.com/article/2011/04/20/uk-russia-race-idUKTRE73J5CW20110420'>http://uk.reuters.com/article/2011/04/20/uk-russia-race-idUKTRE73J5CW20110420</a>.. Autre mesure encourageante, l’entrée en vigueur le 1er mars 2012 de la loi no 3-FZ sur la police, aux termes de laquelle la police «protège les droits, les libertés et les intérêts juridiques d’une personne et d’un citoyen indépendamment de son genre, de sa race, de son appartenance ethnique, de sa langue et de son origine» (article 7) 
			(53) 
			Ibid.. Je me félicite également de la condamnation du racisme par les autorités russes dans le document remis au CERD en 2012 
			(54) 
			Rapport soumis par
l’Etat partie au CERD le 6 juin 2012, <a href='http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD%2fC%2fRUS%2f20-22&Lang=en'>http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD%2fC%2fRUS%2f20-22&Lang=en</a>. et de leur annonce selon laquelle ils feraient de la lutte contre le racisme l’une des priorités de leur mandat au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

4.9. Espagne

60. En Espagne, Amnesty International a critiqué la police du pays pour avoir ciblé ouvertement les minorités visibles pour les contrôles d’identité, avec une période de détention pouvant aller jusqu’à 72 heures après l’arrestation pour un contrôle approfondi. Les policiers espagnols sont tenus de porter un badge d’identification, mais ils portent souvent des vestes qui dissimulent ces badges.

4.10. Suède

61. En janvier 2011, une unité spéciale, distincte de la police régionale, a été créée au sein de la Police nationale pour traiter les plaintes pour dérives policières 
			(55) 
			Quatrième rapport de
l'ECRI sur la Suède, 2012, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Sweden/SWE-CbC-IV-2012-046-FRE.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Sweden/SWE-CbC-IV-2012-046-FRE.pdf</a>.. L’ECRI a souligné que les victimes de dérives policières manquaient souvent de confiance dans la police et recommandé la mise en place d’un organe indépendant chargé de mener des enquêtes sur les allégations d’abus policier, comprenant les actes de racisme ou de discrimination raciale 
			(56) 
			Ibid.. Lors des émeutes de mai 2013 à Stockholm, des policiers ont été accusés d’utiliser un langage raciste 
			(57) 
			BBC
News, An African on the beat in Sweden, <a href='http://www.bbc.co.uk/news/magazine-23129242'>www.bbc.co.uk/news/magazine-23129242</a>..
62. En septembre 2013, la découverte d’une base de données de la police comprenant les noms de plus de 4 000 Roms, y compris des enfants, a profondément choqué l’opinion publique et suscité de vives réactions internationales. L’enregistrement ethnique est illégal en Suède et contraire à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). «L’existence de fichiers sur les Roms dans des institutions gouvernementales telles que la police est très préoccupante. L’existence de fichiers ethniques peut suggérer l’existence et l’acceptation du profilage racial comme méthode de travail au sein de la police 
			(58) 
			Mme Agneta Brogerg,
médiatrice suédoise pour l’égalité, à la réunion de la sous-commission
sur le racisme et la xénophobie, Strasbourg, 1er octobre
2013..» En réaction, Bengt Svenson, commissaire de la police nationale, a demandé à tous les directeurs de police de revoir leurs bases de données. Le 15 novembre 2013, la Commission suédoise pour la protection de la sécurité et de l’intégrité (Säkerhets- och integritetsskyddsnämnden – SIN), qui a enquêté sur la question, a estimé qu’il y avait eu des irrégularités et que la liste avait été établie pour des raisons peu claires, l’intention initiale étant de dresser la carte des réseaux sociaux et familiaux autour des personnes soupçonnées de crime.

4.11. Royaume-Uni

63. Au Royaume-Uni, l’affaire Stephen Lawrence a profondément modifié le fonctionnement de la police. Il est communément reconnu que le problème du racisme est complexe et qu’il n’est pas encore résolu. Depuis 1986, les policiers délivrent un récépissé aux personnes dont l’identité est contrôlée de manière à éviter les contrôles d’identité multiples d’une même personne le même jour. Le récépissé fournit des informations sur l’agent qui a effectué le contrôle d’identité. Certains trouvent toutefois trop détaillé le récépissé établi par les policiers. La commission pour l’égalité et les droits de l’homme estime que cette pratique a eu un effet positif. Cependant, l’organisation Inquest a noté que ces récépissés n’étaient pas remis systématiquement lors des contrôles d’identité 
			(59) 
			Entretien avec Mme
Deborah Coles, co-directrice, INQUEST, Londres, 10 décembre 2012.. D’après Mme Deborah Glass, vice-présidente de la Commission indépendante des plaintes contre la police, les jeunes hommes noirs ont sept fois plus de chances d’être contrôlés au Royaume-Uni.
64. Il convient de traiter avec une grande prudence les statistiques relatives aux contrôles d’identité afin d’éviter d’exacerber les tensions. A Londres, j’ai entendu des témoignages très plausibles suggérant que les personnes appartenant aux minorités ethniques sont bien plus souvent contrôlées par la police que la population majoritaire (blanche). Ceci est probable, mais j’aimerais qu’un certain nombre d’autres éléments soient pris en compte. D’une manière générale, la police est plus présente dans les secteurs à forte criminalité. Il peut s’agir de quartiers où les minorités ethniques sont plus présentes, mais pas nécessairement.
65. Des ONG nous ont indiqué que des membres des minorités ethniques sont régulièrement choisis pour des contrôles d’identité et des fouilles à Londres, certains se plaignant d’avoir été contrôlés plusieurs fois sur une même journée. Nous n’avons aucune raison de mettre en doute les faits rapportés par qui que ce soit, et certains témoignages sont très préoccupants. Parallèlement, il faut garder à l’esprit qu’il est mathématiquement impossible aux policiers de contrôler systématiquement toutes les personnes de couleur dans une ville comme Londres 
			(60) 
			A
Londres, même dans les situations les plus exceptionnelles, la police
ne peut pas déployer plus de 15 000 agents dans les rues. D'une
manière générale, ils sont environ 6 000 à patrouiller. Londres
compte quelque 8,2 millions d'habitants, dont 55 %, soit environ
4,5 millions, appartiennent à une minorité ethnique. Les policiers
qui procèdent aux contrôles d'identité doivent travailler par deux,
et chaque contrôle prend près de 15 minutes. Deux policiers consacrant sept
heures par jour exclusivement aux contrôles d'identité peuvent en
réaliser au maximum 30 par jour ou 150 par semaine de cinq jours,
soit 1 400 par an.. Il semblerait donc que d’autres facteurs, tels que l’apparence vestimentaire ou l’âge, expliquent dans une certaine mesure que certaines personnes soient fréquemment contrôlées par la police.
66. La Fédération de la police pour l’Angleterre et le Pays de Galles concède que le racisme est encore présent çà et là dans la police. Les policiers que j’ai rencontrés au cours de la visite d’information estimaient qu’un changement d’attitude était possible et que la situation s’était considérablement améliorée en vingt ans.
67. Un rapport publié le 16 juillet 2013 par l’IPCC déplore que la police du Grand Londres n’a pas su traiter efficacement les plaintes pour racisme 
			(61) 
			<a href='http://www.guardian.co.uk/uk-news/2013/jul/17/met-officers-sack-racist-texts'>www.guardian.co.uk/uk-news/2013/jul/17/met-officers-sack-racist-texts</a>.. 3 % des plaintes contre la police du Grand Londres concernent des allégations de racisme. D’après l’étude, 511 plaintes pour racisme ont été déposées contre des policiers d’avril 2011 à mai 2012 
			(62) 
			Rapport
sur le traitement des plaintes pour discrimination raciale par la
police du Grand Londres, IPCC, juillet 2013, <a href='http://www.ipcc.gov.uk/sites/default/files/Documents/investigation_commissioner_reports/Report_on_Metropolitan_police_Service_key_statistical_info.PDF'>www.ipcc.gov.uk/sites/default/files/Documents/investigation_commissioner_reports/Report_on_Metropolitan_police_Service_key_statistical_info.PD</a>.. Le rapport insiste sur le fait qu’il “faut un changement de culture dans la manière dont les services traitent les plaintes en général, et en particulier dans leur perception de la nature et des manifestations des comportements racistes”.

5. Prévention

68. La prévention du racisme au sein de la police devrait être le tout premier objectif. La promotion de la diversité lors du recrutement des policiers est une mesure essentielle pour s’assurer que la composition de la police reflète celle de la population.
69. En France, 10 % des policiers sont d’origine étrangère 
			(63) 
			M. Julien Le Gars,
sous-directeur des libertés publiques, ministère français de l’Intérieur,
lors de l’audition de la commission sur l’égalité et la non-discrimination,
le 3 octobre 2012 à Strasbourg.. Les policiers issus de minorités représentent 5 % des membres des forces de police d’Angleterre et du pays de Galles. Ce pourcentage atteint 10 % au sein de la police de proximité (police community support officers, PCSO) et 15 % pour les services du procureur 
			(64) 
			Rapport 2010-11 sur
l’égalité en matière d’emploi au sein des services du procureur,
p. 5, <a href='http://www.cps.gov.uk/publications/docs/equality_in_employment_report_2010-11.pdf'>www.cps.gov.uk/publications/docs/equality_in_employment_report_2010-11.pdf</a>.. Il est de la plus haute importance de garantir la représentation des minorités dans l’ensemble des forces de police et des fonctions de direction. Cependant, le niveau de maintien dans l’emploi parmi les nouveaux personnels issus des minorités ethniques reste faible. Ils sont deux fois plus nombreux à quitter leur poste dans les six premiers mois que leurs homologues blancs. En outre, leur avancement est aussi plus lent en comparaison 
			(65) 
			Rencontre avec M. Mark Smith,
Commandant du secteur Londres Nord, gare de Paddington, 11 décembre 2012.. Davantage devrait être fait pour promouvoir une image positive de la police. En effet, il est parfois considéré que le métier de policier est un métier à risque, ou que ce n’est pas un métier respectable, surtout pour une femme. D’après M. Nazir Afzal, procureur général, «il peut encore être difficile, pour un membre d’une communauté minoritaire, d’entrer dans la police».
70. Il serait préférable de diversifier le recrutement des policiers en fixant non pas des quotas, mais des objectifs. Je suis persuadé que les dirigeants des minorités ont un rôle à jouer pour encourager les membres de leur minorité à entrer dans la police, en insistant sur l’importance de disposer de représentants au sein de celle-ci. Je suis également favorable à la création d’un statut d’officier de police «de réserve» comparables aux «Special Constables» (force de police volontaire) du Royaume-Uni. Un tel statut pourrait encourager les membres des minorités à s’associer à la police sans pour autant s’engager comme policier à temps plein.
71. Des mesures disciplinaires devraient être prises chaque fois qu’un policier fait des remarques racistes. L’instauration de sanctions et leur application effective contre les policiers jugés coupables de comportements racistes peuvent avoir un important effet dissuasif. Associées à une discussion ouverte, elles peuvent aussi aider les policiers à remettre en question leurs propres stéréotypes et pratiques. Au Royaume-Uni, les policiers savent qu’ils s’exposent à une action disciplinaire, et même au renvoi, pour un comportement raciste. Ils peuvent aussi faire face à des poursuites. Cependant, j’ai appris que si quelques poursuites ont été engagées, les condamnations ont été rares 
			(66) 
			Entretien
avec M. Nazir Afzal, Procureur général, services du procureur de
Manchester, Londres, 10 décembre 2012.. Je souhaite également souligner qu’il peut être difficile de vérifier ce qu’il s’est passé lorsqu’une personne profère des accusations concernant les mots utilisés par une autre personne sans la présence d’un témoin indépendant.
72. La promotion d’une culture de l’égalité et de la diversité devrait aussi être une priorité. La sensibilisation à la diversité et aux questions raciales est souvent présentée comme l’une des solutions, mais il faut investir des moyens suffisants dans une telle formation pour engendrer un changement des mentalités et des attitudes. Tout policier doit être capable d’aider n’importe quelle victime. La formation à la diversité, adaptée au contexte spécifique, lors du recrutement et tout au long de la carrière est nécessaire pour aider la police à mieux comprendre ses usagers. Si nécessaire, des formations linguistiques peuvent également être proposées aux policiers.
73. Dans sa recommandation générale XIII, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a appelé les Etats à proposer aux responsables de l’application des lois «une formation approfondie qui leur permette, dans l’exécution de leurs fonctions, de respecter et de protéger la dignité humaine et de défendre et faire respecter les droits de l’homme de tous sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique» 
			(67) 
			Recommandation
générale XIII concernant la formation des responsables de l’application
des lois à la protection des droits de l’homme (quarante-deuxième
session, 1993), 
			(67) 
			<a href='http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/b938c19558e16dc2802565240049827c?Opendocument'>www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/b938c19558e16dc2802565240049827c?Opendocument</a>.. Des modules de formation spécifiques sur la prévention et la lutte contre les crimes dits «d'honneur» pourraient également être inclus. En outre, des tests spécifiques sur la diversité lors du processus de recrutement aident à identifier les risques et à ne pas recruter des policiers potentiellement racistes. Le respect de la diversité doit aussi être un élément pris en compte pour l’avancement.

6. Promouvoir la confiance dans la police

74. Les actes de racisme de la part de la police et une répression insuffisante de tels actes peuvent affecter la confiance envers la police et décourager la population de s’adresser à elle. La manière dont la police est perçue peut avoir une influence sur le niveau de confiance de la population envers ses services. D’après la Commission indépendante des plaintes contre la police, la police a semble-t-il l’image d’une corporation conservatrice, raciste, à la mentalité rétrograde. Ce stéréotype ne reflète pourtant pas la réalité. Une enquête menée en France en mars 2011, dans le cadre du projet Euro-justis, indiquait que plus de 74 % des personnes interrogées faisaient confiance à la police mais 40 % d’entre elles qualifiaient les policiers de racistes 
			(68) 
			<a href='http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20110530.OBS4191/la-police-raciste-pour-40-des-francais-ce-qu-en-pensent-les-syndicats.html'>http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20110530.OBS4191/la-police-raciste-pour-40-des-francais-ce-qu-en-pensent-les-syndicats.html</a>..
75. La lutte contre le racisme permet de restaurer la confiance entre la police et ses usagers. Elle a un effet positif à la fois pour les policiers et le public. La relation de confiance entre la population et la police ne peut se construire que sur le long terme, par un engagement quotidien. Je suis convaincu que le travail auprès des communautés peut contribuer à entretenir leur confiance. Le fait d’expliquer les décisions et les procédures et d’informer les familles sur les procédures de poursuites peut avoir un impact positif. Au Royaume-Uni, les agents de liaison avec les familles ont eu un rôle essentiel pour maintenir la confiance envers la police. En Irlande, 349 agents de liaison ethnique assurent la liaison entre les responsables des communautés ethniques et la Garda Siochána (police) 
			(69) 
			Observations
finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
sur l’Irlande, 2011, <a href='http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G11/418/41/PDF/G1141841.pdf'>http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G11/418/41/PDF/G1141841.pdf</a>. . Cette fonction devrait être encouragée dans d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe.
76. Au Royaume-Uni, les policiers participant à des contrôles d’identité ont parfois demandé à des membres de la communauté locale d’intervenir en qualité d’observateurs neutres. Une telle démarche encourage les policiers à se montrer courtois et permet de rassurer les intéressés qu’il ne s’agit pas de contrôles arbitraires. Je recommanderais aussi très vivement d’accroître l’interaction entre la police, les ONG et les parlementaires, en leur permettant d’observer certaines activités de la police afin de mieux comprendre le travail des policiers et les défis auxquels ils sont confrontés.
77. Il semblerait que des personnes vulnérables appartenant aux minorités, et notamment des femmes, se soient heurtées à des difficultés pour dénoncer des crimes à la police. Il pourrait être utile de prévoir des policiers spécialement formés pour accueillir les victimes de crimes comme la violence domestique, les mariages forcés ou les mutilations sexuelles. Par ailleurs, il peut arriver que des policiers n’aiment pas s’occuper de certaines affaires par crainte d’être accusés de racisme. Je suis d’avis que la crainte d’être accusé de racisme ne doit jamais entraver les enquêtes concernant des crimes graves.
78. Les contrôles d’identité font partie des opérations les plus controversées, et peuvent engendrer des tensions. Il convient de sensibiliser les policiers à la nécessité de se montrer courtois lors de tels contrôles. Ils ont tout intérêt à se montrer respectueux, parce qu’un manque de respect contribue à rendre leur métier plus difficile.
79. M. Mike Franklin, membre de la Commission indépendante des plaintes contre la police et Commissaire pour le Sud-Est, a souligné que les jeunes n’avaient pas confiance en la police et ne pensaient pas qu’elle était là pour les aider. L’engagement des hauts responsables de la police en faveur de la diversité et de la lutte contre le racisme est essentiel pour établir la confiance. Il est par conséquent essentiel qu’ils condamnent publiquement, et avec force, toute forme de discrimination raciale.
80. L’Open Society Initiative et la Fédération de la police ont souligné qu’une assistance devrait être fournie aux policiers sur la gestion des situations violentes. Après plusieurs contrôles, les personnes concernées répondent parfois à la police avec agressivité, à laquelle il peut être difficile de répondre sans une formation appropriée.
81. Les mécanismes de contrôle internes destinés à vérifier comment les victimes sont accueillies lors du dépôt d’une plainte ont aussi prouvé leur efficacité.
82. Assurer la transparence et l’impartialité des procédures, établir des mécanismes de surveillance et apporter un soutien effectif aux enquêtes et aux mécanismes de dépôt de plaintes figurent parmi les autres bonnes pratiques.

7. Mécanismes de plainte

83. L’ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, a souligné, lors d’un atelier d’experts intitulé «Mécanismes de plainte contre la police: garantir leur indépendance et leur efficacité» que, dans une société démocratique, il fallait pouvoir demander des comptes à chacun et faire suivre les plaintes d’une enquête effective pour établir la confiance entre la police et la population 
			(70) 
			Strasbourg,
26-27 mai 2008, 
			(70) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CommDH%282008%2916&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CommDH%282008%2916&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM</a>.. Plusieurs Etats membres ont mis en place, pour les victimes, des mécanismes de plaintes, qui peuvent être établis au sein des tribunaux ordinaires ou de la police elle-même ou créés à titre d’organes indépendants.
84. Le Comité permanent belge de contrôle des services de police (Comité P) a été créé en 1991 en qualité d’instance externe chargée du contrôle de la police et relevant du Parlement fédéral. Le Comité P contrôle la police au niveau local et fédéral. Il a enquêté sur six plaintes pour comportement raciste de membres de la police en 2011 (trois en 2010), alors que 45 plaintes pour violence ont été recensées 
			(71) 
			Rapport annuel, 2011, <a href='http://www.comitep.be/2011/Fr/2011FR.pdf'>www.comitep.be/2011/Fr/2011FR.pdf</a>..
85. Un autre exemple d’une telle institution indépendante est la Commission indépendante des plaintes contre la police, créée en 2004 
			(72) 
			<a href='http://www.ipcc.gov.uk/en/Pages/about_ipcc.aspx'>www.ipcc.gov.uk/en/Pages/about_ipcc.aspx</a>.. L’IPCC rappelle à la police son obligation de combattre le racisme de l’intérieur. La commission a été créée conformément à une recommandation du rapport Macpherson de 1999 sur la mort de Stephen Lawrence. L’IPCC exerce un double rôle: elle est à la fois un organe d’examen des plaintes en première instance et une instance de médiation 
			(73) 
			<a href='http://www.cambs-pa.gov.uk/user_files/Pcc/Pcc1/IPCC%20-%20PCC%20candidate%20briefing%202012%20(2).pdf'>www.cambs-pa.gov.uk/user_files/Pcc/Pcc1/IPCC%20-%20PCC%20candidate%20briefing%202012%20(2).pdf</a>.. Elle dispose de ses propres agents pour enquêter sur les plaintes et allégations d’abus les plus graves en Angleterre et au Pays de Galles. Elle peut soumettre une affaire aux services du procureur afin qu’ils décident d’engager ou non une procédure pénale. L’IPCC a aussi le pouvoir de recommander et de prescrire des procédures disciplinaires 
			(74) 
			<a href='http://www.ipcc.gov.uk/en/Pages/what_do.aspx'>www.ipcc.gov.uk/en/Pages/what_do.aspx</a>..
86. L’IPCC recherche diverses solutions novatrices pour combattre le racisme. Ces solutions consistent notamment à expliquer pourquoi il est dans l’intérêt de tous de lutter contre le racisme, à sensibiliser aux questions de diversité, à faire preuve d’équité et de respect à chaque étape des procédures et à encourager la présentation d’excuses en cas d’incident. La mise en place d’une institution telle que l’IPCC montre l’intérêt de la police pour cette question, et sa volonté d’établir une relation basée sur la confiance et le respect.
87. En Irlande, la Commission de médiation de la Garda Síochána (police) a été créée, en application de la loi de 2005 sur la Garda Síochána (Police) 
			(75) 
			<a href='http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G11/418/41/PDF/G1141841.pdf'>http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G11/418/41/PDF/G1141841.pdf</a>.. Cet organe indépendant est chargé d’examiner les plaintes visant la police. En 2011, la Commission de médiation de la Garda Síochána a reçu 25 plaintes pour discrimination fondée sur l’origine ethnique, ce qui a été le motif le plus souvent invoqué depuis 2007 
			(76) 
			<a href='http://www.gardaombudsman.ie/GSOC/Complaints_containing_allegations_of_discrimination_2007-2011.pdf'>www.gardaombudsman.ie/GSOC/Complaints_containing_allegations_of_discrimination_2007-2011.pdf</a>..
88. En 2007, les autorités hongroises ont créé la commission indépendante chargée de traiter les plaintes contre la police, organe indépendant du Parlement hongrois qui a commencé son activité en 2008. Elle est composée de cinq membres élus par le Parlement pour un mandat de six ans non renouvelable 
			(77) 
			Quatrième
rapport de l’ECRI sur la Hongrie, 2009, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/country-by-country/hungary/HUN-CbC-IV-2009-003-FRE.pdf'>http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/country-by-country/hungary/HUN-CbC-IV-2009-003-FRE.pdf</a>.. Toute personne qui considère que ses droits ont été bafoués peut déposer plainte devant la commission contre un ou plusieurs policiers.

8. Instruments internationaux

89. La Recommandation de politique générale no 11 de l’ECRI sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans les activités de la police 
			(78) 
			Adoptée par l’ECRI
le 29 juin 2007, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/GPR/EN/Recommendation_N11/f-RPG%2011%20-%20A4.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/GPR/EN/Recommendation_N11/f-RPG%2011%20-%20A4.pdf</a>. porte spécifiquement sur la lutte contre le racisme dans la police. Elle recommande aux gouvernements des Etats membres «de définir et interdire clairement le profilage racial dans la loi» 
			(79) 
			Voir
paragraphe 17 du présent rapport., de faire des recherches sur le profilage racial, de former la police à la question du profilage racial, de s’assurer que le champ d’application de la législation interdisant la discrimination raciale directe ou indirecte comprend les activités de la police, de garantir l’ouverture d’une enquête efficace sur les allégations de discrimination raciale ou de comportements abusifs à motivation raciste de la police et, le cas échéant, de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient sanctionnés de façon appropriée, et de prévoir un organe, indépendant de la police et du parquet, chargé d’enquêter sur les allégations de discrimination raciale et de comportements abusifs à motivation raciste de la police. Un système d’enregistrement et de suivi des incidents racistes devrait être mis en place, afin que les victimes se sentent soutenues lorsqu’elles signalent ces incidents. Un cadre de coopération entre la police et les membres des groupes minoritaires est par ailleurs encouragé. L’ECRI, lors de ses visites de suivi, s’assure de la mise en œuvre de cette recommandation.
90. Le Code européen d’éthique de la police a été présenté dans la Recommandation Rec(2001)10. Il souligne l’importance pour la formation des personnels de police de pleinement intégrer la nécessité de combattre le racisme et la xénophobie (paragraphe 30). «La formation des personnels de police devrait combattre, chaque fois qu’il est nécessaire, toute attitude raciste et xénophobe au sein de la police et souligner aussi l’importance d’une action efficace de la police contre les crimes fondés sur la haine raciale et visant des minorités ethniques.» 
			(80) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=223251'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=223251</a>. De plus, j’attends avec intérêt le débat sur la proposition de la Commission européenne d’établir un dispositif européen de formation de la police, qui prévoit un rôle important pour l’Agence des droits fondamentaux dans la conduite des formations 
			(81) 
			<a href='http://www.cepol.europa.eu/fileadmin/documents/LETS/law_enforcement_training_scheme_en.pdf'>www.cepol.europa.eu/fileadmin/documents/LETS/law_enforcement_training_scheme_en.pdf</a>..
91. Dans sa Recommandation générale XXXI sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale (2005) 
			(82) 
			<a href='http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G05/441/21/PDF/G0544121.pdf'>http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G05/441/21/PDF/G0544121.pdf</a>., le CERD demande aux Etats Parties de prêter la plus grande attention aux indicateurs de discrimination raciale qui suivent: «le nombre et le pourcentage de personnes appartenant aux groupes [raciaux ou ethniques] qui sont victimes d’agressions ou d’autres infractions, notamment lorsqu’elles sont commises par des agents de la police ou d’autres agents de l’Etat»; «l’absence ou la rareté des plaintes, des poursuites et des jugements concernant des actes de discrimination raciale dans le pays», qui pourrait refléter «une information insuffisante», la peur de représailles ou «un manque de confiance à l’égard de la police» et «la proportion insuffisante de personnes appartenant à ces groupes dans les effectifs de la police, de la justice, y compris les magistrats et les jurés, et dans les autres services chargés de l’application des lois». La recommandation générale met aussi en évidence le droit et le devoir de tout fonctionnaire de police de refuser de suivre des ordres lui demandant de commettre des violations des droits de l’homme.

9. Conclusions

92. Dans le présent rapport, je me suis efforcé de décrire la situation dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe pour donner une vision générale du contexte. Le racisme est présent dans la société, et par conséquent dans la police, et aucun pays ne semble épargné.
93. Dans certains pays, des progrès notables ont été constatés dans la lutte contre le racisme dans la police suite à une prise de conscience du problème et à la création de mécanismes efficaces et indépendants de plainte, à l’organisation de formations pour les policiers, au recrutement de policiers au sein des minorités et à la création des fonctions d’agents de liaison avec les communautés.
94. Parallèlement, je suis préoccupé par la situation que connaissent certains Etats membres du Conseil de l’Europe, où l’augmentation du racisme et des violences à caractère raciste dans la société s’accompagne d’une recrudescence du racisme au sein de la police.
95. Je considère que les policiers ne sont pas seulement les garants de l’Etat de droit, mais aussi les défenseurs de la dignité humaine. Il faut appeler l’attention sur les multiples dimensions de leurs rôles et les aider à Ies remplir de la meilleure manière possible, en dotant l’institution des ressources nécessaires à son bon fonctionnement, en dispensant aux policiers une formation de qualité portant sur les droits de l’homme et la diversité et en demandant plus d’interaction avec les parlementaires et la société civile. Les policiers sont le lien entre la loi et la population qui doit avoir une grande confiance en eux afin de ne jamais hésiter à signaler la violence, y compris la violence raciste. J’exhorte par conséquent les dirigeants politiques et les cadres supérieurs de la police à condamner publiquement toute forme de discrimination raciale.
96. Les contrôles d’identité requièrent une attention particulière pour prévenir la discrimination raciale. Les Etats membres doivent se mobiliser pour réglementer les opérations de contrôle d’identité en élaborant des règles claires et précises, en garantissant la régularité des contrôles et en proposant des formations spécifiques sur la manière de les effectuer.
97. J’encourage la police à s’ouvrir aux organisations non gouvernementales et aux parlementaires pour qu’ils puissent tous avoir une chance de voir comment les policiers s’acquittent de leurs tâches, les conditions dans lesquelles ils travaillent et les pressions auxquelles ils doivent faire face.
98. La collecte de données est indispensable à l’élaboration d’une réponse institutionnelle appropriée au racisme dans la police et pour le suivi de la situation. Pour avoir une idée précise de l’ampleur du racisme dans la police, j’ai l’intention de demander aux Etats de recueillir des données et d’effectuer des recherches sur les incidents racistes dans la police.
99. La lutte contre le racisme au sein de la police est à la fois un défi et un instrument permettant d’améliorer le degré de confiance dans cette institution. Les principales difficultés auxquelles se heurte la lutte contre le racisme sont l’inaction à la suite d’un incident raciste au sein de la police, le manque d’autocritique, la conduite à tenir face à des politiques ou instructions susceptibles d’être racistes, l’absence de mécanismes d’enquête, le manque de suivi ou d’indépendance du mécanisme d’enquête, et la communication objective en la matière.
100. Je ne saurais conclure le présent rapport sans relayer l’inquiétude globale concernant la protection des droits de l’homme dont j’estime qu’ils sont aujourd’hui menacés en Europe vu le soutien grandissant que recueillent des partis politiques ouvertement racistes dans plusieurs Etats membres et la tolérance accrue du racisme. Nous ne pouvons pas considérer l’«acquis des droits de l’homme» comme acquis et nous ne saurions ignorer que la crise financière et économique qui se prolonge peut concourir à une nouvelle exacerbation des tensions. D’où mon appel à la vigilance et à la responsabilité qui incombe à tous les membres de cette Assemblée non seulement de condamner les propos et les comportements racistes, mais aussi de lancer des débats publics sur la question. Je suis convaincu qu’une condamnation du racisme et de la discrimination raciale à tous les niveaux politiques est indispensable pour amorcer le changement d’état d’esprit, sans lequel il ne se produira pas de changement concret, ni dans la police ni dans la société. Il est de notre devoir de responsables politiques d’agir afin de rendre le racisme inacceptable.