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Résolution 1980 (2014) Version finale
Renforcer le signalement des soupçons d’abus sexuels sur les enfants
1. Les abus sexuels constituent la
forme de violence à l’égard des enfants la plus occulte et la moins souvent
dénoncée. La plupart des abus sexuels dont sont victimes les enfants
sont commis par leurs parents, des membres de leur famille élargie,
des voisins ou des amis de la famille. Très rares sont les enfants concernés
à signaler eux-mêmes les violences sexuelles qu’ils subissent, souvent
par peur des conséquences. De même, pour des raisons évidentes,
très peu d’auteurs de violences relatent leurs actes et demandent
une assistance.
2. Dès lors, les tiers – en particulier les professionnels travaillant
auprès des enfants – jouent un rôle clé dans la rupture du cycle
de violence que la plupart des enfants endurent en silence, en détectant
des signes d’abus sexuels et en les signalant aux autorités compétentes.
3. L’Assemblée parlementaire rappelle que l’intérêt supérieur
de l’enfant doit primer dans toutes les mesures concernant la sécurité
et le bien-être des enfants. Après avoir examiné le pour et le contre
des lois prévoyant un signalement facultatif ou obligatoire, l’Assemblée
n’est pas convaincue que l’un des systèmes se soit avéré plus efficace
que l’autre pour protéger les enfants contre les abus.
4. L’Assemblée note que, indépendamment du système de signalement
en place – obligatoire ou facultatif –, de nombreux cas d’abus commis
sur des enfants, y compris d’abus sexuels, restent tus soit parce qu’ils
passent inaperçus, soit parce qu’ils sont détectés mais non signalés.
Par conséquent, le défaut de signalement demeure l’un des principaux
défis posés aux systèmes de protection de l’enfance.
5. Alors que le manque de sensibilisation du public et des professionnels
est la principale raison pour laquelle de nombreux abus restent
totalement ignorés, la décision délibérée de ne pas signaler des
soupçons d’abus peut avoir plusieurs explications selon qu’elle
émane de professionnels travaillant auprès des enfants ou de citoyens
ordinaires. Les raisons les plus couramment avancées par les professionnels
englobent la crainte d’une erreur de diagnostic, la peur de représailles
de la part de la famille de l’enfant ou de l’auteur présumé des
abus, le souci de préserver les liens entre l’enfant et sa famille,
le manque de confiance dans le système de protection de l’enfance
ou encore la peur des conséquences d’une violation des règles de confidentialité.
6. Les citoyens ordinaires peuvent être réticents à signaler
des soupçons d’abus parce qu’ils ne veulent pas s’immiscer dans
la vie de famille d’autrui, parce qu’ils craignent que leur identité
ne soit découverte par l’auteur présumé d’abus ou, simplement, parce
qu’ils pensent que leur signalement ne sera pas suivi d’effet ou
risque d’entraîner une «revictimisation» de l’enfant.
7. L’Assemblée note que le signalement d’abus sexuels commis
sur des enfants présente des complications supplémentaires en raison
de la difficulté à les déceler, car, contrairement aux abus physiques, ils
n’impliquent pas toujours un contact corporel ou un préjudice physique.
Elle constate également qu’il est rare que les enfants profèrent
de fausses allégations d’abus sexuels. Il est de ce fait crucial,
pour les professionnels travaillant auprès d’enfants, d’apprendre
à reconnaître tout changement de comportement ou psychologique susceptible
de résulter d’un abus sexuel, à reconnaître les éventuelles allégations
de tels actes formulées par les enfants eux-mêmes et à réagir correctement
à de telles allégations.
8. Compte tenu de ce qui précède et indépendamment du système
de signalement en place au niveau national, l’Assemblée invite les
Etats membres du Conseil de l’Europe à créer un cadre qui encourage l’ensemble
des professionnels travaillant auprès d’enfants et tous les citoyens
à signaler les soupçons d’abus sexuels. A cette fin, les Etats membres
devraient:
8.1. organiser des campagnes
d’information visant à sensibiliser davantage le public à la nature
et à l’ampleur des abus sexuels commis sur des enfants, et à leurs
conséquences pour les victimes et la société dans son ensemble;
ces campagnes devraient également donner une ligne directrice sur
la conduite à tenir en cas de soupçons de tels abus;
8.2. permettre aux professionnels de repérer et d’aider convenablement
les enfants victimes d’abus sexuels, et les motiver à assumer le
rôle qui leur incombe d’intervenir dans les situations d’abus:
8.2.1. en incluant dans leur cursus la question des abus sexuels
sur enfants, en particulier pour les professionnels des secteurs
de la santé et de l’éducation, ainsi que pour les entraîneurs sportifs;
8.2.2. en élaborant des formations spécifiques et des programmes
de formation continue sur le thème de l’abus sexuel commis sur des
enfants, y compris sur le cadre juridique pertinent;
8.2.3. en encourageant les professionnels eux-mêmes à mettre
en place des règles de signalement à suivre en cas de soupçons d’abus
sexuels sur un enfant;
8.3. renforcer la confiance dans le système de protection de
l’enfance en veillant à ce que:
8.3.1. les signalements
de soupçons d’abus sexuels fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites
rapides, équitables et effectives;
8.3.2. l’enquête et le processus judiciaire éventuellement engagés
à la suite du signalement soient menés d’une manière adaptée à l’enfant,
sans exposer l’enfant victime à d’autres préjudices;
8.3.3. le retrait d’un enfant de sa famille par suite d’un signalement
reste une mesure exceptionnelle;
8.3.4. dans la mesure du possible, l’auteur du signalement soit
tenu informé;
8.4. assurer la protection juridique des personnes qui signalent
en toute bonne foi des soupçons d’abus sexuels sur enfants:
8.4.1. en limitant le devoir de confidentialité des professionnels
dans de telles circonstances;
8.4.2. en adoptant des règles visant à protéger l’identité des
auteurs de signalement.