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Résolution 2005 (2014) Version finale

Identités et diversité au sein de sociétés interculturelles

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2014 (24e séance) (voir Doc. 13522, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. Carlos Costa Neves). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2014 (24e séance).Voir également la Recommandation 2049 (2014).

1. L’Assemblée parlementaire est fermement convaincue que la diversité culturelle est un état de fait inhérent à la société humaine en raison non seulement de la migration transfrontalière, mais aussi des effets culturels de la mondialisation, ainsi que de l’utilisation répandue des nouvelles technologies et des nouveaux médias qui nous facilitent l’accès à l’information et aux plates-formes de communication.
2. L’Assemblée observe que les relations avec des personnes d’origines culturelles différentes sont devenues pour une majorité de personnes une expérience courante à l’école, sur le lieu de travail ou d’habitation et dans les espaces publics, notamment en milieu urbain. De plus en plus d’individus, en particulier parmi les jeunes générations, ont plusieurs affiliations culturelles à exploiter, mais aussi à gérer, au quotidien. Leur «identité composite» ne peut plus être limitée à une «identité collective» liée à un groupe ethnique ou religieux particulier.
3. Quoi qu’il en soit, l’incompréhension et la peur de l’autre font obstacle aux échanges et interactions interculturels. Si elles ne sont pas gérées de façon positive, les différences culturelles conduisent à la radicalisation, à des formes de conflits paralysantes, et même à la violence. L’Assemblée s’inquiète de la montée des partis politiques antidémocratiques et xénophobes en Europe, et appelle à une évolution radicale du discours et de l’action politiques: il faut reconnaître le rôle des différentes cultures dans le développement d’identités nationales et d’une identité européenne caractérisée par la diversité, le pluralisme et le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine.
4. L’Assemblée estime que ce profond changement sociétal exige de reconsidérer en urgence les processus, mécanismes et relations nécessaires à la lutte contre le racisme et l’intolérance, et au renforcement du pluralisme et de la démocratie au sein des sociétés européennes. L’Assemblée reconnaît à cet égard les circonstances très diverses qui ont présidé à l’émergence et au développement de sociétés nationales dans l’Europe occidentale, orientale, septentrionale et méridionale, et insiste sur le besoin de tenir compte de ces différences historiques en examinant ce que signifie la diversité culturelle dans différentes parties de l’Europe et ce qu’elle implique pour la société.
5. L’Assemblée souligne également l’importance d’un renforcement des politiques culturelles et éducatives pour valoriser le potentiel des jeunes générations aux identités composites et en tirer parti. Cela appelle un examen approfondi des politiques nationales (non seulement limité à la culture, à la jeunesse et aux politiques d'éducation, mais en adoptant une démarche plus large pour couvrir en particulier les politiques de l’emploi, de cohésion sociale, de logement et de sécurité), souvent caractérisées par des approches «défensives», et invite à l’élaboration d’outils innovants. D’une part, ces politiques devraient non seulement reconnaître la diversité et promouvoir la tolérance, mais admettre également l’originalité de chaque identité, et encourager les échanges et interactions positifs. Elles devraient d’autre part prendre en compte la nature européenne et même mondiale du phénomène et, ainsi, la nécessité de travailler ensemble comme condition préalable à des résultats probants et durables.
6. Se fondant aussi sur ses travaux antérieurs, en lien notamment avec la gouvernance participative, l’égalité des droits, la non-discrimination, les droits culturels, l’éducation, la jeunesse et les médias, l’Assemblée recommande aux parlements et gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. concernant l’élaboration des stratégies et des politiques:
6.1.1. de reconnaître la diversité culturelle en tant que facteur d’innovation et de développement, et d’en faire un objectif stratégique à long terme, en prenant les rênes politiques et en établissant entre les parties un consensus permettant de concrétiser l’agenda interculturel au niveau national;
6.1.2. de mettre au point une stratégie interculturelle globale notamment axée sur la sensibilisation et l’engagement public (campagnes, ambassadeurs du dialogue interculturel, etc.), la cohésion entre les diverses parties concernées (dialogue, enrichissement mutuel et développement de projets collaboratifs), la lutte contre le racisme (surveillance et prévention), la planification de la diversité (logement, urbanisme) et l’instauration d’une économie interculturelle (la diversité en tant qu’atout pour l’innovation et la compétitivité);
6.1.3. d’intégrer les questions relatives à la diversité et au dialogue interculturel dans tous les domaines d’action pertinents et en particulier dans les politiques en matière de culture, d’éducation, de jeunesse et de médias, et d’imaginer des moyens innovants de les intégrer d’un point de vue interculturel;
6.2. concernant la mise en œuvre des politiques:
6.2.1. de respecter l’égalité des droits et, en particulier, d’harmoniser la législation en matière de droits civils pour tous les citoyens, quelles que soient leurs origines ethniques ou culturelles; de garantir la liberté de chaque personne de déterminer ses appartenances culturelles et son identité; d’assurer l’égalité d’accès à l’éducation, à la culture et aux expressions culturelles;
6.2.2. de créer un climat favorisant durablement le dialogue et la compréhension grâce à l’instauration de rapports de force plus égalitaires, de processus de communication interactive et de conditions propices à l’émancipation par le développement de la confiance en soi, accompagnés d’un sens de la responsabilité collective;
6.2.3. de revoir le système éducatif pour renforcer sa capacité à favoriser la compréhension de la diversité et le développement de compétences interculturelles dès le plus jeune âge; à cet égard, d’encourager l’application de la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, et avoir recours à des outils et manuels appropriés, y compris aux résultats du projet sur l’éducation interculturelle (programmes, enseignement et matériels scolaires);
6.2.4. de promouvoir le plurilinguisme dans l’éducation formelle et non formelle, et d’élaborer des politiques et programmes encourageant le partage des expériences internationales, ainsi que la mobilité des jeunes et des jeunes adultes, pour renforcer les compétences interculturelles;
6.2.5. de promouvoir le rôle des médiateurs interculturels et de mettre au point une formation ciblée pour les fonctionnaires et les éducateurs, dans le but de renforcer leurs compétences interculturelles;
6.2.6. d’exiger des institutions financées par les pouvoirs publics qu’elles reflètent plus concrètement la diversité – que ce soit parmi leurs dirigeants, au sein des conseils d’administration, parmi leur personnel, chez les usagers ou dans la programmation (artistes et public); et de concevoir des «règles interculturelles» en tant que principe de bonne gouvernance et critère d’attribution de subventions;
6.2.7. d’utiliser les espaces publics (musées, bibliothèques, centres culturels et d’art, etc.), les événements culturels et autres (festivals de musique et de cinéma, manifestations sportives, etc.), ainsi que des plates-formes virtuelles, pour cultiver l’interculturalité et partager une même vision d’une société solidaire et plurielle;
6.3. concernant les partenariats et la coopération:
6.3.1. de conclure des partenariats avec un vaste réseau d’organisations, dont des organisations de jeunesse, des associations non gouvernementales, des entreprises, des syndicats, des médias, des élus locaux, des acteurs culturels, des éducateurs et des «innovateurs» interculturels, et tirer parti de l’expérience acquise grâce à des initiatives pilotes concluantes;
6.3.2. d’encourager les médias publics à contribuer à ce processus en instaurant à l’échelle nationale des partenariats et des programmes visant une diversité équilibrée dans l’information, en utilisant des récits pour dépeindre la diversité culturelle comme un atout plutôt que comme une menace pour la société;
6.3.3. de reconnaître le rôle de plus en plus important des pouvoirs locaux dans la promotion et la mise en œuvre de la politique interculturelle et des actions pilotes, et, dans ce contexte, de faire le point sur les mécanismes actuels (délégation de compétences, structure juridique, cofinancement, etc.) afin de faciliter ce processus;
6.3.4. en collaboration avec le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, de rechercher des partenariats dans le but de développer une coopération transfrontalière pour prendre en compte les spécificités régionales, de concevoir des stratégies communes en faveur de la diversité et des projets pilotes qui encouragent les échanges culturels et façonnent des identités plus composites et nuancées, notamment dans les zones géographiques d’Europe centrale, orientale et du Sud-Est, qui comptent de nombreuses minorités et entretiennent des liens culturels et historiques par-delà les frontières.