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Rapport | Doc. 13594 | 12 septembre 2014

Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) en 2013-2014

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Cheryl GILLAN, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3956 du 26 avril 2013. 2014 - Quatrième partie de session

Résumé

En fournissant une assistance à ses Etats membres dans leur transition vers des économies de marché, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) contribue également à leur progression sur la voie de la démocratie et de l'Etat de droit.

En discutant régulièrement les activités de la BERD, l'Assemblée parlementaire assure un contrôle parlementaire des opérations de la Banque.

On peut se féliciter de l'expansion des activités de la BERD à la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen (SEMED); l'expérience de la Banque en matière d'aide à la transition vers des économies de marché ouvertes pourrait aussi être d'une grande utilité pour cette région.

Il est regrettable qu’un grand nombre des pays d'opérations de la BERD ne semblent pas attacher d'importance aux principes de la démocratie multipartite et du pluralisme et ne les appliquent pas. Il est proposé que l’Assemblée aide la Banque à une mise en œuvre plus efficace de la nouvelle méthodologie de la BERD pour évaluer la conformité de ses pays d'opérations avec les aspects politiques de son mandat.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 5 septembre
2014.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire a examiné les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour la période 2013-2014 à la lumière des rapports établis par la Banque. Comme pour le précédent rapport, l'Assemblée s'est attachée à donner au débat un caractère plus politique et à mettre davantage l'accent sur l'évaluation politique des travaux de la Banque.
2. L'Assemblée rappelle que l'Accord établissant la Banque européenne pour la reconstruction et le développement comporte un élément politique significatif puisqu'il spécifie que la Banque peut mener des opérations dans les pays d'Europe centrale et orientale qui non seulement progressent dans leur transition vers des économies de marché, mais aussi s'engagent à respecter et appliquent les principes de la démocratie multipartite et du pluralisme.
3. Aux termes du préambule de l'accord, la réussite de la transition des Etats membres vers une économie de marché est étroitement liée à une progression parallèle sur la voie de la démocratie et de l'Etat de droit. La dimension politique du mandat de la Banque s'étend ainsi à tous les aspects de ses objectifs. La Banque devrait garder cette dimension à l'esprit et la promouvoir comme faisant partie intégrante du processus d'assistance à la transition des pays d'opérations vers des économies de marché.
4. Dans l'accord de coopération conclu entre le Conseil de l'Europe et la BERD en 1992, les deux organisations sont convenues d'échanger des informations, en particulier pour ce qui est du suivi et de l'appréciation du développement de la démocratie en Europe centrale et orientale. L'Assemblée soutient les activités de la BERD en assurant un contrôle parlementaire de ses opérations.
5. La période couverte par la présente analyse des activités de la BERD (2013-2014) a vu un début de redressement après la crise financière qui a durement frappé l'Europe, en particulier. La crise de la dette souveraine dans un certain nombre d’Etats européens est maintenant maîtrisée, mais la confiance dans la monnaie unique de la zone euro n'est pas encore pleinement restaurée. Des programmes d'austérité ont encore été appliqués tout au long de la période étudiée et le ralentissement économique dans la zone euro, et plus largement en Europe occidentale, a eu un impact négatif sur les pays de la région en transition.
6. L'incertitude politique est un facteur qui influe de manière déterminante sur la croissance. Les perspectives de croissance économique pour 2014 et 2015 dans la région en transition sont assombries par des facteurs économiques et par les tensions géopolitiques entre l'Ukraine et la Russie. Si la Russie devrait, selon les prévisions, voir sa croissance économique passer au point mort en 2014 et rester faible en 2015, l'Ukraine devrait enregistrer une forte diminution de sa production en 2014 et stagner en 2015. L'aggravation des tensions géopolitiques entre la Russie et l'Ukraine pourrait aussi avoir des répercussions sur les pays voisins et il est certain que l'effet des dernières sanctions sur la Russie ainsi que les sanctions russes envers les économies occidentales sera principalement évalué dans le prochain rapport.
7. La longue période de croissance ralentie qui a suivi la crise financière mondiale a affecté les chances de la région en transition de la BERD de se hisser au niveau de vie des économies de marché avancées. D'un autre côté, l'augmentation du nombre des chômeurs de longue durée, engendrée à la fois par la crise et par la longue période d'austérité budgétaire, souvent recommandée par des instances supranationales, affaiblit le soutien de l'opinion pour des réformes axées sur les lois du marché. Certains des pays les plus avancés de la région de transition ont même connu un recul de ces réformes. Il est possible que le soutien pour la démocratie soit également affecté à mesure que l'opposition aux effets des programmes d'austérité sur la croissance et l'emploi augmente.
8. L'Assemblée se félicite de l'expansion des activités de la BERD, ces deux dernières années, à la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen (SEMED): la Jordanie, le Maroc et la Tunisie sont devenus des pays d'opérations à part entière de la Banque et l'Egypte pourrait également le devenir. Bien que la situation de ces pays soit très différente de celle des pays d'Europe centrale et orientale il y a 25 ans, l'Assemblée considère que l'expérience de la Banque en matière d'aide à la transition vers des économies de marché ouvertes pourrait aussi être d'une grande utilité pour les pays de la SEMED.
9. La BERD devrait s'efforcer de partager son expérience et son expertise en soutenant la transition également dans d'autres pays, y compris en dehors de sa région d'opérations actuelle. Dans le même temps, indépendamment de la poursuite de son expansion vers le sud et l'est, elle devrait continuer d'apporter un soutien fort aux économies de sa «vieille région».
10. L'Assemblée a pris note de la révision et de l'actualisation, par la BERD, de la méthode utilisée pour évaluer la conformité de ses pays d'opérations avec les aspects politiques de son mandat, notamment sur les points suivants: l'existence d'un gouvernement représentatif et responsable devant les citoyens; la société civile, les médias et la participation; l'Etat de droit et l'accès à la justice; et, enfin, les droits civils et politiques. Elle regrette cependant qu'un grand nombre des pays d'opérations de la BERD ne semblent pas attacher d'importance aux principes de la démocratie multipartite et du pluralisme et ne les appliquent pas.
11. L'Assemblée souhaite voir une mise en œuvre efficace de cette nouvelle méthodologie et encourage la BERD à renforcer sa coopération avec le Conseil de l'Europe – et en particulier avec l'Assemblée – pour la réalisation et le suivi de ses évaluations.
12. Enfin, l'Assemblée prend note des critiques formulées récemment concernant le manque de transparence de la BERD et l'encourage à commencer à publier des informations plus complètes conformément aux normes internationales et à l'informer des mesures prises à cet égard.

B. Exposé des motifs, par Mme Cheryl Gillan, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le Conseil de l'Europe et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ont signé en 1992 un accord de coopération en vertu duquel les deux institutions acceptent d'échanger des informations dans le but spécifique d'observer les progrès démocratiques réalisés en Europe centrale et orientale. En juin 2011, l'Assemblée parlementaire a entrepris certaines réformes et a adopté une nouvelle répartition des tâches.
2. Le mandat révisé de la commission des questions politiques et de la démocratie prévoit que «la commission établit des rapports annuels sur les activités de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). En vue de la préparation des rapports et des débats à l'Assemblée, la commission entretient des relations avec l'OCDE et la BERD».
3. Le 22 janvier 2013, l'Assemblée a tenu un débat sur un rapport consacré aux activités de la BERD pendant la période 2010-2012, présenté par M. Tuur Elzinga (Pays-Bas, GUE), et a adopté la Résolution 1913 (2013). Le 6 juin 2013, la commission m'a désignée rapporteure.
4. Le présent rapport, basé sur une note préparée par M. Gabriele Ciminelli, chercheur en économie à l'institut Tinbergen d'Amsterdam, passe en revue les activités déployées par la BERD en 2013 et 2014. Il place notamment l'accent sur l'évolution politique et économique caractéristique de la région d'opérations de la Banque au cours des deux dernières années et sur la stratégie à moyen terme, récemment annoncée, qui guidera les opérations de la Banque pendant la deuxième partie de la décennie.
5. Le rapport comporte également un bref compte rendu de la littérature consacrée aux relations entre développement économique et démocratie, ainsi qu'une analyse de la manière dont une réforme axée sur les lois du marché pourrait s'avérer bénéfique pour la démocratie multipartite dans la région de transition à laquelle s'intéresse la BERD. Nous avons accordé une attention particulière aux progrès réalisés par la Banque dans la nouvelle région dénommée «partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen «(SEMED selon son acronyme anglais couramment utilisé), ainsi qu'aux relations qu'entretient la BERD avec d'autres institutions européennes.
6. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, la rapporteure a tenu des réunions bilatérales avec des agents et des administrateurs de la BERD, lesquels lui ont communiqué des renseignements utiles sur le fonctionnement et les activités de la Banque. La sous-commission sur les relations avec l'OCDE et la BERD a tenu une réunion au siège de cette dernière, situé à Londres, le 4 février 2014.

2. Contexte

7. Vingt-cinq ans après la chute du rideau de fer, les décideurs du monde entier s'efforcent toujours d'améliorer les conditions de vie dans l'ancien bloc de l'Est. Dans ce contexte, la BERD est investie d'un rôle unique. Créée en 1991 pour faciliter la transition vers une économie de marché ouverte, la BERD est la seule institution financière dont le mandat fasse clairement référence aux principes de la démocratie pluripartite, du pluralisme et de l'économie de marché. En fait, la Banque ne peut opérer que dans les pays s'étant engagés à respecter et à mettre en pratique ces principes. Au 1er juin 2014, la BERD était le plus gros investisseur dans sa région d'opérations.
8. La BERD promeut la transition vers une économie de marché en cofinançant des prêts, en investissant du capital-risque et en facilitant l'accès au marché des capitaux à des entreprises publiques ou privées qui opèrent de manière concurrentielle dans une économie de marché. L'ampleur de l'engagement de la Banque dans le secteur public ne peut cependant dépasser 40 % du montant des transactions. Pour financer ses opérations, la BERD lève des fonds sur le marché international des capitaux et notamment dans ses pays d'opérations, contribuant par là même à renforcer les marchés locaux de capitaux.
9. La Banque fournit également une coopération technique à ses clients dans le but de soutenir la préparation et la mise en œuvre de projets. Elle constitue un cas unique parmi les banques de développement, dans la mesure où ladite coopération technique revêt généralement la forme de l'octroi de subventions financées par des partenaires donateurs. Outre ses activités en matière d'investissement et de coopération technique, la BERD se consacre également à un dialogue politique avec les pays bénéficiaires, de manière à encourager les réformes économiques structurelles. Grâce à un savoir spécifique et des compétences accumulés pendant plus de 20 ans d'activité, elle est en mesure de prodiguer – en matière de politique économique – des conseils se révélant souvent décisifs au regard de l'acquisition d'une capacité institutionnelle suffisante pour favoriser l'avènement d'une économie de marché ouverte et d'une démocratie multipartite.
10. Depuis le début, la région d'opérations de la BERD comprend non seulement des pays d'Europe centrale et orientale et des Balkans, mais s'étend plus à l'Est jusqu'aux républiques d'Asie centrale. Au fil du temps, cette région s'est progressivement élargie de sorte que, au 1er juin 2014, elle englobait 35 pays. Les opérations de la BERD ont été dans un premier temps étendues à la Mongolie (2006) et à la Turquie (2009). A la suite des changements historiques intervenus en Afrique du Nord et au Proche et au Moyen-Orient, les actionnaires de la Banque ont demandé à celle-ci d'élargir sa zone de compétence géographique aux pays de la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen (SEMED), notamment l'Egypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie. D'autres pays de la SEMED ont déjà exprimé leur désir de rejoindre la Banque.
11. En novembre 2012, sans préjudice de la position des membres individuels sur le statut du Kosovo* 
			(2) 
			*Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo., la Banque a annoncé que celui-ci deviendrait à la fois membre de la BERD et bénéficiaire potentiel 
			(3) 
			BERD,
«Kosovo to become a member of the EBRD» [Le Kosovo va devenir membre
de la BERD], 16 novembre 2012.. Dans le cadre de l'assemblée générale annuelle tenue à Varsovie le 15 mai 2014, les actionnaires de la BERD sont convenus d'un élargissement supplémentaire de la zone d'opérations de la Banque. L'un des membres fondateurs, Chypre, s'est vu accorder le statut de pays bénéficiaire afin de pouvoir restructurer et rétablir son économie frappée de plein fouet par la crise financière. La Banque prévoit que son intervention à Chypre revêtira un caractère temporaire et envisage de mener ses opérations dans toute l'île, c'est-à-dire au bénéfice des deux communautés 
			(4) 
			BERD, «EBRD Shareholders
agree to temporary financing for Cyprus» [Les actionnaires de la
BERD approuvent un financement temporaire pour Chypre], 15 mai 2014..
12. Aucun pays ne peut bénéficier d'un investissement de la BERD tant qu'il n'est pas devenu actionnaire de cette banque. C'est pourquoi, suite au désir exprimé par les autorités de Tripoli de bénéficier d'investissements de la BERD, la demande de la Libye visant à devenir le 67e actionnaire de la Banque a été accueillie favorablement. La BERD a tenu à préciser que la décision de conférer à la Libye le statut de pays bénéficiaire serait prise séparément, à l'issue d'une évaluation minutieuse de l'environnement politique, économique et opérationnel du pays, sur la base de l'article 1 de l'Accord portant création de la banque (ACB).
13. Les défis économiques et financiers inhérents à la crise mondiale ont profondément affecté les perspectives de transition dans la région d'opérations de la BERD. Premièrement, la crise financière a provoqué un ralentissement durable de la croissance dans ladite région. Cette évolution a entraîné un ralentissement considérable du processus d'alignement du niveau de vie des pays concernés sur celui de l'Europe de l'Ouest. Deuxièmement, les marchés libres ont souvent été accusés d'avoir favorisé le malaise économique. Par conséquent, la crise a tempéré l'enthousiasme du public pour ces réformes dans certains pays.
14. La BERD n'ignore pas que les défis posés par la crise financière et la demande de savoir-faire et de financement émanant de la région SEMED ne font que renforcer son rôle dans le monde de l'après-crise. Au cours de l'assemblée générale annuelle de 2014, les actionnaires de la BERD ont discuté des nouvelles lignes directrices à moyen terme censées guider l'action de la Banque pour les années à venir. Forte des compétences qu'elle a acquises et des initiatives importantes qu'elle a prises au fil du temps, la BERD nourrit l'intention d'insuffler une nouvelle énergie à la politique de transition en concentrant ses efforts sur trois objectifs clés: i) soutenir la lutte des gouvernements en faveur de l'accélération de la transition par le biais d'un dialogue politique et du financement de projets cruciaux; ii) promouvoir l'intégration économique à la fois au niveau international et régional; et iii) relever des défis communs à tous les pays de la planète. Les lignes directrices à moyen terme devraient constituer un point de départ pour la discussion du document de la Banque intitulé Fifth Capital Resources Review (CRR5) [Cinquième évaluation des ressources en capital], lequel couvrira la période 2016 à 2020 et sera soumis à l'approbation des actionnaires de la Banque lors de l'assemblée générale annuelle de 2015 à Tbilissi.

3. Gouvernance et structure

15. La BERD compte 66 actionnaires, dont tous les Etats membres de l'Union européenne et deux institutions européennes, à savoir l'Union européenne (représentée par la Commission) et la Banque européenne d'investissement (BEI). De plus, certains pays développés – comme les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud, le Canada et l'Australie – situés hors d'Europe et ne faisant pas partie de la région d'opérations de la BERD sont également actionnaires. Parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe, seuls l'Andorre, Monaco et Saint-Marin ne sont pas actionnaires de la Banque.
16. La structure globale de la BERD repose sur sept axes correspondant à des priorités opérationnelles communes. La répartition du travail au sein de la Banque reflète bien sa double nature puisqu'elle est à la fois une institution financière publique et une entité opérant conformément aux principes du secteur privé. Tous les pouvoirs sont aux mains d'un conseil des gouverneurs composé d'un représentant pour chaque actionnaire, généralement un fonctionnaire du ministère des Finances ou le président de la Banque centrale. Ce conseil se réunit une fois par an et délègue la plupart de ses pouvoirs à un conseil d'administration chargé à la fois de fixer l'orientation stratégique de la Banque et de procéder à des évaluations internes. Le président élu par le conseil des gouverneurs est le représentant juridique de la BERD. Il gère les opérations de la Banque sous la supervision du conseil d'administration. Dans l'exercice de ses fonctions, il est conseillé par un comité exécutif composé de cinq vice-présidents et d'autres membres de la haute direction, dont l'économiste en chef, le conseiller général et le secrétaire général.
17. Les réunions du conseil d'administration se tiennent normalement à des intervalles de deux semaines et sont présidées par le président. Le conseil adopte des décisions formelles concernant les investissements, les tâches en matière de coopération technique, les emprunts et autres activités de la Banque. Fait important, c'est à lui qu'il appartient de veiller au respect des clauses revêtant un caractère politique énoncées dans le mandat de la Banque. A supposer que le conseil exprime de graves préoccupations quant à la conformité d'un pays, il pourrait décider de limiter l'engagement de la BERD auprès de l'Etat concerné tout en continuant à investir dans le secteur privé afin de soutenir la transition économique.
18. Cette politique – communément désignée sous le terme d'«approche calibrée» – est actuellement appliquée à deux pays: le Bélarus et le Turkménistan. Les décisions du conseil d'administration sont adoptées à la majorité, à condition que celle-ci ne représente pas moins de deux tiers des actions souscrites au capital de la Banque. Le conseil se compose de 23 administrateurs représentant chacun un ou plusieurs membres. Seuls quelques rares pays de la zone d'opérations sont directement représentés au conseil d'administration par leurs propres administrateurs. Toutefois, en avril 2013, certains gouverneurs ont demandé à revoir la composition du conseil d'administration dans le but d'accroître le poids des pays bénéficiaires. Ce processus devrait se dérouler parallèlement à la Cinquième évaluation des ressources en capital de la Banque.
19. Treize services assurent les tâches quotidiennes de la Banque. Le service Banque, finances et risque est chargé de prêter et d'emprunter, ainsi que de gérer les risques. Le Bureau du conseiller général délivre des avis juridiques et fournit un soutien opérationnel, tandis que le Bureau du secrétaire général gère les relations institutionnelles de la Banque, notamment avec ses actionnaires. Pourtant, ce sont deux services particuliers – le service de l'action extérieure et des affaires politiques (EAPA) et le Bureau de l'économiste en chef (OCE) – qui confèrent peut-être un caractère si particulier à la BERD en tant qu'institution financière.
20. Même si toutes les actions de la banque visent à promouvoir la transition, c'est au sein de ces deux services que les progrès en matière économique et politique sont suivis et évalués. L'OCE est chargé de l'analyse économique et évalue notamment l'impact potentiel des projets individuels de la Banque sur la facilitation de la transition vers une économie de marché. L'OCE évalue également l'ampleur de la transition économique au niveau des secteurs d'activité et des pays. La transition politique, quant à elle, est suivie par l'EAPA qui communique régulièrement des mises à jour et des informations relatives à l'évolution politique des pays relevant de la zone d'opérations. Son avis joue d'ailleurs un rôle déterminant sur les initiatives de dialogue politique prises par la Banque. De plus, l'EAPA est aussi chargé de gérer les activités financées par les donateurs, y compris la coopération technique avec les clients de la Banque et le dialogue politique avec les pays bénéficiaires.
21. Alors que l'EAPA et l'OCE fournissent des évaluations politiques et économiques, la tâche cruciale d'évaluation de l'efficacité de l'action de la Banque en faveur de la transition relève du service d'évaluation (EvD). Ce dernier est totalement indépendant du reste de la direction générale de la BERD et rend compte directement au conseil d'administration. Ses évaluations des performances – indépendantes et basées sur des preuves – contribuent à renforcer l'action de la BERD et sa transparence. Une part importante de sa mission consiste à évaluer après coup l'impact sur la transition des projets de la Banque, sous l'angle du renforcement du secteur privé ainsi que de l'amélioration obtenue aux niveaux institutionnel et politique. L'activité de l'EvD ne se limite toutefois pas à l'évaluation de projets individuels, puisqu'elle inclut aussi l'évaluation des stratégies, programmes et politiques de la Banque. Le document intitulé Annual Evaluation Review 
			(5) 
			BERD, «Annual Evaluation
Review» [Rapport annuel 2013], 14 mai 2014. procède d'ailleurs minutieusement à une évaluation de ce type.
22. La Banque soutient également la transition par le biais de la promotion des normes les plus élevées en matière de gouvernance d'entreprise, de transparence et d'intégrité dans sa région d'opérations. L'organe chargé de surveiller le respect de ces normes est le Bureau du chef de vérification de la conformité (OCCO). Ce bureau – qui rend compte au président et au comité d'audit du conseil d'administration – évalue l'intégrité et la transparence des clients de la Banque et mesure les risques potentiels sous l'angle de la réputation associés aux activités d'investissement de la BERD. Dans le cadre de sa mission, l'OCCO enquête sur les allégations de fraude et de corruption liées à des projets financés par la Banque. Il convient également de noter que le même bureau gère aussi le mécanisme de vérification de la conformité du projet (Project Compliant Mechanism ou PCM) qui permet à des individus et à des groupes locaux d'un pays de la zone d'opérations de soulever des griefs ou de formuler des plaintes visant des projets de la BERD. En outre, l'OCCO est également responsable de l'application des meilleures pratiques et normes internationales en matière de gestion interne de la Banque 
			(6) 
			Ibid..
23. Dans le cadre de son engagement en faveur de la démocratie et de la bonne gouvernance, la BERD consulte régulièrement toute une série d'organisations issues de la société civile. Ce dialogue porte à la fois sur des projets individuels et sur des initiatives plus larges, notamment en ce qui concerne l'analyse des principales politiques et stratégies de la Banque. En décembre 2013, la BERD a approuvé sa nouvelle Stratégie pour le secteur de l'énergie visant à encadrer les investissements de la Banque dans ce secteur pour la période 2014 à 2018. Surtout, son approbation s'inscrit dans un processus élargi de consultation de plus de 1 000 organisations, dans le cadre duquel la Banque a pris en compte et réagi aux commentaires émanant d'acteurs extérieurs 
			(7) 
			BERD,
«Energy Sector Strategy» [Stratégie pour le secteur de l'énergie],
10 décembre 2013. Le président et les membres du conseil d'administration tiennent également des réunions avec des organisations issues de la société civile et autres acteurs importants pendant leurs visites dans les pays relevant de la zone d'opérations 
			(8) 
			BERD,
«Annual Evaluation Review» [Rapport annuel 2013], 14 mai 2014..
24. Peu de temps après son élection, en 2012, le président Chakrabarti a révélé un agenda de modernisation visant à rendre l'organisation interne plus réactive aux défis en perpétuelle évolution auquel la Banque ne manquera pas d'être confrontée à l'avenir. L'initiative, baptisée One Bank, se concentre sur la nécessité de simplifier les procédures internes de la Banque et de moderniser sa culture de gestion. La Banque prévoit d'accroître encore son efficacité en adoptant plusieurs mesures, dont la réduction du personnel peu performant et des indemnités au titre du remboursement des frais de voyage et de mission. La création en 2012 de deux nouvelles vice-présidences – chargées respectivement de l'élaboration d'une politique et de la gestion des ressources humaines et des services généraux – constitue peut-être l'initiative la plus concrète en faveur de la modernisation de la Banque. Dans ce contexte, la BERD a identifié en 2013 une série de valeurs clés – professionnalisme, intégrité, leadership, innovation, diversité et travail d'équipe – susceptibles de contribuer à l'amélioration de la gestion du personnel. Cet exercice a incité la BERD à améliorer l'inclusion et la diversité au sein de son personnel grâce à l'adhésion à différents programmes et réseaux prônant la diversité et à l'introduction d'une formation obligatoire en matière de leadership inclusif. La Banque a également élargi ses critères de sélection de projets dans le but d'accroître son efficacité dans des domaines tels que l'inclusion sociale et l'égalité des chances 
			(9) 
			Ibid..
25. L'établissement d'une vice-présidence chargée d'élaborer une politique revêt une valeur à la fois symbolique et opérationnelle, dans la mesure où il constitue l'une des pièces maîtresses de la stratégie de la Banque visant à relancer la transition par le biais d'un dialogue politique élargi. Cette initiative permet de recourir au dialogue politique en vue de produire des effets de transition au-delà de projets individuels, notamment en renforçant le lien entre les investissements consentis par la BERD et les réformes économiques devant être adoptées à un niveau sectoriel plus large et au niveau du pays 
			(10) 
			Ibid.. De ce point de vue, la Banque a obtenu un succès remarquable en mai 2014 en signant avec les autorités kazakhes un Partenariat pour la relance du processus de réforme au Kazakhstan (Partnership for Re-energising the Reform Process in Kazakhstan). Le partenariat permet à la BERD, de concert avec d'autres institutions financières internationales, de canaliser $US 2,7 milliards fournis par le gouvernement vers des secteurs stratégiques de l'économie. Cette mesure accroîtra la masse critique de la Banque dans le pays et multipliera ainsi les occasions d'instaurer un dialogue politique et de fournir une coopération technique. Selon le directeur exécutif de la BERD, Olivier Descamps, le partenariat pourrait devenir un moyen privilégié de favoriser les réformes axées sur les lois du marché et, en cas de succès, servir de modèle à de nouvelles stratégies de relance visant d'autres pays à revenu moyen 
			(11) 
			BERD, «EBRD and Kazakhstan
agree historic partnership to boost reforms and investments» [La
BERD et le Kazakhstan concluent un partenariat historique en vue
de relancer les réformes et les investissements], 23 mai 2014..
26. La BERD a été critiquée récemment pour son manque de transparence. En 2013, la BERD a été classée par l'Indice de transparence de l'aide (ATI) au niveau le plus bas parmi 67 institutions financières internationales et organisations multilatérales du point de vue de la transparence. D'après ATI, la Banque «a pour points faibles les indicateurs d'engagement et les informations sur l'organisation et l'activité financières». L'Assemblée parlementaire devrait donc encourager la BERD à adhérer à l'Initiative internationale pour la transparence de l'aide (IITA) et à commencer à publier des données suivant les normes de l'Initiative.

4. Faits économiques et politiques marquants en 2013 et 2014

27. Dans son rapport annuel de 2013, la BERD relève que, depuis le début des années 2000, plusieurs pays de la région en transition ont assisté à un ralentissement de leurs progrès sur la voie de la démocratisation 
			(12) 
			BERD,
«Annual Report 2013» [Rapport annuel 2013], 14 mai 2014.. Par la suite, la crise financière a suscité un certain ressentiment à l'égard de l'économie de marché, ce qui a retardé la mise en œuvre des réformes axées sur les lois du marché. L'interrelation entre les deux processus a incité la BERD à décrire certains pays relevant de sa zone d'opérations comme bloqués à un niveau de réforme politique et économique inférieur au niveau optimal 
			(13) 
			BERD, «Transition Report
2013» [Rapport sur la transition 2013], 20 novembre 2013.. Au cours du deuxième semestre 2013 et du premier semestre 2014, le public a manifesté – dans plusieurs pays de la région de transition – son mécontentement et son désir d'une meilleure gouvernance. Le malaise social a temporairement accru l'incertitude politique ce qui, dans certains pays, s'est traduit par un ralentissement de l'activité économique. Pourtant, ces épisodes constituent par ailleurs autant d'occasions de rectifier l'agenda des réformes. Surtout, les chances de succès des efforts visant à lancer une nouvelle vague de réformes politiques et économiques dépendent également du leadership et d'un soutien extérieur. C'est dans ces domaines que la BERD conserve un rôle crucial.

4.1. La région d'opérations de la BERD enregistre un progrès démocratique tout en étant soumise à des tensions géopolitiques

28. En 2013 et 2014, l'évolution politique dans la région d'opérations de la BERD a été contrastée selon les pays. Alors que l'accroissement des tensions géopolitiques entre la Russie et l'Ukraine et les défis inhérents à la transition politique en Egypte et en Tunisie dominent l'actualité, les progrès sur la voie de la démocratisation sont tangibles dans plusieurs autres pays. La Croatie est officiellement devenue le 28e membre de l'Union européenne. En 2013, la Géorgie et la République de Moldova ont signé un accord d'association avec l'Union européenne en 2014. Des progrès notables ont également été enregistrés en Asie centrale, notamment en Mongolie et en République du Kirghizstan. En avril 2014, l'Assemblée parlementaire a accordé le statut de Partenaire pour la démocratie au Parlement kirghize.
29. Dans la région des Balkans occidentaux, le processus de réconciliation entre les différents pays se poursuit, même si les questions interethniques posent toujours un sérieux défi. En février 2014, une série de manifestations et de troubles sociaux s'est rapidement propagée en Bosnie-Herzégovine, la population réclamant la fin de l'inertie politique caractéristique de ce pays depuis la fin de la guerre. Les causes profondes de l'inaction du gouvernement doivent être recherchées dans l'équilibre constitutionnel fragile issu du processus de pacification mené après la guerre dans l'ex-Yougoslavie. Ledit processus a conduit à l'établissement d'un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs peu propice à un fonctionnement efficace de l'Etat. Dans sa stratégie par pays adoptée en janvier 2014, la BERD indique que la réforme du cadre constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine constitue une étape décisive vers la création d'un Etat plus efficace et plus démocratique 
			(14) 
			BERD, «Strategy for
Bosnia and Herzegovina» [Stratégie pour la Bosnie-Herzégovine],
15 janvier 2014..
30. En Turquie, le gouvernement a fermement réagi aux manifestations publiques traduisant le mécontentement de la population face à la démolition du parc Gezi à Istanbul en mai 2013. Cet incident a déclenché une vague de protestations dénonçant principalement des atteintes alléguées à la liberté d'expression et de réunion, laquelle a rapidement gagné le reste du pays. En décembre 2013 et pendant les premiers mois de l'année 2014, un scandale de corruption impliquant les associés de certains ministres du gouvernement a de nouveau provoqué un tollé général auquel le gouvernement a réagi en limitant provisoirement l'accès aux réseaux sociaux. Pourtant, en mars 2014, le parti au pouvoir a remporté les élections locales dans les principales villes du pays et, depuis, l'agitation sociale diminue progressivement. La BERD demeure fermement attachée à traiter les lacunes importantes à la transition qui persistent dans ce pays.
31. Malgré des progrès enregistrés en République de Moldova, l'évolution de la situation dans la Communauté des Etats indépendants (CEI) soulève des préoccupations, en particulier en ce qui concerne la corruption, le respect insuffisant de la prééminence du droit et des cas de violations des droits de l'homme signalés par les organisations internationales. L'absence de tout progrès démocratique au Bélarus et au Turkménistan est signalée comme un facteur particulièrement préoccupant dans le rapport annuel de 2013 
			(15) 
			BERD, «Annual Report
2013» [Rapport annuel 2013], 14 mai 2014.. La portée de l'engagement de la Banque dans ces deux pays se limite à certains secteurs spécifiques de l'économie et elle est évaluée par rapport à des objectifs intermédiaires (politiques et économiques) précis, dans le contexte de ce qu'il convient d'appeler la politique d'approche calibrée.
32. La BERD a réagi à l'évolution de la situation enregistrée en Ukraine pendant le premier semestre 2014 en affirmant sa volonté de renforcer à la fois son engagement financier dans le pays et les initiatives visant à instaurer un dialogue politique avec les autorités. Les investissements de la Banque dans le pays devraient augmenter pour atteindre environ 1 milliard d'euros par an dans le cadre d'un programme international d'aide financière 
			(16) 
			BERD, «EBRD steps up
lending in Ukraine as part of international support package» [La
BERD accroît ses prêts à l'Ukraine dans le cadre d'une aide internationale],
6 mai 2014.. En mai 2014, la BERD a signé un protocole d'accord avec le gouvernement en faveur de l'Initiative anticorruption ukrainienne. Le volet essentiel de ce dispositif de détection de la corruption et de renforcement de la transparence est la création d'un ombudsman commercial indépendant auprès de qui les entreprises pourraient porter plainte en cas de traitement inéquitable 
			(17) 
			BERD,
«Memorandum of Understanding for the Ukrainian Anti-Corruption Initiative»
[Protocole d'accord en faveur de l'initiative anticorruption ukrainienne],
12 mai 2014..
33. En ce qui concerne son engagement en Russie, la BERD n'a pris aucune décision formelle à propos de l'ampleur de ses opérations dans le pays après la crise de Crimée. Pourtant, on s'attend à ce que l'économie russe ralentisse en raison de l'accroissement des tensions géopolitiques. Cette évolution pourrait provoquer une réduction supplémentaire des investissements de la BERD dans le pays, lesquels étaient déjà passés de 2,6 à 1,8 milliard d'euros en raison de la détérioration des conditions d'investissement. Pendant son discours devant l'assemblée générale annuelle de 2014, le président Chakrabarti a rappelé le concept de gestion souple qui permet à la Banque de réaffecter à d'autres pays les capitaux inutilisés résultant de la diminution des investissements dans une région 
			(18) 
			Suma Chakrabarti, «The
BERD's 'focus is clear'» [La priorité de la BERD est claire], 14
mai 2014..
34. Dans la SEMED, les réformes politiques ont progressé régulièrement, non sans quelques difficultés. En Jordanie et au Maroc, le rôle des parlements élus a été renforcé par l'adoption de réformes supplémentaires. Après une période d'impasse politique, la Tunisie a fini par adopter en février 2014 une nouvelle Constitution, perçue comme une étape importante dans la transition de ce pays vers la démocratie. En Egypte, les progrès ont été plus inégaux. La période de transition politique ayant suivi le soulèvement de 2011 a été interrompue par des manifestations de masse contre le président Mohamed Morsi. La déposition de ce dernier en juin 2013 a été suivie d'une période prolongée de tensions politiques et d'agitation sociale. Une nouvelle feuille de route pour le processus de transition a finalement été adoptée en décembre 2013. Ces événements ont conduit à l'approbation d'une nouvelle Constitution dans le cadre d'un référendum organisé en février 2014 et à l'élection, fin mai 2014, d'Abdel Fattah al-Sissi en qualité de nouveau Président de la République. Des élections parlementaires se tiendront en octobre 2014. Bien que la période analysée ait été dominée par une incertitude politique, la BERD a réalisé des progrès notables dans la conduite de ses opérations dans la SEMED. Même si son statut reste celui d'un pays bénéficiaire potentiel, l'Egypte a bénéficié d'investissements réalisés par l'intermédiaire du Fonds d'investissement spécial SEMED-BERD. Parallèlement, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie se sont vu accorder le statut de pays bénéficiaire en novembre 2013. En 2011, l'Assemblée parlementaire a accordé au Parlement du Maroc le statut de Partenaire pour la démocratie, et le Parlement de Jordanie a aussi demandé ce statut.

4.2. Accroissement de l'incertitude et des risques entourant les perspectives de croissance

35. A l'exception de la Russie, la Turquie et la Pologne, la région de transition se compose de pays dotés d'une économie relativement modeste qui les rend vulnérables aux événements extérieurs. Cette faiblesse s'est révélée dans toute son ampleur au lendemain de la crise financière, lorsque la région a été atteinte de plein fouet par l'effondrement du commerce mondial et le retrait des capitaux étrangers. Alors que les échanges commerciaux ont rebondi en 2009-2010, le processus de désendettement transfrontalier (à savoir le retrait par les banques appartenant à des intérêts étrangers des fonds investis dans la région) se poursuivait encore, bien qu'à un rythme moins soutenu. Globalement, la production économique annuelle a augmenté de moins de 3 % tant en 2012 qu'en 2013. En mai 2014, en raison notamment des tensions entre la Russie et l'Ukraine, le Bureau de l’économiste en chef a prévu une baisse supplémentaire, de sorte que l'augmentation de la production ne devrait plus atteindre que 1,4 % en 2014 
			(19) 
			BERD,
«Regional Economic Prospects in EBRD Countries of Operations: May
2014» [Perspectives économiques régionales dans les pays d'opérations
de la BERD: mai 2014], 14 mai 2014..
36. Lorsqu'on analyse de plus près la dynamique de la croissance, il apparaît que, en 2013, la diminution des tensions financières dans la zone euro a bénéficié aux pays entretenant des liens étroits avec l'union monétaire. La reprise progressive de l'activité économique dans la zone euro se reflète dans l'augmentation importante des taux de croissance en Europe du Sud et de l'Est, lesquels ont atteint 2,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2013 comparés à 0,4 % en 2012. Ceci, en dépit du fait que le désendettement transfrontalier ne s'est pas arrêté dans les régions de l'Europe du Sud et de l'Est et de l'Europe centrale et balte, ce qui retarde d'autant plus la reprise du crédit. Au nombre des circonstances positives, il convient cependant de signaler que la plupart de ces financements revêtaient la forme de prêts en devises étrangères et que les prêts en devise locale – qui épargnent à l'emprunteur les risques inhérents à la fluctuation des taux de change – ont augmenté dans plusieurs pays, dont la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie et «l'ex-République yougoslave de Macédoine». L'incertitude politique continue cependant à peser fortement sur la croissance dans d'autres régions d'opérations de la BERD. En Ukraine, l'agitation sociale naissante pendant les derniers mois de l'année 2013 a contribué à miner encore davantage la confiance – déjà ébranlée – des consommateurs et des milieux d'affaires, ce qui s'est traduit par une stagnation de la production en 2013. La croissance de la production dans la région de la SEMED en 2013 s'est avérée légèrement inférieure aux prévisions en raison de bouleversements intervenus tant au niveau national que régional.
37. L'expansion économique a été freinée en Europe de l'Est et dans le Caucase, dans la mesure où la détérioration de l'environnement extérieur – limitée auparavant à la partie occidentale de la région de transition – a gagné sa partie orientale. Cette tendance traduit principalement l'évolution de l'économie mondiale. En mai 2013, la Réserve fédérale américaine a annoncé son intention de réduire prochainement ce qu'il est convenu d'appeler le programme d'assouplissement quantitatif, à savoir un mécanisme d'achat massif d'avoirs déclenché cinq ans auparavant en réaction à la crise financière. L'assouplissement quantitatif ayant contribué à accroître les flux de capitaux à court terme vers les économies de marché émergentes, la simple annonce de sa réduction partielle a provoqué une volatilité des marchés financiers des pays concernés et une inversion des flux financiers. En raison notamment de l'incertitude accrue entourant les futures variations de la politique monétaire internationale, les principaux marchés émergents – au nombre desquels il convient de citer la Chine, l'Inde et la Russie – ont connu une baisse de leur activité économique, ce qui a contribué à une réduction de la demande extérieure dans les pays voisins. Au cours du troisième trimestre 2013, les flux de capitaux privés sont devenus négatifs dans la région de la BERD. La volatilité accrue et l'inversion des flux de capitaux se reflètent particulièrement dans la dépréciation des devises des pays qui dépendaient des flux en provenance de l'étranger, comme la lire turque et le tögrög mongol, lesquelles ont perdu environ 15 % de leur valeur par rapport au dollar des Etats-Unis au cours de la période de sept mois allant du 13 mai au 13 décembre 2013.
38. A l'exception de l'Europe du Sud et de l'Est et de la SEMED, qui devraient bénéficier de la reprise en Europe, les perspectives de croissance économique en 2014 et en 2015 dans la région de transition sont assombries par les tensions géopolitiques entre l'Ukraine et la Russie. La volatilité des marchés financiers augmente au fur et à mesure que la crise de Crimée s'envenime. Le montant des capitaux ayant fui la Russie au cours du premier trimestre 2014 équivaut au montant total des capitaux sortants pour l'ensemble de l'année 2013. La pression à la baisse sur le rouble russe s'accroît, tandis que la bourse de Moscou plonge. En conséquence, la confiance des investisseurs et des milieux d'affaires diminue et, selon les prévisions, la croissance économique devrait cesser en 2014 et demeurer faible en 2015. En Ukraine, la dépréciation de la devise et la détérioration des indicateurs de risque n'ont connu qu'un faible répit début mai 2014 lorsque le gouvernement a signé un accord préliminaire sur un programme international d'ajustement macro-économique dirigé par le Fonds monétaire international (FMI). En raison de la mise en œuvre des réformes structurelles envisagées dans le programme, l'Ukraine devrait voir sa production nettement baisser en 2014 et stagner en 2015.
39. L'accroissement des tensions géopolitiques entre la Russie et l'Ukraine aura probablement également des répercussions sur les pays voisins. La région de l'Europe du Sud et de l'Est devrait souffrir directement des conséquences négatives sous l'angle économique et financier. Le Bureau de l'économiste en chef a révisé à la baisse, en mai 2014, ses prévisions de croissance dans la région pour 2014 lesquelles sont passées de 2 % à -2,6 % du PIB 
			(20) 
			Ibid.. Dans la région de l'Europe centrale et balte, l'accroissement des tensions géopolitiques devrait neutraliser l'effet positif de la reprise de la demande extérieure en provenance de la zone euro et des premiers signes d'une reprise des investissements privés. La crise de Crimée pourrait affecter la croissance dans la région, essentiellement par le biais des liens commerciaux avec la Russie et, aussi, parce que certaines préoccupations en matière de sécurité énergétique se font jour, notamment en raison des incertitudes entourant l'approvisionnement en gaz. La croissance prévue par la BERD dans la région de l'Europe centrale et balte est de 2,2 % du PIB en 2014. Dans la région de l'Asie centrale, les perspectives ont été assombries par deux facteurs: la diminution des transferts de fonds en provenance de Russie et la contagion sur les marchés financiers et monétaires, laquelle transparaissait déjà dans la dévaluation des devises des pays entretenant des liens étroits avec la Russie, comme la République du Kirghizstan et le Kazakhstan. Toutefois, la BERD estime toujours que la croissance dans la région d'Asie centrale atteindra en moyenne 6,2 % en 2014 
			(21) 
			Ibid..
40. En ce qui concerne la politique macro-économique, l'évolution dans la région de transition en 2013 et 2014 reflète des tendances globales plus importantes. La politique monétaire demeure conciliante dans la plupart des pays d'opérations de la BERD, grâce notamment aussi à la diminution du taux d'inflation. Cette diminution s'explique à son tour par l'abaissement des prix des produits de base, une croissance plus faible dans les principaux marchés émergents et un fort taux de chômage dans les économies développées. Parmi les exceptions notables, il convient de citer la Russie et la Turquie dans lesquelles l'inflation demeure supérieure à l'objectif que s'est fixé la Banque centrale. Les preuves en matière de politique fiscale sont moins évidentes. Tous les Etats membres de l'Union européenne continuent de déployer des efforts de consolidation en vue de se conformer aux règles fiscales communautaires. Toutefois, le solde primaire – une mesure de la position budgétaire du gouvernement – s'est détérioré dans certains pays en raison d'une diminution des recettes due à un ralentissement de l'activité économique. Le solde primaire s'est également détérioré dans plusieurs pays exportant des matières premières en raison d'une réduction des revenus générés par ces activités. Les déficits fiscaux sont demeurés relativement importants en Egypte et en Tunisie en raison d'une augmentation des dépenses et de l'incapacité des pouvoirs publics à réformer les régimes de subventionnement de l'énergie.

5. Réaction de la BERD à l'essoufflement de la transition

5.1. Conséquence du ralentissement de la croissance: soutien plus mitigé du public aux réformes axées sur les lois du marché

41. La période prolongée de croissance ralentie ayant suivi la crise financière mondiale a profondément affecté les chances de la région de transition de la BERD de s'aligner sur le niveau de vie des économies de marché avancées. La principale raison économique pour laquelle la croissance dans la région est tombée et demeure au-dessous des niveaux antérieurs à la crise est bien comprise et tient au déclin persistant des flux de capitaux internationaux affluant dans la région. Selon le Bureau de l'économiste en chef, pourtant, le remède à ce malaise économique ne saurait tenir à un retour des flux de capitaux au niveau antérieur à la crise, dans la mesure où ledit niveau correspondait souvent à celui de bulles d'investissement insoutenables à terme. La BERD est donc davantage préoccupée par l'absence de volonté politique de mettre en œuvre les réformes structurelles essentielles pour améliorer les institutions propices au développement des marchés et renouer avec la croissance. Comme indiqué dans le rapport sur la transition de 2013, les réformes s'étaient déjà essoufflées à compter de 2005, soit avant l'éclatement de la crise financière, et la période de croissance ralentie ayant suivi ladite crise reflète ce problème plus structurel 
			(22) 
			BERD,
«Transition Report 2013» [Rapport sur la transition 2013], 20 novembre
2013..
42. L'augmentation du chômage de longue durée apportée par la crise et la période prolongée d'austérité budgétaire souvent prônée par des organismes supranationaux ont érodé la confiance du public dans les réformes axées sur les lois du marché. Une partie des pays les plus avancés de la région de transition ont même inversé leur réforme. Par exemple, la Hongrie et la Bulgarie ont abaissé le tarif de certains services publics, ce qui s'est traduit par une chute des prix de l'énergie à des niveaux inférieurs à celui qui permettrait de recouvrer les coûts. Une telle situation pourrait décourager les investissements dans le secteur et faire peser le risque d'une baisse de la compétitivité économique. Des retards dans les privatisations, la renationalisation de banque et l'ingérence accrue de l'Etat dans l'économie sont autant d'initiatives allant dans ce sens adoptées dans plusieurs pays, dont la Russie, l'Ukraine, le Kazakhstan et la Lettonie. En Pologne et en Hongrie, le marché des capitaux a souffert de l'adoption par le gouvernement d'une législation éliminant de fait la partie du régime de retraite financée intégralement par des capitaux privés.
43. Le Bureau de l'économiste en chef a élaboré ce qu'il est convenu d'appeler des indicateurs de transition, afin d'évaluer le passage à une économie de marché ouverte. Au niveau national, il a procédé à 11 rétrogradations dans la région de transition de la BERD entre 2010 et 2013, dont six visaient des Etats membres de l'Union européenne. Pendant l'année 2013, le nombre des rétrogradations a dépassé celui des promotions dans la région pour la première fois depuis l'établissement de la Banque 
			(23) 
			Ibid.. Le fait que la majorité des rétrogradations ait affecté les pays les plus avancés n'est pas totalement surprenant. En raison des liens étroits avec l'Europe de l'Ouest, la crise s'est surtout fait sentir dans les régions de l'Europe centrale et balte et de l'Europe du Sud et de l'Est. En outre, dans bon nombre de ces pays, la crise semble avoir été attribuée aux institutions économiques qui prévalaient à l'époque, ce qui explique les préventions à l'encontre du libre marché. Pourtant, les réformes structurelles étaient perçues comme un élément crucial de la stratégie visant à parvenir à une convergence. A en croire les prévisions à long terme établies par le Bureau de l'économiste en chef, si les pays avaient relancé leur réforme, ils auraient pu accroître leur croissance annuelle dans une proportion variant entre 0,8 % et 1,5 % du PIB à long terme. Le défi inhérent à une telle politique peut se résumer comme suit: pour relancer la croissance, il est nécessaire d'aiguiser l'appétit de réformes structurelles. Toutefois, ceci devrait se faire au cours d'une période pendant laquelle le soutien en vue de telles réformes diminue, précisément en raison du ralentissement de la croissance.

5.2. Redynamiser la transition: lignes directrices à moyen terme et cinquième évaluation des ressources en capital de la Banque

44. Pendant l'assemblée générale annuelle de 2014, le président Chakrabarti a dévoilé une approche reposant sur trois piliers – élaborée conjointement par le conseil d'administration et la haute direction – en vue de redynamiser la transition dans la région de la BERD. Cette approche relève d'une stratégie plus complète connue sous le nom de «lignes directrices à moyen terme» [medium-term directions] formant la base de la discussion autour de la Fifth Capital Resources Review [Cinquième évaluation des ressources en capital de la Banque] et couvrant la période allant de 2016 à 2020. Lors de la présentation de ces lignes, le président Chakrabarti a souligné que, pour être la plus efficace possible la Banque est tenue d'affiner son modèle commercial; il a aussi explicitement mentionné la nécessité d'accroître la capacité de prise de risque de la BERD 
			(24) 
			Suma
Chakrabarti, «La priorité de la BERD est claire», 14 mai 2014..
45. La nouvelle stratégie s'articule autour de trois axes majeurs. Le premier vise la nécessité de rendre résilient le processus de transition, surtout sous l'angle des institutions et des structures économiques. La BERD comprend parfaitement la nécessité de réveiller l'intérêt pour les réformes basées sur les lois du marché pour faciliter la transition. En définitive, cependant, c'est aux gouvernements qu'il appartient d'adopter les politiques requises en ce sens. Pourtant, la Banque a toujours un rôle décisif à jouer dans la formulation et la promotion de ces politiques. En outre, grâce à sa longue expérience acquise dans la région, elle occupe une position privilégiée lui permettant de repérer et de financer les projets susceptibles d'avoir un impact durable sur la transition, dès lors que des politiques et des institutions appropriées ont été mises en place. Les lignes directrices à moyen terme visent précisément ces deux éléments – la formulation de réformes politiques et le financement de projets essentiels – dans le but de permettre à la Banque de contribuer à l'amélioration des structures et des institutions économiques 
			(25) 
			Ibid..
46. Le deuxième objectif des lignes directrices à moyen terme est de renforcer l'intégration économique dans la région de transition. Outre qu'elle contribuerait à relancer la croissance, une telle intégration pourrait aider à prévenir l'inversion du processus de transition, dans la mesure où le coût de l'annulation d'une réforme est plus important dans les économies davantage interconnectées. Concrètement, la Banque pourrait intervenir dans ce secteur de deux manières: en finançant des projets visant à développer les infrastructures transfrontières et en introduisant de nouveaux investisseurs internationaux dans la région.
47. Enfin, la nécessité de relever des défis communs à tous les pays de la planète – comme la sécurité alimentaire, le changement climatique, la raréfaction de l'eau et la sécurité énergétique – constitue le troisième axe essentiel de la stratégie 
			(26) 
			Ibid.. La BERD s'est déjà confrontée à ces défis et a pour ambition de renforcer son engagement. C'est ainsi qu'elle a réagi à l'augmentation des prix des denrées alimentaires entre 2010 et 2012 en augmentant ses investissements dans le secteur agroalimentaire. En outre, dans le but de réduire les émissions de carbone et de rendre les pays de la région d'opérations plus efficaces et indépendants sur le plan énergétique, la BERD a lancé en 2006 une politique dite Sustainable Energy Initiative [Initiative pour une énergie durable] dans le cadre de laquelle elle a investi 13,5 milliards d'euros dans divers projets dans le secteur de l'énergie durable entre 2006 et 2013.
48. Les lignes directrices à moyen terme ne se limitent pas aux trois thèmes mentionnés ci-dessus. Un élément important de la nouvelle stratégie vise la répartition géographique planifiée des activités de la Banque. A cet égard, lesdites lignes reflètent un consensus sur l'abandon progressif des investissements dans les sept pays bénéficiaires de la BERD ayant rejoint l'Union européenne en 2004, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la «politique de graduation». Il n'est pas précisé cependant si cette sortie est censée se produire pendant la période couverte par la cinquième évaluation des ressources en capital de la Banque. Afin de rendre le processus de graduation à la fois plus facile et politiquement attrayant, la Banque œuvre également à la création d'un Fonds spécial de post-graduation auquel ces pays pourront accéder après avoir été gradués en vue d'obtenir un financement pour des projets d'investissement transfrontières. Ce fonds bénéficiera également à la République tchèque, c'est-à-dire le seul membre de la BERD ayant été effectivement gradué en 2007. Alors que la BERD compte réduire progressivement le volume de ses opérations dans la partie occidentale de la région de transition, les lignes directrices à moyen terme maintiennent l'orientation générale vers un accroissement des opérations dans les parties orientale et méridionale de ladite région. Enfin, la nouvelle approche en matière de répartition géographique planifiée vise également à accroître la souplesse avec laquelle la Banque peut réagir aux transformations de l'environnement économique dans la région. Soulignons que la détermination de l'ampleur de cet accroissement de la souplesse se fait toujours sous l'égide du conseil d'administration.
49. La Banque travaille aussi actuellement à la modernisation de son processus de planification. Concrètement, ce processus consiste à adopter tous les trois ans un Plan de mise en œuvre stratégique (Strategic Implementation Plan ou SIP). A l'heure actuelle, les lignes directrices résumant les activités de la banque à moyen terme sont exposées dans un document intitulé «Evaluation des ressources en capital de la Banque» (Capital Resource Review ou CRR) couvrant une période de cinq ans, tandis que les modalités de leur mise en œuvre sont définies dans le Plan d'activités annuel (Annual Business Plan ou ABP). L'inconvénient de cette approche tient à ce qu'elle ne permet guère de modifier l'orientation stratégique. Par conséquent, dans certains cas, la Banque a dû s'écarter de son plan original tel qu'il est exposé dans la CRR. L'exemple le plus notable est celui du report de la sortie des pays bénéficiaires ayant rejoint l'Union européenne en 2004 de la liste des pays aidés par la BERD, laquelle était initialement prévue pour la période couverte par la Troisième évaluation des ressources en capital de la Banque (2006-2010). La réforme visait à assouplir le processus de planification en autorisant l'insertion dans le SIP d'une partie des tâches normalement répertoriées dans la CRR et l'ABP de manière à alléger ces deux derniers documents. Une telle mesure atténuerait le caractère normatif de la CRR et contribuerait ainsi à améliorer l'alignement des priorités de la Banque sur les contraintes résultant de l'environnement dans lequel elle opère.

6. Progrès démocratique des pays bénéficiaires

50. En février 2013, la BERD a révisé ses processus et procédures relatifs à la mise en œuvre des aspects politiques de son mandat. Les opérations de la Banque – conçues pour favoriser le développement du secteur privé et réduire les écarts en matière de transition économique – n'assurent qu'indirectement la promotion de la transition démocratique. Il s'ensuit que la Banque n'évalue ni les contributions potentielles ni l'impact des projets individuels sur le renforcement de la démocratie multipartite. Néanmoins, le progrès démocratique est reconnu comme étant étroitement lié à l'objectif principal des opérations de la BERD, à savoir promouvoir la transition vers une économie de marché ouverte. Pour cette raison, les évaluations politiques font partie intégrante des stratégies triennales par pays et des mises à jour annuelles desdites stratégies.

6.1. La réforme axée sur les lois du marché contribue-t-elle à promouvoir la démocratie? La théorie à l'épreuve des faits dans la région de transition

51. La réforme axée sur les lois du marché est généralement censée avoir de profondes implications politiques et institutionnelles. Plus spécialement, le développement économique est souvent associé à la consolidation des institutions démocratiques et au renforcement des capacités institutionnelles. Cela étant, transition économique et transition démocratique ne vont pas toujours de pair. En particulier, même si la corrélation entre développement économique et démocratie est actuellement étroite, elle n'implique pas pour autant une relation de cause à effet.
52. Dans la mesure où le mandat de la BERD consiste à favoriser la transition vers une économie de marché ouverte dans les pays s'étant engagés à respecter les principes de la démocratie multipartite, la nature de la relation entre développement économique et politique est devenue extrêmement pertinente. Si les transitions économiques et politiques étaient connues pour être deux processus distincts, d'aucuns pourraient s'attendre à ce que la BERD opère uniquement dans les pays appliquant déjà les principes de la démocratie multipartite. Par ailleurs, au cas où la réforme axée sur les lois du marché devrait faciliter la transition politique vers un système plus démocratique, la BERD pourrait légitimement vouloir opérer également dans les pays non démocratiques. En réalité, la Banque déploie ses activités à la fois dans des pays pleinement démocratiques – comme ceux ayant déjà adhéré à l'Union européenne – et dans d'autres où la démocratie n'est pas encore totalement instaurée, comme le Bélarus et le Turkménistan, ce qui semblerait suggérer que la transition politique est censée découler du développement économique.
53. Lors de la réunion de la sous-commission sur les relations avec l'OCDE et la BERD qui s'est tenue au siège de la Banque en février 2014, nous avons en particulier interrogé la Banque sur son point de vue concernant le fait qu'elle aide des pays qui n'œuvrent pas en faveur de la démocratie et donne une crédibilité à certains pays qui ne la méritent pas. Il nous a été répondu que si le but de la Banque n'était pas de promouvoir la démocratie et si démocratie et économie de marché n'allaient pas toujours de pair, la Banque souhaitait toutefois la convergence de ces pays à long terme. Il nous a aussi été indiqué que le conseil d'administration de la Banque estimait que ce ne serait pas aider ces pays que de leur tourner le dos.
54. L'édition 2013 du rapport sur la transition consacre un chapitre entier à l'analyse d'ouvrages et de documents expliquant la relation entre les marchés et la démocratie et à la question de savoir si les principales conclusions énoncées par les auteurs peuvent s'appliquer à la région de transition. Une bonne partie de cette littérature prétend, statistiques à l'appui, que la prospérité, l'industrialisation, l'urbanisation et l'éducation sont associées au renforcement des systèmes démocratiques. Sur la base de cette conclusion, les tenants de la théorie bien connue de la modernisation considèrent le développement économique -exprimé en termes de niveau de revenu par habitant – indispensable à la création d'une classe moyenne aisée et politiquement active en mesure d'exiger et d'appuyer une réforme démocratique. L'une des autres voies importantes par lesquelles le développement économique est supposé bénéficier à la démocratisation est le taux supérieur de réussite scolaire caractéristique des pays dotés d'un PIB plus important par habitant, la raison tenant à ce que l'éducation influence positivement la perception de la démocratie par les individus.
55. Par ailleurs, une autre école de pensée maintient que c'est l'égalité économique, plutôt que le développement économique en soi, qui favorise l'avènement et le maintien de systèmes démocratiques. En particulier, dans un pays où l'inégalité règne en maître, la petite minorité contrôlant l'essentiel des richesses préfère un régime autoritaire servant ses intérêts plutôt qu'un régime démocratique défendant les intérêts de la majorité de la population. Cette thèse s'appuie bien entendu sur l'hypothèse selon laquelle la majorité moins bien lotie ferait tout pour obtenir une redistribution des richesses en votant pour des partis défendant ses intérêts et pour exiger une réforme du système fiscal, à supposer qu'elle puisse faire entendre sa voix comme c'est le cas dans les systèmes démocratiques 
			(27) 
			BERD, «Transition Report
2013» [Rapport sur la transition de 2013], 20 novembre 2013..
56. En recourant à des données internationales, le rapport sur la transition de 2013 procède à une enquête empirique sur la relation entre développement économique et développement démocratique avant de conclure que la réforme axée sur le marché et la croissance économique semble globalement bénéficier à la démocratisation à long terme et réduire le risque d'une régression par rapport à l'acquis démocratique. Cette conclusion est plus nuancée au vu des éléments spécifiques en provenance de la région de transition. Pendant une longue période, l'impact de la croissance économique sur le renforcement de la démocratie est demeuré faible. Cela n'a rien d'étonnant dans la mesure où la plupart des pays situés dans la région de la BERD ont connu pendant cette époque un développement économique tout en relevant d'Etats ou d'empires non démocratiques jusqu'en 1989. La situation change du tout au tout lorsqu'on examine uniquement la période comprise entre 1989 et 2012. Le rapport sur la transition de 2013 estime que le succès des pays étant parvenus à renforcer leur démocratie est dû en grande partie à une croissance économique ralentie, et peut-être plus encore à l'adoption de réformes axées sur les lois du marché. Il convient de noter que le niveau d'égalité économique – tel qu'il est mesuré par le coefficient de Gini – ne semble pas jouer un rôle déterminant 
			(28) 
			Ibid..
57. Plusieurs mises en garde s'imposent néanmoins. Globalement, les pays dotés de ressources naturelles importantes ont moins de chance d'arriver à un système démocratique, même après avoir réussi leur développement économique. Cette règle vaut également pour la région de la BERD dans laquelle les pays où le secteur de l'extraction de ressources naturelles représente une part importante du PIB ont atteint un niveau de démocratie largement inférieure à celui auquel on pourrait s'attendre contenu de l'état de développement de leur économie. Les revenus importants générés par le secteur de l'extraction rendent les autorités moins dépendantes du régime fiscal pesant sur l'ensemble de la population, ce qui se traduit par une diminution des pressions en faveur d'une responsabilité accrue à l'égard des contribuables et notamment de la création d'institutions plus démocratiques.
58. En outre, ces revenus importants permettent aux autorités de maintenir un consensus en procédant à une redistribution par le biais de l'octroi de subventions à la population, ce qui se traduit par un affaiblissement des revendications en faveur d'une réforme politique. La banque devrait donc particulièrement tenir compte, au moment d'élaborer sa politique, du fait qu'une partie de ces pays bénéficiaires sont dotés de stocks importants de ressources naturelles, ce qui pourrait entraver leur progrès démocratique. L'engagement de la Banque dans ces pays se concentre particulièrement sur le renforcement des capacités institutionnelles, par le biais de l'encouragement au dialogue politique et à la diversification économique, dans le cadre du financement de projets visant des secteurs autres que ceux liés aux activités d'extraction des ressources naturelles: une orientation cruciale pour renforcer les autres secteurs de l'économie et contribuer ainsi à réduire la dépendance de la population à l'égard des subventions financées par les revenus générés par lesdites activités. Le développement d'institutions solides est essentiel afin de garantir que les revenus exceptionnels provenant des activités d'extraction soient utilisés pour financer des investissements productifs qui sont bénéfiques à la croissance économique, plutôt que pour une redistribution basée sur un consensus.
59. Le rapport sur la transition de 2013 conclut que les effets du développement économique sur le processus de démocratisation ne se feront concrètement sentir probablement qu'au bout de 10 à 20 ans. A court terme, la croissance économique pourrait même accroître les chances de survie des régimes non démocratiques. Par conséquent, les tenants du développement international doivent faire preuve de patience et de persévérance dans leur soutien aux réformes axées sur les lois du marché, dans la mesure où un tel effort ne peut porter ses fruits sous l'angle de la promotion du progrès démocratique que de manière graduelle 
			(29) 
			Ibid..

6.2. Degré de transition atteint par les pays bénéficiaires en fonction du nombre d'investissements réalisés par la BERD

60. L'absence d'évaluation de la contribution potentielle des projets individuels à la démocratisation complique l'établissement d'une relation de cause à effet entre le volume des investissements de la BERD dans un pays bénéficiaire et le degré de transition atteint par celui-ci. Par ailleurs, une simple comparaison des indicateurs pertinents de gouvernance démocratique entre 1992 et 2012 laisse à penser que quelques pays – qu'ils soient situés ou non dans la région d'opérations de la BERD – ont connu des changements significatifs de leur niveau de démocratie.
61. Le tableau de la figure 1 montre l'évolution du niveau de démocratie, tel qu'il a été mesuré dans le cadre du projet Polity entre 1992 et 2012, à la fois pour les pays en transition et les autres. Ce projet fournit des séries de données couramment utilisées dans les recherches en sciences sociales. Son analyse porte sur la catégorie d'administration politique la plus formelle, c'est-à-dire sur le fonctionnement des Etats dans le système mondial moderne. La démocratie est définie comme la présence de trois éléments indépendants: l'existence d'institutions et de procédures permettant aux citoyens d'exprimer de manière effective des préférences entre des politiques et des dirigeants; l'existence de contraintes sur l'exercice du pouvoir par l'exécutif; la garantie des libertés civiles.
62. Les conclusions du projet Polity sur le niveau de démocratie des Etats reposent sur l'évaluation de: i) la compétitivité du recrutement de l'exécutif; ii) l'ouverture du recrutement de l'exécutif; iii) l'existence de contraintes pour le chef de l'exécutif et; iv) la compétitivité de la participation politique. Un score Polity compris entre -10 et +10 est défini chaque année et pour chaque pays. Les valeurs comprises entre -10 et -6 caractérisent les autocraties, entre -5 et 5, les anocraties et entre 6 et 10, les démocraties. Les pays situés au-dessus de la ligne pointillée ont connu un renforcement de la démocratie; dans les autres, la situation de la démocratie s'est dégradée. Le Turkménistan et l'Ouzbékistan étaient déjà si peu démocratiques en 1992 que la situation ne pouvait s'aggraver, et ils ont donc conservé leur position tout en bas de l'échelle. Le Bélarus, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan, dans cet ordre, ont connu les pires évolutions, le Bélarus chutant de 15 points (+7 à -7). Le Kirghizistan a connu l'une des évolutions les plus positives, passant de -3 à +7.

Figure 1: Evolution du niveau de démocratie entre 1992 et 2012

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Source: Rapport de 2013 de la BERD sur la transition, p. 26

63. En 1992, la démocratie s'était déjà renforcée dans la plupart des pays qui allaient adhérer par la suite, en 2004, à l'Union européenne, ce qui explique qu'ils n'ont pas pu procéder à des améliorations notables au cours de la période considérée. Le fait que la démocratie se soit propagée dans la partie occidentale de la région de transition peu après la chute du mur de Berlin n'est guère surprenant. Dotés d'une population disposant d'un niveau d'instruction élevé et d'une économie largement fondée sur la production de biens manufacturés, lesdits pays disposaient déjà d'un environnement propice au renforcement de la démocratie. La chute du mur a donc constitué pour eux une chance de procéder à une transition politique ordonnée. On peut faire une analyse analogue pour les pays du Sud et de l'Est de l'Europe, dont la transition démocratique a résulté essentiellement d'un choc important tel que la dissolution de l'ancienne Yougoslavie. Par ailleurs, la Russie et l'Ukraine ont débuté avec des indicateurs démocratiques relativement élevés en 1992, mais ne sont pas parvenues à progresser davantage. Cette situation pourrait constituer un exemple de la manière dont une alliance entre l'ancienne élite et une nouvelle classe d'entrepreneurs politiques est parvenue à conserver ou à acquérir le contrôle des secteurs stratégiques de l'économie, notamment ceux basés sur l'extraction de ressources naturelles.
64. Les républiques d'Asie centrale constituent peut-être le cas le plus intéressant à analyser. Ces pays n'ont amorcé leur transition qu'avec un niveau de développement démocratique faible et une économie reposant largement sur l'agriculture et l'extraction de ressources naturelles. Certains, comme l'Ouzbékistan et le Turkménistan, n'ont expérimenté quasiment aucun changement, tandis que d'autres (comme la Mongolie et la République du Kirghizstan) ont réalisé des progrès importants ou bien ont reculé (c'est le cas notamment du Kazakhstan et de l'Azerbaïdjan). Sauf en ce qui concerne la République du Kirghizstan, le taux d'investissement de la BERD dans la région d'Asie centrale semble être corrélé d'une certaine manière aux performances démocratiques des pays concernés.
65. Fait primordial, la Mongolie bénéficie du taux d'investissement le plus important de la BERD pour la région de transition, puisque la Banque y a investi en moyenne 32 € par an et par personne au cours des huit années où elle a opéré dans le pays. A titre informatif, elle n'a investi pendant la même période qu'un euro en Ouzbékistan et deux euros au Turkménistan. Un fort taux d'investissement annuel par habitant – compris entre 18 (en Slovénie) et 29 euros (au Monténégro) – caractérise également les pays de la région de l'Europe du Sud et de l'Est qui ont tous vu leurs indicateurs démocratiques progresser entre 1992 et 2012. Au Bélarus, en Azerbaïdjan et au Kazakhstan, c'est-à-dire les pays ayant connu l'évolution la plus négative sous l'angle de leurs indicateurs démocratiques, le taux d'investissement de la BERD a été de 7, 10 et 14 euros par an, respectivement.
66. Ces chiffres indiquent effectivement, dans une certaine mesure, l'existence d'une corrélation positive entre les investissements de la Banque dans les pays bénéficiaires et les progrès démocratiques réalisés par ces derniers. Il convient cependant de souligner qu'il s'agit là de chiffres approximatifs ne tenant pas compte de certains aspects importants comme la taille économique des pays et les problèmes potentiels de causalité renversée 
			(30) 
			Ces chiffres ont été
obtenus en divisant le total des investissements – réalisés par
la BERD jusqu'en 2013 – dans un pays par la population moyenne de
celui-ci au cours de la période pendant laquelle la Banque y a mené
les opérations et le nombre d'années de présence de celle-ci dans
ledit pays. Source des données: BERD et Banque mondiale.. Ils ne sauraient par conséquent être invoqués pour déduire une relation de cause à effet entre les investissements de la BERD et les progrès démocratiques.

7. Considérations spécifiques aux activités de la BERD

7.1. Opérations dans la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen: première évaluation

67. La percée politique survenue dans les pays de la SEMED en 2011 est davantage le résultat d'un processus interne que d'une évolution induite par des interventions extérieures. Après une longue période de régime non démocratique, des manifestations de masse en faveur d'une plus grande égalité des chances ont amené une ère de changement. Les événements qui ont suivi ont constitué une occasion unique de favoriser à la fois le développement économique et politique.
68. Le succès du processus de transition dépend cependant de plusieurs facteurs. Les problèmes auxquels est confrontée la nouvelle région de transition diffèrent considérablement de ceux auxquels se sont heurtés certains pays d'Europe orientale dans les années 1990, ce qui confère à l'évolution de la SEMED un caractère unique aux yeux de la BERD. Le stock de capital humain dans la région est légèrement inférieur au niveau qui était celui des pays d'Europe centrale et balte et des pays du Sud et de l'Est de l'Europe au moment où ils ont entamé leur transition. Une telle situation pourrait accroître les délais nécessaires à la consolidation des institutions politiques, juridiques et économiques indispensables au renforcement du développement. En outre, les jeunes chômeurs constituent une portion importante de la population dans la SEMED, ce qui fait peser un risque accru d'inversion des réformes politiques au cas où ces personnes auraient le sentiment de ne pas être suffisamment prises en compte dans le processus de transition.
69. Par ailleurs, le développement du secteur privé, notamment celui des petites et moyennes entreprises (PME), et la modernisation des infrastructures, ainsi que des systèmes de distribution de l'énergie, constituent deux domaines ayant un fort impact potentiel sur la transition, domaines dans lesquels la BERD pourrait jouer un rôle important. L'accès des femmes au marché du travail et des questions plus spécifiques relevant de la parité entre les sexes constituent un autre domaine de la transition où les écarts sont particulièrement manifestes. Dans ce domaine, la Banque a récemment ajouté l'inclusion économique à sa liste de critères d'évaluation de la transition. Cette inclusion – comprise comme l'élargissement des chances accordées aux individus, quelle que soit leur situation personnelle ou sociale – pourrait contribuer à renforcer la participation des femmes et des jeunes au marché du travail.
70. Sur la base de la décision des actionnaires d'élargir la compétence géographique de la Banque à l'Egypte, au Maroc, à la Tunisie et à la Jordanie, la BERD a effectué un travail préliminaire afin d'identifier les priorités de ces pays et, depuis 2011, maintient un contact avec les parties prenantes. En 2012, le conseil des gouverneurs a affecté 1 milliard d'euros – prélevé sur le revenu net de la Banque – au Fonds d'investissement spécial BERD-SEMED en vue de réaliser des premiers investissements dans la région. Une fois le statut de pays bénéficiaire potentiel accordé à l'Egypte, à la Tunisie, à la Jordanie et au Maroc, le premier projet visant la région de la SEMED a été approuvé en décembre 2012. En novembre 2013, la Tunisie, la Jordanie et le Maroc se sont vu accorder le statut de pays bénéficiaire, alors que l'Egypte conserve celui de pays bénéficiaire potentiel. En outre, la Banque a ouvert des bureaux de liaison à Tunis, au Caire, à Casablanca et à Amman afin de maintenir un contact permanent avec les autorités compétentes et les milieux d'affaires des pays visés.
71. Trois ans après le Printemps arabe, la BERD est pleinement engagée dans la nouvelle région de transition et nourrit l'intention de renforcer sensiblement ses engagements financiers et institutionnels. Il est crucial qu'elle poursuive également un dialogue politique avec les autorités, de manière à renforcer l'environnement juridique. Globalement, en 2013, la BERD a investi 449 millions d'euros dans 21 opérations dans la région. La Banque, cependant, prévoit de porter son volume d'investissement à 2,5 milliards d'euros d'ici 2015. Elle a identifié cinq domaines d'action prioritaires: i) soutien au renforcement des PME, afin d'accroître l'impact sur la croissance et la création d'emplois; ii) augmentation de la chaîne de valeur de l'agroalimentaire grâce à une amélioration des rendements, de la logistique et de l'utilisation efficace des ressources; iii) soutien aux institutions financières sous l'aspect d'un renforcement des capacités et de la création de produits innovants; iv) encouragements prodigués aux gouvernements afin qu'ils libéralisent progressivement le secteur de l'énergie et introduisent dans l'économie des pratiques propices à une utilisation rationnelle et durable de l'énergie; et v) modernisation des infrastructures, notamment grâce au recours à la décentralisation des services municipaux et à l'implication du secteur privé.

7.2. Relations entre la BERD et les institutions européennes

72. Depuis son établissement, la BERD a toujours accordé une importance particulière au maintien de ses relations avec les autres organisations internationales, notamment les institutions européennes. C'est ainsi que la Banque entretient des contacts réguliers avec le Conseil de l'Europe, la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) et la Commission européenne. La relation entre la BERD et le Conseil de l'Europe vise à surveiller les progrès démocratiques enregistrés en Europe centrale et de l'Est. De plus, en octobre 2013, la BERD et la CEB ont conclu un accord bilatéral prévoyant l'échange régulier d'informations afin de faciliter la collaboration dans les domaines où leurs mandats respectifs se chevauchent et d'accroître l'impact de leur action dans les pays où chacune des deux banques mène des opérations. Lorsque nous l'avons rencontré au siège de la BERD, M. Suma Chakrabarti nous a fait part de son intérêt pour la coopération avec la commission de suivi de l'Assemblée.
73. La relation entre la BEI et la BERD revêt un caractère unique, dans la mesure où la première est actionnaire de la seconde alors que l'inverse n'est pas vrai. Les deux banques partagent des intérêts dans plusieurs des pays d'opérations de la BERD et cofinancent fréquemment des projets. En 2011, la BERD, la Commission européenne et la BEI ont en outre révisé un protocole d'accord existant afin de soutenir la réalisation des objectifs de l'Union européenne en matière de politique extérieure dans les pays où les deux banques mènent des opérations.
74. L'Union européenne est, elle aussi, actionnaire de la BERD au même titre que chacun des Etats membres de l'Union européenne. En outre, certains Etats membres (comme la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie), ainsi que certains candidats ou candidats potentiels à l'adhésion à l'Union européenne (comme l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», le Monténégro et la Serbie) sont aussi des pays bénéficiaires des investissements de la BERD. Des partenaires européens – tels que la Commission européenne, la BEI et certains Etats membres de l'Union européenne – figurent également parmi les plus gros donateurs en ce qui concerne des activités essentielles de la BERD, notamment au niveau de la coopération technique avec les clients de la Banque et du dialogue politique avec le gouvernement des pays bénéficiaires. A travers toutes ces activités, la Banque ne cesse d'élever les normes de gouvernance d'entreprise et de transparence, ainsi que de promouvoir le renforcement d'institutions susceptibles de soutenir les réformes axées sur les lois du marché dans des secteurs de transition clés de l'économie. Parmi les nouvelles activités déployées par la BERD, il convient de signaler l'établissement en 2013 d'une Equipe de coordination de la politique extérieure et l'ouverture d'un bureau à Bruxelles, dans le but de renforcer encore davantage la collaboration avec les institutions européennes et d'autres partenaires extérieurs clés.

8. Conclusions

75. Avant la crise financière récente de 2007-2008, on estimait que la transition vers une économie de marché avait en grande partie réussi dans une partie substantielle de la région d'opérations de la BERD. La grave récession qui a suivi a compromis le processus de convergence et remis en cause les résultats obtenus au cours des années précédentes. La diminution des capitaux étrangers disponibles et le resserrement consécutif du crédit se sont traduits par une baisse des investissements et de la consommation, laquelle à son tour a eu des répercussions négatives sur la croissance économique. La crise et les efforts incessants en faveur d'un ajustement fiscal dans les pays de l'Union européenne ont également tempéré l'enthousiasme du public pour la liberté du marché. Dans ce contexte, il serait judicieux de reconsidérer l'ampleur de l'ajustement fiscal dans les pays concernés. De plus, l'absence d'une véritable volonté politique de mettre en œuvre les réformes structurelles requises, dont le rythme s'était déjà ralenti dès 2005, est patente. En outre, depuis le début des années 2000, plusieurs des pays de la région de transition ont été le témoin d'un plafonnement du progrès démocratique.
76. L'évolution observée récemment dans certains pays de la région de la SEMED est cependant encourageante. En Jordanie et au Maroc, le rôle des parlements élus a été renforcé. Après une période d'incertitude, la Tunisie a fini par adopter en 2014 une nouvelle Constitution qui peut être perçue comme une étape importante dans la transition de ce pays vers la démocratie. L'Egypte reste confrontée aux défis inhérents à la transition politique et conserve son statut de bénéficiaire potentiel. Bien que la période analysée ait été dominée par une incertitude politique, la BERD a réalisé des progrès notables dans la conduite de ses opérations dans la région. En novembre 2013, la Tunisie, la Jordanie et le Maroc se sont vu accorder le statut de pays bénéficiaire. La Banque a également ouvert des bureaux de liaison à Tunis, au Caire, à Casablanca et à Amman pour maintenir un contact avec les autorités et les milieux d'affaires des pays concernés. Elle a investi 449 millions d'euros dans le cadre de 21 opérations menées dans la région en 2013 et compte porter le volume de ses investissements à 2,5 milliards d'euros d'ici 2015. Dans la mesure où les problèmes sociaux affectant la nouvelle région de transition découlent du fort taux de chômage parmi les jeunes et de la faible participation des femmes au marché du travail dans ce domaine, il convient de saluer la révision des critères de sélection des projets appliqués par la Banque de manière à englober l'inclusion sociale et l'égalité des chances.
77. Les événements intervenus en Ukraine au deuxième semestre 2013 et au premier semestre 2014 constituent autant d'occasions importantes d'accélérer la transition. La BERD est en mesure de jouer un rôle déterminant dans ce processus en fournissant un certain leadership et un soutien extérieur. A cet égard, son intention avouée consiste à soutenir l'Ukraine en accroissant son engagement financier dans ce pays et en renforçant son dialogue politique avec les autorités et elle devrait être soutenue et encouragée dans cette entreprise. Ces nouveaux efforts en faveur d'un renforcement dudit dialogue ont déjà abouti à la signature, d'un protocole d'entente avec le gouvernement pour l'Initiative anticorruption ukrainienne.
78. La BERD n'ignore pas que la nécessité de ses opérations ne fera que se confirmer pendant la période d'après crise. Au cours de l'assemblée générale annuelle de 2014, ses actionnaires ont débattu des nouvelles lignes directrices à moyen terme censées guider les activités de la Banque pour les années à venir. Ces lignes reposent sur une approche à trois volets visant à redonner un élan à la transition dans la région d'opérations de la BERD, à réviser les limites de la compétence géographique de la Banque et à moderniser son processus de planification. Les lignes directrices à moyen terme constituent un point de départ pour la discussion de la Bank's Fifth Capital Resources Review (CRR5) [Cinquième évaluation des ressources en capital de la Banque] censée couvrir la période allant de 2016 à 2020 et qui sera soumis pour approbation au cours de l'assemblée générale annuelle de 2015 qui se tiendra à Tbilissi.
79. Afin d'essayer de renforcer sa capacité à réagir aux priorités et aux contraintes imposées par l'environnement dans laquelle elle opère, la BERD a l'intention d'introduire un Plan de mise en œuvre stratégique (Strategic Implementation Plan ou SIP) qui devrait assouplir le processus de planification et lui conférer un caractère moins contraignant en s'appuyant sur l'Evaluation des ressources en capital et le Plan d'activités annuel. Enfin, la Cinquième évaluation des ressources en capital de la Banque devrait proposer une révision de la composition du Conseil d'administration dans le but d'accroître le poids des pays d'opérations. Les orientations stratégiques reposent également sur un consensus concernant la graduation prévisible des opérations de la Banque des sept pays bénéficiaires ayant adhéré à l'Union européenne en 2004. De plus, elles prévoient généralement le renforcement des opérations dans les parties orientale et méridionale de la région, parallèlement à l'évolution récente de la situation géopolitique.
80. La BERD vise à insuffler une nouvelle énergie à la transition en concentrant ses efforts sur trois thèmes essentiels: i) soutenir l'activité des gouvernements visant à accélérer la transition grâce à un dialogue politique; ii) promouvoir l'intégration économique à la fois au niveau mondial et régional; et iii) relever les défis communs à tous les pays de la planète, qu'il s'agisse du changement climatique, de la sécurité énergétique et alimentaire ou de la raréfaction de l'eau. Il convient d'appuyer les efforts en vue du renforcement de la politique de dialogue, dans la mesure où ils revêtent une importance cruciale pour repenser les capacités institutionnelles. De ce point de vue, la Banque a obtenu un succès remarquable en signant avec les autorités kazakhes un Partenariat pour la relance du processus de réforme au Kazakhstan (Partnership for Re-energising the Reform Process in Kazakhstan) et il conviendra de suivre de près les résultats concrets de cette initiative. En cas de succès, elle pourrait constituer un modèle de redynamisation de la transition dans d'autres pays à revenu moyen. Concrètement, la Banque pourrait promouvoir l'intégration économique régionale en attirant de nouveaux investisseurs internationaux dans la région et en finançant des projets censés renforcer les infrastructures transfrontières. A cet égard, la BERD œuvre également à la création d'un Fonds spécial de post-graduation auquel les pays pourront accéder après avoir été gradués en vue d'obtenir un financement pour des projets d'investissement transfrontières. Une telle initiative mérite d'être saluée, dans la mesure où elle pourrait renforcer l'intégration régionale et l'appétence pour la graduation.
81. Dans l'intervalle, la Banque a déjà modifié de manière pertinente sa structure interne dans le contexte de la modernisation de l'agenda lancée par le président Chakrabarti. L'initiative, baptisée One Bank, vise à répondre à la nécessité d'une simplification des procédures internes et d'une modernisation de la culture de gestion de la BERD. Elle s'est traduite par la création, en 2012, de deux nouvelles vice-présidences chargées respectivement d'élaborer une politique et de gérer les ressources humaines et les services généraux. L'établissement de la vice-présidence chargée de l'élaboration d'une politique devrait être perçu comme un effort visant à renforcer le lien entre les investissements de la Banque et les réformes économiques qu'il conviendrait d'adopter dans des secteurs plus larges et au niveau des pays. Pendant ce temps, l'expansion de la Banque se poursuit. Au cours de l'assemblée générale annuelle de 2014, ses actionnaires ont accordé le statut de pays bénéficiaire à Chypre, afin d'aider ce pays à rétablir son économie. De plus, la demande de la Libye visant à devenir le 67e actionnaire de la Banque a été favorablement accueillie. Toute future décision d'accorder le statut de pays bénéficiaire à ce pays devrait être prise séparément, à l'issue d'un examen minutieux par la Banque de son environnement politique, économique et opérationnel, en vertu de l'article 1 de l'Accord portant création de la Banque.