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Résolution 2011 (2014) Version finale
Faire barrage aux manifestations de néonazisme et d'extrémisme de droite
1. L'Assemblée parlementaire condamne
sans équivoque les manifestations toujours plus nombreuses de néonazisme
et d’extrémisme de droite, et la montée des partis et mouvements
néonazis en Europe, dont certains ont fait leur entrée au parlement
au niveau national ou européen. Il ne s'agit pas d'un phénomène
isolé propre à quelques Etats membres du Conseil de l'Europe, mais
d'un problème aux dimensions paneuropéennes. Il est souvent latent
dans la société en attendant que les conditions propices à son émergence
soient réunies. C'est pourquoi seul le partage d'expériences et
de bonnes pratiques entre les Etats membres permet de le combattre
efficacement.
2. Si la déception de la société face à la situation économique
difficile et la frustration liée à l'incapacité des gouvernements
à mettre en œuvre des politiques migratoires globales peuvent, dans
certains cas, expliquer en partie la popularité croissante des partis
néonazis symbolisant un «vote de protestation», cette situation
ne fait que renforcer la responsabilité des représentants gouvernementaux
et des responsables politiques démocratiques, qui devraient faire
face et s'unir pour défendre les valeurs démocratiques. Il ne faut
pas ignorer les néonazis ni en faire des martyrs.
3. En dépit de l'utilisation persistante de symboles et structures
du passé, tels que des logos de parti rappelant les croix gammées,
les stratégies mises en œuvre par les militants néonazis dans la
sphère publique sont de plus en plus sophistiquées, et donc plus
difficiles à identifier et à combattre. Le recours sans cesse croissant
à internet comme principale plateforme de propagande et de coordination
des extrémistes rend toute surveillance ou action de lutte encore
plus délicate.
4. L'Assemblée note que la plupart des jeunes qui adhèrent à
des groupes d’extrême droite le font au début de l'adolescence ou
même avant. Les partis néonazis ont également tendance à développer
des programmes et des structures visant spécifiquement les enfants
n'ayant pas encore l'âge de voter, dans les écoles ou les camps
de vacances.
5. L'Assemblée est de ce fait d'avis que la lutte contre le néonazisme
doit être axée sur la prévention, au travers de l'éducation et de
la sensibilisation, et sur une réaction précoce sur le terrain à
toutes les manifestations, violentes ou non, de néonazisme, qu'elles
soient le fait de groupes organisés ou d'individus radicalisés.
L'identification des signes avant-coureurs devrait permettre de
mener des actions opportunes pour éviter la radicalisation et stopper
sur-le-champ les activités néonazies, avant que le problème devienne incontrôlable.
6. L'expérience a montré que, pour être efficace, une action
opportune devrait être coordonnée par l'ensemble de la communauté
et accompagnée d’un message politique clair, délivré au plus haut
niveau, selon lequel toute manifestation néonazie, y compris les
crimes et discours de haine, ne saurait être tolérée dans un pays
démocratique régi par l'Etat de droit. Des mesures d'aide aux victimes
et d'assistance aux personnes désireuses de quitter les mouvements
extrémistes sont également indispensables pour faire barrage au néonazisme.
7. A la lumière de ces considérations, et en référence à des
exemples concrets d'expériences et de bonnes pratiques, l'Assemblée
appelle les Etats membres:
7.1. à
concevoir des stratégies transsectorielles pour prévenir et combattre
l'idéologie néonazie, y compris des stratégies sociales, économiques
et culturelles, afin de réduire les terrains fertiles pour cette idéologie;
7.2. à développer des plans d'action nationaux et à désigner
des coordinateurs nationaux chargés de la lutte contre l'extrémisme
de droite, afin d'établir un cadre pour la coordination entre les
institutions publiques à tous les niveaux et les initiatives de
la société civile;
7.3. à promouvoir et à soutenir, grâce à un financement public
régulier, des initiatives et projets spécifiques de la société civile
destinés à prévenir ou combattre le néonazisme, ou les autres formes
de racisme, de haine et d'antisémitisme, dans la sphère locale et
la vie de tous les jours, y compris en ligne;
7.4. à renforcer la recherche, en particulier pédagogique,
ainsi que la coopération internationale et les échanges de bonnes
pratiques dans le domaine de la prévention et de la lutte contre
le néonazisme;
7.5. à continuer de soutenir, y compris par des contributions
volontaires, ou à commencer à mettre en œuvre (selon le cas) la
campagne du Conseil de l'Europe intitulée «Mouvement contre le discours de
haine», à laquelle participent des jeunes de toute l'Europe.
8. Plus spécifiquement, l'Assemblée demande aux Etats membres:
8.1. s'agissant de la prévention:
8.1.1. d'encourager et de soutenir,
grâce à des financements publics, des actions opportunes conjointes
et bien coordonnées contre la radicalisation, menées par la communauté
dans son ensemble, notamment la police locale et les divers acteurs
de la société tels que les écoles, les services de garde d'enfants,
les groupes de parents, les maires et les services municipaux pertinents,
les Eglises, les syndicats et les organisations professionnelles,
ainsi que les groupes de la société civile, dont les associations
bénévoles, les groupes d'aide aux victimes, les conseils de réfugiés
et les représentants de la jeunesse;
8.1.2. de former spécialement les agents des forces de l'ordre
aux actions de prévention et de proposer et de soutenir les mesures
policières préventives (par exemple les «entretiens de responsabilisation»)
destinées plus spécialement aux adolescents qui montrent des signes
de radicalisation et à leur famille;
8.1.3. d'assurer la poursuite du développement de stratégies
et de technologies afin de réduire l'influence des médias sociaux
dans le recrutement et la promotion du néonazisme;
8.1.4. de veiller au partage de toutes les données ou analyses
pertinentes fournies et notamment des signes avant-coureurs détectés
par les acteurs locaux et la société civile avec les institutions
publiques et les forces de l'ordre engagées dans la prévention ou
la lutte contre le néonazisme, et à leur prise en considération
prompte et adéquate au niveau politique;
8.2. s'agissant de l'éducation:
8.2.1. de renforcer l'éducation à la citoyenneté démocratique
et les mesures de sensibilisation aux droits de l'homme dans les
écoles, dès l'enseignement primaire, afin de permettre aux enfants
de soutenir au plus tôt les valeurs démocratiques; cette démarche
devrait également inclure une éducation contre le discours de haine
et notamment ses expressions « en ligne »;
8.2.2. de renforcer l'enseignement de l'histoire du XXe siècle,
en particulier celui de la période entourant la seconde guerre mondiale;
8.2.3. de former les enseignants à la citoyenneté démocratique
et aux droits de l'homme, et d'aider les parents à soutenir activement
leurs enfants;
8.2.4. d'appuyer les projets éducatifs et les méthodes pédagogiques
visant à s'attaquer aux idéologies antidémocratiques telles que
le néonazisme et l'antisémitisme, un phénomène allant bien au-delà
des groupes néonazis;
8.3. s'agissant de l'application de la loi:
8.3.1. de fournir et mettre en œuvre
efficacement un cadre juridique complet sur les crimes et les discours
de haine, conformément aux recommandations spécifiques faites par
l'Assemblée dans sa Résolution 1967 (2014) sur une stratégie pour
la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe, et à celles
formulées par d'autres organes du Conseil de l'Europe, en particulier
la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI)
et le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe;
8.3.2. d'engager, rapidement et efficacement, la responsabilité
pénale des dirigeants et membres des partis, y compris des parlementaires,
qui prononcent des discours de haine ou commettent des crimes de
haine ou toute autre infraction pénale;
8.3.3. d'assurer la formation des juges, procureurs et agents
des forces de l'ordre aux crimes et discours de haine pour qu'ils
puissent également identifier les crimes à connotation néonazie;
8.3.4. d'assurer une coopération et une coordination efficaces,
fondées sur un échange régulier d'informations, entre les divers
organes en charge de l'application de la loi;
8.3.5. de trouver un juste équilibre entre la nécessité de protéger,
d’un côté, la liberté d'expression et le droit à la vie privée des
membres de groupes d'extrême droite et, de l’autre, les droits fondamentaux
des groupes démocratiques qui souhaitent réagir et empêcher ou bloquer
des manifestations organisées par des extrémistes de droite;
8.3.6. de mettre en œuvre des procédures accélérées d'enquête,
de poursuite et de jugement des affaires portant sur des actes de
violence néonazie commis par des adolescents, en coopération avec
les familles des auteurs et les réseaux de la société civile, en
mettant l’accent sur des mesures efficaces d’aide pour quitter ces
mouvements extrémistes, de manière à renforcer l'effet dissuasif
sur les autres adolescents;
8.3.7. de concevoir des stratégies pour les services de police
et de renseignement, y compris des activités policières en ligne,
afin de faire face aux défis particuliers lancés par les discours de
haine néonazis en ligne;
8.4. s'agissant du soutien aux victimes et de la protection
des témoins:
8.4.1. d'encourager les
victimes et les témoins du néonazisme à s'exprimer conformément
aux recommandations spécifiques formulées par l'Assemblée dans sa
Résolution 1967 (2014);
8.4.2. de renforcer les mesures d'aide aux victimes, de promouvoir
les groupes de soutien aux victimes et d'assurer un financement
public régulier à cet effet;
8.4.3. de fournir une protection spécifique aux immigrants illégaux
qui ont été victimes de crimes de haine, jusqu'à ce qu'une décision
judiciaire finale soit rendue;
8.5. s'agissant du soutien aux personnes souhaitant quitter
les mouvements extrémistes:
8.5.1. de
concevoir des stratégies et des programmes pour aider et soutenir
ceux qui souhaitent quitter les mouvements néonazis, ainsi que leur
famille, en proposant notamment une autre perspective de la vie,
un emploi ou une formation professionnelle;
8.5.2. de recourir à d'ex-militants de la sphère néonazie dotés
des qualités personnelles et de la motivation requises pour amener
d'autres à quitter ces mouvements;
8.5.3. de promouvoir et de soutenir, notamment grâce à un financement
public régulier, les projets « sortie » de la société civile.
9. L'Assemblée invite instamment:
9.1. les responsables politiques, tant au plan national qu'européen,
à débattre avec les mouvements néonazis et à les démasquer publiquement
en remettant en cause, en rejetant et en condamnant clairement et
sans équivoque l'idéologie et la rhétorique néonazies;
9.2. les partis démocratiques à s'unir autour d'un «consensus
démocratique» et à faire barrage, en bloc, aux partis néonazis au
sein et hors des parlements nationaux;
9.3. les parlements nationaux:
9.3.1. à s'assurer qu'aucun financement public n’est octroyé
à des partis prônant des discours de haine et des crimes de haine;
9.3.2. à adopter des codes de conduite incluant des garanties
contre les discours et crimes de haine, sur quelque motif que ce
soit.
10. L'Assemblée invite ses membres à rejoindre et soutenir les
activités:
10.1. de l'Alliance parlementaire
contre la haine et de tous les groupes de parlementaires qui travaillent pour
le même objectif;
10.2. des comités nationaux créés dans le cadre du « Mouvement
contre le discours de haine » du Conseil de l'Europe.
11. Désireuse de renforcer la sensibilisation du public contre
les crimes de haine en Europe et de témoigner de la solidarité envers
les victimes et les personnes endeuillées, l’Assemblée soutient
pleinement l’initiative de la campagne de jeunesse pour que le 22
juillet devienne la « Journée européenne des victimes de crimes
de haine », en commémoration des attentats terroristes d’Oslo et
de l’île d’Utøya (Norvège).